C’est peut-être une légende rurale, mais on dit que les canards que l’on décapite courent affolés un certain temps avant de s’effondrer. Au XIXème siècle, un médecin, condamné à être guillotiné, aurait proposé une expérience à un confrère. Il clignerait des yeux après la chute de la lame. La lame chuta, le confrère se précipita, saisit la tête dans la corbeille : elle cligna. Rien d’impossible alors à ce qu’un canard sabré suive une course folle dans la cour de la ferme. C’est à l’occasion de la lecture de quelques pages de Jean-Pierre Denis que le coup du canard s’est imposé. Nous serions, collectivement – les autres un peu plus que moi – devenus des canards sans tête.
Oui, sans tête. Parce que nous avons soudainement décapité un système de valeurs largement partagé pour nous engager dans la voie d’une tolérance qui masque souvent la simple indifférence. Le choix individuel prédomine. Comme l’écrit Jean-Pierre Denis,
« le passage d’une culture de la vérité – philosophique, religieuse, idéologique, scientiste, peu importe – à une culture des vérités semble marquer le changement de siècle. Il s’est accompagné d’un changement de consistance. La vérité ancienne fut parfois tranchante comme la lame de la guillotine. La vérité plurielle semble un peu caoutchouteuse ou visqueuse, et on la sent sur le point de se liquéfier ».
Soyons clairs au risque de nous faire répétitifs : il ajoute que « notre époque nie « la » vérité pour tolérer « les » vérités ».
Autorisons-nous ici un détour dans notre propos pour qu’on ne nous prenne pas pour ce que nous ne sommes pas : des réactionnaires. Actons que ce siècle a aussi pu avoir cet avantage de nous encourager à assumer personnellement nos convictions, à les expérimenter, à les confronter. Il ne faudrait pas, en cela, renier les bienfaits de cet héritage.[1] Il faut aussi souligner qu’en somme, la liberté magnifie la vérité. Même en matière religieuse, comme l’écrivent les pères conciliaires dans la déclaration Dignitatis humanae sur la liberté religieuse, « la vérité ne s’impose que par la force de la vérité elle-même qui pénètre l’esprit avec autant de douceur que de puissance ».
Mais il y a ici comme en toute chose, une mesure à trouver. Le revers de la médaille fut cette conjonction libérale-libertaire : l’individu, l’interdit d’interdire, le c’est-mon-choix et son copain tu-fais-ce-que-tu-veux-avec-ton-cul vont bien de pair. Cette évolution s’est réalisée au détriment de la communauté. A ce sujet, Jean-Pierre Denis cite François Huguenin :
« Au nom de la liberté, le libéralisme a tendu à supprimer la vérité et le bien sans lesquels la liberté n’est rien d’autre qu’une opinion, un désir, voire une pulsion, rien qui puisse contribuer à bâtir un espace commun de vie et de réflexion »[2].
On ne peut pas feindre de s’étonner dans le même temps d’un délitement du lien social, des incivilités, et d’une perte d’identité.
C’est aussi à cette négation de la vérité que Jean-Pierre Denis attribue – explication originale – la surproduction législative « et non en fonction d’une prétendue rapidité des changements sociaux » : « la loi doit changer parce que, fondamentalement, nul ne croit plus en l’absolu de la loi et nul ne croit plus en l’absolu de la loi parce que nul ne sait plus ce qu’est la vérité »[3].
Et c’est là que la décapitation rejoint la course folle. Ce qui marche sur un canard marche donc sur un corps social.
Car c’est bien la décapitation qui provoque la course folle. Nous courons. Chacun le sait, chacun le sent, nous courons. Follement. Nous courrions déjà après le temps, nous courrons maintenant après le temps réel. L’autre ne l’était donc pas, aussi nous courrons plus vite. En vérité, nous essayons de rattraper ce temps. Pour le retenir. Parce que l’on nous a coupé la tête, nous évacuons tout ce qui nous rappelle que ce temps passe.
Et l’un va bien avec l’autre : la décapitation avec la course. Cette décapitation entraîne la société dans une course vicieuse. De même que l’on buvait, on court pour oublier, et l’on court parce que l’on a oublié.
Nous évacuons ce qui peut nous troubler, ce qui pourrait faire dérailler le train. Nous évacuons ainsi la faiblesse, la fragilité. La faiblesse à la naissance, la faiblesse à la mort. Comme d’autres l’ont noté, nous voulons faire de nos vies une fête permanente. C’est une course, c’est une fête, qui ne sont en fin de compte qu’abrutissement[4] Nous faisons comme si ce temps n’allait jamais s’arrêter, comme si le canard ne s’écroulait pas, au bout de sa course folle.
Il y a du coup urgence à nous remettre… la tête sur les épaules. Voilà qui passe peut-être par cet éloge de la lenteur, évoqué de-ci de-là ces jours-ci. Cette « opposition au courant dominant de l’urgence » qui se concrétise notamment dans le réseau Cittaslow, réseau de « villes lentes », une expérience qui tout en dépassant la seule question de la vitesse, souligne bien le lien existant entre elle, le sens, et la communauté.
- Comme me le disait hier un curé de mes fréquentations, le 20ème a été marqué par une évolution inédite : l’accès de toute une génération à l’instruction. Soudain, un fils pouvait revenir du lycée agricole et dire à son père : « la saison prochaine, ce serait bien de faire ainsi« … et il avait raison. On ne faisait plus ainsi « parce que mon père a toujours fait comme ça, et son père avant lui, et le père de son père« , et l’on n’agissait plus en application de la tradition. Voilà la rupture, que mai 68 a rendu visible. [↩]
- François Huguenin, Résister au libéralisme – les penseurs de la communauté, Paris, CNRS éditions, 2009 – ou comment concevoir une critique non marxiste du libéralisme ? [↩]
- toutes les citations sont extraites de deux pages du livre : pp 318-319, mais comme ces numéros l’indiquent, le livre est vachement plus gros [↩]
- je dirais bien qu’il n’y a qu’à écouter de la techno pour le comprendre, mais on va me traiter de réac [↩]
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Vendredi soir j’étais chef d’une équipe de secouristes à l’occasion d’une soirée d’intégration d’école d’ingé. Population de fêtards visiblement habitués, sortant probablement ainsi chaque WE. De 23h30 à 5h30, musique (ou pas…) à fond, alcool à flots. Nous avons vu du monde passer dans notre poste de secours, des jeunes de 18 à 22 ans s’étant effondrés après avoir bu 5 ou 10 verres. Plusieurs sont partis avec les pompiers. De 2h à 5h30, je n’ai pas pu quitter le poste de secours.
La majorité des jeunes n’ont pas eu besoin de nous voir, mais ils faisaient peur à voir à la fin de la soirée. Titubants, quittant difficilement une salle dont le sol était collant, ils avaient l’air de fantômes, de zombies, des corps vides, sans âme derrière les yeux.
La semaine dernière, en cours d’anglais, j’ai relaté en exposé l’expérience de James Sturm, qui a arrêté internet pendant 4 mois. Un de mes camarades, soutenu par la majorité de la classe, niait le côté collectif et social du problème. « S’il a l’impression que le temps fuit car il utilise trop internet, c’est lui qui a un problème, une dépendance ». Oui, mais c’est la société, la communauté, qui en sont malades. C’est-à-dire nous tous, et chacun. Freinons.
David Haliday aussi nous invite à ralentir :
« On se fait peur, freine, tire un peu plus fort sur les rênes. Avant qu’on se fasse de la peine, avant que le vide nous entraine… »
Loin de moi l’idée que David Halliday ne puisse partager mes préoccupations.
Ce sera mon billet David Halliday, du coup.
@ Poussah: en ce qui concerne Internet, je crains que ceux qui ont une dépendance ne soient bien les derniers à s’en rendre compte. Tes camarades sont certainement persuadés qu’ils le vivent bien, et que ce n’est pas « un problème ». Mais je vois bien à mon propre niveau que j’ai du mal aujourd’hui à rester sans consulter machinalement le Net. Au taf et même en dehors. Alors quelle place laissons-nous non seulement à notre présence aux autres (et spécialement à sa famille) mais plus encore, au silence ? Vous aurez compris que le questionnement est récurrent. Fort heureusement, je pense trouver sur le Net un intérêt un peu supérieur à une taf de clope ou un verre de whisky. Ce qui fait que je n’arrête pas comme j’ai pu, un jour, arrêter la clope. Mais….
Pour ce qui est des fêtes, je suis un peu un martien : je m’endors dans une boîte de techno. Ca m’est arrivé deux fois. Pendant que les autres s’excitent, je m’endors sur un canapé. C’est que je trouve ça incroyablement emmerdant et pauvre.
Difficile toutefois de se faire une opinion sur une simple soirée. On pourrait te rétorquer que tu ne connais pas ces étudiants. Soit. Mais je comprends ton impression : difficile de ne pas voir dans cet abrutissement prétendument joyeux, festif, une forme de dépression, de vide. Cela a, peut-être, toujours existé. Peut-être serions-nous de ceux qui trouvaient que le swing était vide et les zazous des zozos. Mais il me semble bien qu’il y a aujourd’hui une forme d’injonction à faire la fête. Pour le reste, c’est bel et bien « chacun son choix » et « qui es-tu pour juger ? », mais ça, ce serait presque un point non négociable.
A mon âge, de toutes façons, c’est un peu foutu. Mais à la rigueur, je garde ce que j’ai. Ca ne m’a jamais fait peur d’être classé parmi les chiants.
OK, sujet interessant. Un peu d’autoanalyse pour approcher d’une synthèse globale.
De temps en temps j’aime bien la techno et tripper tout seul dans mon coin. Quand je décide de boire de temps en temps, c’est pour m’en mettre une bonne. Dans la vie, j’aime bien courir, que ca bouge, rarement avec l’intention de me divertir, plutôt celle de m’enrichir (culturellement hein…) et de construire quelque chose, que ce soit au boulot ou en dehors.
Dans les premiers cas, c’est une pause dans l’utile que je m’accorde, une connection à mes sensations pure et simple pour la danse, du nihilisme rigolo pour l’alcool. Dans le second cas, c’est parce que la vie me semble courte et que je n’ai pas envie d’en perdre une miette. MAIS, je prend toujours le temps de réfléchir un peu avant de me lancer, de voir si l’objectif global me sied, si les risque sont maîtrisés.
Et puis il y a l’exemple du metro un jour de semaine où je suis en congé. Je ne vois pas pourquoi me presser et je décide de marcher lentement, et lorsque la foule qui vient de sortir d’une rame me dépasse a 200 à l’heure, au bout de 10 s et inconsciemment, j’ai pris leur rythme.
Synthèse : il y a un facteur stress dans la course de canard sans tête qui nous anime, qui n’a rien d’étonnant: on commence a etre nombreux pour les ressources de la planete qu’on ne se decide pas à utiliser avec frugalité, on veut des garanties à tout va (une medecine de luxe, assurance vieillesse, sécurité, justice, maladie, dépendance, habitation…), et de la technologie, et avoir une maison assez grande pour accueillir ses enfants un we sur 2 quand on est divorcé (ce n’est qu’un exemple, je ne cherche pas à générer un second débat…)…
Bref, on consomme tellement que la productivité que nous devons atteindre pour justifier notre niveau de confort ne peut que nous mettre sous pression (et nous sommes donc « pressés », cqfd).
S’il est souhaitable de se libérer de ce stress, pour ralentir quand nous en faisons le choix, il me parait tout aussi souhaitable de courir l’essentiel du temps (en prenant toutefois un moment de reflexion en amont et un peu de recul de temps en temps pour recaler la boussole). Parce qu’au fond, si le canard arrête de courir, c’est qu’il est mort, qu’il ait toujours sa tête sur son cou ou pas…
Si on peut citer David Halliday, alors moi je me permets de citer Alain Souchon sur le même thème:
On avance, on avance, on avance.
C’est une évidence :
On a pas assez d’essence
Pour faire la route dans l’autre sens.
On avance.
On avance, on avance, on avance.
Tu vois pas tout ce qu’on dépense. On avance.
Faut pas qu’on réfléchisse ni qu’on pense.
Il faut qu’on avance.
Et ça date de 1983.
Le libéralisme une fois encore a bon dos, c’est à la mode. Un libéral ne nie pas nécessairement l’existence de LA vérité, il dit simplement que personne (enfin, aucun homme de l’espèce ordinaire) ne possède LA vérité et personne n’est en droit d’imposer LA vérité à autrui.
Certains libéraux tiennent que LA vérité n’existe pas, mais ce n’est pas en raison de leur « libéralisme ». Il me semble que l’influence de Nietzsche est ici première.
Pour relativiser, je dirais qu’il ne suffit que de 7 personnes par semaine pour qu’il y ait toujours quelqu’un de pressé.
Mon âge respectable (de 34 ans) m’a apporté une certaine sagesse et philosophie de vie, je prends mon temps à chaque instant, ce sont juste mes longues jambes qui donnent l’impression que je vais vite.
Par contre, quelque chose qui m’a un peu choqué hier soir, avant le coucher (c’est peut-être pour ça qu’un mal de crâne m’a réveillé ce matin) :
Je regardais le dernier sujet de l’émission « Capital » sur M6, qui, avec beaucoup de clignotements, de rouge et de pentes abruptes, nous parlait de la dette française. Mais le choquant ne venait pas de là.
A la fin du reportage, on demandait à notre 1er ministre invité de l’émission s’il avait un plan pour 2012 (« soutenir l’actuel président), et s’il en avait un pour 2017. M. Fillon a répondu que les Français ne « pouvaient » attendre 2017, qu’il fallait agir dans l’instant, et que prévoir quelque chose à une si lointaine échéance n’était que perte de temps.
Cela m’a réellement choqué, que même en politique, qui pour moi serait plutôt la science de déplacer le navire qu’est notre pays de façon posée et graduée, nos dirigeants ne voient pas plus loin que le bout de leur mandat (ses propres mots) pour construire quelque chose.
Ne serions-nous que des ovidés suivant des gallinacés étêtés? 🙂
Nous « courrons » pas seulement au futur, à mon avis nous « courons » déjà aujourd’hui.
Par ailleurs, précisons que le canard appartient à l’ordre des ansériformes et non des gallinacés.
Voilà, c’était ma contribution à la Vérité. 😉
Plusieurs points sont abordés dans ce billet.
J’ai un programme de vie qui dépasse allégrement les 30h pour 24h de nycthémère., alors que parfois, j’aimerai être plus dans « l’être » que dans « le faire ». (mais avoir suffisamment d’argent pour me nourrir me loger est pour moi fondamental)
Courir permet de se donner l’illusion de vivre. (au fait vous savez que l’histoire du canard est expliqué scientifiquement ? Une vérité physiologique! De là à cligner un oeil après la décérébration,… Là j’ai un gros doute. Ne confondons pas système nerveux central -accompagné de la volonté- et système nerveux autonome – purement réflexe).
Chacun sait que la peur de mourir s’accompagne de la peur de vivre. Et s’illusionner sur la vie active permet de s’illusionner sur « le je ne peux pas mourir tout de suite : je suis capable de « faire » et je n’ai pas le temps de mourir »
Croire qu’on détient la vérité (et non une part de la vérité) relève -pour moi- du dogme. Et on le voit bien dans ce siècle, non plus des Lumières, mais de l’Obscurité, ce siècle où certains veulent amener tous les peuples vers leur propre vérité, en définissant la Paix et la Miséricorde selon leurs propres règles et en les affirmant comme étant LA vérité.
Ce besoin d’afficher LA vérité amène inéluctablement à des conflits. Conflits intellectuels d’abord – chacun étant persuadé qu’il détient cette fameuse vérité-, puis imposition d’un blasphème (quiconque pense différemment sera exécuté d’une façon ou d’une autre : dogmes politiques, théocratiques ou politico-théocratiques), puis rébellion un jour ou l’autre de ceux à qui on impose une vérité qui n’est pas la leur, et conflits, souvent sanglants (qui commencent par des attentats et finit par la guerre).
C’est pourquoi, je reste très dubitative devant ce concept de vérité. Déjà sur le plan scientifique, lorsque je faisais mes études supérieures , mes enseignants m’apprenaient à faire mes rapports de recherche au conditionnel. Ils disaient que toute thèse, même scientifique n’était exacte qu’à un instant donné et ce, en fonction des connaissances actuelles des scientifiques, ce qui, à terme, pouvait laisser supposer que ces théories seraient à revoir et à modifier.
Lorsqu’on lit les oeuvres de Descartes et autres philosophes de la même veine, nous pouvons nous rendre compte que leurs théories se sont avérées fausses (la femme a t elle une âme? les animaux, sans âmes ne souffrent ils donc toujours pas?)
Il en est de même dans le domaine religieux. Lorsqu’on lit la vie de certains grands représentants de certaines grandes religions, il est facile, maintenant, de se rendre compte que ceux ci étaient atteints de problèmes psychiques graves, qui passaient à l’époque pour des révélations. Et sans aller aussi loin, on sait que dans certains villages -tant en Occident que dans d’autres parties du monde- les états psychotiques étaient perçus comme des différences faisant référence soit à des états dits « sataniques » soit des états dits « saints » selon les croyances, alors qu’on peut y trouver facilement des délires paranoïdes, mégalo-maniaques ou schizophréniques…jusqu’à de nouvelles avancées dans la connaissance de la physiologie du cerveau et de la psyché.
Je crois donc plus à la vertu du doute, qui nous impose une remise en question permanente de soi, qu’à la vertu d’une vérité qui n’est que la nôtre, ou celle d’une communauté.
( pour l’instant, ma vérité n’a pas beaucoup évolué. Elle est seulement teintée de la quasi certitude de la bêtise humaine, étant bien entendu que je fais partie de ces humains 😉 et que cette bêtise est aussi la mienne)
Juste un détail, anecdotique par rapport au contenu du billet, mais qui fait sursauter :
Il me semble que le médecin qui a fait cette expérience concernant la guillotine au 19e siècle s’est entendu non pas avec un confrère mais avec un condamné à mort.
Même les médecins les plus dévoués ne sont pas prêt à se prêter à cette expérience. Mourir pour la science est une pratique peu courue…
Bonjour Aristote,
je me permets de porter humblement la contradiction :
Pour « certains libéraux » je ne sais pas, mais Nietzsche était tout sauf nihiliste (car c’est bien ce qu’il faut entendre ici : « la vérité n’existe pas » est le paradigme du nihilisme). Comme Dostoïevski, encore une fois (encore une fois pour ceux qui en ont marre de lire toujours chez moi les mêmes rengaines (je me doute à vrai dire qu’ils ne sont pas bien nombreux, mais comme j’ai le malheur d’en faire partie, je pense à eux quand même) mais c’est que je limite mes interventions aux sujets qu’il me semble que je maîtrise, et ils ne sont pas nombreux), comme Dostoïevski donc, Nietzsche derrière ses sa moustache fournie et ses airs d’amoraliste n’a qu’une idée en tête : combattre le nihilisme. Il s’agit de fonder des valeurs (en l’homme plutôt qu’en Dieu, c’est là que vous divergerez sûrement) alors qu’il constate leur effondrement.
Nietzsche ne « tue » pas Dieu, philosophiquement parlant (entendez : il n’a jamais émis un raisonnement tendant à démontrer l’absence de Dieu, et donc l’absence de fondement de la morale). Il constate que la mort de Dieu est advenue, et se demande donc comment fonder la morale hors de Lui. Il fait la Généalogie de la morale, et se place Par delà bien et mal. C’est tout à fait différent. S’il ne déplore pas cette situation, c’est parce qu’elle lui paraît être « un pont vers le surhomme », l’Homme qui fonde sa morale et écrit ses propres tables de loi (et prenez bien garde à la capitale : il ne s’agit pas de dire que chacun se fonde sa morale dans son petit coin, Nietzsche n’était pas assez démocrate pour ça). Il ne se contente pas, d’ailleurs , d’affirmer cela comme on donne un « droit à » un peu n’importe quoi. Il exige l’élévation. Il exige le goût. Il exige le sens moral, précisément. Il déplore par exemple les égarements de ses contemporains dans le nationalisme et la musique troupière. Il juge l’antisémitisme contraire à tout ce qu’un homme libre pourrait penser. Etc.
Donc, aller chercher chez Nietzsche le fondement d’une philosophie sans vérité est un bête contresens, un coup à retrouver sa belle copie tout de rouge raturée. C’est dans le nihilisme que vos « certains libéraux » sont allés puiser. Et le nihilisme n’a eu besoin d’aucun philosophe pour s’imposer.
Concernant les canards et autres volailles, je vous confirme Koz que lorsqu’on leur coupe le coup, elles continuent de courir quelques secondes avant de s’effondrer.
A mon avis, la base du courant de pensée libéral-libertaire est la pensée naturiste, rousseauiste pour qui l’Homme est bon et c’est la société qui le pervertie.
A partir de là, les adeptes s’acharnent sur toutes les normes sociales, Loi, Morale, et leurs institutions Religion, Etat, Armée, Justice pour porter au pinacle « l’âme de l’enfant » qu’on a su garder ou non, la « spontanéité », le développement personnel et la résalisation de Soi, l‘interdiction de l’interdiction, (il ne faut pas juger, il ne faut pas interdire, il ne faut pas punir sinon ca fait des névrosés delinquants).
Avec comme leitmotiv la « Tolérance », qui permet au libéralisme-libertarisme de se défendre lorsqu’il est minoritaire mais qui devient intolérants aux intolérants lorsqu’il arrive au pouvoir.
L’inflation légale, est le revers de ce qui se passaient dans les années 60. A l’époque, il y avait peu de Loi car le législateur essayait de leur donner une portée universelle.
Mais la génération montante en rejetant touts normes, exhorta à la transgression de la Loi, les « provocateurs » furent leurs héros.
Maintenant que les provocateurs sont aux manettes du pays ( de Cohn-Bendit à Séguéla). Ils multiplient les Lois, une pour chaque cas pour mieux prendre en compte l’individu. L’important n’est pas de coller à l’intérêts général, d’en estimer conséquences sur le plus grand nombre, mais d’adapter la Loi aux desideratas des individus. J’ai envie de me suicider ? un juge doit m’en donner l’autorisation et gare s’il se déclare pas compétent ou pire me l’interdit
Transgression et inflation législative, le but et la conséquence sont les mêmes, la destruction de cette société qui corrompt l’individu.
En détruisant les codes et les références, on en arrive non seulement à ne plus vouloir juger, interdire, punir, mais à ne plus pouvoir.
Quant à la Vérité, outre le relativisme inhérent au projet Libéral-Libertaire, toutes les idéologies qui ne fonctionnent pas ont tendance à se la raconter un peu. Surtout leur prophètes qui a l’heure des bilans, constatent que le projet de toute leur vie est un piteux fiasco, ont le choix entre faire leur mea culpa ou nier la réalité pour conserver les apparences des honneurs et du pouvoir
De plus, l’idéologie libéral-libertaires est particulièrement adaptée pour continuer à courir sans sa tête.
Il suffit de faire repentance publique de l’ancienne norme pour ne pas tirer conséquences des erreurs passées et adopter aux plus vite la nouvelle. De toute façon tout se vaut, mais le confort matériel est préférable.
Les exemples de Cohn-Bendit ex-apôtres de la libération de la sexualité infantile, de Frédéric Mitterrand après avoir pleurnicher ses turpitudes dans tous les médias refusent qu’on lui reproche et exonère ses amis artistes géniaux, ou encore de JL DELARUE récemment, sans compter tous les maoïstes passés au MEDEF.
Au fait Koz, je vous ais fait part d’un petit projet pour faire un croc-en-jambe au canard sans tête qui continue de courir
Mais est-ce vraiement le cas ?
Toute société à ses règles et ses codes pour pouvoir vivre ensemble.
On dit qu’il n’y a pas une liberté, que chacun fait comme il sent… en réalité quand on creuse un peu, on voit qu’il y a bien des normes qui s’imposent à tous.
Si tu ne te bourre pas la tête avec les autres tu es nul.
Si t’as pas la télé tu es nul.
Si t’as pas internet tu es nul.
si t’as pas encore couché à 25 ans tu es nul.
si t’est pas bio tu es nul.
etc.
Ce n’est pas qu’il n’y a plus de valeurs, c’est juste qu’on a rendu ces valeurs implicites, ce qui, en pratique, empêche de réfléchir dessus, de se poser la question de leur sens.
c’est le règne de l’inconscient, des compensations, mais surtout des angoisses primaires que l’on compense en faisant la fête.
On prétend considérer que personne ne détient LA vérité ? Essayez de dire que le Nazisme c’est bien, juste pour voir.
Ok, j’ai utilisé mon point Goodwin, je sors.
Si, quand même, un point intéressant à noter. Les valeurs dominantes s’affichent aujourd’hui souvent comme des contre-valeurs, des rébellions.
On se sent rebelle d’être anti-nazi (beaucoup plus facile aujourd’hui qu’il y a 60 ans.
On se sent rebelle d’être contre la colonisation.
On se sent rebelle d’oser faire la fête à mort.
On se sent rebelle…
Finalement, être rebelle, aujourd’hui, c’est juste une manière « cool », « hype » de dire qu’on rentre dans le moule des idées dominantes.
Cher Koz
Accepteriez-vous la référence aux textes de Philippe Muray sur l’homo festivus ? Quel dommage qu’il ne soit plus des nôtres ! Pour moi, c’était un vrai impertinent, à la façon de Bernanos, et non à la façon de Canal ou de France Inter.. Il paraît que Luchini lit ses textes à l’Atelier. Quel dommage de ne pas être parisienne !
Par ailleurs, certains commentaires me fatiguent par leur longueur…
@ tcheni
Votre lecture de Nietzsche est possible, ce n’est pas la seule, et on se demande bien au nom de quoi Nietzsche exige l’élévation, le goût, etc.
En tout état de cause, mon propos n’était pas de proposer une lecture de Nietzsche, mais de faire remarquer que le « relativisme » contemporain n’était pas l’enfant nécessaire du « libéralisme ». Nihilisme plutôt que Nietzsche, pourquoi pas, mais le nihilisme n’est pas plus consubstantiel au libéralisme que Nietzsche. Laissons ouvert le débat de fond sur les liens (ou l’absence de liens) entre Nietzsche et le nihilisme.
Rapidement, avant d’y revenir, parce que j’ai pas mal de taf : je ne dirais pas que le relativisme – plus que le nihilisme – est une conséquence nécessaire du libéralisme, mais davantage un effet induit, et assez fortement induit.
Tara, je suis assez Jean-Pierre Denis (dont je ne fais pas, toutefois, une fiche de lecture) dans son expression : la vérité pouvait être tranchante, les vérités sont souvent caoutchouteuse. La question est surtout du goût pour la vérité. La répétition un peu lancinante de l’existence de véritéS a aussi cet effet d’émousser la volonté de recherche de la vérité. Et l’on tend à se contenter trop aisément de son petit package perso.
Koz, tout bonnement excellent. Rien à dire sur le fond. Beaucoup de questions fondamentales qui me tiennent à coeur sont soulevées dans cet article.
Toi qui te demandais il y a quelques temps si Julien Coupat avait rencontré Dieu, je me demande si finalement ce n’est pas toi, qui, en cherchant Dieu, rejoindrait Julien Coupat. Comme quoi, les voies du seigneur sont impénétrables… (Bien sûr, je souhaite toujours de tout mon coeur que Julien Coupat rencontre Dieu !)
Autre chose, et comme souligné déjà par quelqu’un d’autre, il y a plusieurs points dans cet article qui me font penser à Murray : le mutin de Panurge, la surenchère législative, l’homo festivus, etc. Si certains -dont toi- pouvaient se réapproprier Murray et ne pas laisser le monopole de sa lecture à nos réacs fatigants, ce serait fantastique !
Dernière chose, qui me paraît la plus importante : voir des gents originaires de sensibilités différentes et de tous bords politiques et philosophiques comme Denis, Guillebaud, Murray, Huguenin, Coupat, Koz, Plunkett (tu apprécieras la diversité) et beaucoup d’autres (je ne peux m’empêcher de citer Guillebon et Hadjadj, par exemple) se rejoindre sur ces observations critiques a un petit quelque chose de TRES réjouissant : les anciens clivages, dépassés, commencent à s’effriter. Enfin vers une véritable cohérence loin des oeillères partisanes ? Vers la Vérité ? 😉
Je suis presque sûr que c’est vrai, mais je ne l’ai jamais vu. Quand j’étais petit, plusieurs personnes m’on dit que la dinde qu’on achetait vivante et qu’on gardait dans le jardin quelques jours avant Noël, était capable de courir quand on lui coupait la tête. Je croyais que c’était à cause de la gnôle qu’on lui faisait boire avant.
J’ai par contre vu, dans les pays arabes, des moutons se faire égorger au bord de la route. Le type les tiens entre les jambes et ça gesticule comme un dingue des pattes arrière. Je suis sûr que si on les lâchait, ils pourraient courir une certaine distance.
Quoi, personne ici n’a jamais ne serait-ce que tué une poule ??? Personne, pendant des vacances à la campagne, n’a vu la vieille voisine se préparer un canard ? Personne n’a participé à une fête au cochon ?
Ca aussi, ça me fait me poser plein de questions sur notre monde : personne n’a jamais affronté la mort inéluctable en face, ne serait-ce que d’une petite bête -qui a droit au respect dû à son rang et sa nature, même dans la mort- et dans la louable intention de se nourrir. Et pourtant, on bouffe de la viande à tous les repas. Toute réalité, même la plus triviale, est artificialisée ; même la mort. Quel rapport au monde et à la nature notre société peut-elle avoir dans cette situation ?
Allez, petit exercice pratique pour tout le monde : demain, on va se procurer un poulet vivant. Au travail. Et bon appétit. J’attends les compte-rendus.
Chez ma mère-grand à la campagne, j’ai vu tuer poulets et canards, et égorger le cochon. Le sang du lapin recueilli pour faire de la sauce au sang avec oignons et échalotes. Sans sadisme ni sentimentalisme, selon l’usage et sans grandes considérations métaphysiques…
J’ai du supprimer une portée de chatons, que j’ai étourdis à l’éther avant de les noyer et achever un cochon d’Inde, échappé de sa cage pendant la nuit et sur lequel quelqu’un rentrant tard ce soir-là avait marché par mégarde. Sans sadisme ni sentimentalisme…
Comme je n’ai rien de pertinent à dire sur ce billet : très bien. J’aime en particulier les références qui me parlent beaucoup, de Dignitatis Humanae à F. Huguenin (si quelqu’un sait où le contacter d’ailleurs, ça m’intéresse, j’avais une invitation « rencontre/interview » à lui remettre, mais son éditeur ne répond pas).
Donc pour ne pas dire grand chose, sur la dernière remarque, même chose qu’Aristote. Mon contact avec la mort froide et nécessaire d’animaux remonte à l’enfance. A 12 ans j’ai passé 20mn à courir après une poule voisine dans le jardin d’un ami de mes parents. Avec mon père qui me gueulait dessus : « veux-tu fiche la paix à cette poule ! » Et l’ami en question : « Laisse-faire, si il l’attrape on saura quoi manger ce soir ». Je l’ai attrapé, et j’ai aidé à la préparer. Ca m’a assez secoué sur le moment pour que je m’en rappelle bien 20 ans plus tard. Et sinon, un peu comme Aristote, j’ai du noyer une portée de chiots indésirables à 15 ans, parce que mes parents n’avaient pas le coeur de le faire, mais « qu’il le fallait ». Suis pas très fier de ça d’ailleurs – j’étais assez fasciné par la mort à l’adolescence pour que ça puisse légitimement être considéré comme malsain. Mais Jésus a tout changé… 🙂
@ Koz
J’attends vos arguments, mais je suis sceptique sur « l’induction ». On ne peut pas conclure de la covariance à la relation de cause à effet.
Et ben moi, j’en ai une à la maison qui m’appelle « mon canard ».
Et je tiens à dire que les illustrations sur ce blog, ça ne me fait vraiment pas marrer, rapport aux idées que ça peut donner à certain(e)s.
Je suis assez étonné de trouver cette remarque :
« la base du courant de pensée libéral-libertaire est la pensée naturiste, rousseauiste pour qui l’Homme est bon et c’est la société qui le pervertie ».
Rousseau ne me parait pas du tout l’ancêtre des courants libéraux, je trouve au contraire qu’il a inspiré les courants totalitaires de gauche
http://verel.typepad.fr/verel/2009/08/rousseau-et-la-d%C3%A9mocratie.html#more
Par contre, les libéraux comptent dans leurs ancêtres Voltaire et son traité de la tolérance (religieuse en l’occurrence)
Les chrétiens ont prétendus pendant longtemps détenir la Vérité, en oubliant d’une part que c’était Jésus et non eux qui la détiennent, d’autre part qu’il n’a jamais voulu l’imposer à personne
Koz, tu ne devrais pas autant explorer les sites web spécialisés sur les guillotines.
Bon ceci dit il y au au moins trois exemples de guilottinés sur lesquels on aurait tenté de voir si leur tête pouvait réagir. Le docteur Couty de la Pommerais (j’imagine que tu faisais allusion à lui), un certain Languille, et le plus célèbre, Lavoisier. Mais à part peut-être Languille, cela reste un peu du domaine de la légende.
Et pour en revenir au titre et à l’illustration, dis-moi, il est un peu olé olé ton canard, j’ai l’impression. Personne n’a encore déliré là dessus ? Tu l’as piqué à ta femme ?
Bonsoir Koz,
il me semble que les vérités dogmatiques imposées par la loi ont fait beaucoup de mal: elles empêchent souvent la pensée scientifique, qui repose sur l’expérience et sur le droit de remettre en cause les découvertes passées. Les vérités dogmatiques légales déclenchent aussi des conflits de type guerre de religion entre écoles concurrentes, où la foi se mêle à la politique. Je n’arrive pas à trouver un siècle qui entre schismes, guerres de religion, croisades… n’a pas connu de violence religieuse en Europe de l’ouest avant l’arrivée de la tolérance sur ce sujet.
Je ne pense pas que nous soyons spécialement des canards sans tête actuellement, les décennies précédentes avaient leurs gros problèmes, et je pense que beaucoup d’interdits qui ont disparu créaient aussi leurs exclus et leurs névrosés: il n’y a qu’à parcourir les chansons de Brel, entre les traumatisés du passage au pute, les alcooliques, les rapports sociaux cruels, les bigotes.
Le reproche que je pourrais faire à notre société contemporaine est peut-être plus la médiocrité. Si je pense qu’il ne doit pas y avoir de vérité révélée, je crois qu’on doit par contre demander à toute opinion de se justifier: je suis fondamentalement contre les « coups de gueule » et autres réactions épidermiques: on doit les tolérer comme un oubli passager, mais certainement pas les mettre en valeur.
Les soirées étudiantes ingénieur évoquées ci-dessus sont pour moi plus un signe de médiocrité que de perte de valeur: avec un peu d’estime de soi, on ne se déplacerait même pas pour une soirée presque entre hommes dans un cadre minable avec une musique quelconque et des alcools bas de gamme. Amusons nous moins mais amusons nous mieux: exigeons les « single malt », de la vraie musique brésilienne ou house (du marais ou d’Ibiza), des superbes filles, habillons nous à l’italienne. Peut-être que l’on paiera 50 € pour sa soirée plutôt que le « ticket murge » (authentique) à 15 €, mais au moins, on n’aura pas à boire pour oublier.
Au fait, Koz, qu’écoutes tu comme musique ? J’aime bien entre autre la musique électronique de qualité (pas la dance). J’avoue que ce n’est pas au niveau de Mahler, mais je refuserai absolument de recevoir des leçons de personnes qui écoutent par exemple du Rock (de la soupe à mon avis à part Pink Floyd), de la chanson française (risée du reste du monde, à part Gainsbourg et… c’est à peu près tout), ou encore certains classiques pompiers (Verdi, Ravel…), sans mentionner certains cantiques modernes.
L’histoire du condamné à mort, je croyais qu’il s’agissait d’une nouvelle de Maupassant (et j’ai la flemme de vérifier). Et puis, puisque nous sommes nombreux à faire notre coming-out, moi aussi, je suis alcoolique et j’ai participé au meurtre d’un petit oiseau ainsi qu’à l’assassinat de petits chiens indésirables et moches en les balançant dans le Gers.
Ce qui nous ramène directement au sujet du billet, les canards!
On nous précise ici qu’ils continuent à courir même décapités… fort bien! Je rajoute que ces volatiles festifs reviennent d’eux-mêmes se faire gaver à s’en faire péter le foie sans qu’on ait besoin de leur courir après… Etonnant, non? Koz y trouvera peut-être une analogie digne d’un second billet!
Pour ma part, je dis à tous les militants pour la défense des animaux qui fréquentent ce blog que, pour l’oiseau et les chiens, je veux bien battre ma coulpe, mais que, pour les canards, c’est non!
@ Raoul:
Presque, c’est dans Le Secret de l’échafaud de Villiers de l’Isle-Adam.
@Koz : Il marche comment ton moteur qui propose des « vous aimerez peut-être » ? Il est assez fort, parce qu’en lien avec cet article illustré par un sex-toy version SM décapité, il me propose un article sur les seins refaits de Rihanna illustré par une décolleté généreux (« Les œufs de la poule ») et un article sur DSK (« Un gland homme d’Etat »). Ou bien c’est à cause de moi ?…
En tout cas, comme vraiment personne ne commente sur ton choix d’illustration, je ne vois que deux solutions. Soit la cathosphère kozophile ne connaît absolument pas http://www.vibrator.com/sex-toys/i-rub-my-duckie-bondage.html, soit elle est tellement blasée que ton illustration lui semble naturelle.
Je propose de revenir, pour clore cette digression, au Psaume 110, en lien direct avec le sujet principal de ton billet : conquassabit capita in terra multorum. Mis en musique par Haendel, c’est superbe.
@hipparkos:
J’admire (j’envie!) le champ large de ta culture, sincèrement.
@ Tara:
Croire en la vertu du doute c’est une croyance en creux!
Car le doute ne se définit qu’en opposition à la croyance.
Comme le mal se définit comme un absence de bien et non l’inverse.
A moins que tu fasses partie des cas particuliers qui ont le droit de la faire mais ne sont pas très logiques dans leur raisonnement (je parle de logique pas de morale) et définissent le bien comme un absence de mal! 🙂
le vide ne se définit que relativement à une absence etc….
Absolutiser le doute est aussi absolu que croire en une vérité unique! 🙂
Eh oui! 🙂
@ hipparkhos:
Autre hypothèse, çà fait longtemps que bon nombre de cathos ne considèrent pas le sexe comme sale et qu’ils n’en font ni une obsession ni une fixette, et qu’ils sont plus ouverts d’esprits qu’on ne le croit?
Et franchement, que des personnes s’éclatent avec des sextoys, moi j’en vois pas l’intérêt et même moralement je pourrais être contre, mais franchement y a des sujet plus profonds et celui là ne me fait pas vibrer! 🙂
Je revendique mon droit de catho pratiquant l’abstinence d’être sélectif dans mon indignation moralisante! 🙂
@Hipparkos : pour ma part je ne connaissais pas ce jouet sexuel, et j’avoue que je ne suis encore bien certain d’en avoir compris l’intérêt. Ca doit être mon côté catho-coincé-du-cul.
@Hypparkhos
Pour les guillotinés, Koz a aussi pu lire l’Histoire de ce mois-ci: Thème « La peine de mort », dont un article sur la peur que le guillotiné reste conscient après l’éxécution.
Pour résumer (de mémoire), c’est devenu un topos de la littérature macabre de la fin du XIXème (pas seulement chez Villiers). Les expériences scientifiques ont été nombreuses jusqu’à leur progressive interdiction devant l’indignation du public (critique de la vivisection…). Du point de vue médical, les résultats sont peu convaincants : il est toujours possible de simuler une apparence de vie avec des courants électriques (ou même sans, d’observer des réflexes). « Réanimer » après un tel choc hémorragique paraissait par contre complètement illusoire à un médecin de ma connaissance.
Sinon, en ce qui concerne mes connaissances en équipement électro-ménager, non mais ho, faudrait pas me prendre pour un lapin de six semaines non plus! par contre, c’est vous qui faites le dessin pour Pneumatis.
A sinon, pour les critiques sur les soirées ingé (ou commerce d’ailleurs) : effectivement, c’est glauque. Mais bon, ça me parait une assez mauvaise illustration de l’article de Koz. Des jeunes gens aisés qui fuient, et nourissent en même temps, une perte de sens de leur vie dans la fête alcoolisée, c’est aussi vieux qu’en vrac, les jeunes, les riches, la fête et l’alcool. Faut lire Fitzgerald, par exemple.
Non, ce qui est nouveau, c’est que la contestation cynique d’une vérité unique devienne bourgeoise et raisonnable, voire institutionelle quand on constate la difficulté actuelle des politiques à porter un projet de société. Merci à Koz en tout cas pour la référence à Jean-Pierre Denis, j’aime bien en particulier cette image de la vérité tranchante et des vérités informes et caoutchouteuses.
Pour ce qui est du libéralisme, demander la preuve d’une relation de cause à effet est une habileté. Nous sommes dans la pâte humaine, de surcroît au niveau de la société. Je ne connais guère de doctrine sociale qui puisse apporter la preuve de leur justesse. Que ce soit le socialisme, le communisme, le libéralisme ou la doctrine sociale de l’Eglise. Au mieux, elles emportent l’adhésion personnelle mais elles ne sont pas prouvées.
Mais en l’espèce, ton commentaire, Aristote, le souligne : il n’y a pas, pour les libéraux, une vérité mais des vérités. Entendons-nous bien : je peux le comprendre, je viens même de lire quelques lignes sur Newman montrant qu’il insiste sur l’expérience personnelle comme source de connaissance ou peut-être plus encore du discours. Je ne suis pas non plus aveugle sur les conséquences de la croyance en une Vérité. J’ai cité Jean-Pierre Denis sur ce point et je suis ok là-dessus : la vérité pouvait être autrefois tranchante comme la lame d’une guillotine. Mais j’adhère à la suite également.
Cela ne veut pas dire qu’à titre personnel, des libéraux ne professent pas des valeurs que je partage. Mais c’est une doctrine clairement insuffisante pour moi, et dont les effets sociaux me semblent pernicieux – aussi involontaires cela soit-il. Et pas plus que pour le communisme on ne peut se retrancher sur une pureté de la doctrine en négligeant ses conséquences. A mon sens, ce qui s’infiltre dans la société, c’est la conviction que toute vérité est relative, c’est l’élaboration par chacun de son propre système de valeurs, et par bien des côtés, d’un système autocentré dont l’individu est la référence ultime. Ce qui perce, c’est la perte du goût pour la recherche de la vérité, puisque toute vérité est relative. C’est aussi un grand affadissement du débat : au lieu de privilégier un dialogue authentique, on aboutit à une tolérance des différences, voire à une certaine indifférence.
Ce qui s’ensuit, c’est aussi l’absence de vision, de projet, commun et politique (au sens large). Logique puisque pour un libéral, cela ne relève pas du champ collectif et encore mois de celui de l’Etat. Pas étonnant dès lors que l’on aboutisse à des débats politiques dans lesquels toute vision de l’Homme est écartée, dans lesquels on ne débat plus que de la croissance et de l’économie, comme si c’était l’alpha et l’omega de nos vie. Et parce que l’on se met à ignorer collectivement, à passer sous silence, les valeurs non marchandes, non économiques, celles-ci prennent une place imméritée, et nous invitent à la course.
Cela paraît évidemment moins évident de la part du libéralisme que de la part du libertarianisme – auxquels on impute plus volontiers la perte de valeurs, de repères – mais cela ne me semble pas l’être moins. C’est une conjonction qui peut surprendre, mais je pense qu’elle existe.
@ hipparkhos: le choix n’est effectivement pas innocent. J’ai pris ça en fonction de ce que j’ai trouvé mais ça ne m’a pas déplu. Je trouve que l’érotisme ambiant de la société, la « part du sexe », est également révélatrice de cette course. On est jeunes, on est beaux, on est bien-portants et en plus on fait l’amour comme des bêtes et on jouit à fond.
Je me demande si quand on lui coupe la tête au canard de l’illustration, il peut encore vibrer.
Pas sûr. Si vous regardez bien, il y a comme une fumée au niveau de la tête…
J’ai pris le temps de relire calmement ton billet. Il est dense, il aurait mérité d’être plus long, plus développé, bref que tu prennes toi aussi plus de temps. Cela ne m’aurait pas dérangé qu’il soit trois ou quatre fois plus long… Le sujet le méritait.
Sur le point fondamental, l’accélération du temps, la nécessité de retrouver une certaine lenteur, je te rejoins. Nous sommes dans une société de l’immédiat, de satisfaction sans attente des désirs. J’essaie d’apprendre à mes enfants la frustration, après tout c’est la première sensation d’un nouveau-né après sa naissance, la faim qui n’est plus automatiquement assouvie, mais le monde actuel rend cela difficile.
Pour aller plus loin je pense qu’il faudrait que je lise JP Denis. Tu relies cela au libéralisme, je peux le comprendre mais peut-être par un autre chemin – le libéralisme privilégie le court terme, et c’est un des grands travers de notre époque, à la fois économiquement et politiquement. Si une entreprise peut avoir du mal à investir à trente ans, l’État devrait pouvoir le faire, et il ne le fait plus.
Je suis plus réservé sur le problème des/de la vérité. Là encore il faudrait que je prenne le temps de lire l’original. Mais tu nuances toi-même ce point. Le doute, le questionnement, me semblent positifs, et au contraire je trouve qu’on aurait peut-être trop tendance à ne pas prendre le temps nécessaire, justement…
Et pour le lien avec la logorrhée législative, je dois avouer que tu m’as semé. J’aurais relié cela à l’immédiateté, au manque de recul et de réflexion, au populisme, au détournement d’attention permanent, avant de faire appel à la vérité et au relativisme… Nous sommes plutôt dans le « un fait divers, une loi » en ce moment. Cela fait partie d’une stratégie qui utilise la vitesse et l’absence du temps de la réflexion.
« La » vérité ne serait-elle pas complexe, reliant entre elles de multiples « sous-vérités »? Y compris la vérité de l’incertitude…
Pour moi reconnaître et tolérer les vérités n’est pas une évolution dangereuse en elle-même. Ce qui la rend dangereuse et abrutissante c’est la séparation, la « compartimentation » des vérités, leur étiquetage. Je renvoie ici à la Pensée Complexe d’Edgar Morin, et aux principes dialogique, hologrammatique et récursif qui en forment les fondamentaux.
« La » vérité se retrouve dans « les sous-vérités » qui la composent. C’est un système complexe et vivant. Je ne peux me résoudre à une vérité unique, absolue et figée.
Je suis sensible au fait que tu l’aies pris, ce temps. Mais tout le monde ne partage pas l’admiration sans bornes que tu portes à mes écrits 😉 Il me faut aussi arbitrer entre être complet et être lu. Et puis, il y a les commentaires, pour préciser ce qui est en germe dans le billet.
Pour la surproduction législative, c’est en effet une explication que je n’ai jamais lue. Ce n’est pas, toutefois, une explication exclusive – il n’y a de toutes façons jamais d’explications exclusives. Mais je ne serais pas surpris qu’en effet la perte ou l’affaiblissement du goût pour la vérité s’accompagne nécessairement d’une perte de confiance dans l’absolu de la loi. Tout est relatif, en fonction des personnes, en fonction des époques, alors on ne cesse de modifier, réformer, « adapter aux moeurs ». La surproduction législative est un phénomène bien antérieur à Sarkozy, même si elle trouve de nouvelles applications avec lui.
@ Pneumatis : moi qui suis si rarement à Paris, j’ai croisé F. Huguenin deux fois…
Une fois volontairement à l’Institut du Bon Pasteur, à une conf de lui sur son bouquin ; l’autre fois involontairement, à une soutenance de thèse sur « je-sais-plus-quoi chez saint Augustin » (très intéressant, même si j’ai pas tout compris 😉 ).
Bref, ça doit pas être très compliqué : suffit de monter à Paris. 😉
Et je plussoie allègrement les commentaires de Koz et Pneumatis en particulier.
Quant à l’aspect tranchant de la Vérité, on a été prévenu dans les Evangiles, hein. Ce n’est bien sûr pas une invitation à trancher la gorge des mécréants, mais au contraire à pratiquer la Charité dans la Vérité, et à chercher et annoncer la Vérité dans la Charité (cf dernière encyclique.)
Vérité ET Charité, toujours. Pas l’un OU l’autre, jamais.
Je répète mon mantra préféré : « articuler, et non opposer ! »
@ oim
« il me parait tout aussi souhaitable de courir l’essentiel du temps(…). Parce qu’au fond, si le canard arrête de courir, c’est qu’il est mort, qu’il ait toujours sa tête sur son cou ou pas. »
Heu, non. Vous avez souvent regardé des canards ? ‘ passent pas vraiment la majeure partie de leur temps à courir.
@ Tara
« la Vérité objective n’existe pas. Elle est constituée de toutes les vérités relatives. Croire qu’on détient la vérité (et non une part de la vérité) relève -pour moi- du dogme.«
Ne confondriez-vous pas « parfaite » et « objective » ?
Car si aucune vérité objective n’existe, alors vous ne pouvez même pas affirmer qu’aucune vérité objective n’existe (puisqu’alors vous l’affirmeriez comme un constat objectif, comme une vérité applicable universellement à tous).
Et vous ne pourriez pas non plus déplorer que certains cherchent à imposer « leur » vérité : s’il n’y a pas de vérité objective, alors il n’est pas possible de réellement qualifier leurs façons de faire, toute affirmation à ce sujet étant alors forcément relative.
Il nous faut donc ne pas confondre la distinction « limitée, partielle / parfaite » et « relative / objective » : sinon, on court (décidément) au paradoxe, à l’absurdité, et à l’impossibilité totale d’action et de pensée.
Par exemple, les principes de la physique de Newton sont des vérités objectives, mais partielles ; « il ne faut pas tirer la langue » est une vérité relative, puisque tout dépend de la coutume locale (si vous vivez là où se tirer la langue est une salutation respectueuse, alors il devient souhaitable et louable de le faire).
D’autre part, vous ne mettez même pas vos principes en application, puisque vous décrétez que les explications passées sont forcément moins valables que celles ayant court actuellement : donc, vous considérez implicitement les vérités d’aujourd’hui comme plus valables objectivement contre celles d’hier. Le principe des vérités partielles que vous énonciez ne voudrait-il pas que vous preniez en compte à la fois les interprétations passées et présentes ?
Cela traduit d’ailleurs un biais dans le raisonnement : ce qui est passé n’est pas forcément et systématiquement moins valable et plus faux que ce qui vient après ! À preuve, justement, Descartes, puisque vous le citez, certainement bon en physique mais franchement pas en philosophie, et qui se plantent sur des questions déjà plus brillamment traitées longtemps avant lui (sur la question de l’âme animale et de la sensibilité, voir la philosophie de St Thomas d’Aquin, XIIIe siècle tout de même) (de même Kant n’arrivant pas à résoudre la question du temps « avant la création », à laquelle St Augustin avait répondu 12 siècles avant).
(et là encore, si on estime que Descartes se trompe au sujet de la sensibilité animale… c’est forcément en référence à une vérité objective, reconnue comme objective. Dans un monde de « vérités relatives », dans laquelle aucune vérité objective n’existerait, personne ne se trompe, par définition.
C’est donc partielles que sont les vérités par nous connues et reconnues, mais non forcément toutes « relatives ».)
@Aurélien
« « La » vérité se retrouve dans « les sous-vérités » qui la composent. C’est un système complexe et vivant. Je ne peux me résoudre à une vérité unique, absolue et figée. »
Mais votre système vivant, il répond à des lois qui, elles, ne changent pas. Le système vivant demeure vivant justement par cohésion interne – donc, s’il n’est pas figé, cependant ce n’est pas non plus un magma informe de tout ce qu’on veut au gré des modes.
Un système vivant est, justement, vivant, donc répondant à une cohérence, une logique interne régulée CONTRE les variations de l’extérieur (par adaptation… ou lutte).
Par exemple, le canard, il a beau changer au cours de sa vie de canard, il demeure immuablement vrai qu’en lui coupant la tête il meurt. 🙂
Si donc il ne faut pas confondre l’application locale d’une vérité objective avec la vérité elle-même, cependant il faut également se garder d’aller imaginer une vérité « changeante ».
(Autre exemple : l’univers ; il évolue, …mais cette évolution se fait par des lois qui, justement, elles, ne changent pas, et c’est justement ce qui permet l’évolution continue d’un univers qui, bien que changeant, demeure bien « l’univers » ; de même que l’être vivant, quoique changeant et se modifiant, demeure le même être vivant que l’on voit évoluer, et non une suite d’êtres différents les uns des autres.)
À noter aussi : le fait que la vérité soit complexe et ne soit pas figée, ne l’empêcherait pas d’être unique.
Simplement, elle est unique comme l’ensemble des univers existant est unique : infiniment vaste, et ne pouvant être embrassée d’un seul regard.
@Koz : ton com de 10h30 donne autant à réfléchir que le billet. C’est très riche, alors merci aussi. Je crois, mais peut-être me trompai-je, que tu pointes quelque chose qui reste un grand mystère pour moi et une véritable épreuve pour l’espérance : les conditions minimales de bonne contribution d’un système au bien commun. Je suis désolé, je ne sais pas comment le formuler autrement. Quand tu parles, si je t’ai bien suivi, des limites du libéralismes, j’y vois cette même question qu’on peut appliquer – allons-y franchement – à la démocratie. Je m’en explique :
La démocratie est un système juste… potentiellement. En tant que système de participation des citoyens à la vie communautaire, est LE système qui respecte la liberté et la responsabilité de tous dans la participation au bien commun. Simplement, voici ce qu’en disait un certain Joseh Ratzinger en 2002, dans sa note sur l’engagement des catholiques en politique :
Et un peu plus loin :
Qui doivent toutefois être moralement acceptables. Voilà en fait la grosse question : la démocratie oui, mais uniquement si la pluralité des options politiques proposées respectent la morale naturelle. Dans la même veine, on pourrait dire oui au libéralisme, si le libéralisme est compris comme le fait que « les plus favorisés doivent renoncer à certains de leurs droits, pour mettre avec plus de libéralité leurs biens au service des autres » (Redemptor hominis, 17), et non comme la possibilité de creuser avec plus de libéralité les inégalités, par exemple.
La question qui se pose, le relativisme des valeurs et la négation d’une base morale universelle étant un état de fait, c’est de savoir si en l’état le libéralisme (et on peut se poser la question même pour la démocratie – désolé si je choque certains, ça reste une interrogation, sans tabou) reste un système adéquat pour la progression du bien commun.
Il y a toujours des étapes, et qui semblent parfois contradictoires dans leurs principes, pour l’élévation de l’homme vers la justice et la paix. Si on prend l’exemple de la révélation, Dieu a commencé par révéler des lois bien strictes et même bien contraignantes, avant des siècles plus tard, de poursuivre l’éducation de ses fils en « libérant » l’homme et en faisant appel à son intelligence de la vérité. Si on prend l’exemple d’une famille, on n’applique pas le même système « politique » selon les situations d’éducation auxquelles on est confronté. Dans la mienne, avec mon ainé qui n’a pas encore 6 ans, on n’est pas en démocratie, je peux vous le garantir. Bien sur je lui fais l’éloge de la liberté, j’essaie quand c’est possible de le soumettre à des choix et de les respecter à ce moment-là. Mais il y a une part très importante des « lois » dans ma familles qui résonnent comme des ordres tranchants, avec obligation d’obéir, point la ligne. Et plus il grandira, plus les ordres seront peu à peu remplacés par une responsabilisation, mettant en jeu l’exercice de la liberté et l’intelligence, jusqu’à parvenir à l’âge adulte.
Ca c’est pour le parallèle avec la démocratie. Mais je peux faire le même avec le libéralisme, sur la propriété privée par exemple : mon petit garçon ne peut guère revendiquer que le seul droit à la propriété privée qu’on lui accorde, très très occasionnellement actuellement, sur telle ou telle peluche, par exemple. Plus tard, peut-être lui laisserons-nous considérer qu’il est propriétaire de ses vêtements parce que nous jugerons qu’il est assez responsable pour choisir lui-même comment s’habiller, par exemple, et donc quoi faire avec. De même, nous jugeons qu’il est encore tôt pour lui confier de l’argent de poche, mais il est probable que cela viendra. Le préalable à cela est évidemment une éducation à un juste et bon usage des biens que l’on possède.
Enfin, il existe une réalité paradoxale, quand on y réfléchi, dans un système libéral tel que le notre, c’est : la prison. Nous sommes capable de considérer que pour telle raison, une personne mérite d’être privée de sa légitime liberté. C’est donc que nous ne faisons pas un absolu de la liberté, ou du moins que nous avons perçu des situations qui remettent en cause la prétention à cet absolu. Si on applique cette logique à tout un peuple, qui comme le disait Jean-Paul II, s’est enferré dans une structure de péché (structure politique, économique, sociale et culturelle), ce peuple peut-il encore, en l’état, revendiquer son droit à la liberté de participation à la vie politique, son droit à la liberté de posséder et d’user des biens qu’il possède, etc…
La question est brûlante, avec la remise en question en ce moment, au conseil de l’Europe, de l’objection de conscience. Même si tout mon discours tendrait à argumenter en faveur d’une sorte de totalitarisme moral, je crois que oui, l’on doit respecter la liberté des personnes qui est le fondement de la dignité humaine. Mais, et je terminerais là en rappelant ma petite introduction, il reste que c’est une très douloureuse épreuve pour l’espérance. C’est aussi une lourde et urgente exigence pour ceux qui sont attachés aux valeurs de justice et de paix, d’user mieux que les autres, et plus que les autres, de cette liberté : pour se poser véritablement en dissidence du courant de pensée actuelle, et de proposer avec force et talent un autre système de valeurs.
@Armelh: « Mais votre système vivant, il répond à des lois qui, elles, ne changent pas. Le système vivant demeure vivant justement par cohésion interne – donc, s’il n’est pas figé, cependant ce n’est pas non plus un magma informe de tout ce qu’on veut au gré des modes. Un système vivant est, justement, vivant, donc répondant à une cohérence, une logique interne régulée CONTRE les variations de l’extérieur (par adaptation… ou lutte). »
Nous sommes bien d’accord. Je soulignais justement que l’on ne peut considérer ce système ni comme un tout sans partie, ni comme une accumulation de parties dissociées qui ne formeraient pas un tout. Tout système complexe a, par définition, sa cohérence. Il a aussi ses incertitudes et sa poésie (par poésie j’entends ce qui tient de l’affect, de l’émotion, plutôt que de la raison), essentielles dans notre perception de ce que peut/doit être toute vérité.
« À noter aussi : le fait que la vérité soit complexe et ne soit pas figée, ne l’empêcherait pas d’être unique. Simplement, elle est unique comme l’ensemble des univers existant est unique : infiniment vaste, et ne pouvant être embrassée d’un seul regard. »
Effectivement, en écrivant « unique » je voulais dire simple, par opposition à complexe.
Koz & Pneumatis, sur libéralisme et démocratie : encore et toujours +1. (En même temps, vous tenez le langage de la tradition de l’Eglise…)
Et de même pour armel h et ses réfutations du relativisme (aussi langage de la tradition de l’Eglise) : +1.
(J’adooore arbitrer les débats sans rien y apporter !)
Je me permets de compléter mon précédent commentaire, parce que je me rends compte que mon antithèse souffre d’un manque de poids et d’explication par rapport à ce qui pourrait être considéré comme une thèse en faveur d’un certain « totalitarisme » moral (la fameuse vérité tranchante comme une guillotine). Je disais que je continue de croire en la nécessité d’un système qui respecte et valorise l’exercice de la liberté. Comment, avec tout ce que je disais avant, cela est-il possible ? Simplement en allant vraiment au bout de ce système, jusqu’au bout. Aujourd’hui, notre système prétendument libéral ne respecte pas la liberté de tous. Quelle liberté a un pauvre qui n’a rien choisi de sa situation de manger, et surtout de sortir de la misère ?
Pour l’exemple de la démocratie, par exemple, si techniquement nous vivons en démocratie, dans les faits, les catholiques ne peuvent considérer notre système politique français comme une démocratie. Pour qu’il y ait une démocratie il faut qu’il y ait des choix à poser parmi des propositions politiques moralement acceptables. Or ce n’est pas le cas. Le système des partis, et leurs programmes, offre actuellement une pluralité de choix dont pas un ne permet un juste usage de la démocratie. Pour le catholique que je suis, au moment des élections, je suis face à une dictature. Mais la dictature s’arrête là où elle me laisse la possibilité de proposer à mon tour un programme politique moralement acceptable, et laisse la possibilité à d’autres personnes de bonne volonté de proposer d’autres programmes politiques différents du mien, mais moralement acceptables. Car il ne suffit pas d’un seul programme politique moralement acceptable, pour être en démocratie. Il en faut au moins deux. Ici la « révolution » ne tient qu’aux hommes de bonne volonté de mettre sur le tapis des offres de programmes qui restaureront dans les urnes un juste usage de la démocratie. C’est une exigence difficile, mais tant que nous ne le faisons pas, nous ne serons pas en démocratie.
Pour l’exemple du libéralisme, c’est d’un autre domaine. Il suffit de regarder le monde actuel pour voir que la promotion de la liberté humaine est sélective. La liberté n’est que l’avantage des puissants. Si donc on veut faire la promotion du libéralisme, en vérité, alors il faut véritablement promouvoir la liberté pour tous, à commencer, dans un système capitaliste, par la liberté pour tous d’accéder à la propriété privée, par la liberté de travailler pour subvenir à ses besoins et contribuer au bien commun, par la liberté d’éduquer ses enfants. Or pour faire cette promotion, il y a des mesures parfois très radicales à prendre, car la liberté des uns s’arrête où commence celle des autres.
Un exemple, qui te parlera certainement Koz : la publicité. Cet exemple n’est pas de première importance, mais je crois qu’il illustre assez bien où je veux en venir. Je crois, même si cela parait outrageusement radical, qu’il faille interdire la publicité (telle qu’elle est aujourd’hui en tout cas). Parce que dans son principe même, la publicité, son omniprésence autant que les mécanismes de manipulation psychologique auxquels elle fait appel, est une atteinte à la liberté des personnes. Elle pousse les personnes à consommer envers et contre tous critères moraux, selon des mécanismes de manipulation psychologique qu’on sait pourtant très bien dénoncer pour les sectes, par exemple, ou encore pour ce qu’on qualifie de détournement de mineurs. C’est un fait, il est connu et assumé. Certains prétendront que les personnes sont libres de ne pas céder à la consommation proposée par la publicité. Mais il faut être honnête : quelle liberté avez-vous de ne pas être réceptif à quelque chose qui fait appel à votre inconscient ? quelle liberté avez-vous d’échapper à l’omniprésence de la publicité sinon en restant enfermé chez vous ? Drôle de liberté, en fait, que celle de rester enfermé chez soi.
Je ferme la parenthèse sur la publicité, pour dire que le libéralisme, en tant que promotion de la liberté des personnes, ne peut fonctionner que si il respecte véritablement la liberté de tous. Et on en est très loin. A commencer chez nous, par la liberté d’éducation, pourtant si fondamentale. Cela devrait être un de nos premiers combats politiques, et nous en avons même les armes puisque, sur le papier, la liberté d’éducation est inscrite dans les déclarations de droits de l’homme. Il ne reste qu’à l’appliquer. Là le libéralisme aura fait, je crois, un grand pas en avant.
Voilà, le gros du problème avec le libéralisme, c’est que ses principaux défenseurs aujourd’hui ont une vision très sélective du libéralisme, et surtout très paradoxale, dans le fond.
@ Koz
Vous écrivez : « Mais en l’espèce, ton commentaire, Aristote, le souligne : il n’y a pas, pour les libéraux, une vérité mais des vérités. »
Mon cher Koz, savez-vous lire ? Ce n’est certainement pas ce que j’ai écrit. Je vais essayer d’être plus clair.
Chrétien convaincu, je crois en la Vérité et cette Vérité n’est pas un truc mais une personne, le Christ, qui est la Voie, la Vérité et la Vie. Mais je n’ai pas l’outrecuidance de penser que je détiens cette Vérité et que ma façon d’exprimer ce que j’ai pu découvrir de cette Vérité doit s’imposer comme vérité à autrui.
Il fait partie de ma foi de croire que l’Église et son Chef, dans certains domaines et sous certaines conditions, ne peuvent errer dans leur enseignement. Et cet enseignement ne porte pas que sur les vérités de foi à proprement parler. Là n’est pas la question, la question est comment vivre en société avec tous mes contemporains qui ne partagent cette foi. Vous proposez quoi, de les brûler sur un bûcher ? Et comment engager le dialogue avec ceux qui pensent effectivement qu’il n’y a que des vérités, pas une vérité ? Je ne remets pas en cause la doctrine de l’Église, je suis à l’aise dans mes baskets pour la défendre ad extra, mais je ne peux pas exiger de mes interlocuteurs qu’ils la partagent ex ante.
Et aujourd’hui, dans la France de 2010, je suis « libéral ». À la Tocqueville, à la Raymond Aron. Je ne crois pas à une opposition de principe entre l’individu et la collectivité. Les institutions de la société (l’éducation, la justice,…) sont nécessaires à l’exercice concret de ma liberté. Mais mon jugement est que la France n’est pas un pays libéral (Sarkozy, un libéral, allons…) et que le social corporatisme qui y règne est à la fois inefficace et parfaitement injuste. Vivement un peu plus de libéralisme !
Il y a une source du « relativisme » que vous ignorez totalement. C’est le récit darwinien de nos origines que beaucoup lisent comme déniant tout sens à l’aventure humaine. La thèse du darwinisme ultra fait exploser la notion de vérité, celle-ci n’étant plus qu’un mécanisme adaptatif comme un autre : les primates dont les cerveaux ont conceptualisé la notion de vérité ont à ce jour réussi à se reproduire de façon efficace, mais rien ne garantit que cela continuera ! Chose intéressante, les porteurs de cette lecture (il y a d’autres lectures possibles de la théorie de l’évolution) ne sont pas nécessairement des libéraux (certains pensent que les scientifiques devraient avoir le pouvoir), ils se situent souvent à gauche sur l’échiquier politique.
armel h a écrit : :
Non! Je pense qu’elles passeront comme les autres, au fil des connaissances, qui elles aussi seront modifiées au fil du temps.
Pour moi, le principe bouddhiste du « ni bien ni mal » est entendable. Ainsi, suivant les « croyances » (qui ne sont que des croyances), certaines actions seront considérées comme « bien » mais comme « mal » par d’autres. C’est ce que les hindouistes appellent la transmoralité.
Bien sur que j’ai des croyances! Mais je sais qu’elles sont miennes et j’entends que les autres puissent en avoir des différentes. Et il le faut bien. Si la plus grande partie des habitants de la terre sont encore chrétiens, le% tend à se modifier de jours en jours. Je sais (je n’ai pas dit que j’adhérais) qu’on peut avoir « raison » tout seul contre tous. Mais raison ne rime pas forcément avec foi.
ET puis, je crois (croyance) que le principe même d’une spiritualité est de jongler avec les paradoxes.
armel h a écrit : :
Mais qu’on ne connaît pas. Et c’est ce que j’ai voulu dire : « on » croit savoir, mais « on » ne sait rien ou peut de choses. Peut être que les lois sont immuables (je n’en sais rien). Mais si nous prenons l’hypothèse qu’elles le sont, tant que nous ne les connaîtrons pas, nous serons obligés de quitter certaines théories pour les remplacer par d’autres….jusqu’au jour où nous aurons la connaissance infuse?
C’est pourquoi, au niveau scientifique, heureusement que nous ne sommes pas figés dans nos croyances, sinon aucune possibilité d’avancer, avec ou sans tête.
En ce qui concerne la spiritualité, est si différent? Nous nous attachons à un guide en fonction de nos sensibilités, de notre culture et nous « ressentons » que son enseignement est vrai. Mais l’est il? Plus de la moitié des habitants de la Terre voudront vous démontrer le contraire. Or, il n’y a aucune autre argumentation que notre conviction intime.
La Vérité serait elle fondée sur une conviction intime (« heureux ceux qui croient sans avoir vu »)?
Hélas, c’est ce qui mène aux conflits.
(en ce qui concerne les qualificatifs d’Objectif et Relatif, ce sont deux mots utilisés couramment par les bouddhistes. Sans doute pourrait on les remplacer par d’autres? N’étant pas bouddhiste, je ne saurais vous proposer des synonymes reflétant exactement leur mode de pensées.)
@ Aristote: eh bien, il ne fait pas bon s’en prendre au libéralisme, avec vous. J’ai effectivement extrapolé sur votre commentaire, auquel j’ai répondu de mémoire. Inutile d’en passer par un « savez-vous lire ?« . C’est par ailleurs un autre point qui me gêne : cette fidélité à un système de pensée qui fait prendre la mouche lorsqu’on le met en cause>. Vous auriez beau jeu de me rétorquer que c’est mon cas avec le christianisme, mais nous l’avons en commun.
Aristote a écrit : :
Je comprends d’autant moins votre furie. Je pense que la démarche de mon blog parle pour moi-même : si j’attendais vraiment des autres qu’ils partagent ma foi, je ne pense pas que j’engagerais le dialogue comme je le fais. Mais je suis surpris que vous ne voyiez pas de troisième voie dans ce que vous proposez : engager le dialogue entre personnes convaincues, authentiquement en quête de la vérité, même s’ils n’empruntent pas le même chemin, cela n’est pas une option, chez vous ?
Je crois que vous faites une confusion entre le fait de chercher la vérité (que je n’ai pas spécialement rattaché à la Vérité au sens chrétien en l’occurrence, puisque, précisément, je n’attends pas de mes interlocuteurs qu’ils l’aient), le fait de développer un goût pour la vérité, et le fait de l’imposer aux autres. Je préfère cent fois une personne qui ne partage pas mes opinions mais qui cherche à l’homo actualus qui abandonne le « combat » parce que, de toutes façons, il n’y a pas une vérité, mais des vérités. Il ne me semble pourtant pas si difficile de faire la distinction et, au vu de nos autres échanges, j’ai l’impression que si vous vous montriez moins susceptible sur le libéralisme, dont la critique semble vous faire l’effet d’un chiffon rouge, vous seriez tout à fait en mesure de la faire.
@ux autres j’ai bien évidemment penser à Philippe Murray et à son festivus festivus mais je dois avouer que son style m’a lassé et que j’ai abandonné le livre au beau milieu. Alors, plutôt que de faire une référence sans trop savoir ce qu’il y a derrière, j’ai préféré m’abstenir.
@ Koz
Ce qui m’a rendu furieux, ce n’est pas l’attaque contre le libéralisme, mes premiers commentaires et mon échange avec tcheni étaient d’un ton modéré, mais que vous m’ayez prêté une position que je n’avais manifestement pas, simplement parce que cela allait dans le sens de votre discours.
Sur le fond, je préfère bien sûr discuter avec ceux qui n’ont pas abandonné la recherche de la vérité, même si aujourd’hui ils ne la voient pas comme je la vois, mais quid des autres ? Et je ne pense pas que les seules raisons pour lesquelles beaucoup de nos contemporains doutent de l’existence d’une vérité soit une sorte d’aboulie intellectuelle ou de veulerie morale. Le défi philosophique posé par un certain discours darwinien, qui imprègne beaucoup de nos médias, est substantiel. Les Rorty ou les Dennett ne sont pas des zozos. Je ne fais pas une fixation sur cette explication, il y en a d’autres qui jouent également comme l’écroulement de certains discours de « vérité » comme le marxisme en son temps, etc.
Bref, le « c’est la faute au libéralisme » me paraît pour le moins un peu court, mais laissons là la dispute.
Car le problème, c’est comment vivre avec ces contemporains, qui sont nos prochains. Je peux témoigner, d’abord par ma vie, ensuite par mes paroles (j’ai malheureusement tendance à faire l’inverse). Il faut avoir le courage de les interpeller, mais peut-on se cantonner à la posture du frère prêcheur ? Faut-il leur abandonner la gestion de la cité, parce que ce n’est pas demain que l’on trouvera un véhicule politique non marginal qui traduise la doctrine sociale de l’Église ? Besancenot, Mélenchon, Fabius, DSK, Aubry, Royal, etc. sont-ils plus ou moins convaincus de l’existence d’une « vérité » que Le Pen, Villiers, Sarkozy, Villepin, Bertrand, Borloo, Copé, Bayrou ? Si vous avez des infos fiables, merci de les communiquer.
Le canard n’a plus de tête. Sans doute, encore qu’il ne faille pas surestimer la nouveauté de la situation. On me dit, c’est la faute du libéralisme. Je ne suis pas vraiment d’accord, mais ne nous fâchons pas. Mais so what ?
Aristote a écrit : :
Dans ce cas-là, il suffit de dire que ce n’est pas ce que vous avez écrit. Et d’éviter le procès d’intention. Je vous ai simplement répondu depuis mon iPhone, et ne pouvais pas voir en même temps votre commentaire. Je me suis trompé sur ce qu’il disait exactement. C’est tout.
Mais je vous ai rarement vu aussi remonté, alors que ça a déjà du vous arriver.
Aristote a écrit : :
Je ne comprends pas le lien avec notre discussion.
Aristote a écrit : :
Non, on vous dit que le libéralisme y a pris sa part.
J’ai un petit mot à dire en faveur du libéralisme ambiant: Il me semble qu’il contribue à faire baisser la pression sociale qui pèse sur certains de nos choix. Par exemple, de son fait, aujourd’hui personne ne songe à jeter la pierre à un couple qui divorce (même pas chez les cathos) on excuse, on comprend,… Par conséquent, ceux qui restent ensembles malgré les difficultés inévitables de la vie à deux, font ce choix d’autant plus librement que la pression sociale du milieu où ils évoluent est faible à ce sujet. Quelque part, cela facilite l’existence. On s’appuie moins sur la loi sociale qui est contraignante mais n’apporte guère de solution (une vraie dictature!) et davantage sur notre responsabilité personnelle.
Raoul, je rebondis sur votre commentaire : « il me semble qu’il contribue à faire baisser la pression sociale qui pèse sur certains de nos choix. »
J’ai une lecture inverse de la vôtre. Poser un VRAI choix aujourd’hui est très difficile.
Je m’explique : à mon sens, la définition de la liberté du libéralisme est fausse, ou du moins largement incomplète (donc fausse, CQFD). Genre « ma liberté s’arrête là où commence celle des autres », tel que c’est écrit dans la Déclaration.
Cette définition a une vision dualiste, moi contre les autres, et les autres ne sont que des freins à ma liberté qui serait toute puissante s’ils n’étaient pas là. On voit ce que ça donne : individus atomisés, société conflictuelle.
Or, la vraie liberté, c’est la capacité à choisir le bien et à s’y tenir, pour moi comme pour les autres. Pour cela, il faut qu’il y ait un bien objectif, et donc un mal objectif, ce qui nous renvoie à l’idée de vérité. Il n’y a donc pas de liberté sans vérité. Et chacun a à travailler pour le bien commun. Hop, le dualisme moi/les autres disparaît : une vie en société devient possible, si on rajoute en plus la charité (je simplifie, hein !)
Cette perte de notion de vérité (scepticisme et relativisme) empêche donc la vraie liberté.
Et quand je pose un vrai choix, en liberté, en vérité (et avec charité, ne l’oublions pas), et que je m’y tiens, cela prend à contre-pied l’ambiance libérale ambiante. D’où malentendu, incompréhension, voire rejet. Le vilain petit canard qui fait un vrai choix et qui sort du modèle dominant (qui, en vérité, choisit REELLEMENT sa vie de nos jours ?) dérange. « Mais bon, si c’est son choix… » : rien de plus énervant que cette phrase !
Le couple qui ne divorce pas malgré l’adversité, le gusse qui après 6 ans d’études plaque une potentielle belle situation et se barre vivre (enfin !) au fin fond de la cambrousse, le prêtre ou le religieux qui engage toute sa vie, etc, et bien ça fait tache. Aujourd’hui, poser un VRAI choix de vie, librement, en vérité et dans la charité, et bien non, pour reprendre vos mots, « ça [ne] facilite [pas] l’existence ».
Mais une fois qu’on l’a fait, on goûte à la vraie liberté, et on plaint sincèrement (mais avec charité) ceux qui suivent le troupeau, tous ces mutins de Panurge qui croient être subversifs et libres, tous ces canards sans tête qui courent en rond et de plus en plus vite.
@ Aristote : en quoi, pour vous, le libéralisme est-il de droite ? Je n’arrive pas à comprendre. Pour moi, aujourd’hui et depuis longtemps, la société est libérale, les politiques sont libéraux, nous vivons en démocratie libérale : cela n’a rien à voir avec gauche/droite. Aujourd’hui et depuis les origines, seule l’Eglise me semble contredire fondamentalement et sérieusement ce libéralisme philosophique.
@ Koz:
Koz a écrit : :
Bonsoir Koz,
je pense que dans le combat entre vérité et relativisme, les sciences doivent avoir une des premières places, car elles ont, avec le mécanisme de publication, de reproduction d’expériences, les calculs statistiques, des outils extrêmement sophistiquée , pour établir la vérité du moment. Celle-ci a cependant toujours des limites, et en général, les théories sont raffinées après un certain temps, mais il y a en tout cas un état de l’art clair.
Les domaines politiques et religieux sont plus délicats, car il n’existe pas de possibilité d’expériences irréfutables. Je pense néanmoins que l’on peut rechercher une vérité expérimentale, et que c’est la bonne façon de faire. Par contre, cette recherche peut être démocratique: à mon avis, tout le monde doit avoir le droit de s’exprimer et de présenter les théories, et certaines seront validées par consensus, ce qui est finalement très démocratique, et a peu près ce qui se passe aujourd’hui.
Mais c’est complètement antinomique de la désignation par une haute autorité autoproclamée vérités officielles, avec punition pour les déviants. C’est le mécanisme de fonctionnement des régimes totalitaires, communistes par exemple. Et même si l’église a un corpus de doctrines autrement plus solide que le marxisme, le fonctionnement de l’église ressemble à ce modèle aussi (jusque dans ses responsables qui ont les pleins pouvoirs à un âge où on devrait emmener ses petits fils au parc et jouer aux mots croisés). A mon avis, la vérité officielle est un ennemi encore plus dangereux de la vérité que le relativisme.
@ PMalo
« Aujourd’hui, poser un VRAI choix de vie, librement, en vérité et dans la charité, et bien non, pour reprendre vos mots, « ça [ne] facilite [pas] l’existence ». »
Bien sûr. Mais vous croyez vraiment que c’était plus facile avant ? Dans quel siècle était-ce donc facile ? J’eusse aimer y vivre…
Que la distinction droite/gauche ne soit pas pertinente, j’en suis bien d’accord, et il me semble que c’est ce que voulait exprimer mon interrogation rhétorique. Peut-être me suis-je mal exprimé. Sur le libéralisme philosophique, il y en a des versions avec lesquelles je suis aussi en désaccord que vous. Il y a peut-être une dimension de génération ici. J’ai 62 ans, et mon libéralisme s’est construit contre la vulgate marxiste de l’époque de ma jeunesse, insistant sur la valeur de la responsabilisation de la personne libre contre le déterminisme du destin de classe. Le statut de la vérité y était plus solide que dans la vulgate marxiste qui traitait toute vérité, hors celle « scientifique » du marxisme, comme ressortissant d’une superstructure idéologique.
Vous me dites que tous les hommes politiques sont libéraux. Je veux bien, mais quelle autre définition donnez-vous alors à « libéral » que « ayant perdu toute référence à un ordre providentiel » ? Auquel cas je ne suis pas un libéral, et pourtant, dans le débat politique entre citoyens, je m’assume comme libéral.
@ PMalo: Je n’ai pas tellement l’impression que nos points de vue soient si différents. Je ne dis pas que c’est facile de faire un « vrai choix », il me semble simplement que c’est plus personnel et, donc, plus sincère…
PMalo a écrit :
Il me semble que cela doit nous faciliter l’existence, non?
Par contre, sur les « mutins de Panurge »… (l’expression me plaît beaucoup, soit dit en passant) je crois qu’il faut perdre l’habitude d’y faire référence quand on parle de « vrais choix » parce que ça a un petit côté « moi contre les autres » que tu dénonces un peu plus haut.
@ Aristote : « Mais vous croyez vraiment que c’était plus facile avant ? »
J’ai pensé très fort à cette question en écrivant mon commentaire ; c’est pourquoi j’ai finalement écrit « Poser un VRAI choix aujourd’hui est très difficile », alors que j’avais commencé par écrire « est beaucoup plus difficile qu’avant ». Je ne dis donc pas que c’était plus facile avant. Mais j’infirmais juste l’idée comme quoi c’était plus facile aujourd’hui grâce à cette pseudo-liberté. Non, ce n’est pas facile aujourd’hui, même si, à la différence d’hier, on nous fait croire que si. Mais c’est un piège, que je tentais justement de démonter.
Mon commentaire précédent était un témoignage, j’ai vécu cette situation. Cette liberté absolue, sans vérité, est étouffante. Rien que cette question : Quelles études choisir ? « Fais ce que tu veux, ce qui te plait ! sois sincère ! tu choisis ! » Que du subjectif ! Pas un élément objectif sur lequel s’appuyer ! Pas de vérité ! (Pourtant, famille catho !) Mais bon sang, comment faire un VRAI choix dans ces conditions ? Alors on choisit sans savoir, on a des diplômes sans savoir, c’est si confortable de ne pas savoir, on suit le troupeau, on zappe la pratique religieuse, on a un boulot, une maison, une bagnole, les potes… mais le vide, l’angoisse. Jusqu’au jour où on plaque tout pour se poser les vraies questions (il vaut mieux le faire à 25 ans qu’à 40…). Un an de découvertes, de révoltes et de conversion, puis de voies qui s’ouvrent, d’espérance, de rencontres. Puis le choix. Radical. Incompris. Aujourd’hui je suis heureux, et je vois des changements inconcevables il y a un an se faire dans mon entourage. Mon père qui me dit : « si j’avais ton âge, je ferais pareil ! » je vous assure que ça booste.
Bon, passons.
« J’ai 62 ans, et mon libéralisme s’est construit contre la vulgate marxiste de l’époque de ma jeunesse » : et paf, en plein dedans ! Pardonnez mon ironie, mais c’est un fait historique et sociologique avéré que la grande majorité des catholiques de votre génération sont tombés dans ce panneau. Sous prétexte de lutter contre le communisme (ô combien à raison), on a assisté à un virage à droite toute et à son libéralisme (plutôt économique, mais fondé sur le libéralisme philosophique). Toujours cette dualité bornée : si les cocos (de gauche) sont des méchants, alors les libéraux (de droite) sont gentils. Alors que le libéralisme n’est ni de gauche ni de droite.
C’est marrant, ce virage massif de toute une frange de la population. Et quand je lis ça : « insistant sur la valeur de la responsabilisation de la personne libre contre le déterminisme du destin de classe », je pouffe : quelle belle démonstration de déterminisme de classe vous nous avez fait là ! Marx doit se plier en quatre de rire dans sa tombe.
C’est le grand danger qui nous guette tous : tomber dans l’idéologie miroir de celle que l’on combat à juste titre. Autre exemple : les « intégristes » (pardon pour les étiquettes) qui veulent imposer la vérité au détriment de toute charité (voire dans la violence) VS les « progressistes » qui piétinent la vérité au nom de la charité ; or, la vérité n’est pleine et entière que dans la charité, et la charité n’est pleine et entière que dans la vérité ; quitte à me répéter, il faut articuler au lieu d’opposer ; ou ces images : la ligne de crête, le balancier, voire le ying et le yang (hum, pardon, mais je maintiens, avec certes toutefois des précautions.)
Une anecdote personnelle : je suis tombé l’autre jour par hasard sur un fascicule d’extraits de Raoul Follereau, datés des années 50 à 70. Je suis tombé des nues : une rigueur doctrinale et morale impeccables (le côté « de droite »), et un discours social et économique que même nos ultra-gauches n’oseraient plus proférer aujourd’hui, sur l’argent, la guerre, la solidarité, l’injustice, etc (le côté « ultra-gauche »). Bref, un minimum de cohérence. Ce discours, il me semble, était courant jusqu’à il y a environ trente ans : combien d’auteurs chrétiens j’ai pu lire, de Péguy à E.F. Schumacher par exemple, qui avaient cette cohérence ! Mais, dans les années 80, toute pensée socialement contestataire est devenue impossible pour les bons cathos : il FALLAIT passer au libéralisme de droite, sous prétexte de lutter contre le communisme. Pathétique. On en voit les ravages.
J’ai 28 ans, et ne m’intéresse à ces questions « que » depuis à peine plus de deux ans, alors comprenez que je n’ai pas le même « passif » que vous. J’ai peut-être et sûrement d’autres « tares » (pardon pour ces mots forts !), je n’en doute pas. Mais il est très clair pour moi que, historiquement, le libéralisme et le communisme sont les deux frères modernes, l’aîné étant le libéralisme : même projet de société matérialiste, juste des moyens d’y accéder différents, et la violence en plus pour le communisme. L’Eglise a condamné explicitement le communisme, et a donné naissance à sa doctrine sociale pour justement atténuer les effets pervers du libéralisme économique, sans cesser de se battre contre le relativisme libéral philosophique.
Quelle définition je donne à « libéral » ? C’est écrit dessus : idéologie philosophique relativiste qui absolutise la liberté de l’individu, au détriment de la vérité. Bon, c’est ma définition à moi, hein, avec une belle redondance pléonastique dedans, soyez indulgent ! mais voilà l’idée.
On a abandonné la thématique du temps pour revenir sur celle de la Vérité, qui a pourtant déjà bien sa part ici. Soit.
Est-ce que le recul du concept de « la Vérité » ne vient pas de notre niveau de connaissance moyen qui s’est élevé? N’est-ce pas lui qui nous fait percevoir toute la complexité du monde et met à bas toutes les théories compréhensibles en les mettant un jour ou l’autre face à leurs contradictions? Les ouvriers peuvent-ils encore se permettre de haïr le patron exploiteur dans une mondialisation qui lui coûtera son emploi si son employeur n’est pas un minimum sympa et la boite un minimum rentable? Le citoyen ne voit-il pas des politiques réagir à chaque fait divers par un projet de loi dont on pressent bien qu’il fera des victimes innocentes à l’autre bout du spectre (les roms tranquilles victimes des coupeurs de tilleul)? Tous les jours, ne constatons-nous pas qu’il y a peut etre un bien et un mal, mais que dans nos décisions pratiques quotidiennes, ce n’est jamais aussi clair, que nous ne pouvons que choisir le moindre mal, si encore nous arrivons à le déterminer?
Nos consciences me paraissent s’etre enormement élargies et chaque décision relève désormais du coup de billard à 10 bandes. Que les gens soient découragés devant la complexité du monde ne me parait donc pas si etonnant. Dans les discussions qui se tiennent ici-même, chaque sujet est suffisamment vaste pour qu’un contradicteur puisse attaquer sur tel ou tel détail une théorie qui se voudrait synthétique, en la prenant par le petit bout de la lorgnette.
Personnellement, cela m’incite à mélanger libéralisme pour la responsabilité individuelle de rechercher la vérité, et communion pour se recaler sur un grand nombre de gens. Je ne crois pas à la démocratie pour accéder à la Vérité: celle-ci est un concept cohérent au contraire des décisions politiques qui répondent sur des sujets épars à des lobbys, sans faire de lien. Mais je crois qu’une réflexion partagée à plusieurs (y compris dans le temps, la tradition en d’autres termes) peut amener plus près.
Un groupe d’individus, eventuellement tres eloignés les uns des autres, qui recherchent la Vérité ensemble chacun avec son talent et chacun choisissant librement de le faire, en s’appuyant sur le travail des anciens, avec un vieux sage à sa tete qui assure la cohérence d’ensemble : ça donnerait à peu près ça mon idéal, et ça me rappelle quelque chose…
@ PMalo
Calmons-nous. J’ai fait moi-même, et cela ne date pas d’hier, le constat que mon libéralisme s’était construit dans un environnement qui était ce qu’il était, pas ma faute si je suis né en 1948, ce qui m’a semble-t-il donné les moyens de prendre quelque distance par rapport à cet environnement. Je conteste donc formellement l’accusation de déterminisme de classe que vous me balancez gentiment à la gueule. Et si être sensible à la dimension de responsabilisation de la personne humaine est pour vous un marqueur du libéralisme « de droite », so be it.
Vous définissez le libéralisme de telle façon qu’il ne peut qu’être condamné. Libre à vous, et cela ne me fait ni chaud ni froid. Est-ce que cela fait avancer la réflexion sur comment engager le dialogue avec nos contemporains qui ont perdu le sens de la vérité et sont peu sensibles aux arguments du type le Pape a dit ? Sur comment participer à la vie politique ? Sur comment caractériser la différence, si elle existe et c’est un sujet de discussion légitime, entre libéralisme « philosophique » (et pari passu socialisme « athée ») et les étiquettes « libéraux » et « socialistes » en politique ? Le refus du libéralisme philosophique oblige-t-il, pour être caricatural, à prôner la nationalisation des banques ?
J’ai de la difficulté à comprendre cet échange sur le libéralisme.
En matière économique, je comprends ce que signifie cette doctrine mais pas en matière religieuse ou morale.
Voici ce que dit wiki à ce sujet :
« le libéralisme ne prescrit aucun comportement particulier au niveau individuel. Il considère que la morale et les religions sont hors de son domaine et se borne à interdire l’usage de la contrainte en matière religieuse ou morale, comme dans toutes les autres matières. »
Un « bon » libéral se détermine lui-même sur sa morale et sa religion.
Je ne vois pas le problème car qui aurait la légitimité pour les lui imposer, il n’y a plus de roi que je sache ?
Le relativisme, le doute, tout cela est en débat depuis l’invention de la philosophie : (d’Anaxagore à Montaigne et Descartes en passant par Pyrrhon). On ne fait ici que du neuf avec du vieux. Avec le matérialisme, l’idée de Bien a complètement disparu, entrainant avec lui l’idée de Beau et de Vrai. Aujourd’hui on s’exclame devant une « poubelle bourgeoise » d’Arman, mais on continue en réalité de rêver devant les fresques de Michel-Ange. Il ne reste plus de réel qu’un utilitarisme mortifère.
Les symptômes sont connus, le diagnostique est posé (une anthropologie fausse, tronquée), mais le malade refuse le remède comme un boulimique. Il en résulte une population névrosée, qui consulte en masse les cartomanciennes, les psy, les pharmacies, et les cours de justice.
Le problème est ici avant tout anthropologique avant d’être économique. Si on reconnait la dimension spirituelle de l’homme, alors on reconnait Dieu et donc l’existence d’un Bien, d’un Vrai et d’un Beau objectif, et donc d’un sens où l’homme doit tendre. Et le canard reprend sa tête, comme saint Denis, et l’économie est à nouveau subordonnée à l’homme et sa nature.
« Si on reconnait la dimension spirituelle de l’homme, alors on reconnait Dieu et donc l’existence d’un Bien, d’un Vrai et d’un Beau objectif, et donc d’un sens où l’homme doit tendre. »
La dimension spirituelle de l’homme, d’accord, est une donnée anthropologique objective car toutes les civilisations se sont dotées a minima d’un art et le plus souvent d’une religion.
« on reconnait Dieu », d’accord mais le problème c’est que chaque civilisation s’est « fabriquée » sa propre représentation de son ou ses dieux. Les dieux romains n’ont que peu de rapport avec le Dieu chrétien par exemple.
Idem pour la définition du bien et du beau qui nécessairement comportent une bonne part de subjectivité et de conventionnel.
Si tout le monde a la même conception du bien, on peut supprimer les élections et installer au pouvoir un parti unique !
Courtlaïus, vous portez bien votre nom. +1.
@ Aristote : « Est-ce que cela fait avancer la réflexion sur comment engager le dialogue avec nos contemporains… ? »
Je ne sais pas, ce n’était pas le sujet de mon commentaire.
Mais si vous voulez mon point de vue, je peux vous le donner. Il sera bien pragmatique !
Figurez-vous que je ne vis pas dans une réserve de cathos, très loin de là. Je me sens même parfois assez seul. Par mon choix de vie, je fréquente plutôt pas mal de jeunes souvent très éduqués et diplômés qui se sont rendus compte à quel point notre modèle civilisationnel était à bout de souffle, et qui ont décidé en conscience et librement d’en sortir et de revenir à la terre de manière assez radicale. (C’est aussi mon parcours, entre autres raisons pour être en accord avec ma foi catholique, car je n’arrive pas à concevoir comment on peut vivre en catholique dans cette gigantesque structure de péché qu’est devenue notre société.)
Et bien je vous l’assure, nous avons des discussions passionnantes : je leur sors par exemple le compendium de la DSE, ou des textes sur l’écologie écrits par le pape, et ils n’en reviennent pas : l’Eglise ne parle pas que de capotes et tient un discours rationnel qui est très proche du leur sur certains sujets. Reste à leur faire comprendre que la sagesse de l’Eglise est une, et que tout le discours catholique est cohérent. J’espère y contribuer.
En clair, pour entamer un dialogue, il faut prendre les gens là où ils en sont, trouver les points d’accord, et montrer en quoi nos désaccords sur d’autres sujets peuvent être compris et dépassés par une recherche de cohérence, bref par la recherche de la vérité. Je vous assure, ça marche : je ne connais personne, qui, quoi qu’il dise, n’est pas en recherche de vérité. Ceux qui assènent leur relativisme dogmatique en sont la preuve : pour eux, leur relativisme est la vérité, universelle qui plus est. Cela se retourne en deux phrases.
Il est vrai que je fréquente des gens assez à part et peu représentatifs de la société d’aujourd’hui, car justement ils s’écartent en conscience et réellement librement de cette société en posant ce choix radical. Quoi qu’ils en disent, ils cherchent le beau, le vrai, le bien ! Il ne reste parfois qu’à le leur faire découvrir. Parler au mutin de Panurge de base de 23 ans qui défile par solidarité pour la retraite à 60 ans, à l’étudiant de deuxième année de philo nihiliste qui découvre Nietzsche, au petit catho « droit dans ses bottes » intégriste mais trader, doit en effet être autrement plus éprouvant, et là je n’ai aucune idée de la façon de procéder : je n’ai jamais réussi à avoir une discussion intéressante avec ces trois catégories-là.
Pour revenir à ce fameux « déterminisme de classe », j’avais bien conscience que cela allait vous chatouiller ! C’est toujours marrant d’utiliser ce vocabulaire face à un libéral 😉
Mais je vous prie de m’excuser, j’en rajoute une couche : voir ainsi toute une frange de la population, bien de droite, bien catho, bien bien bien et tout et tout, passer d’un bloc avec acharnement au libéralisme le plus débridé sous couvert de lutte contre le communisme prouve la véracité de certaines analyses de Marx. Et je trouve cela bien cocasse. Mais peut-être n’est-ce pas votre parcours.
Allez, encore une couche, promis c’est la dernière : « pas ma faute si je suis né en 1948 » encore un argumentaire marxiste (pour reprendre les mots de Lib dans un autre article) : un vrai libéral n’a que foutre de la société dans laquelle il est né, sa responsabilité individuelle fait qu’il est capable de se détacher de ce déterminisme ! D’accord, j’arrête.
@ Hervé : quel rapport avec le roi ?
@ PMalo
Je trouve très bien la façon dont vous vous y prenez.
Sur le déterminisme de classe, je vous trouve inutilement injuste : des mots comme « bloc », « acharnement » ou « débridé » sont au mieux polémiques et ne font pas avancer le schmilblic. Par ailleurs, l’idée que l’on soit sensible à ses intérêts matériels n’est pas une exclusivité marxiste. Ainsi, par exemple, on n’a pas besoin de l’être pour penser que la politique du PS, et plus particulièrement son européisme libéral sous Mitterrand, s’explique très bien par la défense des intérêts matériels du gros de ses électeurs, à savoir la fonction publique. C’est la radicalisation de l’idée qui est marxiste.
Enfin, je persiste à dire que je ne suis pas responsable d’être né en 1948, voir mes parents, et que je ne suis pas responsable de l’environnement de ma jeunesse. Ce que j’en ai fait sur le long terme, comment j’ai ou non peu à peu pris de la distance, assumé une part de l’héritage, rejeté une autre, oui. Je ne comprends donc pas votre pique.
@ Courtlaïus : « Avec le matérialisme, l’idée de Bien a complètement disparu, entrainant avec lui l’idée de Beau et de Vrai. »
Pour le Bien et le Vrai au moins, cette affirmation me paraît tout à fait erronée.
Ainsi le matérialisme définit le Bien comme (en résumant outrageusement) « ce qui maximise le bien-être des êtres humains ». Cette définition est difficilement opérationnelle certes, comme le sont toutes les définitions du « Bien ».
A mon sens il faudra bien en passer par là de toutes façons : le matérialisme étant le seul terrain commun à tous les humains, c’est bien là et nulle part ailleurs qu’il faudra fonder une morale commune.
C’était juste une pique, avec un peu de mauvaise foi, qui ne vous visais pas vous personnellement et/ou exclusivement, mais plutôt une habitude de pensée caricaturale chez certains libéraux qui se satisfont de l’argument « oulala vous êtes marxiste » pour discréditer tout argumentaire (reductio at ‘marxum’ ? 😉 ). Ne vous en formalisez pas.
Mais je ne vois comment on peut nier ce fait sociologique qu’une importante frange de la population catholique française (je ne me prononcerai pas sur les autres pays) se soit rangée depuis quelques décennies avec force et fracas du côté des libéraux de droite sous couvert de lutte contre le communisme, malgré les nombreuses mises en garde du magistère (d’ailleurs réitérées et actualisées en permanence par BXVI). De plus l’actualité nous montre que ce choix, s’il a pu d’une certaine manière se comprendre, n’est plus opportun, et qu’il est temps de refonder en vérité nos choix philosophiques, anthropologiques, sociétaux, économiques, bref : notre civilisation.
D’ailleurs, je n’ai pas l’impression que vous le niez…
@ PMalo
La reductio ad marxum est effectivement pour le moins ringarde.
Non, je ne nie pas qu’il faille refonder. Une nuance, probablement liée à l’âge. Refonder n’est pas pour moi le truc qui s’impose aujourd’hui plus qu’hier. Toutes les époques, tous les âges, chacun d’entre nous sont confrontés avec la nécessité de ne jamais considérer que leur état actuel les autorise à rester en repos. Jamais nous ne répondons vraiment à l’exigence. Les termes de la remise en cause pertinente en 2010 ne sont pas ceux qu’il fallait considérer en 1948, mais la remise en cause est toujours là. Ce n’est en rien une raison de désespérer, juste une raison de ne pas s’endormir.
Premier point : Vous savez, c’est le privilège de la jeunesse de croire qu’elle peut changer le monde ! Alors, oui, je crois que la nécessité de refonder est plus importante aujourd’hui qu’en 1948 par exemple, tout simplement parce que je vis aujourd’hui et non pas en 1948. 1948, c’est du passé, et je ne peux rien changer au passé. Je vis pleinement aujourd’hui pour demain, et advienne que pourra.
Deuxième point : 1948, c’est votre année de naissance. En y accolant 2010, vous semblez présumer que je suis né en 2010. C’est un détail, certes, mais j’ai un peu plus de 6 semaines 😉
Troisième et dernier point : « Ce n’est en rien une raison de désespérer, juste une raison de ne pas s’endormir. » Ai-je l’air de désespérer ? 😉
A vue purement humaine, je ne vois rien qui puisse me faire espérer, je ne suis pas un optimiste béat, ni un pessimiste aigri (je me retrouve beaucoup dans les mots de Bernanos sur l’optimisme et le pessimisme) ; Dieu est le maître de l’Histoire, il me reste donc l’Espérance (chère à Péguy). Et c’est tellement grand ! Oui, je suis plein d’Espérance, je sais que Dieu a déjà vaincu, et que nous sommes des serviteurs inutiles ! Comment s’endormir quand on prend conscience de cela ? Au contraire, je pète le feu ! Rien à perdre, et la Vie au bout ! No future without Jesus ! (mon petit côté punk qui ressort parfois.)
@ PMalo
Je crois que si vous aviez lu avec le coeur un peu plus ouvert, vous auriez compris que l’incise « Ce n’est en rien une raison de désespérer », c’était Aristote qu’elle visait, pas PMalo…
Justement, j’ai lu avec le coeur très ouvert : j’ai pensé que vous ne vous adressiez pas à votre personne uniquement, mais que votre bon conseil s’adressait à tout le monde, y compris vous, bien sûr, et moi. 😉
J’y ai apporté ma réponse, ne pouvant répondre pour personne d’autre ; à chacun maintenant s’il le veux d’apporter la sienne !
Je crois que personne ne l’a encore fait remarquer et pourtant le parallèle est flagrant :
…et si le canard était feu Louis XVI ?
Depuis ce régicide / parricide, ne serions-nous pas tous devenus des orphelins déboussolés ?…
La tête, c’est Dieu. Je veux bien croire que le Roy est le « lieutenant de Dieu sur Terre », mais bon.
Il me semble que vous prenez une conséquence pour la cause, ou du moins qu’il n’est pas si facile de déterminer qui est l’œuf ou la poule : si on a pu tuer le roi lieutenant de Dieu sur terre, c’est justement parce que l’idée de Dieu était déjà bien entamée (peut-être aussi parce que le roi fut parfois un bien piètre lieutenant) ; le canard commençait à perdre sa tête, et le symbole du roi décapité en a certes accéléré la chute, mais le gros du travail était déjà fait.
En Histoire, il y a certes des dates clés, mais les processus d’évolution ne se font pas par à-coups ; les causes et conséquences sont toujours multiples et étalées dans le temps, et démêler l’écheveau est un travail fastidieux et pas vraiment exempt de risques de mésinterprétation. C’est pourquoi votre thèse, quoique pertinente, court le risque du réductionnisme.
@Verel
Je pense que vous commettez une erreur en rattachant le libéral-libertarisme aux libéraux version old school.
Peut vraiment comparer des économismes libéraux classiques, qui préconisent un Etat fort sur ses fonctions régaliennes pour arbitrer les différents, empêcher les monopoles, etc, et les actuels qui aux USA vont quasiment jusqu’à privatiser l’armé (emploi massif de contractors) et les services de renseignements ?
Les libertaires, eux se sont construits contre le communisme. Le communiste pensant changer de société en changeant d’Etat. Les libertaires, constatant l’échec du changement d’Etat, préfère le supprimer.
Dans les 2 cas, droite ou gauche, économiques ou sociales, les libéraux-libertaires ne veulent plus d’Etat, ni d’institution, de règles, de normes. Tout doit s’arranger de personne à personne. Et forcement pour le mieux, puisque l’Homme à l’état de nature, est Bon. Et tout acte de déviance est dû à l’Etat et à la société oppressive. Les délinquants sociaux, banquiers ou banlieusards, doivent être inondés de subventions, car s’ils sont rassasiés, s’ils ne sont plus opprimés, alors ils redeviendront vertueux, éventuellement après une séance de psy et une autocritique publique.
@ Cyd
Tout à fait d’accord avec la distinction, mais moins avec votre vision de l’histoire des idées.
Le libéralisme old school a lui aussi repris du poil de la bête en réaction au communisme et au déterminisme de classe, mais en continuant à penser l’homme comme un être doué de raison, ce qui justifie qu’on lui laisse un vaste espace de liberté qui engage sa responsabilité, mais aussi comme un être social supposant par le fait même une communauté politique, un État, qui avait son rôle à jouer. Et la plupart des libéraux old school ne s’illusionnent pas trop sur « la nature humaine ».
Les libertaires me semblent souvent venir de courants de pensée qui en fait nient toute réalité à des notions comme la vérité, la liberté et la responsabilité. En France, Marx (combien d’ex-cocos de tout poil chez nos « libertaires » !), Freud, Nietzsche, Foucauld… Aux US, la vulgate darwinienne, mais aussi la « French theory », à nouveau Foucauld. Dès lors, on ne voit pas au nom de quoi l’État viendrait, hors la violence physique, réguler en quoi que ce soit la recherche par tout un chacun de la satisfaction de ses pulsions. Le trait commun à tous ces courants de pensée, ce n’est certainement pas le « libéralisme philosophique », mais le refus viscéral, obstiné, de même seulement considérer l’hypothèse de l’existence d’une transcendance.
@ Aristote:
Pour la distinction, je propose d’appeler libéraux, les libéraux classiques, et libertaires, le libéral-libertarisme moderne. Ca sera plus simple.
La caractéristique des libertaires que vous soulevez, acceptation d’une transcendance ou non, qu’elle soit externe à l’Humanité (Dieu) ou interne (l’Etat, la civilisation, voire pour les cas extrêmes le Parti ou la Race), est très juste à mon avis.
Pour l’histoire de l’émergence de ce courant de pensée, je ne suis pas spécialiste. Si j’insiste sur le communisme, c’est que 1) Verel parle des dictatures communistes, 2) que j’ai plusieurs témoignages de 68ards qui ont fait 68 contre le communisme de Papa, notamment en étant maoïste.
Yogui, je vois pas comment le matérialisme peut souscrire à la base à la notion d’idée qui est par définition immaterielle. Le Bien, le Vrai, n’existent dans le matérialisme que dans le plan des préjugés, de la culture, bref, de la construction pure et de la contingence d’un temps donné.
« le matérialisme étant le seul terrain commun à tous les humains, c’est bien là et nulle part ailleurs qu’il faudra fonder une morale commune. »
La morale n’étant pas matérielle, chacun peut tout aussi bien prendre ses désirs pour la réalité. Chacun sa morale en perception qu’il a de son bien-être, et Dieu pour personne.
Bon vent donc pour la fondation d’une « morale matérialiste » ; mais au fait, on y a déjà goûté et y goûte encore : les qqs millions de personnes qu’elle a expédié dans le néant en qqs décennies ne plaident pas pour elle.
@ Courtlaïus :
Le matérialisme ne nie pas l’existence des idées, ni des concepts, ni des mathématiques … attention, votre désir de caricature vous pousse dans l’absurde.
Le Bien peut être défini de manière tout à fait matérialiste comme étant ce qui maximise le bien-être des êtres humains, et le Vrai comme étant ce qui est conforme aux faits. Débattre de ces sujets nous entraînerait cependant bien loin du billet.
Pour revenir au billet d’ailleurs, je ne vois pas que Koz propose une réponse dans la religion ; et si l’on admet que jamais toutes les religions du monde ne fusionneront ensemble, c’est bien en dehors des religions qu’il faudra trouver, et fonder, des réponses morales applicables à tous.
Quant à votre allusion voilée aux victimes du nazisme et du communisme, le débat a déjà eu lieu sous le billet précédent « Laïcité, la France crispée ». Pour l’impact moral sur les sociétés d’aujourd’hui, notons simplement que les Etats-Unis, la démocratie occidentale de loin la plus croyante, est également celle avec le taux de criminalité de loin le plus élevé.
Je suis très curieux de savoir comment on atteindra universellement qqch de « conforme aux faits », de Vrai, le jour où il faudra déterminer précisément 1) comment on définit le bien-être et 2) concrètement ce qui répondra ou non à cette défintion. Par la génétique ? Par la neuro-science ? Ou par quelque équation modélisant la notion de « bien-être » ? Pour une époque plongée dans un doute et un relativisme permanent, il faut que le matérialiste est une foi peu commune pour soutenir en définitive la fin des opinions.
Je crains ici que le « conforme aux faits » ne se transforme assez rapidement en « conforme à ma convenance personnelle », et à l’idée que je me fais moi perso de mon bien-être.
Notez aussi comment, avec le matérialisme, on passe peu à peu, en jouant de l’amalgame sémantique, de la dignité au « bien-être ». Il n’y a même pas besoin de chercher dans le nazisme ou le communisme, il suffit de regarder hic et nunc comment la société, matérialiste de fait, s’empêtre dans les débats de société, comme un canard sans tête. Mais une morale du « bien-être », ça fait froid dans le dos. Surtout quand qq’un décidera pour vous que vous n’entrez plus dans les critères du moment du « bien-être ». Ne me dites pas que c’est déjà le cas.
Yogui : « c’est bien en dehors des religions qu’il faudra trouver, et fonder, des réponses morales applicables à tous. »
C’est pire que du Kant, ça, non ? Lui au moins reconnaissait l’importance des religions il me semble.
@ Courtlaïus : Distinguer l’état de bien-être de l’état de souffrance chez un être humain est assez simple (et s’il faut des critères objectifs chiffrés, la psychologie cognitive et les neurosciences peuvent en fournir) mais la difficulté n’est pas là ; elle est plutôt d’admettre que c’est bien là une valeur légitime et que chacun a droit en part égale de la poursuivre. Et ce critère me paraît plus stable et plus solide que les critères religieux.
Ce « matérialisme » n’a d’ailleurs rien à voir avec la poursuite des biens matériels, puisqu’il a été abondamment constaté qu’au delà d’un seuil minimum, l’abondance matérielle ne concourt que marginalement au bien-être des individus.
Quant à la « dignité », quelle en est selon vous la définition ? Il me semble que « pouvoir jouir de son droit équitable à poursuivre son bien-être » ne doit pas en être si éloigné.
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