D’autres écriront peut-être la défense apologétique attendue, certains feindront l’impassibilité. L’un ou l’autre y trouvera un complot. Chacune de ces attitudes aura peut-être sa popularité parmi les fidèles, pour détourner le regard. Pour ma part, je ne peux pas me satisfaire d’invoquer le passé, de solliciter les Borgia, d’avancer en somme que l’Église ne serait pas pire aujourd’hui qu’hier – comme si elle ne pouvait être meilleure. Je refuse les « tout le monde savait » d’initiés parfois satisfaits et toujours impuissants. Je ne veux pas écrire le plaidoyer qui réconforterait et conforterait le chrétien dans la conviction que ça n’est rien, juste le monde qui s’en prend à l’Église – cette Église que l’on aime à présenter comme « signe de contradiction », persécutée, et précisément justifiée par la persécution même – pour continuer comme avant, inébranlable, intouché.
Non, ça n’est pas rien et nous étouffons des larmes de rage et d’impuissance. Les révélations renouvelées sur l’inconduite de ceux que l’on dit, à l’autel, alter christus, ceux qui devraient être des guides spirituels, nous bouleversent et nous humilient. Je peux me permettre ce nous car fidèles, religieux, journalistes, prêtres et même évêques : plusieurs m’ont dit leur douleur. Tant d’efforts réduits à néant, tant de vies données toutes entières, et souillées, tant de fidélité trompée ! Et cette Parole qui ne portera plus…
Sans être dupe du calendrier ni très convaincu par la fécondité de la démarche[1], le fait est qu’apprendre un jour que le nonce apostolique en France serait coutumier de gestes déplacés est insupportable; qu’entendre, la veille, avec la sortie de Sodoma de Frédéric Martel, que le gouvernement de l’Église, ses décisions y compris en matière de pédophilie et jusqu’à son enseignement seraient otages des mœurs dévoyées de quelques-uns jusqu’à la droite des papes, tandis que nous affrontons encore intimement les affaires de pédophilie, nous atteint personnellement.
La question n’est pas celle de la surreprésentation de l’homosexualité dans le clergé[2]. Qu’un religieux soit homosexuel, s’il est chaste, n’est pas un sujet – quand bien même cela fait ricaner sur les plateaux. Mais le fer est méthodiquement porté dans la plaie, et le combat est bien là : l’exigence morale de l’Église n’est-elle que le produit des frustrations et des névroses de ceux qui la portent et qui l’édictent ? Au risque assumé d’être abrupt : combien de textes sur l’homosexualité écrits par tel ou tel autre Tony Anatrella ? C’est le cœur de la thèse de l’auteur, celle qui tend à décrédibiliser pour le passé et pour l’avenir tout enseignement de l’Église, à tout le moins dans sa dimension sexuelle.
Assurément, certains des plus intransigeants devraient être portés, par expérience personnelle, à plus de miséricorde envers les faiblesses humaines. Les meilleurs pasteurs savent conjuguer l’exigence pour eux-mêmes et la miséricorde pour les autres, et ils édifient plus par leur exemple que ne le font ces intransigeants par leurs discours. Ceux-là ne prospèrent parfois que par l’emprise qu’ils exercent mais la rigidité dont il témoigne éloigne durablement de l’Évangile des hommes et des femmes qui voudraient l’entendre. C’est un fait, sur lequel je n’ai ni le besoin ni le goût de mettre des noms. Ils sont plus nombreux qu’on ne l’imagine, moins que Martel ne le croie.
L’auteur avance parfois que son livre aurait obligé jusqu’à un vaticaniste réputé à « revoir tout son rapport au catholicisme ». A voir. Tout n’est-il pas dans l’Évangile ?
Qui ignore la parole de Jésus : « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter une pierre » ? Certes, cette parole a eu des jours difficiles. On jurerait que certains de ceux qui « s’en [étaient allés] un par un, en commençant par les plus âgés » sont revenus sur leurs pas, la jugeant finalement bien relativiste. Mais elle est là, incontournable.
Qui a oublié la colère de Jésus contre les scribes et pharisiens hypocrites qui « disent mais ne font pas » : « Ils attachent de pesants fardeaux, difficiles à porter, et ils en chargent les épaules des gens ; mais eux-mêmes ne veulent pas les remuer du doigt » ? Relisez donc tout le texte. Tout y est, à 2.000 ans d’écart. Tout peut être transposé, depuis les attitudes extérieures jusqu’aux erreurs spirituelles. Il n’y a plus de phylactères dans les vêtements liturgiques, mais il y a des « franges » à rallonger, il y a des « places d’honneur dans les dîners » et des « salutations sur les places publiques. » Et, à l’évidence, certains « filtrent le moucheron mais avalent le chameau. » « Malheureux êtes-vous, scribes et pharisiens hypocrites ! » : l’interpellation revient six fois, et Jésus leur reproche avec force de fermer la porte du Ciel à ceux qui veulent y entrer.
Alors, s’il y a de la douleur, il n’y a pas de surprise. Ni de résignation.
La première lecture de ce dernier dimanche, ouverture providentielle pour cette semaine que l’on annonce éprouvante pour l’Église, résonnait fortement : « Maudit soit l’homme qui met sa foi dans un mortel. Béni soit l’homme qui met sa foi dans le Seigneur » (Jr 17, 5-8). Car même s’il a notre affection, ce n’est pas dans le clergé que nous ne plaçons notre foi. Et la Providence, que l’on aura prévenue de notre accablement, n’est pas avare de signes, ces jours-ci. Ainsi avons-nous appris mardi dernier que le Bienheureux cardinal John Henry Newman serait bientôt canonisé. John Henry Newman, le penseur de la conscience; celui qui a mis au jour, selon l’expression de Josef Ratzinger, « la voie de la conscience » vers Dieu et qui finit ainsi une adresse au Premier Ministre britannique de son époque : « Si je dois porter un toast à la religion — je lèverai mon verre à la conscience d’abord et au Pape ensuite. » Une part du clergé, même éminente, peut bien fauter, c’est ma conscience, libre, éclairée – par le magistère, par la prière et la réflexion, par les échanges – qui me fait reconnaître l’Évangile comme vérité. Sans compter tous les saints silencieux, à ras de paroisse et jusqu’au Vatican.
Malheureusement, si le croyant sait sur quoi s’appuyer, il n’en est pas de même du reste du « monde« . Le livre fera plus de dégâts que de lecteurs. Mais contre ceci, nous ne pouvons pas grand-chose. Nous pouvons espérer et garder la flamme.
Photo : Cherry LaithangC’est tout ce qu’il nous est possible de sauver en cette époque et c’est aussi la seule chose qui compte : un peu de toi en nous, mon Dieu.
Etty Hillesum
- Il faudrait avoir une foi bien naïve dans les coïncidences pour penser que le calendrier de ces révélations est étranger à la promotion du livre, dont la programmation est elle-même évidemment liée à l’ouverture du sommet mondial sur les crimes pédophiles au Vatican. L’instrumentalisation des faits reprochés à Mgr Ventura est outrancière. Étrangement d’ailleurs, que les coups viennent des marges conservatrices ou progressistes, de Mgr Vigano ou de Frédéric Martel, ces révélations interviennent à chaque initiative du Vatican dans la lutte contre la pédophilie. Et cela laisse perplexe : la lutte contre la pédophilie ne mérite-t-elle pas de concentrer toute l’attention ? Faut-il prendre le risque de torpiller un sommet de cette importance, d’alimenter l’amalgame entre homosexualité et pédophilie ? Sodoma a-t-il vraiment plus de chance de susciter une remise en cause salutaire que de provoquer « chasse aux sorcières », soupçon et outings sauvages – auquel ne résiste d’ailleurs manifestement pas le livre ? Dans l’état des forces en présence dans l’Église, il est permis d’en douter. [↩]
- Si je ne me retenais pas, je poserais bien la question aux plus remontés sur ce sujet : êtes-vous certain de n’avoir aucune responsabilité en la matière ? Dans une famille très pratiquante, un jeune homme qui se découvre homosexuel n’a-t-il pas parfois que le choix entre l’horreur et l’honneur, la relégation ou la vénération ? [↩]
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Comme il est difficile de persévérer !
Merci.
Je suis bien d’accord avec vous. Il faut garder l’œil bien rivé sur l’essentiel, savoir en quoi nous croyons, savoir que si bien sûr nous avons envie d’une forme de sentiment filial pour les prêtres, évêques, pour le pape, sans le rejeter par principe, ce n’est évidemment pas là que nous plaçons notre foi.
Je me remémorais d’ailleurs – et je l’ai retiré du billet pour qu’il ne soit pas trop long – comme Benoît XVI insistait pour avoir des moments d’adoration lors des grandes célébrations, de façon à ce que notre attention soit portée vers Dieu et non vers sa personne; et comme François a demandé explicitement à ce que la foule ne scande pas son nom mais celui de Jésus. C’est un peu illusoire parce que notre nature humaine veut avoir des figures terrestres auxquelles nous rattacher, mais ce n’est pas un rappel vain.
Bravo et merci pour ce très bon article
Ce sont les deux notes de bas de pages qui me marquent le plus dans cet article. Ce sont des points qu’il faudrait développer…
Par contre je ne suis pas sur d’être d’accord avec une phrase « se découvre homosexuel » : On n’est pas hétérosexuel ou homosexuel. On ne se réveil pas un matin en ayant une sexualité… On découvre des désirs. On peut avoir une attirance pour une personne du même sexe : cette attirance ne nous défini pas.
C’est aussi quelque chose qui évolue au court d’une vie. Je crois qu’on se fait beaucoup de mal quand on essaye de s’enfermer dans une représentation de soi basée sur ses désirs. Quelqu’ils soient.
Par contre je suis entièrement d’accord avec vous sur le reste de la 2eme note de bas de page.
Je les ai mis en bas de page parce que ce sont des considérations qui ne sont pas inutiles mais qui ne nous permettent pas d’aller au coeur du problème.
Sur la question de l’homosexualité, je me garderais d’avoir un discours précis à cet égard. D’une part, parce que je ne suis pas spécialiste et, d’autre part, parce qu’il y a des situations très diverses. Tous les homosexuels n’ont pas vécu un parcours identique.
Mais après, c’est un peu un débat sémantique. La jeune femme qui disait dernièrement qu’elle ne s’était jamais posé la question et qu’à l’université, cela a fini par lui apparaître clairement, ne s’est-elle pas découverte homosexuelle ? Le prêtre qui témoigne dans le livre de F. Martel et qui explique qu’il a longtemps confondu sa vocation et son homosexualité, en ce sens que ce qui le distinguait des autres garçons (son absence d’intérêt pour les filles, et ses goûts différents en matière d’occupations) n’était pas nécessairement dû à la première, ne se découvre-t-il pas homosexuel ?
Je suis d’accord aussi pour dire que notre sexualité, nos attirances, ne nous définissent pas. Mais que c’est d’autant plus le cas quand elles correspondent à la « norme sociale ». Quand elles sont le lieu d’un combat, elles forgent davantage votre personnalité.
C’est effectivement un débat sémantique. Mais je pense qu’il est important. Cela a été une vrai libération pour moi d’arrêter de me considérer comme « hétérosexuel » (déjà parce que cela donne un autre sens à toutes les fois ou ce n’est pas aussi clair^^).
C’est effectivement très important de savoir faire le tri dans son discernement.
Je pense juste cela aide d’être précis dans les mots qu’on emploi. Je ne suis pas condamné a mal vivre mon désir envers les femmes parce que je suis attiré par elles et que je n’en fais « rien ». De la même façon le frère qui est attiré par un homme ne sera pas incomplet s’il ne se donne pas à un homme.
Il va falloir a un moment qu’on affronte, en Eglise, la question du célibat non choisi et de leur accueil dans nos paroisses. Qu’on soit « homosexuel » ou non : quand on est vieux célibataire dans une paroisse on est souvent seul et regardé de travers. Je comprend tout à fait que certains aient préférés devenir prêtre.
Un grand merci pour avoir écrit ça. Il faut tenir la place. La foi est à l’épreuve mais l’épreuve n’efface pas son origine. Quand Jésus engueule Pierre sur la barque prise dans la tempête, c’est du même ordre…il faut tenir la place. Merci encore.
Bonne référence aussi, que cet évangile de la tempête apaisée. Oui, de fait, dans les Evangiles et dans ma foi, je trouve la cohérence nécessaire. Même si tout cela n’en reste pas moins douloureux.
Seule certitude la parole de Jésus « je serai avec vous jusqu’à la fin des temps »
Il est avec nous et souffre avec nous …..
« Et cette Parole qui ne portera. plus » : essayez un peu de parler de la Foi à des personnes de votre entourage qui sont baptisé mais qui connaissent mal l’Évangile et écoutez leurs réactions…
Je doute que le test soit concluant. Je le fais à l’occasion, et entend des réponses diverses.
Merci Erwan pour ton analyse juste. Encore et toujours, nous devons nous efforcer d’etre d’humbles mais confiants veilleurs dans la tempête.
« Au risque assumé d’être abrupt : combien de textes sur l’homosexualité écrits par tel ou tel autre Tony Anatrella ? »
Dieu merci, la Bible n’a pas été écrite par Tony Anatrella, et sa condamnation des actes homosexuels est évidente.
Ajoutons à cela que ce n’est certainement pas les quelques prélats de ces dernières décennies qui ont défini l’enseignement de l’Eglise sur ce sujet. Au mieux, ils n’ont fait que le rappeler (mais plus souvent, ils l’ont édulcoré). Il ne faut donc pas tout confondre, au risque de ne plus rien comprendre.
Je serai curieux de savoir qui, justement, a défini l’enseignement de l’Eglise sur ce sujet.
Dans la mesure où la question de l’homosexualité, posée dans les termes actuels, c’est-à-dire concernant une orientation sexuelle et la possibilité pour deux personnes de même sexe de vivre en couple , est très récente, je suis toujours surpris quand on m’explique que l’enseignement de l’Eglise date de deux millénaires et qu’il n’aurait pas bougé d’un iota là-dessus, qu’il suffirait de plaquer deux phrases de Saint Paul sur le vécu des personnes concernées pour répondre à leurs interrogations et évacuer les questions qui dérangent.
Je me demande toujours si les personnes qui affirment cela sont vraiment intellectuellement honnêtes et je serai ravi qu’on m’explique en quoi le catéchisme actuel tient vraiment compte des apports des sciences humaines, du vécu des personnes et d’un véritable souci d’offrir un chemin de vie possible aux personnes concernées par l’homosexualité.
De mémoire, le Christ ne dit pas un mot sur le sujet. Cela n’écarte évidemment pas tout, mais il serait tout de même bon de se souvenir non seulement de cela mais du fait que la miséricorde a toujours été première dans son attitude – spécialement lorsqu’on lui présentait des personnes à la situation de vie contestée.
Les paroles de miséricordes du Christ sont inévitablement accompagnées d’une invitation à ne plus pécher… Il faut tenir les deux bouts de la corde, comme toujours. Le péché nous tue et il n’y aurait aucun amour à ne pas nous aider dans la lutte contre cette mort intérieure.
J’en suis à me demander quel peut bien être l’objectif de Satan en coordonnant ces assauts de toute part ?
Faire échouer le sommet sur les abus ? Abattre François ?
Peut-être tout simplement casser la confiance (fides en latin, le même mot que pour foi) en l’Église de ce qui reste de fidèles catholiques en nos pays déchristianisés. Ne lui laissons pas la victoire, tenons bon.
NB. J’ai 70 ans, deux de mes cousins (je viens d’une famille très nombreuse) étaient homosexuels, l’un d’entre eux est mort du sida. Nous le savions, ils savaient que nous le savions, s’arrangeaient pour être discrets et ne pas choquer la génération d’avant. Ils n’ont jamais été rejetés.
@Aristote, dès les premiers commentaires que j’ai laissés sur le blog de Koz j’ai eu un commentaire d’une personne qui ne fait plus de commentaires sur le blog de Koz. Il me disait gentiment: » je te perçois comme un catho mou, tiède, élastique, qui prend la forme des autres ». J’ai pensé qu’il avait raison et qu’il me connaissait mieux que je ne me connais. Ecrire c’est se se décrire. Les autres parfois peuvent avoir une image juste de nous. Cette introduction pour affirmer que je n’ai de leçon de catholicisme à donner à personne. Je crois aujourd’hui que croire en Dieu c’est croire au diable; celui qui divise, sépare, détruit. Et s’il y a une part de Dieu en nous il y a aussi parfois une part du Diable en nous. Quand je lis certains commentaires sur le Salon Beige, sur les blogs du journal La Croix, sur le blog de Maxime Tandonnet, ex-conseiller de Nicolas Sarkozy, je m’aperçois qu’au sein même de l’Eglise il y a des personnes qui en veulent au pape François et qui souhaitent sa chute. Je vais maintenant me risquer à une confession publique. J’ai découvert la pédophilie à l’âge de 10 ans en rentrant interne dans le Lycée où Alain Juppé était externe. J’ai été protégé des comportements déviants du surveillant général d’internat par un élève de terminale qui m’a mis en garde et m’a aidé à me tenir à distance de cet homme bon, bienveillant, plein d’attentions pour les enfants que nous étions. Le Diable est si charmant souvent! Puis en 1996 la mère de nos enfants un soir m’a annoncé qu’elle me quittait. Elle m’a laissé nos trois jeunes enfants en bas âge. Elle vit depuis lors avec une jeune femme. Mon univers mental s’est effondré. J’ai été malade deux ans et demi mais sans arrêt maladie. J’étais instit dans un petit village. Tout le monde savait ce qui nous arrivait. Personne n’a été désagréable avec nous, bien au contraire. A gauche comme à droite, croyants ou incroyants, ont eu un comportement « globalement positif » à notre égard. Le temps a passé. Les enfants sont grands. Ils vont bien. Le temps de la vieillesse qui vient pour moi adoucit les peines passées pour n’en conserver que les joies. Mais mon regard sur l’homosexualité reste au fond de moi mitigé. Souvent les homosexuels nous demandent de les comprendre, de les accepter, de ne pas les juger. Mais eux nous comprennent-ils? nous acceptent-ils? comment nous jugent-ils?
Malheureusement, s’il est évident qu’il y a une coordination de certaines attaques, j’ai tendance à penser que nous avons notre part, avant d’incriminer Satan. Il y a des mécanismes bien humains dans tout cela et, sans adopter les thèses de Frédéric Martel – outrancières à bien des égards – celle consistant à penser que le silence de certains s’expliquent par leurs propres errements, qui les plaçaient dans la dépendance d’abuseurs, ne me paraît pas aberrante. Il n’y aurait pas de campagne de dénonciation s’il n’y avait rien à dénoncer. Il n’y aurait pas d’instrumentalisation du comportement du nonce si le nonce n’avait pas ce comportement.
Et, plus largement, si je ne ferais pas reposer toute la faute sur l’Eglise, qui s’est trouvée aux prises avec une évolution de la société importante sur la question de la sexualité, nous aurions peut-être moins d’emmerdes si nous nous étions un peu moins spécialisés sur la morale sexuelle, qui n’est pourtant pas première dans les Évangiles.
Bien sur qu’il ya des mécanismes bien humains, il y a toujours des médiations, même pour Satan…
Je vais à la messe tous les dimanches et fêtes d’obligation et au moins une fois en semaine. J’ai fait le calcul, j’ai du entendre 5 000 homélies. J’ai quelques fois dormi. Sur les 5 000, combien sur la morale sexuelle ? 1 à 2 % au grand maximum. Ce n’est pas l’Église qui est obsédée par le sexe, c’est le monde et les media qui représentent le monde. Quand un Pape est élu, les seules questions qu’ils posent tournent autour du célibat des prêtres, de la contraception, de l’homosexualité, etc. La couverture médiatique de l’Église est à 95 % sur des problèmes de sexe, mais faut-il en attribuer la responsabilité à l’Église ? Pas évident.
Eh bien… à force de dépouillement, il ne nous restera que l’essentiel.
Mais combien, trop meurtri, se détourneront définitivement de Celui qui doit être au centre de tout ?
(Notez que pour être réaliste vis à vis de mes propres forces, je ne considère pas comme acquis de ne jamais être de ceux qui se détournent)
On aimerait la fin de la tempête, pour pouvoir entendre la brise légère.
Chère Maman BCBG, comme je vous comprends. Le fait d’écrire est pour moi une forme de thérapie. Je pose mes idées, je mets sur « papier » ce à quoi je tiens et m’accroche. Mais, vendredi dernier, j’étais assez désemparé. Et oui, cela questionne beaucoup notre rapport à l’Église. Mais, comme je le dis en fin de billet, peut-être faut-il espérer que, sous les coups de gourdin, la Providence nous conduise aussi à redécouvrir une juste attitude ?
Une amie me transmet ce commentaire :
Sur beaucoup de points, ce n’est pas être infidèle à l’Eglise et à sa doctrine que de se référer à sa conscience avant le pape. Ce ne peut pas être systématique et, si l’on est toujours en contradiction, il faut se poser des questions mais tout de même, c’est intéressant à redécouvrir.
Pas tout à fait d’accord : on doit toujours obéir à sa conscience. En revanche, il faut se laisser éduquer par l’Église. Thomas d’Aquin : « Toute volonté qui n’obéit pas à la raison, que celle-ci soit droite ou dans l’erreur, est toujours mauvaise. », que l’on peut réexprimer « Une conscience, même erronée, oblige. »
Merci beaucoup pour votre réponse.
Tant d’efforts réduits à néant, tant de vies données toutes entières, et souillées, tant de fidélité trompée ! Et cette Parole qui ne portera plus…
Ce pourrait être l’exclamation d’un homme désespéré contemplant le Christ mort sur la Croix.
Le Christ est ressuscité, il est bon de s’en souvenir dans les profondeurs.
Et le pape a décidé de tailler dans le vif. Que le scandale soit immense au sein des fidèles lui donnera la force d’affronter tous ceux qui ont oublié la terrible phrase de l’Évangile.
Celui qui est un scandale, une occasion de chute, pour un seul de ces petits qui croient en moi, il est préférable pour lui qu’on lui accroche au cou une de ces meules que tournent les ânes, et qu’il soit englouti en pleine mer.
Certainement, mais le psaume 129 est là et bien là. Et les psaumes sont là aussi pour nous accompagner dans notre prière, notre tristesse, nos colères. Le Christ lui-même, sachant pourtant ce qui devait survenir, s’est exclamé : « Elie, Elie, Lama sabctani ! » (je ne vous traduis pas, vous connaissez).
Je trouve courageux d’ainsi affronter le sujet. J »aurai aimé que ce soit les évêques qui l’aborde, mais ils semblent paralysés. Pas totalement puisque Monseigneur Pontier a fait un interview dans le JDD, vraiment bien , sauf la malheureuse dernière réponse, la seule reprise.
Mais c’était un interrview pour le public, j’attends une lettre aux catholiques, et aussi un soutien aux prêtres, dont je trouve l’attitude dans cette tempête courageuse :il en faut pour assurer le service dominical face à nous dont ils suppossent les questionnements.
Je suis admiratifs;
J’ai de la peine à mettre Martel et monseigneur Vigano sur le même plan, mais votre note 1 me troubel.
Je n’ai pas le même avis que vous concernant la deuxième note : j’ai la conviction que le catholicisme des mes familles (au sens extensifs ) pratiquantes était plus porteur d’ouverture, que de condamnation, du fait de l’évidence de l’universalité de la faute, qu’en conséquence l’aveu quel qu’il soit y était plus facile.
En l’absence d’étude sur ce dernier point, je m’en tiendrai là. Je suis pourtant assez convaincu de ce que je dis 😉
Pour ce qui est des prêtres, oui, je suis d’accord avec vous. La période est exceptionnellement dure pour eux. Ils devaient déjà subir le soupçon de la pédophilie, voilà qu’on leur ajoute le soupçon de mener une double vie voire, quand ils sont conservateurs, de l’être parce qu’ils seraient homosexuels. Ils ont bien besoin de notre soutien.
Merci pour cet article, fort bien écrit, mais dont je ne partage pas l’ensemble.
Pour ma part, je suis plutôt pour la thèse de la vérité des chiffres, ce qui est objectif donc, contre la puissance d’un discours médiatique unanime dont l’intention clairement marquée (et que vous faites bien de noter en note, mais cela devrait être, à mon avis, le coeur de votre article) est de disqualifier l’Eglise.
S’il y avait une augmentation des actes pédophiles chez les prêtres (ce qui n’est pas le cas mais une vraie chute, cf. pretrepedophile.wordpress.com qui cite l’étude du John Jay College la plus exhaustive à ce jour), s’il y avait une augmentation de l’homosexualité dans le clergé (ce qui n’est pas le cas non plus, cf. les dispositions prises par le Vatican depuis 2005), s’il y avait une réelle et actuelle augmentation de cette « dark Church », le discours médiatique devrait être plus violent qu’il ne l’est actuellement. Or, cela me semble difficile étant donné son niveau actuel de « violence répétitive » de ces informations.
Je fais ce contre-pied pour faire prendre conscience de la puissance du discours médiatique qui, soit-disant, vient pour faire « justice » (d’ailleurs, en quoi les médias sont-ils habiliter « à faire justice » ? On dira qu’ils ne le font pas, mais c’est quand même ce qui ressort de leur tentative ; d’accord, c’est un autre sujet…) et vérité mais, en ne montrant qu’une partie et la plus noire de l’Eglise, il ne fait qu’oeuvre de manipulation à la fois grossière et inégalée par son ampleur.
Je terminerai par ceci :
S’il y a 2000 ans ces médias avaient existé, soyons sûrs qu’ils n’auraient eu de cesse de proclamer, crier et zoomer sur le reniement de Pierre et le suicide de Judas, de répéter cela à tue-tête jusqu’à ce que tout le monde soit dégouté de telles attitudes, s’éloignent de l’Eglise naissante (et qui, peut-être, en serait morte…), c’est à dire des sacrements et c’est à dire du Salut.
Ils n’auraient bien évidemment pas relaté la vraie conversion des 11 apôtres qui devinrent des saints par leur vie exemplaire ; ces médias auraient ainsi réussi à faire passer la moindre des parties (1/12ème) pour le tout.
De même aujourd’hui, on arrive à faire passer les moins de 1% de prêtres reconnus coupables par la justice pour les 99% qui sont en fait innocents (du moins, pour la justice, mais, il me semble, ce n’est pas rien)…
Certes, l’Eglise doit se convertir toujours plus, faire le ménage et se purifier, mais certes aussi, nous sommes arrivés au sommet de la manipulation médiatique.
Et malgré toute notre science et nos connaissances, ça marche du tonnerre de… Satan.
Ce qui n’est pas au cœur de mon article ne l’est pas, à dessein. Le problème existe. Il n’est pas qu’une vision médiatique. Qu’il soit exagéré, présenté de façon outrancière, c’est évident. Que cela soit fait par militantisme et avec jubilation aussi. Mais je ne connais pas un vaticaniste qui vous dira que ce qui est décrit n’existe pas. Ca n’existe pas forcément dans ces proportions, cela ne dit qu’une petite part du Vatican là où c’est présenté comme le facteur explicatif de toute sa politique et sa doctrine, et cela ne fait peut-être même pas justice de ce que sont les personnes dépeintes. Mais, si l’on pourrait être soulagé de la baisse des chiffres que vous évoquez, nous attendrons quelques années pour les prendre pour certains – sans compter que des pays entiers, pour ne pas dire des continents, sont encore dans un régime de l’omerta. Et ce serait une bien mauvaise raison pour ne pas affronter les problèmes actuels.
Je ne dis pas que ce qui est décrit n’existe pas, de même que je ne nie pas que Pierre a renié et que Judas s’est suicidé.
Mais je dénonce l’acharnement médiatique actuel (qui avance avec une certaine complaisance catholique) qui arrive à faire voir l’Eglise à l’inverse de ce qu’elle est en zoomant sur la moindre de ses parties.
Cela crée dans les esprits ce qu’on appelle une « panique morale » vis à vis du clergé qui peut être préparatoire à des violences non plus médiatiques (qui ont déjà fait 2 morts innocents, quand même, parmi les prêtres et un 3ème quasi-innocent en ces affaires actuelles – il s’agirait d’un flirt avec une jeune de plus 18 ans) mais bien physiques auprès de tous les prêtres alors que l’immense majorité est innocente de toute pédophilie ou homosexualité.
Je le redis encore, cette « technique » (car c’en est une) s’appelle de la manipulation, même si ce mot ne plait pas ou est mal vu.
Les chiffres sont plus qu’avérés (le John Jay College est l’étude la plus importante ayant été faite à ce jour tant au niveau de l’étendu – sur plus de 50 ans -, qu’au niveau du nombre de prêtres – près de 110 000) et même les « ennemis » de l’Eglise l’utilise, tel Cash Investigation avec Elise Lucet. Ils avancent le taux de 4% d’allégations (ce sont les chiffres de cette étude) ; ils ne disent évidemment pas qu’après enquête il n’y avait que 384/109694 soit 0,34% de condamnations par la justice.
Enfin, il faut affronter les problèmes actuels mais cependant pas en en créant d’autres, à savoir en laissant diffuser cette insinuation médiatique que les prêtres sont des pédophiles. Cela fait fuir les gens de l’Eglise, des sacrements et donc du Salut.
Il faut donc et combattre la pédophilie dans l’Eglise et la répétition médiatique manipulatoire qui l’une et l’autre proviennent assurément du Démon.
À propos du nonce, j’ai lu quelque part que son comportement aurait été altéré suite à une opération au cerveau remontant à quelques années. Est-ce plausible comme explication ? En tous cas, il me semble que de poser des gestes déplacés dans un endroit public comme un hôtel de ville, à l’occasion d’un événement officiel ou mondain, et qui plus est devant témoin une fois au moins, cela ne plaide pas en faveur de la santé mentale de l’intéressé. Est-ce compatible avec la capacité de fonctionner normalement pour le reste ? Cela dépend peut-être en partie de la somme de travail réel qu’on attend d’un homme de 74 ans. Ajoutez à cela qu’un des plaignants qui se sont manifestés plus récemment serait… un militant d’Act Up ! je n’en conclus pas que l’accusation est fausse, mais peut-être que l’accusé (un diplomate quand même) est rendu quelque peu inconscient. Coïncidence ? J’ai lu il y a quelques jours le témoignage d’un Américain qui, du temps qu’il était cadet à l’Académie militaire de West Point, était allé rencontrer le cardinal Spellman (en 1967), accompagné de deux camarades, et en présence d’un monsignor, pour une entrevue sur l’expérience du cardinal au cours de la 2ème guerre mondiale. Il rapporte que le cardinal qui était assis à côté de lui n’arrêtait pas d’essayer de le tripoter en présence des trois autres personnes, tandis que le monsignor qui était debout derrière reprenait inlassablement sa main pour le ramener à l’ordre. Ce qui ne l’empêchait nullement de parler de son histoire d’une manière cohérente (le cardinal est mort cette même année). Plus proche de moi, le curé de mon enfance, après sa retraite, était hébergé en résidence et une de mes belles-soeurs qui était infirmière là-bas (et pas spécialement pieuse, il est vrai) disait qu’il perdait l’esprit et ne pouvait se retenir de tapoter les femmes à l’entour. Tout ce qu’on peut se demander face à ces tristes histoires (différentes des cas d’abus caractérisé, selon moi), c’est si la perte des inhibitions reflète des habitudes qui étaient auparavant mieux cachées, ou des pulsions tenues en respect durant toute une vie.
Je reste perplexe devant certains commentaires. Je ne vois nul acharnement des médias sur l’Église, au contraire. Je les trouve assez modérés. Beaucoup de mes amis qui ne sont pas chrétiens, ne connaissent pas par exemple Martial Maciel. Ce fut quand même l’un des grands prédateurs sexuel du XXeme siècle, soutenu par les papes jusqu’à Benoix XVI. On ne parle pas non plus dans les médias des exploits de Marie-Dominique Philippe, enterré comme un saint homme alors qu’il a violé avec son frère tant de religieuses et détruit leur vie affective et spirituelle. Et ce ne sont pas des ennemis de l’Eglise qui ont parlé d’esclaves sexuelles, c’est bien le Pape.
Ces faits sont relativement peu connus, parce qu’en fait, on ne s’intéresse pas à l’Église et ses problèmes, mais à la pédophile. Hors les victimes de pédophilie dans l’Église ont eu droit à la double peine : d’être violées et d’être ignorées voir rejetées. Imagine t’on le scandale si un recteur d’académie ré-affectait un prof pédophile dans un autre collège !
Alors la question est : comment est ce que cela est il possible dans l’Église ?
Pour moi la principale explication est la confusion qui y règne sur les questions de sexualité, confusion qui probablement permet à des prédateurs sexuels d’y faire leur nid. Ils savent plus ou moins consciemment que l’Eglise « s’arrange ».
Cette confusion vient du fait que l’Eglise catholique n’y comprend rien à la sexualité humaine et qu’elle en parle mal, elle qui avait fait du péché de chair le péché par excellence.
A titre personnel,le « Dieu pervers » de Maurice Bellet m’a aidé à sortir de cette confusion (j’ai 60 ans). Mais quand on a lu ce livre, on ne voit plus les choses de la même manière.
La hiérarchie de l’Église a refusé les apports de la psychologie moderne et de l’anthropologie. Cela se traduit, par exemple, par son refus d’entrer en dialogue avec « les études de genre » qui ne se résument pas aux œuvres de Judith Buttler . Je vous conseille la lecture de « Penser le genre » du groupe (catho) « confrontation ». Il ne s’agit pas de tout accepter, il s’agit de se laisser interroger. Il n’est plus possible de penser l’homosexualité comme « objectivement désordonné ».
Et pour les prêtres homosexuels, c’est terrible. Comment peuvent ils transmettre ce type d’enseignement., sans avoir le sentiment de se renier. La solution qu’on a trouvé dans les paroisses, dans les aumôneries, c’est de ne pas en parler, de faire semblant. On parle intellectuellement de la sexualité des cardinaux, mais pas de la nôtre, car on a peur de ce qu’on pourrait entendre. On accepte au baptême un jeune homosexuel à condition qu’il ne fasse pas état de sa vie conjugale devant la paroisse (vécu), on laisse nos jeunes se dépatouiller dans un temps où une grande partie d’entre eux se posent la question de leur sexualité, voire expérimentent. Et on entretient ainsi la grande confusion, on mélange « atteinte à la chasteté, vie maritale hors mariage, homosexualité » et viol, pédophilie (crime)etc.. C’est dans cette confusion que je vois le diable.
Je termine par deux petites apostrophes à Gaby.
Martial Maciel n’était pas une moindre des parties de l’Eglise, mais le fondateur d’un des plus grand ordre du XXeme siècle conçu par Jean-Paul II comme l’un des outil de la nouvelle évangélisation.
Si grâce à Dieu, il n’y a pas plus de victimes de pédophilie aujourd’hui qu’hier (ce que je veux bien croire) réjouissons nous ensemble que la parole se libère enfin. Reconnaissez que sans « l’acharnement » de certains, identifiés à tort comme ennemis de l’Église (par exemple le Boston Globe) nous aurions continué longtemps à cacher ces crimes. Pensez d’abord aux enfants et à leurs parents avant le salut de l’Église dont Dieu se chargera. Et si comme vous je suis atterré par le suicide des prêtres, je ne crois pas qu’ils soient victimes d’un quelconque acharnement mais beaucoup plus certainement de cette confusion que je dénonce.
Imagine t’on le scandale si un recteur d’académie ré-affectait un prof pédophile dans un autre collège !
Le jour où un recteur d’académie sera poursuivi en justice parce qu’il a couvert les agissements pédophiles d’un membre de l’éducation nationale dans les années 60 n’est pas prêt d’arriver. L’instituteur de Villefontaine emprisonné en 2015 avait continué à exercer et à violer ses élèves malgré sa condamnation pénale pour détention d’images ; le recteur a-t-il été blâmé ? exclu de l’EN ? condamné par la justice ? Ce prof qui s’est suicidé en prison avait femme et enfants, quelle confusion est-ce là ?
Il n’y a pas que l’Église qui s’arrange avec la pédophilie ; toutes les institutions se protègent. Que ce soit dans les clubs de sport, les conservatoires, les hôpitaux, les instituts psychiatriques, les écoles et collèges, les colonies etc, les faits divers se succèdent sans que des mesures fortes de condamnation et surtout, de prévention soient prises.
Je suis d’accord avec vous sur le fait que les crimes sont l’essentiel et la souffrance des fidèles, très accessoire sauf à encourager une forte réaction du pape contre les pédophiles et leurs complices.
Cependant, lier la pédophilie à l’homosexualité même par cette notion de confusion me semble dangereux et facile. On aurait ainsi un coupable ou un innocent tout trouvé. Le pédophile est criminel car homo : tout est de la faute de l’homosexualité et en éliminant les vilains prélats gays qui se vautrent dans le stupre, tout redeviendra normal. Le pédophile n’est pas coupable car homo : il a été brimé par l’enseignement confus de l’Église sur la sexualité.
La différence entre briser son vœu de chasteté et commettre un crime saute pourtant aux yeux, non ?
Merci Yann de ce rappel. Vous avez raison, toute institution cherche à se protéger.
Merci aussi de m’avoir interpellé sur le lien involontaire que j’aurais fait entre pédophilie et homosexualité. Il n’y en a pas et la majorité des pédophiles sont des bons pères de famille hétéros. Et il est juste de rappeler que l’essentiel de la pédophilie se passe en famille et le film « les chatouilles » est d’ailleurs à voir sur ce sujet.
Je m’interrogeais sur le silence qui existe dans l’Église et qui protège les prédateurs.
Pour la faire très courte et synthétique, je pense qu’un prêtre qui n’arrive pas à vivre ce que lui demande l’Église ( la chasteté) et qui vit une relation amoureuse avec une femme (et d’autant plus un homme) aura beaucoup de difficultés à aborder les questions de sexualité dans sa paroisse ou dans les aumôneries de jeunes. Et ce sera absolument impossible pour un prêtre homosexuel honnête (la très grande majorité), de défendre que la sexualité est « objectivement désordonné ».
Alors ON n’en parle pas. Et c’est tout bénéfice pour le prédateur… on ne fait pas la différence entre le violeur et l’amoureux.
En résumé : il nous faut trouver les conditions pour un grand débat au sein de l’Église sur leS sexualitéS humaines où tout pourrait être aborder, sans peur et sans dogmatisme.
Ceci dit Véronique Margron rappelle aussi que derrière cette question se pose aussi celle du pouvoir dans l’Eglise qui favorise la prédation. C’est un autre chapitre.
A l’issue du sommet du Vatican contre la pédophilie, François Devaux a déclaré : « L’Église avait rendez-vous avec sa conscience lors de ce sommet historique. Elle a encore raté cette opportunité en fuyant les décisions qui s’imposent en faveur de la tolérance zéro dans le contexte de la prise de conscience de l’humanité. Le pape François devient aujourd’hui le premier responsable de la perte de confiance en l’Église. »
Et il a bien raison, mais on le pressentait dès le début -pressentiment renforcé par la promotion du cardinal Farell au poste de camerlingue deux jours avant la réduction à l’état laïc du cardinal Mac Carrick.
Rappelons que Kevin Farrell, créé cardinal par François en 2016, fut un temps administrateur général de la Légion du Christ, chargé des séminaires et écoles en Italie, en Espagne et en Irlande. Ce poste exposait à des contacts fréquents avec Marcial Maciel, l’un des prédateurs sexuels les plus notoires que l’Eglise ait connu.
Kevin Farrell a affirmé qu’il ignorait tout du comportement sexuel de Marcial Maciel. Affirmations contestées par certains anciens Légionnaires du Christ, mais accordons-lui le bénéfice du doute.
Rappelons aussi que Kevin Farrell fut par la suite évêque auxiliaire du cardinal Mac Carrick, alors archevêque de Washington. Qu’il partagea son appartement, mais là encore, Kevin Farrell a affirmé qu’il ignorait tout du comportement sexuel de son mentor.
En le nommant camerlingue, François n’a pas fait preuve d’une extrême prudence dans le contexte actuel.
Rappelons encore que, dans le conseil des neuf cardinaux appelés par François pour l’aider à gouverner l’Église, deux sont poursuivis en justice pour des affaires liées aux abus sexuels :
* Mgr Pell en Australie pour agressions sexuelles,
* Mgr Errázuriz au Chili (accusé d’avoir défendu de manière déraisonnable le P. Karadima et Mgr de la Cruz Barros Madrid) – le Pape François ayant lui-même demandé des preuves aux victimes, avant de présenter ses excuses.
Rappelons toujours que François lui-même, archevêque de Buenos Aires, est suspecté d’avoir activement couvert le P. Grassi -et qu’il n’a jamais donné suite aux demandes des victimes de le rencontrer.
https://www.francetvinfo.fr/monde/vatican/pape-francois/etats-unis-chili-argentine-ces-affaires-de-pedophilie-ou-l-attitude-du-pape-francois-est-contestee_2913051.html
Comme on l’a constaté depuis déjà plusieurs années, sous le pontificat de François, les Eglises locales ne bénéficient que d’une aide très limitée du Vatican dans la lutte contre la pédophilie et les frasques sexuelles de certains ecclésiastiques.
Grand admirateur de BXVI, il m’arrive d’être un peu gratté par certaines décisions de François. Si dans le domaine des abus sexuels ce dernier a commis quelques erreurs, qu’il a lui-même reconnues, je trouve que confronté à une situation extraordinairement difficile, François conserve son sang froid et réussit à avancer sur le fond.
Il était inévitable que les associations de victimes soient déçues et satisfaire leurs « exigences » n’était pas l’objectif de la rencontre. L’Église est présente partout dans le monde. La bonne façon de gérer les abus sexuels n’est peut-être pas la même aux USA et au Pakistan. Demander à la réunion d’établir un catalogue de mesures concrètes était irréaliste. Elles devront être arrêtées conférence épiscopale par conférence épiscopale. Il est légitime de mettre de la pression pour que celles-ci avancent, il était illusoire d’attendre de cette rencontre un catalogue de mesures concrètes.
Dans la plupart des pays occidentaux, des mesures ont été prises pour faire cesser les abus sexuels sur mineurs. Aux USA, sur les cinq dernières années, cinq cas déclarés, un par an en moyenne. Il y a sûrement des cas non déclarés, mais dans l’atmosphère actuelle, peu probable qu’il y en ait beaucoup.
La hiérarchie compte encore en son sein des évêques qui ont couvert. Mais on ne peut pas mettre sur le même plan le comportement du Cardinal Law à Boston et celui d’un évêque qui sur sa carrière a pris une ou deux décisions discutables. Un peu de prudence avant de déclarer le grand nettoyage s’impose.
L’existence d’une culture homosexuelle au sein du clergé dans plusieurs pays est difficile à nier. Il faudra bien affronter cette question. Mais François a raison de refuser de faire de l’homosexualité de certains clercs LA raison du scandale des abus sexuels, même si la thèse inverse qui prétend qu’il n’y a aucun lien est sans doute discutable.
Enfin « zéro tolérance » est un bon slogan qu’il est difficile de ne pas faire sien. Et pourtant… Les droits de la défense. Zéro tolérance de quoi, tous les actes n’ont pas la même gravité. La récidive n’est pas une fatalité. Même Preynat n’a pas récidivé après 1991. L’Église encourage ses fidèles à oeuvrer pour la réinsertion des condamnés civils qui ont purgé leur peine. Eu égard à la gravité des abus sur mineurs, on comprend l’idée de « zéro tolérance ». Mais elle demande quand même à être réfléchie dans ses modalités concrètes.
Je suis moi-même passé par des états d’esprit divers et pas roses après la clôture de ce sommet, la lecture des réactions et de la presse en général. Je ne sais pas ce que valent les accusations contre François. J’attendrai de voir. Certaines sont peut-être justifiées mais il y a aussi des factions dans l’Eglise acharnées à le détruire. Alors j’attendrai que le temps clarifie tout cela.
Un certain article très négatif d’un journaliste religion m’a aussi péniblement atteint. Par bonheur, j’ai aussi des amis sur place, au sommet, très au fait de ce qui s’y déroulent et qui m’ont apporté une vision beaucoup plus équilibrée.
D’une part, même si cela semble inconcevable pour nous qui avons l’impression de nager dans ce sujet depuis 10 à 20 ans, dans certaines parties du monde, des évêques croient encore (ou préfèrent croire) que cela ne les concerne pas, faute de plaintes – sans imaginer que l’absence de plaintes ne signifie pas absence de faits. Apparemment, certains d’entre eux ont été sacrément bousculés par ce sommet.
Ensuite, le pape s’est bien entouré pour ce sommet. On me dit que le père Hans Zollner est extrêmement investi, que Mgr Scicluna s’y est engagé comme dans un chemin de croix selon ses propres mots. Le père Lombardi est également très impliqué. Et, contrairement à ce que certains esprits idéologisés ont rapporté, Mgr Blaise Cupich a eu une intervention forte sur la responsabilité des évêques.
On peut certes attendre que le temps clarifie tout cela, mais force est de constater qu’en six ans de pontificat, François a vraiment tardé à faire de la lutte contre la pédophilie et les abus sexuels dans l’Eglise sa priorité numéro 1.
Personnellement, j’ai plutôt l’impression que ce sont les Eglises locales qui sont à la pointe de la lutte et avancent sur le fond, sans grand leadership du Vatican (François et/ou la Curie).
Au risque de lasser, rappelons encore que c’est lui, François, qui avait dès 2013 nommé Mgr Ricca prélat à l’IOR (la banque du Vatican).
Puis devant le tollé général, avait muté Mgr Ricca à la direction de la maison Sainte Marthe (lieu de résidence de François).
(À Montevideo, entre 1999 et 2001, Mgr Ricca avait vécu avec son amant, l’ex-capitaine de la garde suisse P. Haari. Mgr Ricca fréquentait également des lieux de rencontre avec des jeunes du même sexe, subissant même un passage à tabac et allant jusqu’à se retrouver coincé dans un ascenseur de la nonciature avec un jeune homme de dix-huit ans connu de la police locale.)
Entre Montevideo et Buenos Aires, il y a un peu moins de 300 kms.
Admettons, encore une foi, que Mgr Bergoglio n’ait rien su des frasques de Mgr Ricca.
« Qui suis-je pour juger ? », certes, même si l’on est en droit d’attendre du successeur de Pierre qu’il dénonce clairement ce type de comportements.
Mais de là à promouvoir le fautif à l’IOR…
D’autant qu’à ma connaissance, Mgr Ricca ne s’est pas repenti.
Que François donne l’exemple personnellement, en recevant des victimes de la pédophilie en Argentine, par exemple Gabriel, victime du P. Grassi.
https://www.bfmtv.com/police-justice/pedophilie-dans-l-eglise-le-pape-francois-mis-en-cause-dans-une-affaire-en-argentine-1126814.html
Alors nous pourrons à nouveau parler sereinement de Jésus et de l’Eglise dans nos familles, nos entreprises et nos associations. C’est, depuis quelques temps, très difficile.
En devenant pape, un des objectifs de François était de changer l’image d’une Église obsédée par le sexe. Il voulait marquer une différence forte entre le crime d’abus sexuel de mineur et le péché d’un clerc entrant dans une relation consentie avec un adulte. Non pas qu’il changeait la doctrine de l’Église sur la nature coupable d’une telle relation, mais parce que pour François voler dans les finances de la paroisse ou se livrer à une campagne de calomnies contre un confrère est aussi grave que le péché de chair, dont il est par ailleurs bien placé pour savoir qu’hélas il était assez fréquent dans le clergé.
L’intention peut se comprendre, mais ce n’était sans doute pas le bon moment. D’une part la notion de « consentement » est floue. Quand McCarrick draguait des séminaristes majeurs dont le futur dépendait de lui, quid du consentement ? Ensuite, même si l’homosexualité n’est pas LA raison des abus sexuels sur mineurs, la thèse du zéro lien demande encore à être démontrée : elle l’est pour la pédophilie au sens strict, pas vraiment pour les abus sur jeunes adolescents. Enfin, si le peuple de Dieu accepte l’idée qu’un clerc qui est tombé mais s’est réellement attelé à retrouver une vie en cohérence avec son état, peut être un ministre respecté de l’Église, il n’accepte pas que l’on tolère l’habitude de comportements scandaleux, et plus particulièrement dans la hiérarchie.
Tant que le ménage n’est pas fait, le « qui suis-je pour juger » , que chaque chrétien devrait faire sien, est ambigu dans la bouche d’un pape.
Merci beaucoup pour cet article, dont je partage le point de vue pour l’essentiel.
La seule nuance que j’apporterais concerne la question de l’homosexualité. Chiffres à vérifier, mais j’ai lu qq part que parmi les enfants victimes d’agressions sexuelles, on compte 80% de filles. Quand il s’agit des problèmes au sein de l’Église, on serait à 80% de garçons.
Par ailleurs, il plane sur le sommet du Vatican un parfum très désagréable. Son objet initial portait sur les atteintes aux mineurs et personnes fragiles, puis on a retiré ce dernier terme. Les victimes classées sous l’étiquette de prédateur pédophile recouvrent bien souvent des adolescents, ce qui ne correspond pas en rigueur de termes à la pédophilie.
Le Cal Cupich, membre du comité d’organisation de la conférence, était un protégé de l’ex-Cal McCarrick, son colocataire pendant des années qui n’a rien vu des crimes de son colloque (et ce n’est qu’un aspect de son pedigree, son action est aussi très éloquente dans le genre LGBT friendly)…
Cupich a quand même réussi à dire qu’il y avait une majorité de garçons parmi les victimes des prêtres criminels, mais qu’il ne fallait pas y voir un lien avec l’homosexualité : quelle logique là-dedans ??
il ne faut quand même pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages : à un moment, on se demande à quel jeu joue le pape François pour confier personnellement une place et un rôle si éminents à un sophiste pareil ?
D’après votre raisonnement, si je comprend bien, puisque 80% des victimes de pédophilie hors de l’Église sont des filles, il y a un lien entre hétérosexualité et pédophilie ?
Outre les autorités ecclésiales qui les ont promus / ne les ont pas dénoncés, toutes ces affaires nous interrogent également sur l’éthique personnelle des intéressés.
Comment un prêtre peut-il accepter de devenir évêque, tout en connaissant ses fautes passées dans le domaine des abus sexuels / de la pédophilie / d’un manquement manifeste à son voeu de chasteté (ou de pauvreté) ?
Comment un évêque / cardinal peut-il accepter une promotion nationale ou au Vatican dans ce même contexte ?
Comment un cardinal ayant atteint la limite d’âge ne se retire-t-il pas, pour prendre l’exemple du doyen du Collège des cardinaux, Mgr Sodano, qui a pour le moins ignoré, voire couvert les abus sexuels du P. Karadima ?
https://fr.wikipedia.org/wiki/Angelo_Sodano
Commettre une faute grave, source de scandale public -qu’il soit local, national ou mondial- est une chose.
Accepter, voire rechercher une promotion dans ce contexte en est une autre.
Bel article qui remet l’Essentiel au centre. Si je ne puis que partager votre propos, je pense toutefois que ce recentrage sur le le Christ et l’Evangile ne peut occulter une nécessaire remise en question en profondeur de la doctrine de l’Eglise sur les questions de sexualité. Parler de sexualité presque exclusivement en termes de péché est cause de nombreux dégâts chez les chrétiens – qu’ils soient clercs ou laïcs – dans la mesure où un tel discours nourrit une culpabilité malsaine.
Autres scandale : les religieuses esclaves sexuelles de certains prêtres.
Avec pour conséquence dans certains cas, l’avortement :
https://www.rts.ch/play/tv/temps-present/video/esclaves-sexuelles-de-leglise?id=10255110
Le pape ne peut plus se contenter de paroles, ou d’une réduction ponctuelle à l’état laïc.
Des mesures concrètes sont nécessaires.
Pourquoi avoir refusé en août 2018 d’instaurer un tribunal spécial pour juger les évêques / prêtres coupables de pédophilie, et/ou avoir couvert ces crimes ?
Si la justice du Vatican ne surpasse pas celle des tribunaux pénaux…
Il y a urgence.
merci pour tes articles, toujours très justes.
je rajouterais juste un bémol : oui, le péché existe, oui le péché sexuel est devenu la norme pratiquement partout, au point de ne même plus avoir le droit de le nommer « péché », non les chrétiens et les prêtres ne sont pas épargnés par les tentations ni invulnérables, au contraire, même, non l’Eglise n’a jamais prétendu être faite de parfaits, bien au contraire, et non, ce n’est pas une découverte : les écrits de Marcel Van décrivent avec précision toutes les atteintes pédophiles des prêtres envers les enfants du séminaire, et les persécutions qu’il a subies pour y avoir résisté. et combien de jeunes africaines ont raconté leurs déboires avec les prêtres, dans leur pays.
bref, ce n’est pas une découverte.
dans les pays peu christianisés ou dans nos pays occidentaux déchristianisés, l’abus de pouvoir sexuel est la norme dans la société, aux yeux de tous, goguenards pour la plupart, et on en accuserait l’Eglise ?!
elle est la seule qui rappelle à temps et à contre-temps qu’il faut lutter chacun contre nos égoïsmes à longueur d’année, pour avoir la force de résister aux tentations. elle a défilé pour que les enfants ne soient pas amputés de leur père ou de leur mère, puis livrés à l’affection factice des prédateurs qui prétendont les remplacer.
alors oui, balayons devant notre porte, mais jamais je ne considérerai l’Eglise comme plus coupable que les autres. non seulement elle l’est moins, mais ce qu’on lui reproche en sortant toute cette fange qui n’était un secret pour personne,
ce qu’on lui reproche, en réalité, ce n’est pas de se vautrer dans le péché, mais bien plutôt de le dénoncer !
+ 1
Certes, mais dénoncer ne suffit pas -encore l’Eglise doit-elle faire justice aux victimes.
Tout cela est connu, écrivez-vous.
Alors pourquoi l’Eglise ne sanctionne-t-elle pas les prêtres, encore en activité, coupables de viols sur des religieuses, et dans certains cas, coupables d’avortements forcés ?
Pourquoi l’Eglise ne sanctionne-t-elle pas les mères supérieures en lien avec de tels prêtres ?
Le reportage télévisé nomme des victimes.
Pourquoi, à la suite de la publication de tels faits, le Vatican ou les autorités ecclésiales de ces ordres, de ces pays, ne réagissent-ils pas ?
Avant tout, ce qui est reproché à l’Eglise, c’est de ne pas rendre justice.
« Pratiquez et observez tout ce que les scribes et les pharisiens peuvent vous dire.
Mais n’agissez pas d’après leurs actes, car ils disent et ne font pas. »
Mt 23:3
« Esprit faux ! Enlève d’abord la poutre de ton oeil, alors tu verras clair pour retirer la poutre qui est dans l’oeil de ton frère. »
Mt 7:5
Voilà ce qui est reproché à l’Eglise dans tous ces scandales sexuels.
Prions pour que le Seigneur donne à chacun, notamment au Pape et aux évêques, la claire vision de ce qu’il doit faire et la force de l’accomplir.
Non, ce n’est pas ce que l’on reproche à l’Eglise. Ce que l’on reproche à l’Eglise, c’est ce que pointe Matt. L’absence de justice. Ce n’est pas tant qu’il y ait des prêtres abuseurs, c’est que la hiérarchie ait eu à cœur de camoufler ces faits. C’est le fait de tenir un discours moral et de ne pas sanctionner ceux qui ont une conduite immorale en son sein – faut-il rappeler qu’il existe aujourd’hui, pas si loin de chez nous, un évêque qui a avoué publiquement des agressions sexuelles sur mineurs et qui coule une retraite paisible ? On lui reproche un double discours et, pour ceux qui s’aventurent plus loin, un discours sur la sexualité empreint de la propre sexualité mal gérée des clercs / de trop de clercs.
Ces reproches ne peuvent pas être adressés de façon uniforme à tous, c’est évident et c’est heureux. Mais la crise a pris une telle ampleur qu’il n’est pas possible de considérer que ces faits sont seulement isolés.
Aux citations extraites par Matt, j’ajouterais, de nouveau celle que je mentionnais dans mon billet : « Ils attachent de pesants fardeaux, difficiles à porter, et ils en chargent les épaules des gens ; mais eux-mêmes ne veulent pas les remuer du doigt ».
Le problème, c’est de fait autant sinon plus la hiérarchie que les prêtres abuseurs.
Cela dit, sur l’ampleur il faut raison garder. Aucune comparaison ne permet d’étayer la thèse qu’abus ou camouflages ont été plus fréquents au sein de l’Église que dans d’autres institutions à époque comparable.
Cela n’excuse rien et il est légitime de se scandaliser que l’Église n’ait pas fait nettement mieux que « les autres ». Mais si on veut essayer de comprendre, pas d’excuser, on ne peut en rester à accuser célibat des prêtres ou un discours ringard sur la sexualité, qui ne caractérisaient pas l’EN (par exemple) quand celle-ci faisait face aux mêmes problèmes.
Aux US, les cas recensés ont été divisés par 13 entre 1981 (le pic) et aujourd’hui. Il y a certainement encore des cas non recensés, mais sûrement beaucoup moins qu’en 1981, la tendance est indiscutable. Ni la discipline du célibat ecclésiastique, ni le discours de l’Église sur la sexualité n’ont pourtant beaucoup changé.
Je n’excuse rien, mais je plaide qu’une contrition irréfléchie finit par faire obstacle à un diagnostic solide sur les sources du problème.
Je rejoins Matt pour dire que si l’abus sur mineurs est gravissime, la tolérance par l’Église de comportements durablement scandaleux dans le clergé, à tous les niveaux de la hiérarchie, est aussi une infamie, même si des mineurs ne sont pas en cause.
On parle aux USA et au Vatican de nouveaux protocoles, de nouvelles politiques, de prise de conscience, etc. Mais le droit canon traite déjà de délits sexuels, et il y a les commandements de Dieu, et l’engagement sacerdotal à garder le célibat et la chasteté qui lui est propre. La réalité, c’est que depuis des décennies (avant même le Concile), le clergé bas et haut a adhéré pour son propre compte à une philosophie de « vivre et laisser vivre », de ne jamais parler du Décalogue et quant au code droit canonique, de n’emm… personne avec ça. On pourrait soutenir avec crédibilité qu’avant d’être une question d’abus d’autorité, la crise en est une d’abdication de responsabilité.
Merci Matt, mais c’est une paille qui est dans l’oeil du frêre 😉
Je viens de terminer Sodoma. Ce livre est sans doute critiquable du fait d’approximations et de raccourcis, mais c’est un livre à lire pour ouvrir les yeux sur le Vatican comme système hypocrite et profondément corrompu. Je crois que c’est un livre bénéfique pour l’Église. Ceci dit, sommes nous à ce point sourd pour ne pas entendre que c’est ce que dit le pape François? (mais pas Jean Paul II ce qui est très troublant). Et il est clair qu’un système corrompu (par le sexe, mais surtout par le pouvoir et par l’argent), ne peut pas dénoncer la corruption en son sein et la pire, celle qui s’attaque aux plus faibles.
En lisant Sodoma, je pensais à la légende du grand inquisiteur. Il reproche au Christ, revenu du temps de l’inquisition, d’avoir voulu rendre l’homme libre, et il lui explique que l’homme n’en veut pas, et que l’Eglise en confisquant cette liberté, a permis la « réussite » du Christ. N’est ce pas ce que nous vivons aujourd’hui? Sous prétexte de dénoncer les risques liées à la sexualité, l’Église a érigé tout un tas de règles qui, en soit, ont peut être des vertus, mais qui ne doivent jamais remplacé l’Evangile. Et souvent Jésus dit : « que celui qui a des oreilles, qu’il entende » et Marie Balamary traduit cela en : « si cette parole te parle, alors vis là ». C’est cela l’essentiel.
Le sexe qu’il soit hétéro ou homo, n’est pas le lieu du péché, mais le sexe peut être le lieu d’un renoncement qui ouvre à la vie, pour ceux à qui ça parle. Mais ça n’est pas donné à tout le monde, et à tout moment. En revanche, ne pas aimer (avec ou sans sexe), s’en prendre aux plus petits, là les condamnations de Jésus sont sévères. L’Église (nous) a un long chemin de conversion devant elle; et c’est au cœur de la destruction que peut jaillir l’Homme Nouveau, même si c’est angoissant et douloureux.
@Claude:
Notre précédent curé mettait en garde contre cela, également les laïcs.
Heureusement, cela ne concerne pas la majorité des prêtres, en tout cas pas de ceux que je connais. Mais quelques-uns ont fait un nombre considérable de victimes -pédophilie, viols, avortements…
Permettez-moi de citer Mgr Sarah :
« L’Eglise est uniquement faite pour adorer et prier. Ceux qui sont le sang et le coeur de l’Eglise doivent prier, ou ils dessécheront le corps entier de l’institution voulue par le Christ. (…)
Le vrai trésor, c’est notre amitié avec Dieu. Sans un sacerdoce selon le coeur de Dieu, lavé des modes humaines, l’Eglise n’a pas d’avenir. Je ne minimise pas le rôle des baptisés, du peuple de Dieu. Mais par la volonté de Dieu, ces âmes sont confiées à des prêtres. Si ces derniers obéissent à des règles purement humaines, sans la Charité du Ciel, l’Eglise perdra le sens de sa mission.
Les crises dans l’Eglise, si graves soient-elles, ont toujours leurs origines dans une crise du sacerdoce. »
Dieu ou rien, p. 162