D’où vient donc que j’entretiens quelque prévention à l’encontre de François Bayrou ? A première vue, cet homme assure un héritage démocrate-chrétien auquel je devrais être sensible, il affirme vouloir “transcender le clivage“, ce à quoi je ne suis pas hostile. Ma seule expérience de militantisme s’était faite au sein de l’UDF, avec une défiance prononcée à l’encontre des “moines-soldats” du RPR, ayant d’ailleurs été élevé dans le rejet de ces militants godillots… La volonté de maintenir une voie/x séparée, lorsque l’UMP a été constituée, m’a même semblé saine, en soi.
Je devrais être heureux.
Et je ne le suis pas.
Mais pourquoi ? Pourquoi ?
“Warum ? Sag… Warum !” Comme dirait Camillo (*)
- François Bayrou ne m’a pas convaincu de la sincérité de sa démarche.
- Je ne pense pas qu’il soit en mesure de l’emporter, à tout le moins en 2007.
Baissez vos mains précipitament levées ! J’entends vos objections : ce serait non seulement profondément subjectif, mais également le propre de tant de politiques… Je vous rassure, c’est effectivement subjectif. Pour le reste, poursuivons.
Il me semble en effet que, lors de la constitution de l’UMP, la question personnelle l’a emporté sur les idées dans sa volonté de maintenir l’UDF en vie. Au sein de l’UMP, Bayrou n’aurait été qu’un baron comme un autre. Au sein de l’UDF, il était le candidat naturel, et il entendait le rester.
Cela dit, je ne me leurre pas sur le jeu politique. On ne peut empêcher personne de se voir une carrure élyséenne. Et je pense indispensable une ambition personnelle certaine, comme une confiance en soi affirmée, pour accepter la rudesse du combat qui attend tout candidat à la présidence.
Poursuivre une stratégie personnelle est compréhensible si l’on estime avoir une parole à porter. Mais derrière, sa parole me déçoit et ne contre-balance l’opportunisme de sa démarche.
A titre personnel, sa sortie sur la mise en berne des drapeaux à la mort du Pape m’a profondément exaspéré par sa précipitation : il pouvait estimer le débat nécessaire, mais clamer le dimanche matin à 10h qu’il n’aurait “certainement pas” fait mettre les drapeaux en berne, alors que le Pape était mort la veille à 21h, c’était faire passer le positionnement politique avant le deuil de millions de catholiques. Passons sur le fond du débat, même si je ne partage pas sa position : c’est la précipitation opportuniste que je rejette. Rien ne prédisposait en effet François Bayrou, confit d’électeurs démocrates-chrétiens, à figurer parmi les premiers à affimer une telle position… avec Philippe Contassot et Jean-Luc Mélenchon ! Rien si ce n’est la volonté de se saisir de la première occasion offerte de faire entendre “sa différence“. Mauvaise pioche en ce qui me concerne.
Lors du vote du budget, François Bayrou a déclaré : “nous sommes résolument dans l’opposition quand les choses vont dans le mauvais sens, résolument dans la majorité quand elles vont dans le bon sens“, ce qui m’exaspère résolument. C’est en effet “résolument” opportuniste : résolument avec le gouvernement lorsque la mesure est populaire, résolument contre, quand la mesure est impopulaire. La posture de l’opposant est, de toute évidence, la plus facile à tenir : il s’agit de critiquer sans être aux prises avec les contraintes de l’action. Alterner ainsi l’opposition et le soutien me paraît manquer de courage politique.
Ensuite, maintenir une stratégie personnelle, suspecte d’opportunisme, ne peut se concevoir que si l’on fait entendre une autre voix. J’attends encore les propositions de l’UDF qui a, certes, beaucoup critiqué, qui s’est beaucoup opposé, mais qui en est encore, trois ans après le schisme, à la constitution d’un projet. J’oubliais : l’UDF a une charte des valeurs. A ce jour, c’est encore un peu creux à mon goût, lapalissades à l’appui :
“La justice, ciment républicain :
Si avant toute décision politique, on se posait la question “Est-ce juste?”, on éviterait beaucoup de rejet de la part des citoyens. L’inégalité des Français devant la retraite, est-ce juste? Les excédents des allocations familiales pour financer les 35 heures, est-ce juste? Les élèves qui sortent du système éducatif sans diplôme, est-ce juste? La place actuelle des handicapés dans notre société, est-ce juste? Justice dans les décisions, justesse dans leur application: et les Français se réconcilieront avec la politique.”
L’UMP, qu’ont rejointe un certain nombre de membres de l’ancienne UDF a également une charte des valeurs. Au-delà du seul nombre de lignes, je vous laisse juge de la densité. Ceci étant dit en rappelant que je ne milite nulle part.
En outre, je ne crois pas François Bayrou en mesure de l’emporter en 2007. L’absence de projet, de véritable socle de convictions, à ce jour, ne me laisse guère optimiste quant à l’audibilité (si, ça se dit, en tout cas, moi, je le dis) de son message à venir. Compte tenu de la situation actuelle – que je me permets, après les 21 avril 2002 et 29 mai 2005, de trouver tendue – je ne pense pas qu’un message mi-chère mi-choux, au demeurant encore indéterminé, soit utile. En outre, pour transcender le clivage droite-gauche, encore faudrait-il qu’une partie de la gauche soit prête à (se) transcender, elle aussi. Ce ne me semble pas être le cas.
Enfin, compte tenu du risque de voir l’un des extrèmes l’emporter au premier tour aux présidentielles, les initiatives aventureuses susceptibles d’affaiblir le camp républicain ne m’amusent pas outre mesure. Nous n’en sommes plus à construire une famille politique sur le long terme, mais à éviter un désastre à brève échéance.
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