Des églises vides, des mosquées et de ta soeur

viva2Ainsi, Dalil Boubakeur a-t-il proposé que les églises vides puissent être réattribuées au culte musulman, et servir de mosquées.

Misère.

Dalil.

N’a-t-il jamais rencontré Jean-Pierre Elkabach ? Jamais subi le feu roulant de ses questions, son insistance, son goût très professionnel de la phrase qui sauve son interview ? Il faut voir la séquence pour apprécier cette insistance. Mais pourtant, Dalil Boubakeur n’est pas un perdreau de l’année. Juste après avoir énoncé avec une belle lucidité qu’il s’agissait d’une « question délicate », il lui appartenait de poursuivre en précisant qu’elle ne pouvait être abordée dans le contexte de cette interview matinale. L’avoir fait malgré tout est une erreur patente, nuisible à tous, chrétiens et musulmans. C’est une proposition aussi naïve que déplacée et inopportune dans un contexte de tensions identitaires, qui ne peuvent susciter que le plus immédiat rejet de cette idée. Dalil Boubakeur a-t-il pleinement conscience de la violence de cette proposition, qui renvoie aux chrétiens l’image d’une religion en perte de vitesse, en voie de disparition et d’épuisement, et agite devant des Français angoissés le chiffon rouge du remplacement ? S’il veut mettre le feu, en cette période, admirons : c’est bien joué.

L’idée buterait sur des obstacles pratiques évidents, le premier d’entre eux étant que les églises vides sont généralement situées à la campagne, ce qui a peu de chances de coïncider avec l’implantation de musulmans en mal de lieux de culte et insusceptibles d’en financer par eux-mêmes. Ajoutez à cela le fait que les églises sont juridiquement affectées au culte catholique et pas à la pêche aux canards ou au culte qui passait par là – pour dire les choses abruptement – ainsi que le fait que les églises sont, d’un point de vue religieux, consacrées et, d’un point de vue architectural, historique et patrimonial, édifiées par des hommes et des femmes qui ont mis toute leur passion, toute leur ardeur, dans la construction de ce lieu pour le Dieu annoncé par le Christ, tel qu’annoncé par lui. Loin de moi l’idée d’en faire une approche trop juridique mais enfin tout de même, on pourrait faire une analogie avec, dans la liste des droits d’auteur, le droit moral des tailleurs de pierre – entre autres.

Puisque l’on me titille, je dois dire aussi que, si je suis un bon gars, et malgré Lumen Gentium, 16les justifications apportées par Dalil Boubakeur me défrisent un poil, voire deux. Est-ce le même Dieu ? Les rites sont-ils si comparables ? J’ai suffisamment été fustigé pour ma compréhension à l’égard de nos frères musulmans – sur laquelle je ne reviens pas – pour dire ici que je dubite fortement. Si l’on parle de Dieu, « le Père Tout-Puissant » selon la conception chrétienne, alors oui, assurément, c’est le même pour tous, puisqu’il n’y en a qu’un… celui auquel je crois. Si « le même Dieu » englobe le rapport à Dieu, ma foi, non, même fraternellement, je ne peux pas. Mais brisons là, puisque l’on pourrait assurément rédiger des traités sur ce sujet et que vous allez encore maudire la longueur de mon billet.

J’en viens à l’illustration de ce billet. Le barbu à la droite du pape n’est pas imam, mais chanteur chrétien. Alors, quel est le lien entre ces sujets ? Nous y venons, ne soyez pas pressés.

Le propos de Dalil Boubakeur a au moins eu le mérite de sonner comme un coup de pied au cul des catholiques, plutôt pas mal vexés par cette mention de leurs églises vides, et qui ont donc beaucoup réagi sur le mode : eh ben, y’a plus qu’à les remplir. Un ami prêtre a aussi suggéré, puisque c’est le même Dieu et les mêmes rites, que les musulmans se convertissent au catholicisme afin de pouvoir utiliser nos églises, mais je ne suis pas certain que la causticité de la proposition soit appréciée à sa juste valeur.

glopenRemplir les églises… Une idée comme ça, ce serait de demander son avis au pape. Or, bingo, la semaine dernière, de jeunes français l’ont rencontré en audience privée, sans protocole (la preuve ci-contre), pendant 50 minutes. Jeunes du groupe Glorious, du groupe Hopen, et deux jeunes lycéens venus présenter le résultat de leur TPE.

Les échanges se sont visiblement tenus dans un cadre chaleureux, familial, filial et affectueux, le pape plaisantant et donnant des conseils – outre son exhortation apostolique – à son auditoire. Chose malheureuse, le tropisme casse-burnes de l’humanité, des medias et des réseaux sociaux, a donné une résonance particulière à un propos isolé portant sur la fidélité de la France, dite fille aînée de l’Eglise. Certains s’en sont attristés et d’autres, quoique cathos, s’en sont emparés avec une avidité morbide. Si je pense que le pape faisait allusion au pays et pas spécialement aux catholiques, je n’en ai pas moins lu avec intérêt le billet d’Isabelle de Gaulmyn à ce sujet, qui rend justice à la situation véritable de l’Eglise de France. Une Eglise qui a pris de plein fouet la sécularisation, avant les autres, parfois avec violence – que l’on songe que, pour continuer de vivre selon leur conscience, des religieux, après avoir été expulsés de force, ont dû s’exiler de France ! – mais une Eglise qui, au final, vit une certaine pauvreté évangélique. J’ajouterais à cela le fait que l’Eglise est frappée par l’individualisme et le désengagement qui frappent toutes les institutions comparables, à commencer par les partis et les syndicats. Bref, je ne nie pas la crise : on me bassine avec depuis que je suis en âge de communier. Mais je ne la laisserai pas me bouffer.

De grandes et belles choses sont accomplies de par la France, même si beaucoup pourrait encore être accompli. Benjamin Pouzin – le barbu, pas celui, l’autre (ie celui qui est au pied du pape) – a publié sur son compte Facebook un retour sur les propos débattus du pape, pour mettre les choses Auclair[1] :

Il laissait transparaître par cette intervention sur l’Eglise et non sur le gouvernement ou la politique, une forme d’attente déçue de notre part. Comme s’il attendait des catholiques français un Renouveau, un Réveil qui ne venait pas, comme si l’Eglise en France, fille aînée, s’était endormie dans le protocole, dans la « gestion », dans les structures… Comme si l’Eglise en France s’était assoupie sur elle-même et son passé glorieux. Il y avait chez lui comme une attente d’audace, de changement qui n’était pas encore insufflé par les évêques, les prêtres, les laïcs. Comme si « La Joie de l’Evangile », ses homélies, ses discours avaient été gentiment lu et applaudi par l’Eglise de France mais en aucun cas appliqué ! Bref, l’attente d’un Réveil était grande dans ses yeux et dans ses demandes.

papesouriantComme on dit avec justesse, #CEstPasFaux. Benjamin est peut-être un peu audacieux en laissant entendre que l’Eglise de France n’aurait en aucun appliqué son exhortation apostolique (en tous les cas, probablement guère moins que d’autres), mais le fait est qu’on a pu la lire et l’apprécier sans se bouger le … pour autant.

Plus haut dans le post de Benjamin, le pape propose deux idées aussi simples que rarement mises en place : l’amitié et la joie. Que ferait-il s’il était curé aujourd’hui ? « L’amitié ! Je serais très proche des gens, de tous… Sans protocole ! Et j’essaierai de vivre de la joie avec tous par la prière !« . A un autre moment, il a souligné que, par leurs témoignages, ils montraient simplement qu’ « être chrétien, c’est beau… et bon« . Bien sûr, nous, catholiques, pouvons tenir de grands discours, nous pouvons faire dans l’annonce kérygmatique[2] mais il ne se passera rien si nos interlocuteurs ne sont pas convaincus qu’il y a là un truc, qu’on a trouvé quelque chose, on ne sait trop quoi. Perso, par exemple, je pense souvent au visage d’Isabelle. Isabelle est plutôt pas mal engagée dans l’Eglise, et quand je pense à elle, je vois toujours un visage réjoui, rayonnant, joyeux. Avec mon regard bas, mon air soucieux et ma petite foi, je ne peux pas ne pas me dire, en pensant à elle, qu’elle a trouvé quelque chose. Voilà le préalable, le préliminaire : la joie. Avant tout le reste, et même si c’est parfois sacrément balaise (notamment quand, je dois vous le dire, les réseaux me courent sur le haricot), voilà ce qu’il faudrait être capable de faire.

Après, seulement, on reparlera des églises vides, des mosquées et de ta sœur.

 

parlapapa

 

  1. ne me félicitez pas, je suis assez fier de moi comme ça. J’expliquerai aux éventuels curieux. []
  2. « kérygmatique », ça envoie du bois, mais rassurez-vous, je ne connaissais pas non plus il y a quoi, cinq ans => Kérygme []

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36 commentaires

  • Merci d’avoir parlé de la joie! Comment oublier que le premier grand texte du pape François est consacré à la joie?
    Alors, autant le dire (témoignage d’un quinquagénaire): vous, cher Koz, et celles et ceux qui avez à peu près le même âge, toutes celles et tous ceux qui avez un peu moins, prenez conscience de votre joie et de votre force. Onze années que j’enseigne à la Sorbonne, et combien d’étudiantes et d’étudiants dont la foi et la joie m’auront impressionné!
    Soyez tout simplement conscients (en évitant, bien sûr, de pécher contre l’humilité) du renouveau que vous portez. Soyez joyeux même de vos difficultés, à l’exemple du premier François trouvant fermée la porte du couvent et découvrant en son coeur la « perfetta letizia ». Laissez Qui de droit remplir vos âmes, et les églises se rempliront. Justement, dans les grandes villes, ça a déjà commencé.

  • « Un ami prêtre a aussi suggéré, puisque c’est le même Dieu et les mêmes rites, que les musulmans se convertissent au catholicisme afin de pouvoir utiliser nos églises, mais je ne suis pas certain que la causticité de la proposition soit appréciée à sa juste valeur. »

    J’A-DORE!

    Quant à la joie et à l’amitié dans l’Église, j’en rêve depuis des années et mon ambition est de participer à les y mettre !

    Et, vivant en zone bien rurale, je me demande souvent si on se retrouvera seuls dans notre Église quand les anciens seront partis au Paradis…

  • @ Jean-Marie Salamito : quasi-quadra, je suis heureux de trouver un quinqua pour me considérer encore comme un « jeune ». Je ne pourrais pas oublier ce grand texte du pape, pas plus que son interview aux revues jésuites, dans laquelle il parlait de l’Eglise comme d’un hôpital de campagne. Joie et attention à l’autre, voilà probablement les premiers témoignages, ceux qui peuvent nous autoriser à avoir la présomption d’annoncer davantage ensuite.

    Elodie a écrit :

    Et, vivant en zone bien rurale, je me demande souvent si on se retrouvera seuls dans notre Église quand les anciens seront partis au Paradis…

    Je comprends bien que la perspective soit inquiétante.Le fait que la « désertification » ne soit pas propre à l’Eglise ne rassure pas suffisamment, j’en suis conscient.

  • Fides. Spes. Caritas.
    OK. Ça, c’est la base.

    Mais quid de l’amour, la paix, la joie ??!?
    C’est pourtant simple: ce sont le manteau, l’oreiller et la gourde qui nous accompagnent au long de notre pèlerinage et nous défendent contre tous les coups de butoir dirigés à l’encontre de la chrétienté.
    Le manteau qui d’abord nous protège mais permet aussi d’abriter mon prochain.
    L’oreiller sur lequel reposer sa tête à la fin de chaque jour, et dont la douceur nous attire irrésistiblement.
    La gourde où l’on se désaltère inlassablement pour continuer d’avancer et invite au partage.

    Ce qui horripile le Malin ?
    Notre persistance dans cette joie, cette paix et cet amour, malgré l’adversité et la persécution, y compris lorsqu’elles sont numériques, n’est-ce pas Koz ;-).

    Et l’évangile du jour, SVP ?
    Mt 5:43-46: Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent.
    Voilà.
    C’est ce qui désarmera éternellement nos opposants qui sont de pauvres ignorants du salut universel.

    C’est pourquoi l’appel à la Croisade 2.0 est inique et mal compris.
    Nous devons convertir par cet amour, cette paix et surtout cette joie, trésor inestimable souvent parodié mais jamais égalé par le mercantilisme ambiant.

    Allez, j’arrête.
    Bonne route à tous.
    Rendez-vous au prochain refuge ?…

  • Attention Koz, vous risquez de vous faire qualifier d’islamophobe parce que vous avez critiqué une proposition d’un Musulman =) Plus sérieusement, non la foi des chrétiens et des Musulmans n’est pas la même. Vous n’êtes pas le seul à réagir à ce sujet dans la blogosphère. Voyez les contributions de Padreblog, l’Homme Nouveau et le coup de gueule de Gabriel Cluzel sur Boulevard Voltaire (elle en a assez de certains catholiques qui se plaignent des églises vides mais qui ne pratiquent jamais leur foi ).

  • A propos de « nous avons tous le même Dieu », sans entrer dans des débats théologiques, il suffit de rappeler que pour les chrétiens Dieu est Un et Trine, et que la Trinité est un scandale majeur pour les musulmans. Ce qui fait que les chrétiens sont qualifiés (selon les écoles) de mécréants, d’associateurs, ou de mécréants polythéistes…

  • Excellent et très clair, comme toujours, merci. Ne manque (presque) rien : juste une part de la solution au problème de D. Boubakeur. Et nous en avons l’expérience : si les musulmans manquent autant de lieux de prière, ce n’est pas le lundi matin ni (encore moins) le dimanche matin, c’est le vendredi à l’heure de la grande prière. Et pourquoi ne font-ils pas comme en Tunisie, où plusieurs prêches ont lieu dans la même mosquée le même vendredi après-midi, ou, comme les catholiques qui, s’ils ne disaient qu’une messe par dimanche et par église, auraient besoin de bien plus d’églises !

  • Et si les cathos proposaient à leurs frères évangéliques des locaux vides , notamment en région parisienne …?
    Cathos et évangéliques sont de la même famille chrétienne , au sens large . Et en plus FRANCOIS multiple de gestes fraternels à l’égard des évangéliques qu’il connait trés bien depuis l’Argentine;
    Donc en région parisienne et ailleurs de nombreuses communautés – notamment issues de l’immigration ou « multi culturelles  » comme on dit – sont dans des locaux insalubres , louent à des prix exorbitants des surfaces inadaptées et sont souvent pointés par les mairies ( notamment socialistes ou communistes ) comme des gens dont il faut se méfier .
    Mais ça change un peu maintenant … Alors , franchement , le dimanche matin , l’église Notre Dame des « courants d’air » – envahie par une foule bronzée et parfois noir charbon qui chanterait à tuer tête, avec des tonnes d’alléluias , ça en jetterait vraiment . !! Tant pis pour les pigeons effrayés … Les anges , eux seraient ravis de cette adoration …Sérieux !!

  • Le Dieu des musulmans est bien le Dieu d’Abraham ,c’est à dire notre Dieu à nous les catholiques ,et c’est d’ailleurs fort interpellant .

  • Bonjour Koz,

    Vous auriez aussi pu indiquer aussi que nos églises ne correspondent pas aux critères islamiques :

    • – pas la bonne orientation (car non tournées vers la Mecque)
    • – les vitraux, sculptures, peintures, vont disparaître (pas de représentation de la « divinité »)
    • – où va-t-on mettre nos morts enterrés sous et / ou aux alentours de nos églises ?
    • – etc.

    M. Boubakeur est tout sauf un crétin : tout cela, il le sait très bien. C’est un bretteur et il se comporte comme tel. Il frappe là où ça fait mal et il faut bien reconnaître que ce ne sont pas les points sensibles qui manquent. Son but n’a jamais été de récupérer des églises, mais bien plus de recevoir les lauriers dus aux Césars vainqueurs par K.O.

    Nos églises se vident et personne ne se pose la question du pourquoi. Et quand on se la pose, on y répond souvent à côté de la plaque. Je maudis ceux qui n’ont rien compris à Vatican II, c’est-à-dire celles et ceux qui on fait du dialogue interreligieux une espèce de syncrétisme insipide. Nous en payons aujourd’hui le prix ! (Et je sais fort bien que maudire n’est pas chrétien)

    Réveil brutal pour certains, prévisible pour tous ceux, qui comme moi, ont vécu en terre d’Islam. Cela ne fait pas de moi un spécialiste de l’Islam, mais je pense que mon expérience, à défaut d’être universelle, mérite, peut-être, d’être prise en considération. Par quatre fois, dans des paroisses différentes, j’ai assisté à des rencontres de ce type. Ce que j’y ai vu m’a révulsé : un imam prosélyte, un auditoire passif, un curé dépassé et ne sachant plus quoi dire. Quand j’ai pris la parole et que j’ai commencé à appuyer sur les points chichiteux, j’ai bien vu que l’imam me vouait aux enfers et que le curé me lançait des regards forts peu chrétiens (un seul m’a dit merci, c’est assez peu, non ?).

  • merci Koz c’est tellement bien dit !
    Moi je crois surtout qu’une certaine église est en perte de vitesse, celle des années 70, la séculière, la paroissiale, celle de nos parents (tout dépend de notre âge mais celle du baby boom quoi !)…

    Par contre, je vois aussi des paroisses pleines à craquer : celle des jeunes communautés, celles effectivement qui font de la joie, de l’accueil fraternel leur principal attrait et qui boum ! ensuite t’enseigne une liturgie au carré et t’envoie des charismes assumés ! Alors oui, l’Eglise semble être en perte de vitesse en France, mais je suis intimement persuadée, qu’Elle est comme engoncée dans sa chrysalide : qu’Elle est en plein renouveau !!

    Et puis pour rajouter de l’eau bénite à mon moulin… Marthe Robin l’a annoncé au père Yann Bonnet que de son vivant il verrait l’Eglise de France renaitre… Et le père Bonnet frise les 75 années : allez tenons encore 20 ans !! SOURIONS !!

  • Antoine a écrit :

    le coup de gueule de Gabriel Cluzel sur Boulevard Voltaire (elle en a assez de certains catholiques qui se plaignent des églises vides mais qui ne pratiquent jamais leur foi ).

    Je comprends le mouvement d’humeur. Pour autant, on ne fait pas revenir les gens par la menace, la crainte, la concurrence, ou une peur identitaire.

    Louis a écrit :

    Le Dieu des musulmans est bien le Dieu d’Abraham ,c’est à dire notre Dieu à nous les catholiques ,et c’est d’ailleurs fort interpellant .

    C’est vrai, et je viens justement d’avoir un échange avec plusieurs amis prêtres sur ce sujet difficile. En somme, nous partons d’une prémisse commune mais nous divergeons très vite, de sorte que, si nous pouvons dire que nous adorons un Dieu unique, je ne crois pas que nous puissions aller jusqu’à affirmer qu’il s’agit du « même Dieu ».

    François a écrit :

    M. Boubakeur est tout sauf un crétin : tout cela, il le sait très bien. C’est un bretteur et il se comporte comme tel. Il frappe là où ça fait mal et il faut bien reconnaître que ce ne sont pas les points sensibles qui manquent. Son but n’a jamais été de récupérer des églises, mais bien plus de recevoir les lauriers dus aux Césars vainqueurs par K.O.

    J’émets toutes réserves là-dessus.

    François a écrit :

    Quand j’ai pris la parole et que j’ai commencé à appuyer sur les points chichiteux, j’ai bien vu que l’imam me vouait aux enfers et que le curé me lançait des regards forts peu chrétiens (un seul m’a dit merci, c’est assez peu, non ?).

    N’étant pas sur place, vous me permettrez de ne pas opiner nécessairement. Tout est souvent dans la manière de faire et de dire.

    @ Tiphainev : il y a des signes de renouveau, en effet. Et, très vraisemblablement, le modèle d’Eglise que nous avons connu a vécu. La perte de vitesse perçue par certains n’est probablement pas aussi rapide qu’ils le pensent, et certainement pas inéluctable. Il faut aussi avoir les bons instruments d’analyse, même si certains critères statistiques sont assez clairs. Mais je suis de ceux qui ne regrettent pas forcément le temps où être prêtre pouvait être un statut social suffisamment enviable pour suppléer parfois la vocation authentique.

  • « J’émets toutes réserves là-dessus. »

    J’ai pour habitude de ne jamais sous-estimer mes « ennemis ». Vieux principe militaire, mais qui a fait ses preuves. Prendre M. Boubakeur pour un idiot est contre-productif (au mieux).

    « N’étant pas sur place, vous me permettrez de ne pas opiner nécessairement. Tout est souvent dans la manière de faire et de dire. »

    Je ne peux qu’acquiescer à votre remarque. J’ai hésité à écrire ce dernier paragraphe, au regard de la subjectivité qui est la mienne. Mais, à force de se taire…

  • J’avoue que votre fin d’article (l’avant-dernière phrase), me laisse de plus en plus… déçue. Et je me permets de réagir parce que ce discours est très courant, pas spécifiquement de votre côté.

    Bien sûr que la joie est essentielle, mais cette joie est le fruit de ce que nous avons trouvé, ou plutôt de celui que nous avons rencontré : le Christ.
    Alors évidemment des « faces de Carême » dans les Eglises, des guéguerres et des débats sans fin, des messes tristes et/ou ennuyeuses, ça n’aide pas, et de loin.

    Mais excusez-moi, on ne remplit pas les églises avec la joie seule. Pour cela il y a les bars, les chorales, les stades, les troupes de théâtre, tous ces lieux où chacun trouve la joie, une communauté et une part du sens de sa vie (y compris les croyants).

    Vous pensez vraiment que les gens se convertissent ou reviennent à une foi reçue (qu’elle soit chrétienne ou musulmane) à cause de la joie?
    Ils viennent parce qu’ils trouvent une communauté qui les soutient, parce qu’ils trouvent un Dieu qui les accompagne (et chez les chrétiens, les aime), des repères pour leur vie, des valeurs, une exigence et une confiance reçue, parce qu’ils vivent une expérience spirituelle, mais aussi humaine et existentielle, Et la joie nait d’une vie enrichie par tout cela.

    Parce que quelle que soit la joie de nos communautés et la sympathie que génère le pape François, à un moment donné se pose la question de Dieu, de Jésus et de Mahomet (ou autres), d’un Dieu de Grandeur et de Puissance ou d’un Dieu Père et plein d’Amour. (D. Boubakeur avec ses « rites comparables », j’hésite entre l’erreur sous pression journalistique ou le calcul à visée prosélyte)
    Et donc pour les chrétiens, de la manière dont nous parlons de ce Dieu, de notre foi, mais aussi de ce qui touche l’autre, ou pourrait toucher l’autre dans sa vie, de ce Dieu. Je prends souvent cette comparaison, à la Pentecôte ce sont les disciples qui ont reçu le don des langues des autres, pas les autres qui ont reçu le don de la compréhension des disciples. Quelle « langue » parler pour annoncer le Christ en vérité mais aussi en répondant aux besoins de nos concitoyens?

  • Je vous invite à cliquer sur le lien qui figure sous ces deux mots, « la joie ». Quand je parle de la joie, je n’envisage pas juste une bonne bouffe.

  • @ koz
     » je ne crois pas que nous puissions aller jusqu’à affirmer qu’il s’agit du « même Dieu » ». C’est même impensable !
    Il n’y a qu’un « seul » Dieu, certes, mais le Dieu des chrétiens est Trinité. Sauf à gommer ce qui constitue le plus profond de notre foi, il est impossible d’identifier le Dieu des chrétiens (Un et Trine, je le répète) et le Dieu de l’islam indéfectiblement Un.
    Voir à ce sujet le chapitre de « Ce que je crois » de Jacques ELLUL; qui explicite fort bien ce qui différencie les deux religions, ou, plus près de nous « Le Dieu des chrétiens » de Rémi BRAGUE.

  • @ François:

    Chez les musulmans, il me semble que la prière (et en particulier la grande prière du vendredi) est à heure fixe. Ce qui rend en théorie impossible plusieurs offices le même jour.

  • Ca ressemble a une affaire destinée à produire du clic, Boubakeur a rétropédalé dans la journée, Saphirnews, Al-kanz et cie sont aussi remontés que la cathosphère et les annonceurs sont contents.

    Je serais à deux doigts de pointer l’irresponsabilité des média mais comme j’ai moi-même cliqué comme un fou malgré le côté pousse au crime évident de monsieur Elkabach…

    En revanche, je suis un « éventuel curieux ». 🙂

  • @ François:
    Je voulais dire : à horaire « unique » plutôt que « fixe ». Ce qui rend donc a priori impossible de célébrer le même office (pour parler par analogie) plusieurs fois le même jour.

  • Effectivement, les 7 prières musulmanes ont un air de famille avec la Prière des Heures monastiques. Tout comme les moines vont célébrer les Vêpres aux alentours de 18 heures/18 heures 30 (et non pas à 8 heures du matin), la prière de Al-maghrib, par exemple, – la prière du coucher du soleil -, doit avoir lieu au… coucher du soleil (dont l’horaire varie).
    Mais il se peut que le vendredi ce soit différent.

  • @ Cardabelle:

    5 prières quotidiennes et non 7 (faute de frappe, sans doute)

    Pour le vendredi, c’est la même chose. J’ai pris un exemple dans deux mosquées françaises :

    – vendredi 5/06 : 14H10 – vendredi 26/06 : 14H14 (Nantes)

    – vendredi 5/06 : 13H40 – vendredi 26/06 : 13H44 (Lyon)

  • Koz a écrit :

    Je vous invite à cliquer sur le lien qui figure sous ces deux mots, « la joie ». Quand je parle de la joie, je n’envisage pas juste une bonne bouffe.

    Autant pour moi, merci, j’avais du louper cet article à l’époque. Souhaitons donc que votre définition de la joie soit mieux partagée car ce n’est pas toujours ainsi que c’est présenté…

  • @ Lili: »Mais excusez-moi, on ne remplit pas les églises avec la joie seule. Pour cela il y a les bars, les chorales, les stades, les troupes de théâtre, tous ces lieux où chacun trouve la joie ». Vous oubliez ceux qui se bourrent la gueule tous les samedis soirs, parce que c’est ça, faire la fête.Mais je pense que nous ne parlons pas de la même chose. Non, leur « joie » ne me dit rien.
    Mais la joie de se savoir aimé de Dieu, seule, peut toucher et se communiquer. Vous avez déjà essayé d’évangéliser (porte à porte, par ex. ) avec une face « de piment au vinaigre » (pape François)? non, ça ne donne pas envie. Mais si l’amour de Jésus est notre joie (« la joie du Seigneur est notre rempart », Ne, 8, 10), et que cela se voit, oui, cela donne envie! et je vous assure que ce n’est pas la même joie que celle de qui rit parce qu’il a trop bu au bar ou enfin réussi à attraper sa petite balle dans le stade ! (et n’oubliez pas l’évangile c’est une « bonne nouvelle », normalement, ça doit réjouir!)

  • Vous n’aimez pas, Koz, que l’on vienne dire les choses avec moins d’alacrité que vous. Je suis plus en colère devant l’impudence de certains (D. Boubakeur a gagné le pompon en la matière) et moins dans la joie, et je ne m’en vante pas.

    Pour autant, je reste dans l’espérance. Je crois que l’Eglise de France se réveillera, saura dire aux gens combien sa foi est belle, et aux imams qu’ils peuvent aller se rhabiller plutôt que de draguer ses ouailles et occuper ses églises. On n’y est pas encore (je pense au prêtre dont parle François, incapable de soutenir un débat et même inquiet qu’un de ses paroissiens puisse s’y risquer).

    Ce jour viendra grâce à vous bien plus qu’à moi. Mais il n’y a pas que la joie, il y a aussi la nécessité de forger un discours nouveau et adapté aux temps présents. Cela m’étonnerait que ce discours ne soit pas un tant soit peu conquérant et fier. Et joyeux aussi, sûrement.

  • Que les églises se vident, je ne peux pas dire. De mon expérience, changeant de lieu pour assister à la messe, elles sont souvent bien remplies. Bref, que les bâtiments soient désaffectés, je ne peux rien affirmer. Mais que l’Église, l’Ecclésia soit vide, c’est indéniable. Nos curés, évêques, cardinaux n’ont plus rien à dire. Tout est affaire de social et d’économie, de voirie et d’hygiène, et rien d’autre … ha si, une vague théorie morale toujours plus élimée par le bulldozer de l’éthique techno-commerciale et du beau sentimentalisme.
     » Erst kommt das Fressen, dann kommt die Moral. »

    Arrêtons cinq minutes les imprécations stériles appelant à la joie et à l’optimisme. Tout concourt au désespoir et à des temps d’humiliation et de souffrance.
    C’est aussi ce que nous avait promis NS Jésus Christ : notre foi serait mise à l’épreuve. Et l’alternative ne se trouve pas entre les déserteurs, qui renoncent, et les autruches qui cherchent leur joie dans l’aveuglement ou la remise en perspective rhétorique des défis du moment.

    Il nous est proposé aujourd’hui une vie riche, pleine de perspectives, de plaisirs et d’accomplissement de soi, tout bonnement de la joie, comme vous dîtes, qui se passe très bien de toute conception spirituelle ou religieuse. La religion n’est plus qu’un expédient, au même titre qu’un style vestimentaire ou musical. Toute résolution d’une vie sainte est sans cesse ajournée par les obligations professionnelles, les temps de vacances obligatoires (le terme de « vacance » est d’ailleurs assez marquant. En vacance de quoi au juste ?), et tout un tas de prétextes subalternes.

    • Soit ils n’ont plus rien à dire, soit vous n’entendez plus rien. C’est selon. Au vu de vos précédentes contributions, je m’en voudrais d’exclure prématurément cette dernière hypothèse.

  • Je pense voir et entendre avec des sens sobres. Seulement j’ai la fâcheuse pulsion d’être plus dur et radical avec les choses que j’aime profondément comme la Sainte Église. Sa timidité et sa médiocrité, comprise dans le sens qu’elle se complet dans un discours moyen souhaitant ménager les susceptibilités de ses ennemis, me consternent, car c’est une précaution que ces derniers ne prennent pas. Fut un temps où il y avait des Catholiques et même des hommes d’Église qui avaient du répondant et le goût du combat apostolique. Aujourd’hui, je pense que le destin du christianisme est terrifiant. L’avenir me donnera sans doute raison, à moins que …

    Maintenant, sur votre urbaine manière de me traiter d’épais crétin au vu de mes contributions ici-même (moins d’une dizaine en plusieurs années) que j’ai d’ailleurs oubliées pour la plupart, je ne peux m’empêcher de penser que j’en suis responsable. Je bats ma coulpe, je suis un parfait imbécile avec une mystérieuse chose très noire derrière les yeux.
    Pourrais-je évoquer que je vis parmi les païens et les pauvres ? C’est peut-être une explication. Par ici la figure du Christ est une chose étrange et incompréhensible, alors même que son adoration historique a quasiment façonné tout ce qui se rapporte à des œuvres de civilisation (jusqu’à la statue d’un pape qui appela à la croisade).
    Je ne suis que peu au fait des discussions qui ont cours dans les nombreuses chapelles intellectuelles parisiennes dans lesquelles les membres ont la possibilité de s’auto-féliciter de leur grande culture et de leur connaissance des dernières communications ecclésiastiques. je ne lis ni La croix, ni La Vie, ni aucun autre torchon indigent soit-disant catholique.
    J’ai, en revanche, souvent eu la possibilité de discuter longuement, seul à seul, avec le curé de ma paroisse et je peux vous garantir que les mots des autorités ecclésiastiques ne pénètrent pas jusqu’ici ou du moins, elles ne différencient guère de ceux des autres autorités publiques. Il y a une raison claire à ce phénomène : leurs mots ne sont que courants d’air.

    Passons …

    Sur ce, je vous salue du fond de mon cloaque d’aveugle et de sourd, en espérant pouvoir vous gratifier de nombreux autres commentaires d’une grande imbécilité comme j’en suis coutumier, en prenant garde de, bien sûr, les assaisonner d’un noir pessimisme.

    • Je pense voir et entendre avec des sens sobres.

      Puis-je me permettre d’être dubitatif, à la lecture de la suite de votre commentaire, légèrement outrancier ?

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