Ne serait-ce une inclination chrétienne persistante, je succomberais tout entier aux délices d’un sentiment antibritannique de bon aloi que les mauvaises performances du XV de France ne font qu’aviver, et à la joie coupable de voir projeté sur les falaises de Douvres le drapeau européen frappé d’un SOS. L’initiative était celle du mouvement Led By Donkeys, puissante référence à la trahison des chefs durant la Première Guerre Mondiale : « lions led by donkeys ». De fait, le Royaume désuni est plongé dans un complet marasme démocratique – son parlement incapable de répondre autrement que par la négative à quelque question qu’on lui pose, et sa Première Ministre renvoyée à la case départ.
La vieille démocratie britannique s’y est trouvée précipitée par les mensonges et les idées simplistes de quelques tribuns populistes qui ont fui les responsabilités de leur victoire, sitôt proclamée. Alors, de Dunkerque aux Heures sombres, la Grande-Bretagne communie dans la célébration nostalgique d’une nation aux ambitions impériales, solitaire dans l’adversité mais triomphante. La représentation parle aux cœurs et le tableau est séduisant. Mais elle ignore la marche du monde quand elle espère en une restauration. 2020 n’est pas 1940. Quel que soit le point de vue.
La Grande-Bretagne du Brexit est de ce fait un remarquable laboratoire politique. Car la France aussi a ses matamores, qui prospèrent sur les mensonges. Pour ne citer qu’eux, un Villiers en campagne quoique non candidat ment sur Robert Schumann, ment sur Jean Monnet, ment sur la construction européenne et Dupont-Aignan dans ses dernières œuvres ment sur l’entrée prétendue de 18 millions de migrants dans l’Union Européenne en cinq ans. Laisserons-nous le même type d’hommes nous précipiter dans un même marasme ?
Il reste une lueur au tableau noir : l’entrée en lice de deux jeunes intellectuels, François-Xavier Bellamy et Raphaël Glucksmann. A l’un comme à l’autre, on oppose leur candeur ou naïveté supposée. On aurait tort de s’arrêter à ces préjugés classiques contre des politiques non professionnels, quand l’alternative est trop souvent populiste. Tous deux s’affirment désireux de placer le débat de ces Européennes au niveau des idées. C’est impératif car au bout du compte, à travers le Brexit, les Britanniques n’aspiraient-ils pas à retrouver une âme, celle dont l’Europe et l’Union Européenne en son sein manquent singulièrement ?
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J’ai une hésitation concernant Raphaël Glucksmann en l’absence d’une clarification critique de son rôle et de celui du président Saakachvili dans le déclenchement de la guerre Russo-Géorgienne de 2008 et du risque pris d’une confrontation américano-russe qui aurait pu déboucher sur une apocalypse nucléaire.
Bonsoir
Merci pour ce billet. Auriez-vous des sources ou un article de contradiction solide aux rapports faits par Villiers sur les 2 « pères de l’Europe »?
Bien cordialement
Si vous recherchez sur Google Actu, il y a eu beaucoup de réfutations de ses allégations.
Oui en effet c’est ce que j’ai pu faire avant de vous solliciter. Mais aucune ne n’apporte de contradiction nette. Elles se limitent à pointer du doigt un point que je partage : de Villiers vois les choses de façon unilatérale. Il veut démontrer que l’Europe actuelle est en grande partie le résultat d’un lobbying réussie de la part des États-Unis. Certes dans un contexte qu’il ne faut pas ignorer mais Villiers pointe des faits qui sont avérés ou semblent l’être jusqu’à preuve du contraire. Aucun argument contradictoire notable trouvé dans ce que j’ai pu lire.
Un 1er exemple avec cet article du parisien qui donne la parole à deux spécialistes.
http://www.leparisien.fr/politique/europe-deux-specialistes-denoncent-des-contre-verites-dans-le-livre-de-philippe-de-villiers-11-03-2019-8029098.php
Ils confirment que l’organisation de Monnet un reçu de l’argent des États-Unis, il confirme (rappel) que Schuman était pacifiste et voyait d’un bon œil les accords de Munich, qu’il a voter les pleins pouvoirs au maréchal Pétain. Ils font preuve de mauvaise foi (autant que Villiers) en faisant croire que Villiers fait passer Walter Hallstein pour un nazi alors que le propos de fond de Villiers est bien de dire que W Hallstein est bel et bien passé par les mains des États-Unis avant de revenir en Allemagne, enfin converti au camp atlantique. Certes Villiers décrit cela de façon caricaturale ou romanesque, en fait trop, mais le résultat est le même: l’Europe disloquée et son pouvoir d’action limité reste un bon terrain de jeux pour les affaires mondialisées.
Si je ne connais pas bien Monnet et pas du tout Hallstein j’ai plutôt de la sympathie pour Schumann, mais force est de constater qu’il n’a pas toujours fait les bons choix avant la guerre… et que, nonobstant le caractère excessif de Villiers sa démonstration souffre assez peu des contradictions actuellement disponibles, et je ne partage donc pas tout à fait votre affirmation laconique « un Villiers en campagne quoique non candidat ment sur Robert Schumann, ment sur Jean Monnet, ment sur la construction européenne ».
Mon propos n’est pas de défendre la thèse de Villiers mais de la contrebalancer s’il y a lieu.
J’estime l’homme, son énergie et sa créativité, je n’ignore pas son souci d’efficacité dans son discours, qui ne lui a pas toujours servi en politique…
Malheureusement, ce que vous appelez un « souci d’efficacité » dénote trop souvent son peu de souci de la vérité. Je me souviens de la première fois où cela m’avait choqué : face caméra, en plein débat, il expliquait que la Turquie était signataire du Traité sur la Constitution Européenne. Et il montrait la signature. Oh bien sûr, ça n’était pas totalement faux. Il oubliait seulement de préciser que, comme bien des Etats, elle n’était signataire qu’en tant qu’observatrice, évidemment pas en tant que membre.
Pour le reste,
https://www.lepoint.fr/societe/on-n-a-pas-attendu-de-villiers-pour-savoir-que-monnet-etait-proche-des-americains-15-03-2019-2301233_23.php
https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/03/27/philippe-de-villiers-n-a-pas-le-droit-de-falsifier-l-histoire-de-l-union-europeenne-au-nom-d-une-ideologie_5441688_3232.html
https://www.lejdd.fr/Politique/livre-de-philippe-de-villiers-autopsie-dun-messonge-3883862
https://www.la-croix.com/France/Politique/Europe-historiens-refutent-Philippe-Villiers-2019-04-23-1201017337
Etc, etc, etc.