Dans la désolation

« Nous les rejetons, ils n’ont rien à voir avec la contestation de la société capitaliste. Ils en sont les larbins, les fourriers, les bouffons.» C’est ainsi que, la verve toujours boursouflée d’outrance, Jean-Luc Mélenchon qualifiait les émeutiers d’Amiens qui brûlaient gymnases et bibliothèques. C’était en août 2012. Onze ans plus tard, elle est au service de la rhétorique inverse. Il lui aura fallu 3 nuits d’émeutes, de saccages, d’autodestruction par les émeutiers, brûlant leurs voitures, leurs écoles, leurs médiathèques, dans leurs rues au pied de leurs immeubles, pour appeler partiellement au calme et à la préservation de ce bien commun. Entretemps aura flotté l’idée grotesque d’une convergence des luttes, d’une fraternisation avec les Soulèvements de la Terre, comme si les pilleurs de Nike et de McDo se reconnaissaient dans la décroissance, la lutte contre la ligne Lyon-Turin et les mégabassines.

En face, l’extrême-droite se grise de l’avènement de son momentum, cette guerre civile qu’à 15 ans Gilles D. me pronostiquait déjà sous l’abribus, il y a plus de 30 ans. Les émeutes leur apportent la preuve de l’impossibilité de cohabiter avec ces « hordes de sauvages », dont il faudrait opérer la remigration – par les armes nécessairement, sur des bases ethniques, pas de nationalité, forcément.

Leurs violences respectives, désormais ultramédiatiques par la télégénie du simplisme, ne sont pas pour rien dans la culture qui imprègne notre société.

Au milieu, coule la désolation devant les efforts réduits à néant, la stigmatisation renforcée, les espoirs effacés, l’absolue stérilité d’une violence imbécile qui, les nuits passant, ne peut plus se revendiquer d’une colère légitime ni même de la mémoire de Nahel. Au milieu restent ceux qui, pas moins lucides, pas moins conscients des ressentiments, des refus de s’intégrer comme des refus d’intégrer, des haines réciproques et cultures opposées, de la séduction des trafics, des dérapages policiers, de l’absence des pères ou de toute autorité parentale, parfois de la complaisance, s’obstinent à soutenir des mères, encourager des jeunes. La poudrière est une évidence mais élus locaux, éducateurs ou enseignants, ils rejettent les diatribes faciles pour avancer pied à pied. Ce sont eux, tâcherons de la fraternité, qui tiennent ensemble les fils de la République. C’est à eux que, au cœur de la consternation, je veux penser.

Chronique du 6 juillet 2023

Photo de Flavio sur Unsplash


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3 commentaires

  • Merci ! C’est un excellent billet ! Je suis à 100% d’accord avec vous !
    J’en ai vraiment ras l’bol de ces personnages aux extrêmes de gauche et de droite qui passent la plupart de leur temps à se balancer des anathèmes : islamo-gauchiste, facho etc…
    Sans être bisounours et n’ ignorant pas la très grande complexité de cette situation , peut-être qu’il faut se demander vraiment si dans ce beau pays ont a tout fait pour que ses jeunes des quartiers aiment la France !
    L’extrême droite ! La guerre civile ! N’importe quoi,! J’ai vécu au Liban ! Ce n’est pas rigolo une guerre civile ! Ni vaincu , ni vainqueur,mais beaucoup de larmes, surtout chez les plus humbles ! L’extrême gauche ! Des opportunistes irresponsables et laxistes qui se moquent bien du vivre ensemble et du bien commun !
    Effectivement, je suis convaincu qu’il y a de nombreuses personnes qui œuvrent dans ces quartiers qui ont des pistes à nous proposer pour sortir de cette impasse .
    Cette après-midi, j’ai invité des personnes qui se balladaient dans notre bourg du Centre-Bretagne à prendre un café. Ils passaient devant mon atelier de tournage sur bois ! Nous avons échangé avec une prof de lettres qui jusqu’à l’an dernier enseignait dans l’académie de Créteil, donc dans les ZUP. C’était très sportif, exigeant, parfois flippant mais elle aimait sa mission et surtout elle aimait les jeunes !
    Avec beaucoup de tristesse, elle a vu la situation se dégrader très rapidement ! Quel gâchis !
    D’ailleurs, c’est la réaction que devraient avoir nos politiques : quel gâchis ! Et maintenant, qu’est-ce que l’on fait pour redresser la barre !

    Bien fraternellement
    LOUIS

  • Pardon pour mon message qui ne concerne pas le sujet, mais je viens d’entendre sur Figaro Vox une interview d’Henri Emmanuelli, à propos de son dernier livre « de Vieux en mieux » et en sous-titre  » Vivants jusqu’au bout ». Il dénonce la condition des personnes âgées dans les EPHAD. il dit cette chose très juste, on ne voit le malade que comme une machine dont on répare et remplace les organes, mais la vie intérieure est ignorée de plus en plus.
    Et surtout, il condamne fermement l’euthanasie et le suicide assisté, car ce serait la porte ouverte aux pires heures de l’histoire quand on gazait les malades mentaux, puis les juifs.
    Peut-être pourriez vous prendre contact avec lui dans le cadre de votre combat contre l’euthanasie et le suicide assisté.

    • Il ne s’agit pas d’Henri Emmanuelli mais de Xavier fondateur du SAMU Social et ancien secrétaire d’état à l’action humanitaire. Pardon pour cette erreur.

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