Blog et journalisme, une fois de plus. Mais ça avance

Jean-Pierre Elkabach a publié hier un point de vue, dans Le Monde, sur l’évolution du journalisme, « Quel journalisme, à l’ère du web ?« . Sur son… blog, Sylvain Attal, journaliste, et membre de la rédaction de France 24, lui répond, et complète son propos, d’une façon qui me paraît d’ailleurs plus convaincante en ce qui concerne la gratuité de l’info, plus ambitieuse dans le rôle qu’il assigne aux journalistes, et un peu moins, finalement, journalisto-centrée.

Mais ne boudons pas notre plaisir. Le verre n’est certes pas totalement plein mais bon, il se remplit. Thierry Crouzet, le web-évangéliste du « Cinquième Pouvoir », s’interrogeait dernièrement sur son blog, sur les réalisations qu’il sera possible de mettre au crédit dudit pouvoir. Peut-être ces deux interventions sont-elles l’illustration d’un ses premiers succès : amener le quatrième pouvoir à se remettre en question.

Les relations entre les journalistes et les « journalistes-citoyens » ne sont pas toujours des plus sereines. Certains sont authentiquement intéressés, d’autres authentiquement caricaturaux, d’autres enfin fortement hostiles… quand ils n’estiment pas d’emblée que toute considération apportée au travail des blogueurs discréditerait celui des journalistes. Ces anxieux-là sont peut-être des journalistes brillants, mais angoissés de nature. Ou des journalistes angoissés de n’être pas brillants.

Elkabach comme Attal apportent des réponses approchantes, dans leur esprit.

Pour le premier :

« Voilà pourquoi nous sommes en train de changer profondément : c’est en imaginant autrement nos métiers que nous jouons notre rôle. Par exemple, à Europe 1, nous savons que la meilleure manière de prévoir le futur, c’est de l’inventer. »

Et le second :

« Comme les radios « libres » dans les années 80, le web 2.0 est en train d’obliger les journalistes à se remettre en question. Et tant mieux.

Il est illusoire de prétendre arrêter ce mouvement, comme il est vain de vouloir stopper la mondialisation économique. Est-ce qu’on arrête le courant avec ses mains? Il vaut mieux apprendre à nager !« 

En ce qui me concerne, et comme je l’ai toujours écrit sur mon blog, je considère l’opprobre générale lancée par certains sur les journalistes absurde… comme toute généralisation. Pour autant, je ne peux m’empêcher de me demander, comme souvent, si une remise en question policée eut été entendue.

Nous avons besoin des journalistes, mais d’une autre forme de journalisme. Je l’écrivais il y a si longtemps[1] que je n’arrive même plus à en retrouver la source que les journalistes – de la presse écrite, essentiellement – ne pouvaient plus se contenter de diffuser de l’info brute, ce que souligne Elkabach. Avec le Web, et comme l’écrit Sylvain Attal, c’est d’un certain « retour aux sources » qu’il s’agit : investigation, et analyse.

L’un comme l’autre ne font pas preuve d’admiration béate pour les blogs. C’est, me direz-vous, assez logique, de leur part. Mais ils n’en occultent pas davantage les atouts. Jules (Diner’s Room), auréolé de sa démontration de force et de pertinence d’hier, y a vu une volonté de la part d’Elkabach de passer de la pommade dans le dos des internautes et même pis, une volonté d' »embrass[er] pour mieux étrangler« . Même s’il y a probablement un souhait de montrer la modernité de sa station, il me semble que l’on peut lui faire crédit du fait que son propos dépasse cette simple considération, d’autant que le tableau positif qu’il dépeint aussi me paraît assez juste.

« Grâce aux forums, aux blogs et à l’Internet participatif, les journalistes peuvent multiplier leurs sources et leurs angles. Ils affinent la pertinence de leurs analyses et la véracité de leur propos. Bref, ils parlent mieux avec leur public, ils l’écoutent et tentent d’être plus utiles encore dans la cité. Ils sont parfois à l’origine de nouveaux fils de discussions en ligne et font raisonner la parole des blogueurs. Enfin, les paroles des uns et des autres cessent de s’ignorer. Elles commencent à se croiser. »

On notera déjà qu’il ne reste pas focalisé, comme d’autres, sur « les blogs« , comme hypnotisés par ce mot que j’abhorre, plus proche du gargarisme que d’autre chose. Le blog n’est qu’un outil de prise de parole sur le Net. Il en existe d’autres, et celui-là passera.

Ensuite, à supposer que les tenanciers desdits blogs jouent véritablement leur rôle, effectivement, on peut espérer grâce à eux une plus grande communication. Qu’ils y « affinent la pertinence de leurs analyses et la véracité de leur propos » peut paraître à certains un peu excessif et, dès lors, quelque peu pommade-enduisant mais il n’y a qu’à rappeler les trois billets que je citais hier pour constater qu’un petit tour par certains blogs serait loin d’être inutile à nombre de journalistes.

Comme dirait l’autre, « sans la liberté de blâmer, il n’y a pas d’éloge flatteur« , et je retiens aussi comme assez fondées leurs critiques, loin de toute idéalisation des blogs, aussi malvenue que l’opprobe générale sur les journalistes.

Ainsi Elkabach relève-t-il :

« Mais, à vrai dire, l’évolution des moyens de transmission importe moins que la santé de ce qui est transmis. Le Web 2.0 cacophonique, mal intégré, peut amener une intolérable confusion entre l’information, la communication et l’opinion. Un formidable bond en arrière. Les foules ne sont pas toujours sages, elles appellent parfois au lynchage et peuvent être plus conformistes qu’il n’y paraît ! La profusion de faits ou d’opinions approximatives crée parfois la confusion… et une menace pour la démocratie que nous ne pouvons accepter. »

Pour le coup, j’ai retrouvé le billet dans lequel j’exprimais une crainte similaire, quant au lynchage, Blogs et tribunaux populaires. Il y a parfois un phénomène d’emballement sur les blogs, facilité de temps à autre par une certaine courtisanerie, ou même la logique du système. Ainsi, tel blogueur supposé influent relaie telle préoccupation, je m’en fais l’écho, dans l’espoir pour certains de montrer ma sympathie… qui me vaudra peut-être quelques liens en retour. En outre, j’en profite pour caser un trackback, ça me permettra de me faire connaître. Or, c’est bien connu, on montre moins d’empressement à admettre que l’on s’est fourvoyé. Après avoir jeté en patûre un nom, la réhabilitation connaîtra-t-elle le même succès ?

D’accord aussi sur le risque que représente l’hyper-information – comme je l’abordais légèrement dans ce billet : Les révoltés de l’Inéluctable.

D’accord, encore, avec Elkabach : les blogueurs me paraissent parfois bien puérils dans certains des combats qu’ils engagent, sûrs d’être révolutionnaires, quand leur révolution est pourtant bien conformiste. Combien s’extraient vraiment du « mainstream » qu’ils rejettent ? Combien ont vraiment conscience des tentatives d’instrumentalisation dont ils sont l’objet ? Permettez-moi cette incise un peu « partisane » mais : aaah, la participativité, l’écriture en commun… dont nul ne pourra jamais savoir si le résultat est vraiment une oeuvre commune, mais qui aura suffisamment flatter le citoyen. Ceci, sans parler de l' »ignorance péremptoire »[2] de certains qui les amènent à tenter de réinventer la roue, ou les sciences politiques, sans considération aucune pour le travail de leurs prédécesseurs, et pleinement persuadés de la virginité du terrain qu’ils croient déblayer.

Sylvain Attal apporte à cela une réponse qui, quel délice, m’agrée aussi :

« Sur internet, comme chacun le sait le « pire » côtoie le meilleur. Mais après tout ce n’est pas le privilège des blogs! A terme les réputations, bonnes ou mauvaises, redistribueront les cartes aussi sur internet.

En principe, nous autres journalistes ne publions rien qui n’ait été préalablement vérifié et recoupé. On sait bien qu’en réalité beaucoup d’informations tronquées ou fausses sont diffusées dans les journaux, à la radio ou à la télévision. Pire. Il y a certains sujets sensibles politiquement sur lesquels les medias français n’enquêtent pas, ou pas assez, alors même qu’eux seuls en auraient les moyens. D’une certaine façon, il s’agit d’une nouvelle « trahison des clercs ». Il faut parfois aller chercher dans des journaux étrangers des informations sur notre propre vie politique! C’est ce que le public reproche aux journalistes français, en se tournant vers internet ou il a l’impression qu’en tout cas même s’il peut être abusé, on ne lui cache rien. A lui d’apprendre à faire le tri, ou à qui s’adresser pour l’aider à le faire. »

Voilà un propos dénué de langue de bois et que l’on retrouve souvent dans les discussions sur le journalisme citoyen. Cela rend, il me semble, d’autant plus fondé son diagnostic du succès des blogs en France :

« L’une des raisons pour lesquelles la France compte un tel nombre de blogs- et probablement davantage qu’aux Etats-Unis si on le rapporte au nombre d’habitants- s’explique par la déception des citoyens dans les medias « dominants ». Les internautes ont parfaitement compris que la concentration capitalistique dans le monde des medias, peut-être nécessaire sur un plan économique, n’a pas favorisé la liberté d’expression. Les journalistes sont encore trop dépendants du monde politique dans leur plan de carrière. Il y a encore beaucoup de sujets qu’il n’est pas recommandé d’aborder si l’on ne veut pas tomber en disgrâce. »

Ajoutons à cela les errements qu’il souligne plus haut et l’on comprend, effectivemment, que les citoyens aient eu envie, consciemment ou inconsciemment, de reprendre les choses en main.

C’est en tout cas un diagnostic dépourvu du mépris de ceux qui persistent à ne voir dans cette prise de parole citoyenne qu’un avatar technologique du café du commerce, les français adorant ouvrir leur gueule pour donner un avis qu’on ne leur demande pas.

Gageons[3] qu’il serait plus salutaire pour les journalistes qu’ils parient sur le diagnostic de Sylvain Attal que sur ce dernier, plus rassurant mais marqué par l’incapacité à se remettre en cause. Plus salutaire pour eux, et pour notre société, car nous avons de toutes façons un réel besoin de journalistes, enquêteurs, analystes, ou modérateurs[4].

  1. Tout est, tout de même, relatif : ce devait être à l’automne 2005 – pas vraiment un précuseur, donc []
  2. vu que vous aviez bien aimé, j’ai republié le billet sur ce blog []
  3. Hein, gageons ensemble []
  4. « c’est surtout en devenant des « modérateurs » que les journalistes réinventent leur métier. Ils aident à faire le tri entre toutes ces paroles, à mettre de l’ordre dans la jungle des contenus. Ainsi, chacun peut-il contribuer au débat, sur des bases solides » (Elkabach) []

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24 commentaires

  • Merci pour l’éloge qui doit être moins « sincère » que « flatteur », selon l’autre.

    Je ne partage pas l’opinion laudative que tu as du tableau dressé par J.-P. Elkkabach.

    Comme tu as dû le lire, j’ai un peu de mal avec l’idée d’un « affinage » de la véracité ou de la pertinence de l’information.

    Par ailleurs – et je réitère ici – l’emploi du terme « raisonner » en lieu et place de son homonyme « résonner » me semble particulièrement caractéristique.

    L’agacement ne vient pas tant des propos eux-mêmes que sur l’immodestie du journaliste. Mais, me diras-tu, peut-être s’agit-il de celle de l’auteur exclusivement.

    Sinon, je goûte comme toi l’argument de Sylvain Attal – que j’ai connu cependant plus prompt à l’affirmation gratuite.

    Et tu excuseras le lien auto-promotionnel, n’est-ce pas ? 😉

  • [quote comment= »123″]Merci pour l’éloge qui doit être moins « sincère » que « flatteur », selon l’autre.[/quote]

    Là, il s’agit de prendre l’air le moins crispé possible et de se féliciter que les blogs permettent de telles rectifications, plutôt que de n’être que honteux de sa confusion.

    [quote]Je ne partage pas l’opinion laudative que tu as du tableau dressé par J.-P. Elkkabach.[/quote]

    Je pêche souvent par optimisme et indulgence.

    [quote]Comme tu as dû le lire, j’ai un peu de mal avec l’idée d’un « affinage » de la véracité ou de la pertinence de l’information.[/quote]

    Soit, mais demander à un patron de presse d’affirmer qu’il s’en va vérifier sur les blogs la véracité et la pertinence de l’information qu’il diffuse, c’est beaucoup lui demander. Et je persiste à trouver que le tableau est assez équilibré, à ceci près que l’on est en droit d’être plus exigeant envers ceux dont l’information est le métier, et la vérification l’exigence première.

    [quote]Par ailleurs – et je réitère ici – l’emploi du terme « raisonner » en lieu et place de son homonyme « résonner » me semble particulièrement caractéristique.[/quote]

    En effet. Soit d’un lapsus, soit d’une relecture superficielle.

    [quote]L’agacement ne vient pas tant des propos eux-mêmes que sur l’immodestie du journaliste. Mais, me diras-tu, peut-être s’agit-il de celle de l’auteur exclusivement.[/quote]

    Soit, mais, même s’il n’est pas exempt de reproches, je pardonne davantage à Elkabach son immodestie qu’à certains qui n’ont encore rien accompli.

  • « C’est en tout cas un diagnostic dépourvu du mépris de ceux qui persistent à ne voir dans cette prise de parole citoyenne qu’un avatar technologique du café du commerce, les français adorant ouvrir leur gueule pour donner un avis qu’on ne leur demande pas. »

    Il est compréhensible que cette parole soit flatteuse pour la communauté des blogueurs. Pour autant, l’analyse « blogs = café du commerce » est-elle pour autant disqualifiée ?

    Je ne sais pas si le fait que la France compte beaucoup de blogs montre une désaffection du journalisme traditionnel : en effet, une très grande majorité des blogs n’ont aucune vocation journalistique. Après, pour ce qui est des « blogueurs influents », désignés comme tel ou qui croient l’être, j’ai plutôt l’impression qu’il s’agit d’un vase clos.

    Enfin, l’expression « cinquième pouvoir » me semble étonnante, internet étant un média comme un autre, les blogs politiques publiant la plupart du temps ce qui relèverait de l’éditorial dans un journal. Je ne suis pas sûr que ce soit le meilleur moyen de se faire entendre. De qui au fait ?

  • [quote comment= »125″]
    Il est compréhensible que cette parole soit flatteuse pour la communauté des blogueurs. Pour autant, l’analyse « blogs = café du commerce » est-elle pour autant disqualifiée ?[/quote]

    « Communauté », dont tu fais partie… Et, s’il ne faut pas se prendre pour ce que l’on n’est pas, il ne faut pas non plus se déprécier, se dénigrer. Libre à toi, au demeurant, de te voir comme un pilier de comptoir numérique.

    Par ailleurs, Attal voit dans les avanies du journalisme une des explications du succès des blogs, pas la seule. Peut-être une certaine tendance française à « l’ouvrir » entre en compte aussi.

    Mais le fait de s’en tenir à l’explication « café du commerce » me paraît un peu court et révélateur du mépris dans lequel certains tiennent les blogs.

    Je me souviens en particulier de Finkielkraut et de Fumaroli, qui ont passé un certain temps, dans Répliques, à évoquer les blogs, ne mentionnant que les skyblogs, au demeurant, ce qui, je le répète, témoigne d’une méconnaissance teintée de mépris.

    Pour ce qui est du « cinquième pouvoir », tu noteras que je l’ai affublé de guillemets. Je reste assez dubitatif. Même si ces deux contributions témoignent bien du fait que, quand bien même il serait encore trop optimiste de reconnaître du « pouvoir » aux blogs, ils ont peut-être au moins le mérite, du seul fait de leur apparition, d’inciter les journalistes à une remise en question.

  • [quote]Là, il s’agit de prendre l’air le moins crispé possible et de se féliciter que les blogs permettent de telles rectifications, plutôt que de n’être que honteux de sa confusion.[/quote]

    Il s’agissait d’une tentative de rectification maladroite de la citation originale. 😉

    [quote]demander à un patron de presse d’affirmer qu’il s’en va vérifier sur les blogs la véracité et la pertinence de l’information qu’il diffuse, c’est beaucoup lui demander. Et je persiste à trouver que le tableau est assez équilibré, à ceci près que l’on est en droit d’être plus exigeant envers ceux dont l’information est le métier, et la vérification l’exigence première.[/quote]

    Je ne sais si c’est trop demander. Il arrive que certains s’adonnent à ce vice.

    Le déséquilibre provient, me semble-t-il, de la vocation naturelle que Jean-Pierre Elakabbach assigne au journaliste de dégager le bon grain. Encore faut-il se départir d’une certaine docilité à l’égard des communiqués de presse, et peut-être, d’un peu d’immodestie à l’endroit de qui n’a pas une position publique.

    [quote]En effet. Soit d’un lapsus, soit d’une relecture superficielle.
    [/quote]

    Mais le lapsus, dit-on, est révélateur.

    Faire « résonner » les propos des blogueurs suppose de leur donner un « echo ». Faire « raisonner » les blogueurs sous-entend qu’ils sont dépourvus de raison…

    [quote]Soit, mais, même s’il n’est pas exempt de reproches, je pardonne davantage à Elkabach son immodestie qu’à certains qui n’ont encore rien accompli.[/quote]

    Il est vrai que je n’ai rien accompli – si c’est moi que tu pointes. Mais je n’ai que des exigences à formuler à l’égard de la presse, et ne prétend pas me substituer à elle.

    D’accord, tu peux dite que je suis immodeste. 😉

  • Non, Jules, ce n’est pas toi que je pointe. Je veux surtout dire que, même si je préfère que ceux qui connaissent le succès sachent rester modestes, je trouve néanmoins plus excusable l’immodestie de leur part… comparé aux loosers prétentieux.

    [quote comment= »127″]Le déséquilibre provient, me semble-t-il, de la vocation naturelle que Jean-Pierre Elakabbach assigne au journaliste de dégager le bon grain. Encore faut-il se départir d’une certaine docilité à l’égard des communiqués de presse, et peut-être, d’un peu d’immodestie à l’endroit de qui n’a pas une position publique.[/quote]

    Bien sûr, nous parlons de ceux qui seront de bons journalistes.

    [quote]Mais le lapsus, dit-on, est révélateur…
    [/quote]

    C’est bien pour ça que j’ai parlé de lapsus.

  • Mouais. Le sujet des relations entre les blogs et la presse rapproche les premiers de la seconde sur un point au moins : partager un marronnier.

    Evolution cybernétique toutefois, il fleurit toute l’année.

  • Ce n’est pas pour rallumer à l’infini le feu de la polémique, mais du texte de J.-P. Elkkabach me paraît sourdre
    une immodestie professionnelle.

    Dit autrement, les journalistes auraient un titre, ès qualité, à juger de la qualité d’une information. C’est là que je freine.

    La détermination de la qualité d’une information doit procéder d’un travail, d’une procédure, et non de la seule titularité de la carte de presse.

    Il s’agit d’un devoir, si tu veux, et non d’une prérogative.

    De sorte que je puis, récipiendaire, juger de l’accomplissement de ce devoir ; alors que l’exercice d’une prérogative ne me laisse d’autre choix que de souffrir l’information.

    Pardon pour les analogies juridiques. Je ne trouve pas mieux.

  • @ Jules :

    « Un effort de lecture pourrait ne pas être inutile car pour la matière juridique, les sources ne sont pas si inaccessibles »

    Les voeux de ton billet ont été entendus, le Monde publie un papier sur le droit opposable, avec plein de morceaux de blogs dedans.

  • [quote comment= »129″]Mouais. Le sujet des relations entre les blogs et la presse rapproche les premiers de la seconde sur un point au moins : partager un marronnier.

    Evolution cybernétique toutefois, il fleurit toute l’année.[/quote]

    C’est une vue de mon esprit, ou 2007 sera marquée, en ce qui me concerne, par une recrudescence d’interventions pour me dire ce dont je dois, ou non, parler, voire, maintenant, dans quelle colonne ?

    [quote comment= »130″]Dit autrement, les journalistes auraient un titre, ès qualité, à juger de la qualité d’une information. C’est là que je freine.

    La détermination de la qualité d’une information doit procéder d’un travail, d’une procédure, et non de la seule titularité de la carte de presse.

    Il s’agit d’un devoir, si tu veux, et non d’une prérogative.[/quote]

    Je crois que nous sommes d’accord là-dessus. Mais je ne suis pas certain que le texte d’Elkabach soit si contraire à cette idée. Il dit aux journalistes : évoluons, il faut désormais des « modérateurs » pour trier l’information. Je n’ai pas lu, dans ce propos, le fait que seuls les journalistes y seraient aptes, ou qu’ils le seraient du seul fait qu’ils sont journalistes. Je l’ai plus perçu comme une perspective : nous devons évoluer, un journal ne peut plus être une collection de faits bruts alors, si l’on ne veut pas crever, si l’on veut un rôle, il nous reste celui-là…

    Ceci dit sans vouloir attiser les braises de la controverse.

  • Il ne faut pas oublier les gratuits, qui obligent les journalistes à travailler leur plus-value par rapport à l’info brute : enquête, analyse, mise en perspective.

    L’avènement des blogs me semble surtout permettre d’avancer dans la distinction info/opinion.

    A l’inverse, les bloggueurs doivent avoir de fortes exigences. Un élan existe et ne doit pas retomber comme un soufflé. Les perspectives ouvertes impliquent une certaine responsabilité, notamment selon moi contre toute forme de politiquement correct ou de consensualisme : si l’intérêt du blog est en particulier d’exprimer des idées hors du mainstream médiatique, il faut être à la hauteur.

    Je pense aussi à la télé politique sur le web, qui recèle de grands apports potentiels : si c’est pour faire du sous-journalisme traditionnel, c’est pas la peine. J’en parle ici, à propos du hors-série du Politicshow : http://touvabien.typepad.com/touvabien/2007/01/2007_cest_pas_g.html

    Au fait, tous mes voeux de tout ce que tu veux! Continue de kozer, pas obligé de tirer un trait définitif sur les billets fleuves!

  • [quote comment= »132″]
    [quote comment= »130″]Dit autrement, les journalistes auraient un titre, ès qualité, à juger de la qualité d’une information. C’est là que je freine.

    La détermination de la qualité d’une information doit procéder d’un travail, d’une procédure, et non de la seule titularité de la carte de presse.

    Il s’agit d’un devoir, si tu veux, et non d’une prérogative.[/quote]

    … il faut désormais des « modérateurs » pour trier l’information.[/quote]

    Parfaitement d’accord. Autrefois à seul divulgateur de l’info, le journaliste doit désormais trier. Et s’il est mieux fondé que d’autres à le faire, c’est, Jules, parce que comme c’est son boulot, il est censé avoir le temps et la compétence (il est censé être formé pour) de recouper les infos, vérifier, séparer le bon grain de l’ivraie, etc.

  • Sans vouloir souffler sur les flammes de la querelle – 😉 – il m’apparaît que la vocation naturelle des journalistes selon J.-P. Elkabbach est de :
    [quote] « faire le tri entre toutes ces paroles, à mettre de l’ordre dans la jungle des contenus.  » [/quote]

    Et les blogueurs sont dans la jungle…

    Bon, ce n’est peut-être pas si faux. Mais je m’arrête là, bien persuadé que tes lecteurs auront saisi l’essentiel de notre disputatio

  • Pardonne le ton trop sec de mon commentaire, l’humeur du jour déteint un peu sur la forme.

    Sur le fond, ce n’est pas ton billet qui m’agace, mais le sujet lui-même, dont je perçois mal l’enjeu.

    Le plus souvent, le rapport blog / presse est sous l’angle de la contemplation réciproque, comme deux amants qui n’ont pas mieux à faire que se regarder dans le blanc des yeux. Or, pour filer cette métaphore douteuse, les histoires de couple n’intéressent généralement que leurs composantes, et le marronnier est là.

    En revanche, si – et c’est ce que suggère ton billet – le blog n’est qu’un support, il n’y aura de sujet que lorsque ce support en nourrira d’autres – dits légitimes – non pas avec ce qu’il est in abstracto, mais avec ce qu’il contient.

    C’est précisément le cas du papier du Monde d’aujourd’hui, dont je n’ai pris connaissance qu’après la rédaction de mon commentaire (facétieux hasard). Ce n’est sans doute pas la première fois, mais le phénomène me paraît encore trop sporadique pour que les interrogations sur la valeur « informationnelle » du blog, et donc le parallèle avec le journalisme, aient déjà un sens.

  • Oui nous avons saisi l’essentiel de votre disputatio 🙂

    De mon côté, je réagis sur le point du billet initial de Mr Koz: « Nous avons besoin des journalistes, mais d’une autre forme de journalisme. Je l’écrivais il y a si longtemps|1| que je n’arrive même plus à en retrouver la source que les journalistes – de la presse écrite, essentiellement – ne pouvaient plus se contenter de diffuser de l’info brute, ce que souligne Elkabach ».

    Je ne voudrais pas repartir sur cette ancienne discussion que je ne crois pas avoir suivi. Mais j’avoue ne pas adhérer ou ne pas bien comprendre cette ‘prédiction’.

    En tant que lecteur, j’aimerais justement un journal diffusant de l’info brute: certes pas à la manière d’un France info ou d’un Bloomberg, faisant défiler les titres de une sans analyse aucune. Mais en proposant une analyse, une étude ou simplement une description du gros titre qui soit la plus factuelle possible.
    Or, on sait bien qu’il est très difficile d’écrire un article pondéré, mesuré, exact qui soit le plus près possible des faits, qui représente au mieux la réalité.
    J’aimerais qu’il y ait 3 journalismes: (i) celui des faits dont le mot d’ordre est d’atteindre la meilleure représentation du réel, (ii) celui de l’analyse des faits et de leur mise en relation (toujours dans le but d’atteindre la meilleure représentation du réel) et enfin (iii) le journalisme partisan et pleinement assumé comme tel.

    Aujourd’hui je suis plus souvent gêné par le mélange des genres (le partisan prétendant décrire la réalité) que par l’inexactitude involontaire (parfois l’incompétence) du propos d’un journaliste. Il faut dire que je ne remarque peut-être pas toujours cette dernière.

    Pour renforcer mon propos (avec tous ces juristes, je m’applique sur le style!), prenez 20 minutes. Et le commentaire de Carolus: « Il ne faut pas oublier les gratuits, qui obligent les journalistes à travailler leur plus-value par rapport à l’info brute : enquête, analyse, mise en perspective. ».
    Je ne partage pas ce point de vue.
    Le choix, l’ordre et la présentation des articles, de même que l’absence d’autres articles sont tous des choix qui vont au delà de la distillation d’information brute.
    Je me souviens avoir lu un article sur Ségolène Royal et son voyage au Proche/Moyen Orient. L’article disait en substance ceci: la droite n’attendait qu’un faux pas de la jeune candidate, peu coûtumière de l’exercice des relations internationales, pour lui tomber dessus et c’est effectivement ce qu’ils ont fait en montant en épingle l’absence de réaction supposée de Ségolène aux propos anti-sémites.
    On peut être d’accord avec cette analyse; là n’est pas la question. Mais parle-t-on vraiment d’info brute? n’est-on pas plus proche d’une opinion, d’un angle, d’une certaine façon de présenter les faits? Ce qui est encore plus grave dans un journal gratuit dont le contrat implicite est de fournir de l’information brute et facile à lire à ces lecteurs.

    Pour conclure, parmi les nombreux apports des blogs et autres supports du ‘journaliste-citoyen’, je verrais bien aussi celui de dénoncer l’angle pris par tel ou tel ou l’ensemble des journalistes sur un sujet (à la ‘Arrêt sur Images’), ou celui de mettre en lumière, à contre-courant, des sujets qui ne sont pas portés sous les feux de la rampe par les journalistes. Et cela justement pour pousser les journalistes à plus de justesse, d’objectivité, de curiosité intelectuelle et d’anti-conformisme.
    Cela peut bien ambitieux et hors de portée du petit monde de la blogosphère. Et pourtant je crois que cela arrive déjà dans une certaine mesure. En tout cas, le lecteur a un moyen autre que la 1/2 page du courrier des lecteurs pour s’exprimer. Les journalistes peuvent recevoir ces signaux (positifs ou négatifs) en temps réel et non plus uniquement à travers les hausses ou baisses du nombre de titres vendus, qui n’est pas un indicateur très utile.

  • [quote comment= »126″][quote comment= »125″]
    Il est compréhensible que cette parole soit flatteuse pour la communauté des blogueurs. Pour autant, l’analyse « blogs = café du commerce » est-elle pour autant disqualifiée ?[/quote]

    « Communauté », dont tu fais partie… Et, s’il ne faut pas se prendre pour ce que l’on n’est pas, il ne faut pas non plus se déprécier, se dénigrer. Libre à toi, au demeurant, de te voir comme un pilier de comptoir numérique.[/quote]

    Le terme de « café du commerce » ne me parait personnellement pas si péjoratif, c’est la discussion que peuvent avoir plusieurs personnes sur l’actualité du moment, comme à la machine à café, le marché, le repas de famille, avec des amis… Comme ces autres lieux de discussions, Internet fait vivre le débat.

    Techniquement, cela facilite la conversation puisqu’il y a davantage de personnes qui y prennent part, mais sur le principe, ce n’est rien de nouveau. Je ne crois pas que nos concitoyens aient attendu Internet pour penser et parler. Je m’étonne d’ailleurs que tant Jean-Pierre Elkabach et Sylvain Attal partent du principe qu’autrefois c’étaient les journalistes qui avaient le pouvoir. Peut être l’exposition qui est donnée à Internet fait se rendre compte aux journalistes qu’il n’est pas seul, que le microcosme auquel il est habitué ne représente pas toute la société. La révolution Web 2.0 (concept absurde à mon goût au passage) n’est révolutionnaire que pour eux, dans la mesure où ils redécouvrent l’existence du bon peuple, jusqu’à en arriver à cette personnalité de l’année 2006 du Time Magazine.

    Quelles sont au juste les problèmes rencontrés par les journalistes ?
    Les infos non vérifiées ? Alors oui, Internet est un média supplémentaire, avec la liberté d’opinion et la concurrence, cela continue de garantir des sources d’informations différentes qui pallient à ce problèmes.
    Les enquêtes qui ne sont pas faites, et les infos qui sortent d’abord du net ? Pour le journaliste investigateur, le changement est en effet de taille : plutôt que d’attendre qu’une source l’appelle en off pour lui donner une info intéressante, le il devra aller sur internet où la source en question aura donné à tout à chacun l’info en question (de façon anonyme bien sûr). A part ça, je vois mal quelle enquête marquante a été menée par les citoyens du net.
    Comme dit Sylvain Attal, il n’y aurait que sur les blogs que les journalistes pourraient dire réellement ce qu’ils pensent ? En ce qui me concerne, l’avis des journalistes a le même degré d’importance que celui de n’importe qui d’autre. Et je fuis les journaux qui s’adonnent trop à la subjectitivité.

    Je ne sais pas quels seront les effets de cette remise en question des journalistes, ni même si elle doit durer (j’en doute). Mais du moment que les informations pures et dures sont séparées du reste je serai content. Car bien souvent, dans les « analyses » que l’on nous promet, on se retrouve avec des démonstrations où le journaliste cherche des éléments tendant à prouver la thèse dont il est déjà convaincu.

  • A lire le post de Birenbaum sur les bloggeurs qui se prétendent alternatifs et font un bilan de l’année basé sur Google Analytics. On se veut subversif mais on court après l’audience comme un vulgaire JT de TF1.

  • Mouais. J’avoue que le personnage « Birenbaum » ne m’amuse pas. Il est « NRV » ? Il est surtout fiel à longueur de colonnes. Il ne vit que dans la dénonciation des autres. C’est, à force, lassant. Il devrait s’offrir une retraite dans un monastère pour envisager un petit bilan personnel. Il découvrirait peut-être que son propre positionnement anti-système et, à vrai dire, anti-tout, mais, dans le même temps, éditeur germanopratin, chroniqueur télé, radio et presse, manque de cohérence.

    Ayant osé la critique sur un scoop foireux du bonhomme, je me suis vu répondre (cf. le billet de l’époque) :

    « Pour tout vous dire, je crois bien qu’on atteint là la limite des blogueurs installés qui voient d’un très mauvais oeil d’autres qu’eux, plus récents sur le net, empiéter sur leur terrain.

    Il va falloir vous faire à l’idée qu’il ne suffit pas d’une accéditation pour aller dans un meeting ou de deux photos retravaillées sur un mac pour produire de l’information ou du commentaire intéressant. Je n’ai rien contre vous. Je vous lis et vous trouve souvent inspiré, mais là, pardonnez moi, on dirait un enfant qui veut récupérer son jouet. Prenez cette réponse pour ce qu’elle est. Une simple bourrade affectueuse d’un grand garçon qui a deux ou trois heures de vol. Et le cuir tanné…”

    Dernièrement, après qu’il se soit encore mis en tête de se payer les prétendus « barons » auxquels on se demande bien pourquoi il attache tant d’importance, je reçois un mail de sa part après un commentaire de la mienne, me disant en tout et pour tout : « vous, vous n’avez toujours rien compris« … Malheureusement, le sens profond de ce que je devrais comprendre continuera de m’échapper, puisqu’il n’était pas fourni dans le mail.

    Bref, au lieu d’être NRV 24/24, Birenbaum devrait éventuellement envisager de se retirer du monde le temps de gagner en sérénité.

    Au-delà de ça, oui, bien sûr, sacrifier le fond à l’audience est une connerie, et un risque dont il faut se prémunir mais bon, est-il si sûr lui-même de ne jamais céder aux travers qu’il dénonce ? Bref, le reproche est peut-être fondé, mais l’outrance est lassante.

    J’ajouterais que, sous ce billet, à un commentaire de Vinvin, qui estime le sujet de son indignation bien dérisoire, Birenbaum n’hésite pas à répondre que, sur son blog, il écrit ce qu’il veut… après avoir consacré un billet entier à critiquer les sujets traités par les autres sur les leurs.

  • Tellement vrai, et tellement facile, comme il lui est facile de te répondre ainsi. On tourne en rond, on se mord la queue et on n’arrive nulle part. J’aime beaucoup Birenbaum, il a des côtés super-chiants, mais il est attachant.

    Je pourrais très bien t’écrire que ton côté presque janséniste sans y toucher m’est insupportable. D’une, je ne le pense pas, deux, j’ai envie que tu sois des nôtres lundi, trois, c’est stupide. Ca génère du conflit là où l’on a besoin plus que jamais de batailles sereines (bel oxymore…), pas fielleuses, pas bilieuses.

    Meilleurs voeux, Koz.

    PS : Quatre, tu ne l’es pas. Janséniste.

  • [quote comment= »189″]Je pourrais très bien t’écrire que ton côté presque janséniste sans y toucher m’est insupportable. D’une, je ne le pense pas, deux, j’ai envie que tu sois des nôtres lundi, trois, c’est stupide. Ca génère du conflit là où l’on a besoin plus que jamais de batailles sereines (bel oxymore…), pas fielleuses, pas bilieuses.

    Meilleurs voeux, Koz.

    PS : Quatre, tu ne l’es pas. Janséniste.[/quote]

    Purée. Si je comprends bien, tu pourrais me dire un truc que tu ne penses pas, qui est stupide et qui ne me correspond pas, mais tu ne vas pas le dire… Bon, ben, je n’ai qu’une chose à ajouter : sage décision. On doit bien rigoler, à l’UDF.

  • « C’est l’année où il s’est confirmé que la vraie source de l’ignorance n’est pas dans la rétention, la rareté, la censure de l’information mais dans son déferlement, dans le flot ininterrompu des nouvelles et des commentaires, dans le tsunami des chaînes, des écrans, des nouveaux supports, des blogs.

    C’est l’année des blogs justement, c’est-à-dire du nombrilisme planétaire.

    C’est l’année, cependant, où le nombre des ex-bloggers a rejoint celui des bloggers – preuve que le nombrilisme n’est peut-être pas, tout compte fait, un journalisme. « 

    Lu via Pointblog.

    Autant je suis assez d’accord avec BHL sur le début de cet extrait, autant la suite me laisse penser que certains ne sont pas totalement sereins – et probablement assez ignorant. On ne déverse pas autant de fiel sur le dérisoire…

    Mais la leçon d’humilité de la part de BHL sera un grand moment d’humour de ce début 2007.

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