Après avoir été peu ou prou assimilé à un ultra, voilà qu’un ultra me dépeint en petit bourgeois apeuré. Si vous vous demandez pourquoi bloguer, considérez que cela doit être pour pouvoir s’offrir ces plaisirs d’esthète.
Cela devrait rester du domaine de l’excessif donc insignifiant si n’était pas en question un peu plus que ma personne. Si j’avais donc renoncé initialement à bloguer sur le suicide de Dominique Venner, dont j’ai appris l’existence en même temps que la mort, cette réponse de l’Abbé de Tanouärn (publication doublée ici, diantre !) à un simple statut facebook m’invite à apporter quelques précisions. Mes « amis » parmi mes lecteurs constateront d’ailleurs que l’Abbé ajoute à ce statut des mots qui n’y figurent pas (« indigne d’un prêtre« ) dans le dessein peut-être de le rendre scandaleux. Mais là n’est pas l’essentiel.
Lorsque j’ai appris qu’après Act-Up et les Femen, une autre personne avait choisi de vampiriser la grandeur de Notre Dame de Paris pour donner du relief à son acte, j’ai d’abord craint l’instrumentalisation, l’amalgame, avant la manifestation de dimanche. Il faut croire qu’à l’impossible nul n’est tenu puisque même Fiammetta Venner – compagne de Caroline Fourest, dont on sait qu’elle ne rechigne pas à la pratique – a relevé l’anticatholicisme de Dominique Venner
J’aurais pu être rassuré si certains catholiques n’avaient pris l’initiative étranger de s’amalgamer eux-mêmes. Et voilà au premier l’abbé de Tanoüarn qui se charge de faire du « dernier geste de Dominique Venner » une recension romanesque. Recension tweetée par une responsable politique catholique bien connue, avant d’être partagée sur trop de murs Facebook – même si l’immense majorité des catholiques ne s’y sont pas trompés, ainsi qu’une grande partie des traditionnalistes parmi eux. Il faut dire que l’abbé de Tanoüarn n’est pas un inconnu. Prêtre traditionnaliste, il est cofondateur de l’Institut Bon Pasteur (donc de retour parmi nous). C’est aussi un intellectuel, un solide bretteur, et son influence sur une partie de la jeunesse catholique se mesure notamment à l’aune des partages de son billet.
Doté d’un physique conséquent, il n’a pas pour habitude de se cacher derrière son petit doigt, ce qu’il fait malheureusement à l’évidence en réfutant toute complaisance voire connivence dans ce billet. Bien sûr, ne soyons pas stupides, il ne s’agit pas de connivence du prêtre envers le paganisme revendiqué du soldat perdu. Mais le seul fait qu’un prêtre catholique peu enclin à marchander avec la Vérité puisse entreprendre d’analyser un acte tel que ce suicide scénarisé sous l’angle païen en dit long sur ses bonnes dispositions à l’égard de Dominique Venner. Qu’il invoque à cet égard l’idée que « d’un mort, on ne dit que du bien » prête à sourire.
Pourtant, tout dans cet acte et ses motivations devrait être rejeté par un catholique, à plus forte raison lorsqu’il a charge d’âmes. Sans accabler l’homme et tout en priant pour son salut, ce suicide au pied de l’autel est déjà une profanation de la plus visible des cathédrales de France. L’abbé de Tanoüarn nous indique que Dominique Venner avait une « solide culture chrétienne » comme l’affirme l’abbé de Tanoüarn, c’est en conscience qu’il a déposé ses lettres sur l’autel, et s’est tiré une balle dans la bouche debout sur les marches du chœur de Notre Dame. C’est aussi, d’autres l’ont dit, une profanation de la Vie, vie de tout homme qui est sacrée et reste entre les mains de Dieu.
Certes, il ne s’agit pas de balancer ceci froidement à la face du désespéré. Mais un rappel eut été pour le moins utile. Gageons que l’abbé de Tanoüarn, s’il l’avait voulu, aurait su le tourner avec la délicatesse nécessaire pour éviter que des jeunes portés au romantisme ne voient dans le suicide un acte d’honneur.
Au lieu de cela, après avoir rappelé que Venner et lui avaient en commun de ne pas être des cœurs soumis, et rendu hommage à « sa vie, son œuvre », les « appels à la résistance » des scouts du GRECE, l’abbé de Tanoüarn évoque le « sepuku de Mishima« , archétype du suicide conçu comme un geste d’honneur. Et Venner est décrit ainsi, remettant les clés de sa revue : « Sans paraître affecté. Il avait fini sa tâche, il importait de donner un sens à sa fin« . Voilà, sans la moindre prise de distance, le suicide évoqué comme une façon de donner un sens à sa fin. Pour d’autres, cette prise de distance n’aurait pas manqué.
La suite n’arrange rien, qui décrit ce suicide comme une « sorte de prière sans parole« , son suicide étant même un hommage à la « Vierge Mère« . Avec tout le respect que je dois à un prêtre, puisque le bourgeois, en plus d’être apeuré, est généralement très légitimiste, nous touchons au délire. Dans l’ignorance totale des intentions véritables de Dominique Venner, le suicide sanglant sur l’autel d’une cathédrale deviendrait même un hommage à la Vierge Marie. « D’un mort on ne dit que du bien » : allons… Entre compatir et magnifier, il y avait de la marge.
A l’évidence pourtant, l’acte de Dominique Venner ne doit ce traitement bienveillant qu’à des proximités idéologiques. Je suis heureux à cet égard de me trouver en total accord avec un autre abbé traditionnaliste, l’abbé Jean-Marie Robinne, lorsqu’il évoque une « schizophrénie » coupable.
Je lis pour ma part tout autre chose dans l’acte de cet homme, sans pour ma part m’écarter du sens qu’il a revendiqué lui-même, et je rejette tout. En bloc.
Il est un peu facile, quoique symptomatique, de rattacher l’hostilité de Venner à l’Eglise aux temps troublés de la guerre d’Algérie, il y a un demi-siècle. Sur son blog le jour de son suicide, il reprochait encore à l’Eglise d’avoir favorisé « l’immigration africano-maghrébine« , non-blanche donc, comme le relève justement Laurent de Boissieu. Sa note puise son introduction dans le propos d’un blogueur algérien anonyme annonçant les islamistes au pouvoir en France dans 15 ans. Ce fantasme lui faisait « froid dans le dos« . Il lui aurait suffi, comme il suffirait à trop de ces catholiques surtout d’extrême-droite, de refuser de s’y abandonner.
« A défaut de posséder une religion identitaire à laquelle nous amarrer« , écrivait encore Venner dans sa dernière lettre. Au moins avait-il, contrairement à d’autres, le bon goût de ne pas faire de notre foi en Christ ce qu’elle n’est pas, et d’en avoir tiré les conséquences. Quel que soit l’amour que l’on porte à notre histoire, notre culture, la gratitude pour tout ce que le catholicisme a légué à notre pays, et notre vigilance sur cet héritage, la foi n’est pas identitaire et ceux qui veulent croire le contraire la contredisent, la stérilisent, la parasitent.
Je rejette tout et la désespérance qui, au-delà du geste imprime une idéologie. Ironiquement, c’est alors que l’on peut observer un sursaut tel qu’Ivan Rioufol lui-même trouverait des raisons d’espérer en la France, que Dominique Venner a cru nécessaire de se « donner la mort pour réveiller les consciences assoupies« . Je rejette cette désespérance, elle est la marque d’une culture de mort. Cette culture de mort, elle transparaît dans l’idéologie de Dominique Venner, dans cette angoisse permanente et sombre, stérilisante, inquiétante, cette mentalité d’assiégé. Elle se lit, à la lumière noire de son acte, dans cette phrase que ne renieraient pas les partisans de l’euthanasie : « c’est en décidant soi-même, en voulant vraiment son destin que l’on est vainqueur du néant« . Elle éclate évidemment dans son acte, qui voit dans le suicide l’outil d’un réveil.
Et ce n’est pas le moindre des symboles que de constater que Dominique Venner s’est donné la mort quelques heures avant que l’Eglise, elle, ne veille pour la Vie !
Je suis catholique, je rejette la désespérance idéologique, je choisis la Vie. Et je me range avec joie derrière les propos que Monseigneur Vingt-Trois a tenus lors de cette veillée, et dont il est si difficile de se montrer digne :
Il y a beaucoup de façons d’accompagner la vie, mais il n’y a qu’une façon de servir la vie : c’est d’ouvrir notre propre vie pour la vie des autres, c’est d’ouvrir notre propre cœur pour l’amour de nos frères, c’est de laisser l’amour transformer notre vie pour qu’elle devienne vraiment une source de vie pour tous.
Je suis catholique et je me range avec joie derrière les propos de Monseigneur de Moulins-Beaufort dans une entretien providentiellement accordé avant ce suicide, en vue de la veillée
P. N.-D. – Comment garder l’espérance quand le combat semble perdu ?
Mgr E. de M.-B. – À Pâques, nous célébrons la victoire du Christ qui passe par la croix. Ne soyons pas étonnés que la vérité suscite des rejets ou des résistances de la part des hommes, et que beaucoup ne se voient pas vivre à ce niveau. Ne nous durcissons pas. La prière nous aide à voir dans les personnes dont les idées nous effraient les attentes et les désirs cachés. La prière nous aide à vivre sans juger. Elle nous assure que l’humanité n’évolue pas à sens unique : ce n’est pas parce que nous sommes dans une période de remise en cause que l’histoire est « fichue ». Notre foi comporte des richesses que nous n’avons pas encore suffisamment montrées et qui peuvent régénérer les générations à venir.
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Je me permet juste d’apporter une tout petit commentaire, pour tenter de comprendre ce qui peut vous opposer sur ce sujet.
Je n’ai lu que peu de billets de l’abbé de Tanouärn. J’ai lu ton commentaire, et sa réponse à ton commentaire.
Maintenant que je lis ton billet, j’ai bien l’impression que, ce qui vous oppose n’est pas le fond, mais l’angle de lecture du fait.
Si l’abbé de Tanouärn nourrit une certaine sympathie envers Venner, elle transparaît sans doute dans son analyse peut-être un peu trop complaisante de son acte. Cependant, je dois avouer que sa manière d’analyser l’acte ne m’est pas indifférent. Je m’explique.
Dans sa réponse, l’abbé de Tanouärn -en substance- évoque l’idée que, au-delà de toute considération religieuse, l’homme a en lui, une vision du sacré, même une personne païenne comme Venner.
Cette vision peut être plus ou moins erronée (obscurcie par le péché originel dirions nous), mais bien présente. Un anthropologue des religions comme Mircea Eliade, te dira que l’anthropophagie a – chez les peuples qui la pratiquent – une dimension sacrée non négligeable.
Aujourd’hui, nous la condamnons, parce que nous avons eu la grâce de la Révélation. Mais, de manière sincère, un anthropophage, quand il mange de la chair humaine, réalise un acte sacré. Et pourtant, il commet bien un crime contre la vie.
Louis Bouyer, théologien de renom, te dira que, le « sacrifice » n’est pas « rendre sacré » (c’est-à-dire, couper du reste du monde « profane », mais « faire ce qui est sacré » c’est-à-dire reproduire un geste que les dieux ont réalisés « in illo tempore ». En quelque sorte, le sacrifice se caractérise par le fait qu’il reproduit un acte « exemplaire », un paradigme.
De même, les peuples d’Amérique du Sud, lorsqu’ils réalisaient des sacrifices humains pensaient-ils réaliser l’acte le plus sacré qui soit. On offre ce que l’on a de plus précieux. Pour un païen, ce qu’il a de plus précieux, c’est sa vie biologique.
Il faut maintenant le replacer dans son contexte. Venner pouvait-il faire fi de ce que, le lieu où il a réalisé son acte était un lieu sacré pour d’autres personnes que lui et pour qui la vie en elle même doit être préservée. Non. Venner a commis un acte égoïste, centré sur sa perception du monde. Et c’est là que l’analyse de l’abbé de Tanouärn pèche. Elle trop centré sur la conscience individuelle.
La marque d’une conscience accomplie est qu’elle ne se limite pas à une perception unique des choses. Elle sait percevoir la conception du sacré là où elle est présente chez les peuples humains et la respecter. Ainsi, un chrétien lorsqu’il rentre dans une mosquée doit-il enlever ses chaussures, ou mettre un couvre-chef lorsqu’il rentre dans une synagogue.
Si je voulais résumer ce qui vous oppose je dirais ceci : l’abbé de Tanouärn tente d’aborder l’acte de Venner sous un angle anthropologique, mais se laisse déborder pour la sympathie qu’il a pour l’homme et oublie l’ignominie objective de l’acte. De ton côté, tu n’as peut être pas intégré cette vision de l’anthropologie des religions, qui permet de comprendre (sans pour autant justifier), des pratiques aussi horribles que les sacrifices humains ou le suicide d’honneur dans leur dimension « sacrée »
Excellentissime. Un des meilleurs posts de ce blog que je suis depuis quelques années déjà.
Lorsque la vérité est diffammée par des faux-prophètes, il faut prendre distance, respectueusement mais fermement.
Merci Koz. Puisse l’Esprit de Pentecôte continuer à bénir tes écrits et tes dires….
« Le désespoir est le suicide du coeur. »
de Jean-Paul Richter
Je trouve votre blogon très intéressant. Je me demandais ce que je devais penser du suicide de cet homme que je ne connaissais pas et de la manière dont il avait procédé pour se suicider. Qu’est-ce que ça voulait dire? Je vais maintenant plutôt réfléchir à ce que vous avez écrit.
Excellent billet. Que l’Abbé de Tanoüarn se complaise dans une apologie de la droite extrême à la sauce de Benoist (on rappellera le fondement anti-théiste de ce tenant de la Nouvelle droite dont Venner était proche), c’est son affaire. Qu’il s’empresse de saluer le geste et l’homme qu’était Venner et que cela le rapproche de la branche bleu Marine (qui a salué Venner et son geste) , c’est son affaire. On notera toutefois sa contradiction avec certains de ces comparses traditionnalistes, plus enclins à être Gollsnishiens que Mariniste.
Enfin, l’Abbé de Tanoüarn, dans un accès de tolérance voltairien (Péguy affirme pourtant qu’il y a des maisons pour cela) ou dans un élan casuistique (c’est selon), affirme : « Ne peut on pas respecter quelqu’un sans pour autant partager ses idées », on se prend en effet à rigoler tant le « sans pour autant partager ses idées » sonne comme un pieu mensonge.
Merci pour ce billet. Une seule réserve : Koz, vous ne connaissiez pas Dominique Venner, cela devrait vous inciter à la plus grande prudence et réserve dans vos jugements, quand il s’agit d’un auteur de cette envergure. L’abbé Tanoüarn, lui, le connaissait vraiment, et on ne parle assurément pas d’une personne décédée de la même manière quand il s’agit d’une connaissance de longue date ou d’un parfait inconnu. Mon avis est que tous ceux qui ne l’ont pas connu devraient s’abstenir de tout commentaire public. C’est ce qu’a fait par exemple Ludovine de la Rochère, dont les médias ont sollicité l’avis.
« …« c’est en décidant soi-même, en voulant vraiment son destin que l’on est vainqueur du néant « ……J’ai cherché qui il était ; cette phrase m’a confirmé ce que je pressentais : une ultime provocation….mais à la toute dernière seconde, que s’est-il passé en lui? Seul Dieu le sait…Paix.
C’est l’expérience du tir croisé : quelle est ta place, Koz, ainsi que celles et ceux qui sont dans ta ligne de pensée et de comportement ? En quoi croyez vous, en quoi ne croyez vous pas ? Peut-on soutenir inconditionnellement tous les alliés de circonstance et si la réponse est non, comment faire comprendre la prise de distance ?
Dominique Venner était contre la réforme du mariage, il l’a dit maintes fois. Il était aussi contre ce qu’il appelait l’immigration « afro-maghrébine » et croyait en la théorie du « grand remplacement ». Je ne crois pas (et je doute me tromper) que tu aies les mêmes opinions que lui sur ce sujet. Bien au contraire, je crois, détrompes moi si je fais erreur.
Comment dire à quelqu’un avec qui on partage certaines luttes que par ailleurs on combat d’autres de ses convictions ? Comment le dire sans s’attirer ses foudres, surtout quand il est dans une logique radicale ?
Cette question se pose logiquement à l’ensemble des gens qui se retrouvent dans le mouvement LMPT. La réforme du mariage portée par la majorité de gauche au pouvoir a agrégé contre elles des gens aux valeurs fort différentes, des humanistes porteurs de la doctrine sociale de l’Eglise en plein accord avec le Saint-Siège jusqu’aux « tradis » de la FSSPX, en rupture avec le Saint-Siège en passant par les athées, musulmans et personnes dont les motivations n’ont rien de religieux. Si tous sont contre la réforme Taubira, il n’y a quasiment rien de commun au delà.
Que faire ? Faire siennes les revendications des autres ? Ne rien dire, même lorsqu’elles vont à l’encontre de ses propres convictions ? Les combattre, au risque de fracturer le mouvement voire le faire exploser ?
Défendre ses convictions, comme tu le fais Koz, est toujours un exercice difficile. La contestation viendra non seulement des gens opposés à tes idées, mais aussi de ceux que tu peux croire être à tes cotés. Les camps ne sont jamais clairs sur le champ de bataille des idées, les coups peuvent venir d’en face mais aussi de ta gauche, de ta droite, de derrière, en dessous ou d’au dessus, de partout. Pris comme un combat, cela devient une foire d’empoigne permanente. Un lieu où tu es exposé en permanence et où même les règles d’engagement ne sont pas toujours admises par tous. Tes propos seront déformés, au mieux interprétés d’une manière inattendue pour toi.
Que faire alors ? Se taire et quitter le combat sans bruit ? Est-ce plus satisfaisant ? Il y a peut être une autre solution.
Si j’en crois un certain nombre de chapitres de nos livres d’histoire, le poing n’est pas toujours l’arme la plus efficace contre la violence. La parole marche souvent bien mieux. Mais, puisque j’ai commencé à parler de la main, il existe une autre posture pour elle : l’ouvrir et la tendre aux autres.
Une main offerte ne signifie pas abdiquer ses convictions. Elle ne dit pas le ralliement. Au quotidien, elle veut dire « bonjour » (même si nous français, sommes très bizoox), elle signifie respect de l’autre. Même au niveau basique, elle exprime cette reconnaissance de celui d’en face comme faisant partie de la même humanité.
Tendre la main signifie aussi l’apaisement. On ne la tend pas qu’à ses amis ou alliés, on la tend aussi aux adversaires ou aux ennemis. Apaiser, faire la paix n’a de sens que si il y a eu confrontation.
C’est un dur apprentissage pour les minorités, que celui qui consiste à reconnaitre l’existence de celle d’à coté. Elle ne partage pas toutes tes valeurs mais à un certain niveau, elle est sur la même ligne que toi. Apprendre à reconnaitre la différence chez l’autre et à la respecter signifie aussi apprendre à se connaître soi-même.
Alors, que faire avec l’Abbé et Le Monde ? Je ne peux pas répondre à ta place. mais je fais le pari suivant : ta réponse sera d’autant plus adéquate qu’elle s’appliquera à toutes et tous. Y compris à celles et ceux avec qui tu penses n’avoir que peu en commun. Mais là, ma parole est sans doute un peu superflue : un chrétien sait toujours ce qu’il a en commun avec son prochain. J’y vois un bon augure : le travail à faire ne sera peut être pas si difficile à faire que cela pour toi. Après tout, ta foi t’y a préparé.
Cordialement,
M.
Prétendre faire la lumière, alors qu’il ne s’agissait de la part de l’abbé peut-être d’un au revoir, d’une marque d’affection certainement, les bras m’en tombent. Mais je reprends la plume. La démonstration, bien rédigée et mûrement construite, sera probablement mais je ne l’espère même pas, l’objet d’autres commentaires.
Pour ma part, quelques remarques :
1 – quand on est vraiment trop super catho, qu’on le revendique haut et fort, je ne vois pas d’autre alternative pavlovienne que de prier plutôt que de s’acharner, qui plus est sur un mort, eut-il eu le mauvais goût (la provocation) d’aller se foutre en l’air dans l’un des beaux sites de Paris. « …vampiriser la grandeur … ». Mais enfin, cela fait longtemps que je n’ose même plus mettre les pieds dans cette église cathédrale tellement elle ressemble dorénavant à un vulgaire musée de province pour touristes en goguette. Ce que cet endroit est devenu me retourne le coeur. Tout cela grâce à la connivence de qui ? Pas des tradis, c’est sûr !
2 – « donc de retour parmi nous ». Il va évidemment de soi que les salopards de la FSSPX iront tous griller en enfer. Est-il nécessaire d’être à l’extérieur (en bordure, un pied sur la ligne ?) de l’Eglise pour être un paria ? Et, inversement, tous les membres présumés de l’institution sont-ils de fidèles et authentiques serviteurs du Verbe ? Oui je crois que la tradition léguée par nos pères est bonne. Oui Lefebvre a fait (et ils n’ont pas été légion à avoir ce courage ou cette clairvoyance) du bon boulot. Oui je crois que l’on a jamais fini d’approfondir et de s’émerveiller des trésors de la foi. Et oui enfin je crois qu’un peu d’humilité ne ferait pas de mal à certains qui au lieu d’appeler à l’unité encouragent la division en jetant l’opprobre sur leurs frères, qui plus est dans des moments de souffrance.
3- « …les intentions véritables de D Venner ». Mais encore une fois, le signifiant, le signifié… et quoi bordel, qui à part le Seigneur pourrait s’autoriser une telle arrogance ? Quand bien même, n’a-t-on pas le devoir de lui pardonner ?
4- Evidemment qu’il s’agit d’une idéologie et d’une culture de mort. Mais diantre, plutôt que les exécuter une deuxième fois, un peu d’amour et de compassion!
5- « Les proximités idéologiques » de Tanouärn, bientôt complice des nazis probablement. Et vas-y que je te pousse ! C’est pourtant pas compliqué d’appeler un chat un chat.
6 – Pour le reste, la digression anthropologique de Skeepy me va bien.
A dimanche !
Je laisse l’abbé de Tanoüarn qui est suffisamment grand pour répondre par lui-même.
A part ça, plusieurs choses.
Tu nous fais du tradi dans le texte (pas l’habitude de lire « culture de mort » sous ta plume, mais ça doit être spécialement taillé pour l’extrême-droite, on t’a connu moins agressif), Koz, là. C’est à dire du froid, de l’intello, du désincarné, du racé. Choses dont tu n’étais pas le dernier à accabler les tradis à raison.
Sinon, là il est affectif, l’abbé, vous ne parlez pas des mêmes choses, comme le montre Skeepy. Et oui, quand on a connu le gars en question, on a moins tendance à être sévère, c’est normal. La réponse de Sursum Corda à l’abbé Robinne sur le Forum Catholique est à cet égard excellente :
Sinon :
« la foi n’est pas identitaire et ceux qui veulent croire le contraire la contredisent, la stérilisent, la parasitent. »
Oui, mais l’identité fait partie de l’humain. Tout le monde en a une, tout le monde se définit au travers, tout le monde a du mal à s’en défaire et à lâcher prise par rapport à elle. Moi, toi, tout le monde. Et on peut faire dire à l’identité ce qu’on veut : qu’il faut un pays chrétien ou qu’il faut débarrasser l’Eglise de cette « culture de mort » d’extrême-droite, ou que les plus cathos sont par définition les plus pauvres. Y en a pour tous les gouts et toutes les sensibilités. On veut tous une Eglise qui nous ressemble, et on a tous un deuil à faire à ce sujet.
L’Eglise n’est jamais comme on le souhaite.
Ouh ! Là ! Ca barde ici…
Ah, les cathos entre eux, de vraies mégères !
Comme quoi, si le Christ est venu nous enseigner l’amour du prochain, c’est sans doute parce que ce sont nos plus proches qu’on déteste le plus intensément.
@Skeepy
C’est pas pour faire de l’anthropologie de comptoir mais il me semble qu’il y a une certaine chronologie à observer: le sacrifice humain, le sacrifice animal, le sacrifice parfait et l’athéisme. Si l’athée commence à justifier ses gestes en fonction d’une sacralité éteinte depuis assez longtemps (en France), il n’est pas inconcevable de pointer du doigt d’abord et avant tout une certaine incohérence. On a même le droit d’être sidéré à moins.
Raoul a écrit ::
Le premier meurtre mentionné dans la Bible est celui d’un frère ! 🙂
» Je vais maintenant plutôt réfléchir à ce que vous avez écrit. » et aux commentaires que vous suscitez et à ce qui n’était pour moi au départ qu’un fait divers tragique.
L’abbé de Tanoüarn ne s’est compromis dans aucune collusion. Il a même insisté sur tout ce qui l’opposait, en tant que chrétien, à D. Venner. Il est vrai que se suicide, ce sacrifice au pied de l’autel est le mixte troublant d’une logique païenne admettant le suicide comme aboutissement, et sans doute d’une dédicace (au sens antique du terme) à une divinité obscurément invoquée, mais certainement pas délibérément profanée. Tanoüarn a tâché d’analyser ce complexe, en termes dont peu toujours soupeser chacun au carat de l’orthodoxie catholique, mais il ne parlait pas ici en chaire. Faisons la part de choses. On voit bien en revanche cette épidermique intolérance à toute expression qui de près ou de loin peut subir l’étiquetage infamant « d’extrême droite ». C’est effectivement une sidération. Défense de relever un sentiment noble, ou une idée juste à rien de ce qu’officiellement les services de Manuel Vals et officieusement le magistère médiatique à recensé sous l’appellation. C’est idiot et injuste à la fois. Récemment, j’ai pris la plume pour féliciter tel maire socialiste dont on avait pu lire les déclarations courageuses contre la loi Taubira. Je lui ai manifesté combien il me paraissait utile et juste que le nom de socialisme apparût attaché au respect de l’institution familiale protectrice des faibles que sont les enfants, et de la filiation naturelle comme élément de la dignité humaine. Je ne me suis par là pas senti compromis avec quelque bête immonde, au motif que le concept vague de socialisme avait pu avoir ou même a encore partie liée avec le marxisme-léninisme (et puis aussi après tout le national-socialisme). Le nationalisme, ou plus exactement la droite identitaire, cultive entre autres une quête de l’enracinement, de la solidarité nationale, de la permanence mémorielle où tout n’est pas à approuver ni non plus à insulter. C’est ce dialogue, de plus personnel, qu’a mené Tanoüarn.
@ Raoul:
« C’est pas faux » comme dirait l’autre. Mais pas forcément juste. L’homme est un être spirituel. C’est en lui. Il ne peut s’en détacher. L’homme peut l’intégrer dans sa personnalité et devenir un homme religieux, ou intégrer cette donnée (psychique) dans une doctrine athée.
En se disant : « le spirituel fait partie de l’Homme soit, intégrons le, mais de manière, si l’on peut dire « extérieure », « objective », « sociale » : le spirituel, le sacré deviendra ainsi l’aune de la portée sociale de mon acte », l’athée pense maitriser sa dimension religieuse,il croit conserver une certaine maitrise rationnelle sur son agir (Tiens, cette notion de « maitrise » : poke @Polydamas 😉
Un athée est tout à fait capable de comprendre et de mener ce type de réflexion, ça n’est pas du tout incompatible. N’est-ce pas un principe, justement, du mouvement dit « identitaire » : s’approprier le religieux, le sacré comme faisant fondement d’une culture qu’il faut défendre contre une agression ? Venner est juste allé plus loin, il ne s’est pas arrêté à une religion en particulier, mais au sacré qui sous-tend en l’Homme l’agir religieux .
Je ne connaissais pas Venner et fort peu l’abbé de Tanoüarn.
Mais il me semble que Venner a voulu poser un acte public et que donc le jugement de l’acte doit, sur un forum public, primer le souci, par ailleurs légitime, de suspendre le jugement de la personne et de faire la part d’une histoire singulière. Cela me semble particulièrement vrai de quelqu’un qui revendique l’autorité morale d’un prêtre de l’Église catholique.
On trouverait sans difficulté le pendant à l’autre extrémité du spectre politique. Il n’y a pas si longtemps un prêtre catholique avait souhaité la mort du Président de la République !
L’Église est bonne mère et peut accepter en son sein des engagements politiques très variés. Les exigences morales restent les mêmes.
… j’ajoute juste qu’un à côté de ce fait divers est révélateur du malaise intellectuel et social affectant la question de la so called « extrême droite » : manifestement, personne dans les grands médias, ni le publiciste Koz, n’avait jamais entendu parler de D. Venner. Or, c’était tout de même un écrivain plutôt prolifique, qui a produit des sommes d’histoire contemporaine plus que respectables et même incontournables par l’abondance de la documentation brassée et aussi la hauteur de vue qu’il y appliquait. Je pense notamment à ses deux histoires de la résistance et de la collaboration, qui devraient être des ouvrages de référence. Mais l’intéressé était bien ghettoisé, selon un processus médiatique habituel. Je ne pense pas qu’il ait accédé jamais accédé à aucun plateau de télévision.
C’est marrant, moi non plus je ne voulais pas en parler, mais du coup j’en parle. Et comme, pour de multiples raisons, je suis énervé, je ne vais pas forcément être charitable (sinon je me tairais, comme les sages).
Je ne me place pas sur le plan chrétien ou spirituel, comme koz (avec qui je suis d’accord). Je me place sur le plan «anthropologique», comme dirait Skeepy, ou comme le fait l’abbé de Tanouarn. Ou plutôt, je soutiens qu’il est impossible de s’y placer. Mishima, qu’admirait Venner, s’est fait hara kiri (note cuistre: je ne vois pas pourquoi on emploierait le mot chinois de seppuku pour désigner le suicide rituel des samouraïs, sauf si on a envie de montrer qu’on est cultivé; seppuku est un euphémisme, plus ou moins prisé au Japon, mais qui veut dire exactement la même chose que hara kiri — sauf que comme le mot n’est pas pas japonais, il fait moins gore: mais non, on s’en fout, vu qu’on parle ni japonais ni chinois. Fin de la note), Mishima, donc, a accompli un geste qui a un sens dans la culture samouraï, laquelle était nettement moribonde en son temps, mais qui avait de beaux restes. L’acte invididuel de Mishima participe donc, dans une certaine mesure, d’un fait anthropologique.
Venner, Dieu ait pitié de son âme, a posé un acte qui ressemble à un acte rituel, sauf qu’il n’a de sens que dans la petite mythologie personnelle de Dominique Venner. Donc il est un peu absurde de l’interpréter comme s’il s’agissait d’un fait culturel témoignant, par exemple, de la protestation suprême d’une culture menacée. Tout, dans la mythologie personnelle de Venner, était fantasmé – son «Europe» païenne, ses contes nordiques, son idée de la race, ses chevaliers de Dürer, ses feux du solstice. Un paganisme aussi imaginaire et aussi dix-neuvième siècle que celui du Da Vinci Code.
Alors, non, rien de rituel, rien d’anthropologique là-dedans, désolé: une «culture» qui n’existe que dans l’imagination d’un homme n’est pas une culture, c’est un fantasme. On peut être effrayé, saisi, par le tragique de cette mort doublement profanatoire (le suicide dans la cathédrale, et la balle dans la bouche au pied de l’autel, en guise d’hostie d’Apocalypse). Mais à la fin, cette mise en scène du désespoir relève d’un effroyable narcissisme. Et penser que ce geste pourrait contribuer à un «réveil des consciences» confirme, hélas, que l’homme avait fini par croire à ses propres mythes.
J’avais prévenu que j’étais énervé, autant y aller jusqu’au bout. La solidarité de ceux qui aiment se regarder eux-mêmes comme des «rebelles», des «cœurs insoumis», c’est la solidarité des Narcisse: c’est leur propre reflet qu’ils savourent de contempler quand ils sont face à face. Hélas! ces deux-là sont bien plus de leur siècle qu’ils ne peuvent le concevoir. Ils s’adorent tellement… Et libre à ceux qui ont la fibre théologique de sonder jusqu’où l’infortuné Venner a poussé le culte de soi.
Les initiales pour Abbé de Tanouarn, c’est AT, d’où sa sympathie pour un paien. Mauvais jeu de mot à part, une personne qui se suicide peut difficilement être glorifiée par un pretre catholique quand bien meme on eprouverait plein de bonnes choses pour le pecheur. Le suicide c un péché mortel je trouve et y inciter de pres ou de loin, bon, mef quoi. Et puis cela reste une profanation. Si D de Venner avait eu une quelconque sympathie pour l’Eglise, il aurait ciblé une permanence du PS ou le siège d’Act Up ou la Tour Eiffel plutot que la cathedrale qui fete ses 850 ans, y ramenant une de ces grues decerebrees qui n’ont pas compris comment s’accrochait un soutien-gorge (ce qui rassure tous les hommes qui eux n’ont pas compris comment il se decroche).
Mais faut-il vraiment developper cette polemique qui met en avant l’une de ces personnes qui en mettant egoistement en avant son « identité » nuit à l’effort d’ensemble qui doit continuer a agreger tous les opposants au texte. Les distensions qui devraient etre l’apanage du parti des minorités, que toutes les forces electorales centrifuges qui le soutiennent devraient faire exploser, sont en train de diviser plus visiblement son opposition. Pas tres malin Peltier par exemple, il pourrait soutenir un autre candidat plutot que d’agresser NKM explicitement.
Je suis d’accord avec un peu tout le monde, comme toujours. Je vous trouve dur avec l’abbé machin, dont je pense qu’on peut lire le texte presque sans pressentir ses affinités politiques et traditionalistes; c’est le texte de quelqu’un qui a connu le défunt, et qui essaie de le comprendre. Nous ne l’avons pas connu, nous ne pouvons pas nous placer sur le même plan.
J’ai déjà essayé de lire Venner; ça m’est un peu tombé des mains. Mais dans le peu que j’ai lu, il professait un antichristianisme qui rend assez vraisemblable la sincérité de l’abbé quand il dit qu’il était aux antipodes de ses convictions. Il se trouve que l’on rassemble sous le vocable « extrême droite » des gens qui ont des opinions extrêmement différentes, voire opposées, sur des questions aussi fondamentales que la religion. C’est intéressant, comme texte, en fait, parce qu’on y voit assez bien la façon dont s’articule cette contradiction. Et on se rend compte que l’extrême droite est une réalité plus sociologique (un groupe de gens qui se fréquentent) qu’idéologique.
D’accord sinon sur le fait que le christianisme n’est pas identitaire, et sur le commentaire de Philarète.
J’ai essayé de lire l’histoire de la résistance de Venner; il y a beaucoup d’anecdotes intéressantes et de témoignages, mais c’est un travail qui m’a paru plus journalistique qu’historique. Avec un très fort parti pris, aussi, évidemment.
@ Philarête: Je crois qu’on est d’accord, la colère en moins (mais peut-être devrais-je l’être plus… en colère).
Je n’ai peut être pas assez bien perçu l’autosuggestion de Venner (le fait qu’il ait fini par croire à ses mythes). Il faudrait mettre en relation sa culture personnelle et la symbolique qu’il voulait donner à son acte et la capacité de ses concitoyens à comprendre ce dernier. On sent qu’il y avait un véritable décalage : comment pouvait-il penser que ses contemporains pourraient comprendre le sens qu’il donnait à son geste ?
Il fallait vraiment qu’il vive dans une bulle auto-centrée. Il voyait dans la société comme un miroire renvoyant son image propre. J’ai parlé d’égoisme, narcissisme est sans aucun doute un meilleur terme.
« Deux amours ont créé deux cités. L’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi. L’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu. » Saint Augustin.
Cette citation de la Cité de Dieu, livre XIV me paraît jeter un jour singulier sur l’acte que vous commentez et le débat qu’il suscite…
@ Skeepy
La référence à Mircea Eliade n’arrange pas les choses : celui-ci, tout comme Venner, était le partisan d’une extrême-droite néo-païenne et antisémite. Il fut membre de la Garde de Fer roumaine, et un admirateur inconditionnel du national-socialisme. Plus tard, En France, il fit partie du comité de patronage de la revue Nouvelle Ecole du GRECE, dont Venner était l’un des fondateurs.
Ses essais philosophiques sur les « religions du monde », à l’habillage vaguement érudit, ne font que ressasser les mêmes obsessions fascistes. Pas étonnant que des historiens aussi consciencieux que Bottero, Scheid, Dubuisson l’aient tant méprisé.
@ Skeepy:
Où est Philarête, sur le fil ?
Le geste de Venner n’est point sacrifice (ie qui rend sacré) mais sacrilège pour un catholique, bien au-delà (ou en dessous) des Act-Up, Femen et autres piss-Christ qui ne sont juste que pitoyables et décérébrés. Lui qui s’immole comme un païen pensant par là « éveiller des consciences » – que pensait-il sauver ? En réalité il a commis sur un autel catholique un travestissement inouï de l’eucharistie ; son geste (plus que lucide, puisqu’il est dit qu’il avait une forte culture chrétienne) est à la fois suicide et anti-eucharistie, par là une double faute contre l’Esprit.
Si on peut s’attrister pour l’homme et souhaiter toute la paix possible pour son âme ; en revanche, en tant que catholique, on ne peut que vomir et haïr l’acte au plus haut point.
@ Aristote: Ah en effet, le commentaire a disparu… supprimé à sa demande ?
Pour autant que je puisse en juger, Philarête est toujours sur le fil… Est-ce que Koz a programmé un affichage personnalisé — seul le commentateur voir ses propres commentaires — pour soigner le narcissisme d’un chacun…?
@ Philarête: 😀 – Je confirme que je ne vois pas le message et quand je clique sur le lien rien ne se passe… une question de cache ? Koz aurais modéré ton billet ?
Je viens de remarquer une mention « your message is awaiting moderation » sous mon premier commentaire (après celui de Nathanaël). C’est Koz le boss, à lui de voir.
Nope. Mauvaise manip avec ces écrans tactiles. En voulant fermer l’appli, j’ai rippé, le commentaire est passé à la corbeille. Je l’en ai ressorti mais j’ai oublié qu’il passait en « en attente » dans ce cas. Voilà, vous savez tout, je me couvre la tête de cendres.
Je doute que l’acte de Venner ait été réellement sacrilège, puisqu’il niait l’existence de Dieu.
un point de vue intéressant aussi, qu irejoins celui de Koz :
http://illwieckz.net/journal/De_la_mort_%C3%A0_l_autel
Tous mes compliments à Koz pour billet, nécessaire et impeccable.
Pour ma part, je pense que cet événement appelle des réactions sur plusieurs plans qu’il vaut mieux garder bien séparés, notamment si l’on se place du point de vue chrétien.
Il y a bien sûr et d’abord la question de la personne. Si je suis homme et si rien de ce qui est humain ne devrait m’être étranger, je me sens pourtant incapable d’imaginer les ressorts de l’esprit et du coeur de qui en arrive à un acte aussi sidérant. Renoncer à la vie, abandonner brutalement une famille, mettre en scène le spectacle indécent de sa propre mort, imposer cette violence définitive aux yeux de centaines d’innocents, hommes, femmes et enfants… Cela dépasse mon entendement.
Il ne me reste alors que la compassion, et la prière, pour le repos de l’âme de cet homme, mon frère, mon égal, si étranger qu’il soit pour moi. Que Dieu, dans son infinie miséricorde, comprenne et pardonne. Il en est capable, car il est Dieu et moi, moi… à cette idée je me sens soudain encore plus petit que d’habitude en face de Lui.
Cependant, si juger la personne de Dominique Venner est hors de ma portée, je peux légitimement porter un jugement politique sur son geste. Car c’est ainsi que le suicidé l’a voulu. Le texte qu’il a laissé est sans ambiguïté à cet égard, et il y a une certaine dose d’auto-persuasion, de la part de l’Abbé de Tanoüarn, à y chercher un aspect spirituel, inconsciemment adressé à la Vierge (!).
Sur le plan politique, donc, que voulait nous dire cet homme ? Le message n’est même pas un appel, tout au plus une protestation, pas très originale: c’est la classique et délétère combinaison du déclinisme, du refus de l’étranger et de la crainte de l’avenir. Mais le fond, ici, le cède en importance devant la forme. Il est frappant de voir que Dominique Venner, après une vie passée à militer, écrire, argumenter son point de vue, n’a rien trouvé de mieux qu’une balle dans la bouche en guise de testament. Pour autant, il n’est pas mort en combattant, mais en quittant le champ de bataille: c’est l’acte d’un militant, oui, mais un militant qui reconnaît, par là même, la défaite de ses idées. N’ayant pu convaincre par sa plume, il ne lui reste plus qu’à témoigner par sa mort. La violence est ici le dernier refuge de l’impuissance. Au moins, en écrivant ses derniers mots dans le sang, s’assure-t-il qu’ils seront lus.
Il est difficile d’imaginer une influence tant soit peu constructive, pour la nation à laquelle il est adressé, à cet acte éminemment destructeur. On reconnaît l’arbre à ses fruits: pour l’instant, il y en a bien eu un, mais pas des plus glorieux. Si on va chercher vers des gens plus proches idéologiquement, on trouve ce genre de texte: romantique, grandiloquent, et creux.
Dominique Venner voulait « réveiller les consciences assoupies ». Je ne sais pas si les consciences française sont assoupies, mais pour ma part, c’est avec les yeux bien ouverts que je rejette toutes les idées qui ont pu conduire un homme par ailleurs intelligent à finir sa vie de cette manière. Dominique Venner refusait la religion chrétienne parce qu’elle n’est pas une religion identitaire – sur ce point, son analyse était exacte. C’est justement au nom de cette religion et parce qu’elle est universelle, radicalement incompatible avec sa vision identitaire du monde, que je peux prier pour qu’il repose en paix.
Ce genre de geste fait par ailleurs penser au personnage de Kirilov dans les « Possédés » (ou les démons) de Dostoïevsky. C’est le geste du nihiliste par excellence – cette note l’illustre très bien : – Si Dieu existe, alors, tout est sa volonté, et, hors de Lui, je ne peux rien. Si Dieu n’existe pas, alors, toute la volonté est mienne, et je suis obligé d’affirmer mon être libre.
Merci, une fois encore, pour la lucidité, la pertinence de votre analyse. @ Skeepy:
Venner était ou pas un bon historien, il avait ou non raison au plan politique: chacun peut avoir son opinion. Deux choses sont sûres: il en savait assez sur la religion chrétienne pour mesurer la portée de son acte; et en ne le commentant pas lui-même, il nous a invités à le faire. Ceci pour dire que je ne connaissais pas Venner mais que ne me sens pas interdit d’avoir une opinion.
Sacrilège, profanation, ou même transgression (version soft) sont des mots qu’on a bien peu entendus dans ce débat. C’est vrai qu’ils sonnent mal à nos oreilles. On n’est pas au Pakistan. Et puis la vertu chrétienne pousse à tendre l’autre joue, à vouloir comprendre et sauver ce qui peut l’être.
Je suis surtout frappé que cette dimension transgressive n’a été ni relevée, ni commentée dans les médias et surtout pas dans les officieux (Le Monde, France Inter, France Télé, BFM…). Je n’ai lu ni entendu que le suicide est condamné par l’Eglise, ni que cet acte était celui d’un athée en révolte contre l’Eglise qu’il profanait. Je suis bien certain que la ligne de fracture dont on débat ici, entre la tendance païenne de l’extrême droite et une certaine ligne chrétienne-démocrate, n’est nullement perçue par l’opinion publique. Certains croiront qu’un exalté catho s’est suicidé pour rendre hommage à sa religion menacée par le mariage pour tous; d’autres qu’il plaît au Dieu des catholiques que l’on pratique des sacrifices. Bref ce suicide est une pièce du dossier de l’obscurantisme réactionnaire des anti-mariage-pour-tous, et par extension des cathos. Variante: ça commence à bien faire ces jérémiades, les dérapages arrivent et il serait temps de rentrer dans les sacristies.
Est-ce cela que Venner voulait ? La seule indication qu’il a laissée était pour se poser en Mishima. Sans qu’il ait pris la peine de l’exprimer par des mots, son geste anti-chrétien est à prendre au premier degré. Mais l’Eglise subit ici une double peine: cet outrage conscient et l’amalgame vague avec ce qui l’outrage.
Cela mériterait que des clercs autorisés condamnent cet acte et expliquent sa portée outrageuse. Autant que nécessaire pour que cela soit entendu.
@ pulp:
Son nom est le malin, ce n’est pas pour rien.
@ Skeepy:
J’ai un peu rechigné à lire le commentaire que vous entamiez par l’idée que Koz et l’abbé Tanouarn avaient une idée commune derrière des approches différentes, mais ce que vous dites est très juste, merci d’en avoir fait part.
Cependant, nous ne pouvons que reprocher, en tant que chrétien, l’acte sacrilège, même si comme vous le dites il peut être considéré de l’autre côté de la lunette comme un acte se voulant sacré.
On doit le condamner (l’acte) car Notre Dame est Notre Dame et Dominique Venner est Dominique Venner.
Nul n’ignore la valeur religieuse du bâtiment et la sacralité de ce qui s’y passe. J’y étais quelques jours avant (pour la première fois), lors d’une soirée de confirmations d’adultes : l’Esprit Saint était dans Notre Dame, Notre Dame abritait l’Esprit de Dieu.
Qu’on y croit ou pas, lorsque l’on a une culture revendiquée comme celle de Venner, on sait ce qui est considéré sacré et ce qui est considéré blasphématoire dans la religion catholique. Ainsi, on peut postuler que Dominique Venner a volontairement posé un acte sacrilège pour « réveiller les consciences assoupies », ce qui, contrairement aux exemples de paganismes que vous donnez qui se voulaient sacrés et n’étaient donc « pas tout à fait » péchés, fait de son suicide à Notre Dame un péché mortel. Il n’y a rien à pardonner devant un acte pleinement assumé de transgression.
@ Marie:
Ce n’est pas tout à fait possible… Se suicider dans un lieu public, c’est vouloir faire parler de soi, vouloir faire penser et réagir les gens? Il voulait donc que l’on parlât de lui! Alors, évidemment, pour ce qui est des prises de position dans les médias, des discussions sur qui il était, il faut laisser la parole à ceux qui l’ont connu, mais pour ce qui est de l’acte, là, c’est une affaire publique! Et comme tout le monde est amené à se questionner sur ce qu’il pense de cet acte en particulier (et pas sur la vie de l’homme), il est bon de pouvoir lire l’avis de personnes dont on apprécie la ligne de pensée.
Faudrait-il interdire à tous ceux qui ne l’ont pas connu de réfléchir sur son acte? Il ne s’agit pas de dire que tout le monde peut comprendre la motivation de son geste ni le sens qu’il prend dans la vie de cette personne (pour ne pas dire du personnage), mais de prendre conscience de ce que cela représente pour nous, au-delà des premières réactions que cela déclenche.