Croire en la France ?

Il existe une foi en la France, cette conviction sentimentale que brûle en elle une flamme qui ne saurait s’éteindre. Le Général de Gaulle, n’a-t-il pas exprimé ainsi cette certitude : « la France ne peut être la France sans la grandeur », qu’il qualifiait précisément de foi ? Plus proche de nous, Jacques Julliard, le croyait : « la France a eu souvent besoin de toucher le fond pour amorcer d’un élan décisif les conditions de la remontée ». Ces jours-ci, cette phrase est apparue sur les réseaux, comme un réconfort. Cette inclination à croire en une France immortelle a quelque chose de christique, à laquelle la période se prête tout particulièrement, et fantasmatique. Au milieu de la nuit, un enfant nous est né, promesse de lumière. Et la France, descendue aux enfers, ressusciterait des morts. On est allé jusqu’à prêter à Marthe Robin une prophétie selon laquelle « la France tombera bien bas, plus bas que les autres nations » avant d’être relevée. Attribution probablement fausse, d’ailleurs, ce qui n’est pas moins révélateur : cette conviction a tant besoin de survivre qu’on s’est efforcé de lui donner l’onction de la figure spirituelle du moment.

L’idée est d’un appréciable soutien. De Gaulle aurait-il été De Gaulle, sans cette foi ? Aurait-il ramassé le flambeau tombé à terre, souillé par le collaborationnisme, s’il n’avait pas cru de façon presqu’extravagante à une grandeur inhérente à la France ? Mais est-elle fondée ? Quand Julliard évoque cette remontée qui suivrait l’écroulement, à quoi pense-t-il ? Vraiment, la France se serait remise de la Grande Guerre ? Un élan décisif aurait suivi la Seconde ? Trouver les conditions d’une telle remontada dans le passé présente tous les travers d’une Histoire téléologique, au premier rang desquels la reconstruction a posteriori. L’Espérance est nécessaire, qui vient soutenir l’action. Mais prenons garde à ce que, pour beaucoup, elle la supplée. Il serait moins nécessaire d’agir, il suffirait de prier, puisque quoiqu’il arrive, la France se redresserait. Rien ne le certifie.

Or, la période dévoile des jeux dangereux. Les députés LFI, lit-on, jouent la démission d’Emmanuel Macron et la présidentielle anticipée. Testé trois fois plus bas que Marine Le Pen en début de mois, que peut donc en espérer Jean-Luc Mélenchon ? Un plus grand chaos, préfigurateur ? De son côté, la presse choisit ce moment pour rapporter des propos déplorables qu’aurait tenu Emmanuel Macron, et les comportements grotesques de ses courtisans, alimentant une ambiance crépusculaire. On se précipite encore pour exploiter toute erreur politique du nouveau gouvernement, en cherchant le discrédit au-delà de la critique. Est-ce vraiment l’heure pour l’hallali ? La France peut tomber sans se relever ou, en tout état de cause, pas sans en payer le prix. Prenons garde : l’Espérance peut être un trésor. Elle peut être aussi l’opium du peuple.


Photo de Gautier Salles sur Unsplash


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