Assez pleuré

eiffelbelge

Les attentats se suivent et se ressemblent. Les réactions également. Nous pleurons, nous « n’avons pas peur » – « not afraid », parce qu’on est polyglottes – nous communions dans la répétition de symboles dérisoires et inoffensifs. La Belgique pleure, la Commission européenne pleure, l’Europe pleure, Tintin pleure et Gaston Lagaffe aussi, pour faire bonne mesure. Dans les minutes qui suivent l’attentat, Twitter se met en chasse du dessin de presse qui le disputera au déjà lénifiant « Je suis Charlie ». On félicitera d’ailleurs cette fois Plantu pour sa réactivité[1]. Ça, c’est du professionnalisme, et l’embourgeoisement de la réaction populaire et spontanée.

Des symboles Belges ? Un cornet de frites – avec, au passage, un doigt d’honneur, la vulgarité remplaçant désormais l’éloquence – une bière, et la BD. Désolé, amis Belges, nous voulions bien célébrer votre apport à l’histoire de l’humanité, mais nous avons surtout pensé aux frites. Ça va, ne le prenez pas mal, je ne dénigre pas la Belgique : quand nous avons été frappés, nous ne nous sommes pas élevés plus haut. Le niveau culturel moyen est tel qu’il peine à dépasser la bouffe.

Plus d’indulgence nous conduirait à penser que le message sous-jacent est celui-ci : les barbares n’auront pas la peau de nos plaisirs, et nous continuerons de vivre comme avant, jusque dans les détails insignifiants de nos vies. Mais j’aimerais être convaincu que ce n’est pas que nous sommes incapables de dépasser le stade de cette insignifiance, et je ne le suis pas.

J’étais à Bruxelles le 16 novembre et je me souviens avoir été touché à la vue de cet immeuble illuminé aux couleurs de la France, raison pour laquelle je ne néglige pas la valeur symbolique de l’illumination de la Tour Eiffel aux couleurs de la Belgique. Et que les Belges ne s’y trompent pas : je suis bien de cœur avec eux, dans un sentiment de proximité fraternelle que j’ai toujours éprouvé, même en l’absence d’épreuve. J’ai la même exigence pour eux que pour nous, et nous prenons conscience aujourd’hui de notre profonde solidarité dans l’adversité. Les frissons qu’ils ont ressentis hier, de crainte et de prise de conscience mêlés, je les ai ressentis aussi.

Mais j’en ai soupé des larmes. Soupé du pathos. Du compassionnel dans lequel on excelle. Assez de fournir aux terroristes et à leurs sympathisants le spectacle qu’ils espèrent, le tableau qu’ils attendent. Privons-les de la jouissance de ces scènes, même si cela suppose de faire violence à l’inclination sirupeuse de nos sociétés et de nos médias, de nous priver de l’auto-contemplation de notre statut de victimes – ultime collier d’immunité de notre époque. Aujourd’hui, c’est la colère qui prend la place. La colère, pas la haine. Mais la détermination.

Une jeune Belge demandait hier : « pourquoi nous détestent-ils tant ? » C’est vrai, on est gentils : alors, pourquoi ils sont méchants ? Ce jour de novembre, à Bruxelles, écoutant un chauffeur de taxi m’expliquer le monde, la France et la Belgique, échangeant avec quelques-uns, il me semblait aussi percevoir cette incrédulité à l’idée que Bruxelles puisse être touchée (même si elle s’imposait) : comment serait-ce possible, chez nous, qui n’imposons plus rien à personne, chez nous, si tolérants ? Laurent Joffrin, lui, publiait hier un éditorial exemplaire. Sacrifiant à Pathos, il titrait sur le chagrin. Et, comme en novembre dernier, lorsque, anxieux de voir remis en cause le magistère moral d’une certaine gauche médiatique, il évoquait les quartiers du 10ème, quartiers de la bourgeoisie bohème, dans lesquels il ne voit que tolérance et fraternité, voilà qu’il pleurait « Bruxelles sans ordre, sans plan, sans arrogance et sans haine, Bruxelles la bigarrée, la cosmopolite, la ville de l’accueil, la ville de l’effervescence et de la création »[2]. Peut-être faudrait-il considérer que cette si fameuse tolérance a viré à une indifférence exempte de respect, à une absence de véritable dialogue tant nous refusons d’être quoi que ce soit, de peur d’exclure un autre, tant nous refusons de considérer sérieusement ce que l’autre est, trop satisfaits de le tolérer ?

Il faut à tout cela une réponse policière, et si nous voulons bien dépasser les débats parlementaires insignifiants dans lesquels nous sommes englués, nous pourrions en débattre davantage. Mais il faut aussi une réponse politique, culturelle, intellectuelle, spirituelle, civilisationnelle.

Laurent Joffrin écrit : « c’est l’heure du sursaut ». Paroles creuses. Pour être efficace, un sursaut doit pouvoir prendre appui sur un sol stable. Sans cela, si nous n’apprenons pas à consister un peu plus, à redonner un peu de substance à la France et à l’Europe, à marquer intellectuellement, culturellement, artistiquement, politiquement l’histoire de l’humanité autrement que par Charlie, un verre en terrasse, ou la lecture de BD un cornet de frites à la main, nous ne ferons que sursauter. Et pleurer.

  1. explosion à l’aéroport : 8h20. Dans le métro : 9h00. Dessin : 10h20 []
  2. « sans ordre, sans plan, sans arrogance et sans haine » : il y aurait matière à (psych)analyse, dans ce rapprochement []

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84 commentaires

  • Mon cher Koz, il me semble que vous avez oublié la réponse militaire. Il faut éradiquer Daech comme l’a annoncé le président Hollande en novembre. Il faut donc intervenir militairement sur le sol syrien, irakien et probablement libyen pour détruire la source actuelle du terrorisme qui nous tue. Ce n’est pas suffisant mais c’est absolument nécessaire et urgent.

  • 🙂
    « L’Église est fondée sur Pierre, et Pierre est fondé sur ses propres larmes (Mt 26,75), si bien qu’au fond l’Église est fondée sur les larmes. Et c’est bien ainsi, car les larmes sont plus solides que la pierre même ».
    François Cassingena-Trévedy

    Ou encore : « I have nothing to offer but blood, toil, tears and sweat ».
    Churchill

    Je crois que les larmes ne sont jamais à dédaigner. À la condition bien sûr qu’elles n’empêchent l’action.

  • Très juste. De mon côté, cette colère m’avait frappé quelques heures après les attentats du 13 Novembre, ce qui m’avait surpris moi-même. Mais cette colère au lieu de laisser place à de la détermination et de l’abnégation s’est essoufflée peu à peu en une sorte de résignation et de désespérance devant l’incapacité manifeste que nous – qui formons la société, les gens qui nous gouvernent, nos leaders d’opinions – avons à nous confronter à la réalité et à prendre les mesures adéquates (et non pas celles que nous prenons actuellement, au mieux symboliques -mais inutiles-, au pire qui limitent toujours plus nos libertés et accroissent le contrôle de l’Etat).
    Je continue donc mon chemin en attendant le réveil des consciences avec l’espoir vague d’y participer à mon échelle.

  • Comme souvent, je partage votre avis. La réponse policière et militaire ne suffira pas si nous n’affirmons pas clairement ce que nous sommes. Être Bruxelles, Paris, Charlie, frite ou autre, ce ne sont aujourd’hui que des concepts vides de sens.

  • @ Samuel Duval : si je peux me permettre, la réponse militaire, je l’ai évoquée en août 2014, à la suite de la chute de la plaine de Ninive, dans un appel paru dans Marianne, co-rédigé avec Philippe de Roux, soulignant que l’enjeu ne tarderait pas sinon à devenir un enjeu de sécurité intérieure. Il a été à l’époque critiqué comme excessif, et s’est écrasé dans la torpeur aoutienne. Je ne pense pas oublier la réponse militaire, donc. Mais je ne crois pas qu’elle sera suffisante. La menace est intérieure.

    @ Vieil Imbécile : on peut pleurer. Mais on n’est pas obligés de le faire devant tout le monde, et de se complaire devant le spectacle de nos propres larmes.

    @ Leg : nous nous perdons dans des débats parasites, en effet. La déchéance de nationalité en est le plus terrible exemple. Elle nous occuper depuis décembre (décembre !), avec quelques interludes. Le tout pour une mesure dont tout le monde s’accorde à reconnaître que son but n’est pas l’efficacité. Pendant ce temps, les questionnements sur la réaction concrète, l’organisation des renseignements, les moyens de la police, ne survivent qu’en sous-main.

  • Vous qui êtes juriste, avez vous des idées sur le dimensionnement des réponses pénales face à une réalité de 2016:
    1) un citoyen qui part en « vacance humanitaire » en Syrie et rentre en France par avion via la Turquie ?
    2) un mineur « commerçant de cannabis » qui a épargné quelques milliers d’euro avec lesquels il essaye d’acheter une arme ?
    3) Un prédicateur salafistes, muni d’un permis de séjour, qui ne fait aucun acte répréhensible mais « informe » ses co-religionnaires.

    Faut-il ouvrir un bagne à Cayenne (type Guantanamo) pour les mettre en observation quelques année ? sur quelles bases légales ?
    Faut-il demander à l’ONU d’ouvrir un centre de dé radicalisation mondiale (logé à la Mecque et financé par Riad ) avec tribunal inquisiteur qui condamne les terroristes hérétiques à des peines religieuse et de miséricorde (3 ans de jeune dans un cachot) ? avec extradition de nos concitoyens (dans un pays pratiquant le peine de mort…)

  • Les Belges sont très choqués ce matin, encore un peu incrédules que cela leur soit tombé dessus. Ici c’est une sorte de pays de bisounours (à l’exception de quelques nationalistes flamands un peu excités), fondé sur le consensus et surtout, surtout, le fait de faire « à son aise ». Les explosions, c’est un peu le « wake-up call » qui a surpris pas mal de monde.
    En tant que Français résidant à Bruxelles, j’avoue être moins surpris, et peut-être même moins touché, par ces attentats que par ceux de novembre (qui ont, de surcroît, touché le quartier parisien où je résidais autrefois). Néanmoins, il faut un temps pour la tristesse et les larmes.
    Comme vous le dites, nous sommes dans le même bateau. La réponse belge sera peut-être différente de la française, impliquera peut-être moins de coups de menton à la Valls ou de déclarations grandiloquentes. Mais finalement, l’enjeu est le même: il faut offrir une réponse culturelle et spitiruelle à cette agression; or je crains que notre petit pays de bisounours ait beaucoup de mal à sortir de son consensualisme pour proposer un projet commun de société.

  • @ Samuel Duval:
    Je suis désolé de vous contrarier, il faudrait au contraire arrêter d’envoyer notre armée en Syrie ou en Irak, et surtout arrêter de vendre des armes à ce prétendu Etat Islamique (Toutes les armes utilisées par ces criminels sont fabriquées chez nous!!).
    Des chômeurs en plus, ou des victimes en plus?
    On devrait aider l’armée syrienne et irakienne à les combattre. Elles sont plus efficaces que nous.
    Notre armée serait mieux dans ces banlieues abandonnées, là où une guerre se prépare contre nos valeurs et nos lois.
    Il faut arrêter de faire de l’angélisme, le ver est dans le fruit. En attendant d’avoir une nouvelle récolte, il serait plus intelligent de neutraliser les fruits pourris.

  • Bien dit, Koz. Je suis en colère aussi, j’en ai ma claque du compassionnel dégoulinant. Et cette façon de se complaire dans le spectacle des larmes des autres et des nôtres mêlées, j’en ai plus que soupé. Et ce Premier ministre qui n’arrête pas de jouer sur nos peurs sans rien proposer… La seule réponse que nous ayons mise en place est cette gestion européenne de la crise migratoire. Pitoyable.

  • Il y a tout de même un sentiment moins avouable (et je ne dis pas que vous l’exprimez mais je sais qu’il existe pour l’avoir observé chez certains de mes proches) dans le rejet de cette solidarité partagée, c’est le sentiment de saturation face aux mauvaises nouvelles de ce genre, le désir de se réfugier dans un monde où le terrorisme n’existerait pas parce qu’on n’en parlerait pas. Les catholiques savent quelque chose du sens de la communion et de la compassion et on ne devrait pas nier l’aide psychologique pour les victimes d’une expression publique de compassion partagée. Si je devais moi même ou un des mes proches être victime d’un attentat, rien ne serait plus terrible pour moi que l’indifférence du public au motif que l’événement ne serait devenu que trop banal.

  • « Chassez le Christianisme, vous aurez l’Islam » la réponse est dans cette phrase.

    Je ne dis pas qu’il faille imposer le christianisme en France car c’est un pays laïc et c’est bien ainsi mais, si en effet nous reconnaissions les racines chrétiennes de notre pays, son passé, son histoire et sa culture peut être n’en serions nous pas là …

    Nous sommes devenu une société vide de sens et de socle, rien à quoi se raccrocher, c’est ce qui nous perds ! A force d’être gentil, tolérant et accueillant, on en devient naïf et dangereux pour nous-même.

    Bref, on est Paris, Bruxelles, Beyrouth, Ouagadougou… Mais surtout dans la merde !

  • Ah la vache, j’avais l’impression d’être le seul salopard à ne pas pleurer en cadence… Merci pour ce billet.

    La mise en scène des victimes, qui s’accroît d’une fois sur l’autre, car ce ne serait pas possible d’en faire moins que pour les précédentes ; les mêmes réactions convenues, nécessaires certes mais copiées-collées et du coup ridicules ; les témoignages identiques et l’avis des « Monsieur tout le monde » pour occuper les médias ; les avis des experts qui se plagient eux-mêmes d’une fois sur l’autre… MARRE.

    Au boulot pour renouer des liens, que ce soit autour de la Méditerranée ou entre nous ! Soutenons les Etats et les acteurs rationnels, du PMO et d’Europe ! On pleurera quand ce sera fini, mais en attendant, AU TRAVAIL !

  • Pour ce qui est de la réponse militaire, la première intervention française en Syrie date de 1860 (de mémoire) ; les Européens et nos alliés Occidentaux (EU et Israël) bombardent allègrement la région depuis des décennies (Les Israéliens ont « corrigé » les Arabes sans arrêt depuis 1948, les réussites sont patentes ; bombarder l’Irak est le sport national des EU depuis Bush 41, tous les autres l’ont fait (Clinton, Bush 43, Obama).
    Il faut un soutien aux acteurs de la région, aux Etats, mais intervenir… pourquoi ? Bombarder en tuant automatiquement des enfants, envoyer des hommes aux sol et se retrouver en position d’agresseur étranger comme toujours, voir la population se retourner contre nous, perdre des hommes et n’arriver à rien ? On n’aurait rien appris de l’Afghanistan, de l’Irak, etc. etc. ?

  • Merci pour ce salutaire papier, c’est tellement ça.
    Je ne peux que rejoindre le dernier paragraphe, celui qui parle du sursaut ; l’on ne saurait rebondir sur un sol meuble, encore plus s’il s’agit d’une mare.

    C’est effectivement le souci de notre civilisation, celle où l’on doit être lisse, policé, propre sur soi et ne pas faire de vague, ne pas donner son avis, le garder par devers soi et surtout ne pas contrarier l’opinion ambiante, à la mode. Qu’est-ce qui, finalement, nous définit, nous identifie, fait de nous des personnes à part entière, que l’on n’a pas tronçonnées en morceaux étiquetables, fonction de la situation (père de famille à tel instant, avocat à l’autre, catho encore à un autre, et réactionnaire tout le temps ^^).
    Il y a cette moyenne molle, cette médiocrité acceptée, voulue, veule, dans laquelle chacun peut se prélasser, bien à l’aise, confortable, pépère, sans remise en cause, sans (trop de ) difficultés.
    Fadasse, elle ne satisfait à rien, en tout cas pas à la soif de grandeur de l’Homme, et le remplit de vent chaud fétides.
    Il serait temps que l’on nous rende nos couilles.

    @ Baskar : le rôle de l’armée n’est pas de faire la police ; le jour où les militaires font le boulot de la police, c’est rarement bon signe. J’ajoute que le jour où la police fait la guerre, ce n’est pas bon signe non plus.

  • @ Koz:
    Je me souviens très bien de l’appel d’août 2014. Il n’a pas été entendu, pourtant il est d’une cruelle actualité.
    @ BASKAR:
    Avez-vous des preuves de vos allégations? Quelles armes avons-nous donc vendu à Daesh ? Les kalashnikovs ne sont pas des armes françaises, pour mémoire. Quant à l’armée irakienne… renseignez-vous avant d’en parler.
    @ Armand017:
    Vous mélangez des périodes et donc des contextes qui n’ont rien à voir. Daesh n’existait pas en 1860, ni même en 1948. Pourquoi intervenir? Pour détruire un ennemi objectif de la France, de l’Irak, de la Syrie et de la Libye pour ne citer que les plus évidents. Pour faire cesser la fascination qu’exerce aujourd’hui Daesh sur nos populations musulmanes. Il s’agit de légitime défense. Mais je parle d’une intervention aéroterrestre en coalition avec ceux qui voudront bien y participer. Cependant, pour répondre aux stratèges qui savent toujours après coup ce qu’il fallait faire, je dirais que la leçon de l’Afghanistan pour la France c’est qu’on n’arrive pas à régler un problème au tempo des médias. Il faut réapprendre le temps long.

  • Les larmes publiques, les larmes privées.

    Lorsqu’il s’agit de pleurs, il ne faut pas oublier que ce ne peut être le commencement.

    Je suis assez réticent aux larmes publiques. Peut être par une pudeur un peu vieillotte, mais je pense surtout à cause de leurs part de naïveté voire d’égoïsme.
    Il y a du monde à Bruxelles et Paris pour pleurer pour Madrid, Bruxelles, Paris et même Londres malgré l’Albion. Il y en a déjà moins lorsqu’il s’agit d’Utøya ou de campus universitaire américains. Il y en a encore moins pour les massacres d’Afrique, de Syrie, d’Irak… Au mieux une réaction gouvernementale et médiatique si le dit massacre est perpétré par le grand méchant dictateur. C’est plus facile, il a un nom, un visage. Naïveté ou égoïsme ?

    Si l’on passe à côté des quelques idiots pour qui c’est encore autre chose de plus grave, je pense que pour beaucoup dans nos pays, c’est un mélange.
    Comme vous le dites cher Koz, nos sociétés dites tolérantes mais surtout indifférentes car elles n’imposent plus rien de peur de choquer. Alors on ferme les yeux ou on détourne le regard.
    Et cela commence par cet enfant d’abruti qui n’a pas dit bonjour à la boulangère en entrant. On ne lui a pas appris, sa mère n’a même pas l’idée d’interrompre sa conversation téléphonique pour acheter sa baguette qu’elle montre d’un doigt. Cela commence aussi par ces parents, arrivant systématiquement en retard et ne sachant pas plus prononcer un bonjour, qui prennent l’école maternelle pour une garderie, la maitresse pour une réceptionniste et l’aide maternelle pour une dame pipi.
    Cela continue avec cet autre abruti qui klaxonne furieusement lorsque quelqu’un s’arrête pour laisser passer les piétons. Celui qui est à 160 sur l’autoroute et fait des appels de phares 1km à l’avance. Celui qui laisse Médor décorer les trottoirs. Celui qui s’inquiète les femmes de son équipe tombent enceintes. Celui qui va les virer ou les mettre au placard pour cela. Celui pour qui, quelle que soit la situation, son confort, son intérêt, son iPhone et son portefeuille passeront toujours devant tout le reste. On peut énumérer les cas pendant des heures. Mais la vraie question est de quelle tolérance parlons-nous ? Si nous regardons notre société globalement nous ne sommes que des égoïsmes les uns à côté des autres. Heureusement, nous avons la joie de voir chaque jour des Hommes qui sortent de cette masse. Le plus choquant reste que ce soient eux qui fasse tâche dans le monochrome.

    Alors oui, ces malheurs sont bien tristes. Je les pleurs sincèrement, mais pas devant vous. Devant vous, c’est une colère profonde que j’exprime. Colère envers ceux qui peuvent prendre les décisions politique si seulement ils avaient les tripes nécessaires. Et colère envers vous et moi (vous: la masse et moi dedans. Pour chacun, je n’en sais rien…) de ne pas marcher chaque jour, étendard au vent, contre cette gangrène.

    Je vais peut être finir par le commencer ce Carême…

    edit: entre-temps, @ Philippe Ghestin a parlé. J’ai l’impression que l’on dit la même chose.

  • Après l’émotion et la compassion, la réflexion? Oui bien sûr comparaison n’est pas raison. La situation est nouvelle et n’a rien à voir avec le passé mais notre pays comme la Belgique d’ailleurs peuvent-ils s’effondrer comme en 1940 mais d’une autre façon? La situation présente découle du traité de Sèvres en 1920 et des décisions prises par les vainqueurs de la seconde guerre mondiale concernant le Moyen Orient. Puis des politiques suivies par les deux blocs pendant la guerre froide. Et enfin par les politiques suivies depuis l’effondrement de l’ex-URSS. De plus en plus de pays du Moyen Orient n’en font qu’à leur tête quitte à défier les USA, à nous défier. Nous avons vécu jusqu’à aujourd’hui sous le « parapluie » sécuritaire américain qui nous a sauvé deux fois. Si la situation continue à dégénérer et s’aggraver pour nous que feront les USA cette fois-ci? L’enseignement de Histoire est trop souvent considéré comme une activité futile comme le dessin, la peinture et le chant et le sport. Pourtant le passé permet souvent de comprendre le présent et de construire l’avenir. Voir lien suivant: http://www.lyceedadultes.fr/sitepedagogique/documents/HG/HGTermL/livret_hg_TermLES/TermL_H08_T3_Q2_Le_Proche_et_le_Moyen_Orient_un_foyer_de_conflit.pdf

  • Une remarque et une réflexion.

    La remarque d’abord : comme vous l’avez assez justement fait remarquer dans un billet précédent, il est impossible de faire autrement que de « Commencer par les pleurs ». Je sais que vous n’êtes pas indifférent à ce drame, mais enfin le pathos est inévitable. D’où que votre titre « Assez pleuré », est un peu brutal à ce stade pour le franco-belge que je suis. Mais bon, passons.

    Une réflexion, ensuite : je lis sous votre plume et ailleurs qu’il faudrait « une réponse politique, culturelle, intellectuelle, spirituelle, civilisationnelle ». Je suis entièrement d’accord ; mais je ne peux pas m’empêcher de penser que ce sont des mots tout aussi creux. Si l’on veut parler des communs ; ou du vivre-ensemble ; ou d’évangélisation ; ou encore de retrouver des racines historiques, parlons-en ! Mais mettons des mots concrêts là derrière, sinon on ne fait que créer un écran de fumée sur lequel chacun projette ce qu’il veut. Bien sûr, on ne peut pas tout traiter dans un même billet. Mais soyons clair sur ce qu’on propose.

  • @ Leg:
    Je pense que Koz fait référence au chagrin un peu forcé et convenu des médias. Le chagrin de la population, des personnes touchées est profondément humain et ce serait effrayant s’il disparaissait. J’habite loin, j’ai de la compassion pour ces personnes, cela me touche, mais j’évite d’en faire étalage, je témoigne ma proximité auprès des amis touchés.

  • Ma réaction face à ce texte est partagée entre « oui bien sûr il a raison », et « et après ça on fait quoi »? On ne peut qu’être d’accord avec vous. Cependant à notre échelle individuelle, familiale, voire paroissiale ou locale, on se sent impuissant.

    Et donc on peut pleurer et poster des signaux de solidarité sur les réseaux sociaux. Ca peut paraître vain ou exhibitionniste mais il y a des gens qui y trouvent du réconfort. Et des gens qui se plaignent, se révoltent, car leur pays (Côte d’Ivoire, Mali…) a été touché sans que personne ou presque ne se manifeste. Ainsi est notre monde, beaucoup de gens surtout parmi les jeunes attachent de l’importance au nombre de dessins qui sont publiés pour leur dire « on pense à vous ». Après tout autrefois tout deuil était l’origine d’un abondant courrier de condoléances et c’était important aussi.
    On peut prier et réfléchir, et non ce n’est pas incompatible avec le fait de pleurer et de poster une image de Tintin. Cette vision simpliste est pénible, le coeur et la raison peuvent parfaitement fonctionner de concert ou en tout cas dans des temps très rapprochés.

    Moi aussi je suis révoltée, moi aussi j’aimerais une réponse politique, culturelle, sociale, etc. mais je ne suis qu’une citoyenne lambda qui fait ce qu’elle peut là où elle est et qui essaie de voter en conscience et de réfléchir aussi.

    Bref, les appels à une réponse intelligente et véritablement consistante c’est un peu comme les larmes publiques et les dessins. On les lit, on les like, et puis on continue à peu près comme avant, en essayant de respecter les gens, de ne pas discriminer, d’expliquer les choses, de lutter un peu contre la vague de déshumanisation, d’être bénévole quelque part et/ou de donner des sous à des gens qui proposent une éducation solide, d’aller à l’Opéra pour élever son âme et d’y inviter ceux qui ne connaissent pas, parce que n’étant pas parmi les gens qui ont une once de pouvoir (ne serait-ce que le vôtre, celui d’un blog connu), on ne peut pas hélas faire beaucoup plus.

    @jfsadys/Colibri. le dessin, la musique et le sport comme activité futiles…. La civilisation vous remercie de cette profondeur de vue. C’est vrai que pour comprendre le monde et construire l’avenir, Bach, de Vinci, le Beatles, Picasso, c’est vain. On est mal partis en termes d’éducation…

  • @ Alban:
    Alban pour savoir ce qui se cache derrière cette réponse politique, culturelle… je crois que Koz avait publié au lendemain du 13 novembre un article assez précis sur ce sujet. Il s’intitulait « Que voulons nous sauver ».

  • Merci pour cet excellent article. Il y va de notre responsabilité de construire le dialogue et la paix autour de nous. Alors faisons simple mais bougeons nous: j’invite mes voisins pour faire connaissance. Je salue et je parle avec les parents de confession musulmane à l’école. Je leur souhaite un bon Ramadan ils me souhaitent Joyeuses Pâques. Et puis et puis et puis….en fait il y a 1001 petits gestes du quotidien’ ou en ne cachant pas QUI JE SUIS j’invite au dialogue. Et ce sont des moments bénis +++ Alors oui arrêtons de pleurer …et de passer à autre chose en 10 minutes. Il est temps de remonter les manches et QUE L ON CHANGE VRAIMENT QUELQUE CHOSE.

  • Marc a écrit :

    Il y a tout de même un sentiment moins avouable (et je ne dis pas que vous l’exprimez mais je sais qu’il existe pour l’avoir observé chez certains de mes proches) dans le rejet de cette solidarité partagée, c’est le sentiment de saturation face aux mauvaises nouvelles de ce genre, le désir de se réfugier dans un monde où le terrorisme n’existerait pas parce qu’on n’en parlerait pas

    Je ne rejette aucunement la solidarité partagée. Je rejette la complaisance avec laquelle nous mettons en scène la douleur, les pleurs, le désarroi. Nous ne sommes pas obligés de pleurer face caméra. Nous ne sommes pas obligés de multiplier les personnages de BD en larmes. Et nous sommes capables d’exprimer une solidarité, et la mienne est si entière que j’ai du mal à me distinguer d’un Belge, sans le faire par l’expression de la tristesse et du désarroi.

    Samuel Duval a écrit :

    @ Koz: Je me souviens très bien de l’appel d’août 2014. Il n’a pas été entendu, pourtant il est d’une cruelle actualité.

    Oui, mais sans l’exclure, je pense aussi qu’il faut avoir présent à l’esprit le fit que le problème est largement intérieur. Quand Daech disparaîtra, ce problème ne disparaîtra pas pour autant. Nous devons nous en occuper, sans indulgence ni insensibilité. A titre d’exemple, la discrimination subie par les personnes d’origine maghrébine ou africaine (mais en l’occurrence, davantage maghrébine) est un ferment de terrorisme. Il faut aussi la combattre justement. Sans sombrer dans le discours qui excuse n’importe quel comportement en raison de la discrimination subie.

    Augustin de Vanssay a écrit :

    Alors oui, ces malheurs sont bien tristes. Je les pleurs sincèrement, mais pas devant vous. Devant vous, c’est une colère profonde que j’exprime.

    Oui. La tristesse, nous la ressentons évidemment. Et les pleurs, je les comprends. C’est leur exposition que j’ai du mal à supporter. J’en ai assez de voir exposer aux JT le proches qui pleurent, les gens qui parlent du chaos, le désarroi etc. Je pense que nous devrions tous avoir à cœur de nous réarmer moralement, de diffuser la détermination dans chacune de nos interventions – même quand nous sommes un anonyme dans un micro-trottoir.

    @ Alban : lorsque nous pleurons des migrants noyés, nous n’avons pas d’ennemi. En outre, nous pleurons sur nous-mêmes, ce qui est toujours plus évident que de pleurer sur l’étranger – plus encore lorsque c’est un immigré.

    Alban a écrit :

    Une réflexion, ensuite : je lis sous votre plume et ailleurs qu’il faudrait « une réponse politique, culturelle, intellectuelle, spirituelle, civilisationnelle ». Je suis entièrement d’accord ; mais je ne peux pas m’empêcher de penser que ce sont des mots tout aussi creux.

    Je ne peux pas vous donner tort. Je me suis fait la même réflexion en écrivant ce billet. Il est vrai que c’est le véritable défi, savoir ce que l’on met concrètement derrière ces mots. Mais c’est pour moi l’affaire d’un autre type de publication (sans vouloir renvoyer à mon livre, j’ai tout de même abordé cette question). Convenez avec moi qu’il faut au minimum une prise de conscience pour se mettre en chemin. Au demeurant, pour une part, je ne pense pas que l’on puisse discerner la réponse a priori. Retrouver nos racines, c’est bien. Mais il faut aussi déployer nos ailes, irriguer le présent d’une nouvelle manière, être une force de proposition et pas seulement les gardiens d’une mémoire.

    A mon sens oui, cela passe, par une connaissance de notre héritage culturel, et cela passe aussi par une plus grande ambition pour l’avenir. Une plus grande ambition artistique, culturelle et intellectuelle. C’est peut-être beaucoup espérer, certes.

  • @ Luc : bien vu. Je ne dirai pas que j’ai une réponse. Je manque pour cela de bagage intellectuel, historique et philosophique. Mais j’essaie de chercher. Vous pouvez trouver des développements (outre dans le dernier chapitre de mon livre) ici :

    1. Être ou ne pas être, publié le lendemain de Charlie Hebdo;

    2. Qui suis-je ?

    3. Que voulons-nous sauver ?, au lendemain des attentats de novembre.

    Mais j’ai moi-même l’impression de me répéter.

  • @ Koz: Le problème est largement intérieur, oui. Il passe notamment par une vision plus positive de notre pays la France. Il faut rompre avec 40 ans de relecture (voire réécriture) uniquement à charge du rôle de la France dans le monde. Je pense à l’esclavage, la colonisation, etc… qui confine à l’auto-dénigrement et à la mise en avant du statut de victime. Aujourd’hui, en France, pour exister, il faut se positionner en victime. Je préfère le culte du héros. Ce n’est pas ce qui manque chez nous.

  • @ Lili:
    Vous m’avez mal lu mais c’est de ma faute. J’aurais dû mieux m’expliquer. Bien entendu que l’Histoire la musique le chant le dessin la gym c’est important. C’est justement ce que je voulais rappeler par mon commentaire. Je tiendrai compte de votre remarque la prochaine fois que je m’exprimerai sur ce blog.

  • Je trouve aussi que Bfm télé et Itélé donnent trop d’informations à nos ennemis qui en temps réel peuvent ainsi mesurer l’impact de leurs actes et peut-être même les accélérer quand ils apprennent en regardant la télé que la police est sur leur trace.

  • merci Koz pour ta parole qui nous invite à être consistant.
    il y a quelques jours, j’entendais que les Syriens vivaient tous les jours depuis 5 ans la même chose que ce que Paris a ressenti le 13 novembre… Pourtant on les renvoie dans des camps, on ne les héberge pas pour une nuit parce qu’il n’ont plus de train pour rentrer chez eux…

    Et ce lundi je lisais dans le site de la fondation Josefa une citation de l’abbé Pierre en 1960 qui disait qu’il y avaient 3 bombes qui menaçaient l’humanité la bombe atomique, la bombe démographique, et plus surprenant « l’information » (je te copie l’URL brut http://www.josefa-foundation.org/fr/actualites/migration-et-spiritualite/item/257-mais-où-est-donc-passée-la-raison-?)
    cette réflexion sur les sentiments qui ne mobilisent que dans l’instant et normalisent une certaine indifférence bien avant les réseaux sociaux me semble très pertinente..
    mais il est difficile de couper son Facebook et son smartphone ou les info en continu quand on était à Bruxelles hier. ma batterie m’a lâchée sans que je ne m’en aperçoive avant le lendemain matin et j’étais ennuyée d’avoir laissé dans l’inquiétude des amis qui me demandait si tout allait bien.

    Mais comment revenir en soi pour retoucher du solide, de la solidarité qui ne s’arrête pas quand les projecteurs et les caméras sont éteints ???

    L’émission spéciale de KTOTV (qui risque de ne plus être distribuée par le principal cablo-opérateur belge) nous invite à traverser les événement comme un vendredi saint… et à nous accrocher à la Résurrection qui approche …
    http://www.ktotv.com/video/00103439/prayforbrussels-edition-speciale

    Que le Christ qui a brisé les murs de la haine et n’a fait qu’Un des peuples désuni poursuive son œuvre en nous et à travers nous .

    Amicalement Stéphanie (de Bruxelles)

  • @ Koz:
    Je crois en effet que la réponse militaire sera insuffisante :

    1. L’axe euro-atlantique n’a pas particulièrement montré, ces dernières années, une capacité à engager des interventions extérieures pertinentes. Au contraire, deux mots me semblent principalement les caractériser : enlisement et chaos.

    2. Le phénomène Daech ne se réduit pas, loin de là, à une organisation. Relire Kamel Daoud : « Cette soi-disant guerre est myope car elle s’attaque à l’effet plutôt qu’à la cause. Daesh étant une culture avant d’être une milice, comment empêcher les générations futures de basculer dans le djihadisme alors qu’on n’a pas épuisé l’effet de la Fatwa Valley, de ses clergés, de sa culture et de son immense industrie éditoriale ? » Daoud appelle « Fatwa Valley » les terres de naissance d’un wahhabisme qui se développe en s’appuyant sur l’extraordinaire puissance du pétrodollar. Il ajoute : « Les nouvelles générations extrémistes du monde dit arabe ne sont pas nées djihadistes. Elles ont été biberonnées par la Fatwa Valley, espèce de Vatican islamiste avec une vaste industrie produisant théologiens, lois religieuses, livres et politiques éditoriales et médiatiques agressives. (…) Il faut vivre dans le monde musulman pour comprendre l’immense pouvoir de transformation des chaines TV religieuses sur la société. La culture islamiste est aujourd’hui généralisée dans beaucoup de pays ».

    3. La menace est, en effet, désormais intérieure. Cette « culture Daesh » se répand aussi chez nous, de plus en plus vite à mesure que la fracture culturelle se creuse entre l’islam et un Occident hébété et habité d’un « vide métaphysique abyssal » (expression de Todd). Chaque attentat élargit la faille. Cette menace intérieure appelle une « réponse policière » en effet. Mais il faut prendre conscience de ce qu’une telle réponse implique vis-à-vis de tous nos « Molenbeek ». Jusqu’ici, aucun gouvernement n’a osé. Nous disons « Nous sommes en guerre », mais nous ne la faisons pas.

    4. En effet, la réponse en profondeur est « politique, culturelle, intellectuelle, spirituelle, civilisationnelle ». Et cela passe à mon avis notamment par deux choses essentielles : redresser la démographie (un pays vieillissant ne peut sortir d’une crise culturelle grave) ; et sortir de l’irréligion (il n’y a pas d’épopée culturelle sans épopée spirituelle, cf. BXVI aux Bernardins). Nous ne pouvons « continuer de vivre comme avant » en célébrant la grandeur de « nos plaisirs ». Ce temps est en train de passer.

  • @ Guillaume de Prémare:
    « Sortir de l’irréligion » ça ne va pas être facile : on ne peut pas forcer les gens à croire, pourquoi telle religion plutôt que telle autre, et de plus l’immense majorité des intellectuels et scientifiques occidentaux ne croient pas en Dieu.

    Pourquoi ne pas plutôt ressusciter l’esprit des Lumières ?

  • Que faire ? Ne pas regarder le JT précédé et suivi par la publicité (combien la minute avant une actualité d’attentat ?). Ne pas cliquer sur les articles des journaux en ligne qui sont tous en accroche des publicités et se contentent de fournir la dernière rumeur, la dernière intervention politique, le dernier dessin pour faire du clic. Ne pas regarder les vidéos comme celle de la mort du policier Ahmed Merabet le 7 janvier (je cite un titre de journal « Les images de son exécution ont fait le tour du monde, symbolisant la terreur en plein cœur de Paris »). Ne pas écouter la radio comme on ouvre un robinet, bien content que l’actualité soit un peu plus chaude que l’eau tiédasse de tous les jours. Bref, ne pas tomber dans le voyeurisme des larmes et du sang : si les images de Merabet ont fait le tour du monde, c’est que les gens se régalent à regarder des horreurs derrière leur écran.

    Que faire ? Les veilleurs continuent à se rassembler dans certaines villes dont Paris. Des manifestations ont lieu contre des projets purement économiques qui font fi de l’écologie intégrale louée par le pape François. Des actions sont entreprises contre la loi travail, cette loi qui acte que le salarié n’a plus besoin de protection collective ; chacun pour soi avec ses petits droits portatifs à mettre en concurrence avec les autres porteurs de droits jusqu’à être remplacé par le robot qui lui n’en réclame pas.

    Débattons du monde dans lequel nous voulons vivre maintenant et demain. Prenons l’encyclique du pape à bras le corps et voyons quoi en faire, dans la vie réelle, au quotidien comme le disent plusieurs commentaires et dans des actions concrètes de plus grande envergure. Boycottons ce qui nous désespère, cette société du spectacle dans laquelle Daesh est comme un poisson dans l’eau. Et remercions Koz de nous offrir cet espace de débat qui n’oublie jamais l’espérance.

  • Des Racines et des Ailes me font voir le château de Potelles avec des douves le protégeant. Mais comme ce château de l’Avesnois est porteur de symbole pour notre pays. Nous pensons avoir édifié une citadelle mais seuls restent les murs et le bâtiment: plus rien n’anime l’intérieur. Plus rien n’anime les élites de ce pays, prisonnières de l’idéologie des Lumières. La lumière du soleil de la Résurrection, astre du jour, est annihilée par la lueur du Croissant de lune ( cet astre de la nuit), de l’Islam avec un Coran à plusieurs lectures qui prêche un message ambivalent, miséricorde quand il y va de son intérêt et violence, conquête quand il est en position de force. Car l’histoire et les événements récents nous apprennent que les modérés de l’Islam sont souvent submergés par les radicaux qui prônent un Islamisation rampante. L’Islam dans son emprise sur la cité impose peu à peu ses diktats à la société civile: port du voile, espaces réservés dans les piscines ou les cimetières, prêche en langue arabe dans les mosquées, habitudes alimentaires contraignantes… Le duel entre les deux mondes (chrétien et musulman) est donc arbitré sur le terrain par des édiles complaisants qui hurlent dès qu’on touche une mosquée mais qui ne se rebellent pas quand les édifices chrétiens sont vandalisés ou attaqués. Des quartiers Molenbeek sont peut-être en sommeil aussi dans nos villes. Attention le réveil sera peut-être assez dur! C’est bien de déplorer mais si nous n’habitons pas notre propre pays! La nature a horreur du vide. « No democracy, we want just Islam », clament les nouveaux habitants de certains quartiers, en Angleterre ou en Belgique. Mais de quel Islam, s’agit-il? Je partage l’analyse lucide de Guillaume de Prémare.

  • Quelque chose qui m’a toujours frappé : la concomitance de l’apparition de l’islam wahhabite et du développement des Lumières, au XVIIIème siècle. Comme si ces deux idéologies, quelque part, étaient soeurs…

  • A vieil Imbécile.

    Bonjour.
    Je crains que les larmes de Pierre soient parfaitement étrangères, voire antagonistes, à celles dont il est question dans l’article. Pierre pleure des larmes qui lui révèlent sa misère fondamentale, ses yeux en sont dessillés et il devient à l’instant pauvre de cœur.
    Les larmes des foules sentimentales (que chacun de nous contient), ne révèlent pas la vacuité et le danger d’une vie fondée sur le sable de la consommation effrénée. Foules qui se voient au-contraire invitées à « résister » par un surcroît de Fête consumériste élevée au rang de vertu.

    « Nos « valeurs » peuvent lever des armées de consommateurs, pas de combattants. » (Fabrice Hadjadj)

    De plus la compassion évangélique est évincée au profit d’une émotion quasiment recherchée comme une drogue douce, pour peut-être ne pas avoir à chercher une authentique consolation, dont ces multitudes blessées ont pourtant immensément besoin. Jésus le Christ qui verse son sang pour tous.

  • Si les médias ne montrent quasi que les pleurs et les bilans lugubres, c’est peut être aussi parce que les citoyens ne sont friands que de ca. Et s’ils ne sont friands que de cela c’est alors probablement un problème d’éducation, de manque de bon sens.

  • Je le confesse: j’en étais de ces gens naïfs qui croyaient que – ça y est! – ça allait changer et que la France allait enfin montrer les crocs et agir puissamment, faire voir qu’on ne peut s’attaquer à notre pays impunément. J’y croyais… Passée la satisfaction des déclarations belliqueuses immédiates, la déception de l’absence de ligne politique claire face à un adversaire déterminé, lui au moins, m’a fait prendre conscience de la vacuité des plaintes, si la réaction à l’horreur en reste là.

    Alors, cette fois- ci c’est bon, on ne me la refait pas! Soit on se bouge pour de vrai et on prend les moyens nécessaires à la réaction, y compris (et surtout) politiques, soit eh bien, il ne faut pas se plaindre que ça recommence car ça continuera si on ne fait rien.

    Les forces de sécurité font un boulot formidable mais donnent l’impression de ne pas être beaucoup suivies par les décisionnaires, bonjour la frustration.

    C’est dur, je suis tout à fait d’accord, mais maintenant action!

  • @ eric de Brabois:

    Pour trier le bon grain de l’ivraie quant au retour de Syrie plusieurs méthodes existent.
    Une serait de demander aux ressortissants une autorisation officielle préalable au départ dans certains pays. Autorisation soumise a enquête possible bien sûr. Si vous revenez d’un tel pays sans avoir reçu votre autorisation d’y aller vous avez commis un délit

  • Pour une fois pas totalement en phase avec vous, ou tout du moins en décalage avec le côté volontairement abrupt de votre titre. Certes, il est facile, et peu engageant, de pleurer et d’exprimer une compassion de bon aloi par delà les frontières. Mais que dirait-on si les larmes n’étaient même pas là ? L’indécence du silence qui avait succédé aux attaques de Toulouse en 2012 me choque encore et a dû laisser les familles des victimes bien en peine.
    Ca ne mange pas de pain, que ces dessins – dont on peut certes contester le bon goût de certains, qui circulent sur la toile ; mais ils sont là et valent mieux que l’indifférence. Celui de Plantu m’a particulièrement touchée et veut dire quelque chose, je crois, de la prise de conscience de la globalisation de la menace et de la nécessité d’une réaction collective.
    Maintenant, entièrement d’accord avec vous, et nombre de commentaires (en particulier, oser dire que tout ne se vaut pas, qu’aux droits de chacun toujours revendiqués doit s’assortir la notion de devoir, etc.) Evidemment, les larmes, pour nécessaires qu’elles soient, ne suffisent pas. Je veux croire que l’Europe qui a su, à un moment de son histoire, trouver davantage d’éléments d’union que de division, pourra à nouveau se rassembler et faire un front uni.
    Le problème est si complexe, et ses sources si multiples, qu’il en donne le vertige. En tant que modeste élue locale, j’en vois à ma minuscule échelle des illustrations tous les jours. Mais aussi des raisons d’espérer.

  • Samuel Duval a écrit :

    @ Armand017: Vous mélangez des périodes et donc des contextes qui n’ont rien à voir. Daesh n’existait pas en 1860, ni même en 1948. Pourquoi intervenir? Pour détruire un ennemi objectif de la France, de l’Irak, de la Syrie et de la Libye pour ne citer que les plus évidents. Pour faire cesser la fascination qu’exerce aujourd’hui Daesh sur nos populations musulmanes. Il s’agit de légitime défense. Mais je parle d’une intervention aéroterrestre en coalition avec ceux qui voudront bien y participer. Cependant, pour répondre aux stratèges qui savent toujours après coup ce qu’il fallait faire, je dirais que la leçon de l’Afghanistan pour la France c’est qu’on n’arrive pas à régler un problème au tempo des médias. Il faut réapprendre le temps long.

    J’ai hésité à vous répondre mais bon. Alors, sans rire, l’EI n’était pas là en 1860 ? Ca c’est de l’info.
    Si j’ai évoqué cela c’est que le PMO est le champ de bataille des puissances européennes, puis occidentales, depuis plus de 150 ans maintenant. Que ces interventions ont étrangement rappelé d’autres interventions, comme les croisades, qui ont laissé des souvenirs riant aux populations locales. Que les Occidentaux sont largement responsables du foutoir, par la définition des frontières mandataires, le soutien inconsidéré à des acteurs irresponsables et/ou agressifs (l’Arabie Saoudite, Israël), par ces agressions enthousiastes au nom de la liberté et du droit (Irak, 2003).

    En passant, pour invoquer la légitime défense, il faudrait PROPORTIONNALITE des moyens de défense (donc envoyer quelques commandos) et pas bombarder à grands coups de drones ou de Rafales.

    Ceci dit, une fois qu’on aura assassiné Al-Bagdadi avec l’opération aéroterrestre, ce qui signifie sans doute larguer des paras dans la région, on fera quoi ? On partira, comme après l’heureuse intervention en Libye ? On restera, pour imposer un gouvernement « démocratique » comme en Irak ?
    Comprenez moi bien, je n’ai rien contre une opération militaire. Mais sortir l’EI du jeu ne calmera pas les problèmes de la région. La solution ne sera pas atteinte par une frappe chirurgicale, comme comme semblez le croire. Il faut donc s’appuyer sur les acteurs de la région, soutenir les plus rationnels et les plus pragmatiques. La force est utile pour débloquer une situation, mais elle ne peut pas remplacer une démarche politique de reconstruction. Comme disait quelqu’un, il faut réapprendre le temps long.

  • En marge du billet de Koz

    On nous parle d’Europe; Le conseil des ministre (conseil de l’Union européenne) sait se réunir régulièrement et à minima annuellement pour débattre des problèmes de l’agriculture, de la pêche, (et plus récemment des migrants) et mettre en place des systèmes de contrôles etc.

    En 2005, 2005 !!! il a adopté une stratégie, (réactualisée en 2014 )pour lutter contre le terrorisme. On attend toujours depuis cette date la législation qui va avec, notamment les fameuses données PNR( données des dossiers passagers)

    Pour mémoire: Il a fallu pleurer pendant 5 ans pour que la France accepte et encadre les gardes armés à bord des navires français confrontés à la piraterie.

    Bref, les citoyens que nous sommes ont des questions à poser à leurs hommes politiques. Il faut insister à temps et à contretemps, combattre la lenteur sur ces sujets cruciaux alors que par ailleurs on sait procéder à marche forcée sur d’autres domaines !!! (déploiement des aires marines protégées, plan d’action pour le milieu maritime, planification de l’espace maritime…)

  • A titre de complément j’aime assez ce paragraphe de rappel :

    Je sais parfaitement que le climat n’est pas propice à toute réflexion rationnelle, mais c’est précisément là où je veux en venir : le but du terrorisme n’est pas de nous inciter à nous asseoir autour d’une table en gentlemen pour discuter de choses sérieuses. Le but premier du terrorisme est d’instiller… la terreur. N’importe quelle autre tragédie causant 30 morts ne provoquerait pas ce genre de couverture médiatique ni un tel emballement politique. En sortant de chez vous, la probabilité que vous soyez la cible d’une attaque terroriste reste toujours infinitésimale. Le but du terrorisme n’a jamais été de faire accroître la mortalité, mais de vous persuader que demain, vous serez sur la liste des victimes, alors que vraisemblablement vous pourrez mourir de mille et une choses avant d’être confrontés à une attaque terroriste. Nous prenons tous des risques bien plus grands chaque jour lorsque nous montons dans une voiture, que nous traversons un passage clouté, ou que nous buvons une bière de trop au bar. Gardons à l’esprit que le terrorisme reste une cause de mortalité extrêmement faible, et que les terroristes voudraient précisément que vous soyez persuadés du contraire.

    Plutôt que de surexposer les pleurs et les larmes, il faudrait surexposer ce type de discours rationnel, qui enlèverait beaucoup de son potentiel au terrorisme.

  • @ Pije : je sui sbien d’accord, et c’est pour cela que j’ai écrit  » l’inclination sirupeuse de nos sociétés et de nos médias » en plaçant les sociétés en premier. Le fait est que l’on ne peut non plus totalement dissocier une société de ses medias : les journalistes en font partie. Le fait est aussi que les medias donnent à la société ce dont elle a envie. Mais précisément : est-ce incontournable ? Il en est de même pour les medias que pour les politiques : faut-il toujours s’aligner sur l’opinion ? Je pense que l’on peut faire preuve d’exigence, pour le bien de la société, et que l’opinion suivrait. Je garde toujours en tête quelques bonnes surprises, comme le succès d’oeuvres exigeantes. Sans être imperméable, Des hommes et des dieux n’était pas un film facile, et je me souviens de son succès. Bref, je pense que l’on peut parfois penser que l’opinion, le public, suivrait, si on lui proposait plus.

    @ Anne : il me semble que nous sommes d’accord. Pleurer est inévitable et il est sain d’être touché. Mais, comme je l’ai dit plus haut, c’est la mise en scène permanente, l’exposition des pleurs, que je critique.

    @ exilé : je viens d’avoir un échange là-dessus avec un ami. Une fois encore, en effet, on parle d’Europe, et on ne tarde pas à mettre les choses sur le dos de l’Union Européenne. Mais, quand les services de renseignement nationaux ne se coordonnent pas, est-ce la faute du coordinateur, ou des services nationaux ?

  • Armand017 a écrit :

    le PMO est le champ de bataille des puissances européennes, puis occidentales, depuis plus de 150 ans maintenant. Que ces interventions ont étrangement rappelé d’autres interventions, comme les croisades, qui ont laissé des souvenirs riant aux populations locales. Que les Occidentaux sont largement responsables du foutoir

    C’est pas faux, mais très biaisé, car votre perspective historique est très incomplète.

    Sur le plan historique, vous occultez complètement les conditions dans lesquelles se déroulèrent les premiers contacts entre les jeunes Etats-Unis d’Amérique et le monde musulman à la fin du 18e siècle : la marine britannique leur ayant retiré sa protection, les américains se sont retrouvés directement soumis à la capture de leurs navires contre rançon et à la prise de leurs équipages comme esclaves, pratique qui était la ressource économique principale des états musulmans d’Afrique du Nord depuis des siècles.

    Cette pratique s’étendant sur toutes les côtes africaines et bien au-delà, elle paralysait le commerce américain. Les rançons réclamées dépassant les capacités des USA, John Adams et Thomas Jefferson furent envoyés pour négocier le montant d’un tribut global. Négociation qui a échoué, et faute de pouvoir réunir l’argent réclamé les US durent entrer en guerre pour libérer leurs bateaux et leurs équipages. Voilà le premier contact entre la nation américaine et le monde musulman.

    Mais le plus intéressant dans tout cela est le plan idéologique, et la réponse que fit l’envoyé des états arabes à Adams et Jefferson lorsqu’ils lui demandèrent comment il justifiait cette guerre menée contre toutes les nations occidentales. L’ambassadeur leur dit très clairement que ce droit était fondé sur les lois du Prophète, que le Coran spécifiait que toutes les nations qui n’étaient pas sous leur autorité étaient des pécheurs, et qu’il était leur droit et leur devoir de leur faire la guerre partout où ils pouvaient, et d’en faire autant d’esclaves qu’ils voulaient.
    https://books.google.fr/books?id=MLzgFIxx1QQC&pg=PA342&dq=%22The+Ambassador+answered%22&redir_esc=y#v=onepage&q=%22The%20Ambassador%20answered%22&f=false

    En 1785, un petit peu donc avant l’invasion de l’Irak par Bush, tel était le point de vue des nations musulmanes sur leurs relations avec le monde occidental.

  • Koz a écrit :

    A titre d’exemple, la discrimination subie par les personnes d’origine maghrébine ou africaine (mais en l’occurrence, davantage maghrébine) est un ferment de terrorisme. Il faut aussi la combattre justement.

    Voilà une proposition concrète, merci. Mais pourriez-vous préciser un peu plus à quelles discriminations vous pensez et quelles pourraient être les modalités d’une lutte efficace contre celles-ci.
    Je ne suis pas très optimiste car cela fait trente ans qu’on lutte contre les discriminations. Visiblement ça n’a pas marché, ou pas suffisamment. Alors comment croire que ça va marcher maintenant, alors que les gens qu’ils ne faut pas discriminer ont la même apparence et les mêmes patronymes que les terroristes qui frappent l’Europe tous les 3-4 mois.

    🙁

    Mais peut-être que vous saurez transformer mon pessimisme en optimisme si vous avez des idées concrètes pour lutter contre les discriminations.

  • L’éditorial de Laurent Joffrin est, en effet, assez ridicule. Mais il signale quelque chose: Le mot « sursaut » n’est pas tant au sujet de notre réaction face au terrorisme. C’est d’une autre crainte qu’il nous parle, la sienne face au délitement du projet européen, que le terrorisme révèle et accélère. Bien que je juge avec sévérité sa façon de l’exprimer, je partage son sentiment sur ce point.

    Je rejoins Anne pour souligner que la réaction de chagrin, les déclarations de solidarité et d’unité, et les dessins un peu mièvres montrent d’abord que nous sommes humains. En la circonstance, ce n’est pas une mauvaise chose. Cela dit, bien entendu, d’accord avec Koz: si on s’arrête là, on ne va pas loin.

    Quelques remarques à relever dans les commentaires plus haut:

    Guillaume de Prémare a écrit :

    En effet, la réponse en profondeur est « politique, culturelle, intellectuelle, spirituelle, civilisationnelle ». Et cela passe à mon avis notamment par deux choses essentielles : redresser la démographie (un pays vieillissant ne peut sortir d’une crise culturelle grave) ; et sortir de l’irréligion (il n’y a pas d’épopée culturelle sans épopée spirituelle, cf. BXVI aux Bernardins).

    Numéro N a écrit :

    Pourquoi ne pas plutôt ressusciter l’esprit des Lumières ?

    Ces deux commentaires me frappent par leur total irréalisme. La France, décidément, est le pays des grandes déclarations de principe, le royaume des généralisations abstraites, le paradis de l’opinion détachée du réel. Quelques milliers de jeunes dévoyés se laissent tenter par une vision complotiste et fondamentaliste du monde, au point de prendre les armes. Et la réponse serait… changer l’état d’esprit de toute la société face à la religion? On fait comment, pour commencer? De la propagande en faveur de la religion? Ou en faveur de la philosophie des Lumières? On attend un siècle ou deux pour que les esprits évoluent?

    Il y a plutôt lieu de revenir à un utile rappel (merci, Koz): le terrorisme n’est pas un phénomène de masse. Ça fait très peur, mais quantitativement, c’est infinitésimal. Nous ne sommes PAS en guerre. Ceux qui parmi nous ont vécu la guerre, la vraie, se font rares, et s’expriment peu sur les blogs. C’est peut-être pour cela que nous écoutons sans hausser les épaules un Premier Ministre qui prend sur lui d’exciter la peur officiellement…

    Il y a plutôt lieu, aussi, de chercher à comprendre les individus qui commettent ces crimes, si on veut apporter des réponses qui se tiennent (je sais, le Premier Ministre dit qu’il n’y a « rien à comprendre », encore une contribution parfaitement irresponsable de sa part). Je voudrais signaler, dans cet esprit, l’apport de quelqu’un qui a, lui, posé des questions à ceux qui se sont laissé tenter. Il s’appelle David Thomson. Ce qu’il a ramené de cet exercice, notamment à propos du communautarisme, du fondamentalisme, de l’Islam de France, entre autres, bouscule les idées reçues, et mérite attention.

  • Son livre est également très intéressant, et son compte twitter pas mal non plus.

    Bon, ceci dit, je venais partager cette autre réaction, d’un conseil en communication, qui explique « pourquoi [il] ne partage plus son émotion sur les réseaux sociaux » :

    L’amplification de l’impact: par le partage des images et vidéos des scènes des attentats, de celles des victimes, des témoignages de leur douleur, de sa propre douleur… on « étend » virtuellement le périmètre physique, l’impact des explosions, les dommages humains qu’elles ont causés, à chaque personne que l’on va “toucher” par nos diffusions. Les contenus partagés sont à prendre comme autant d’éclats de cette déflagration/explosion émotionnelle. Ils vont affecter et blesser notre psychisme durablement (le traumatisme se créer aussi par le partage d’expérience traumatisante). Ce qui est exactement ce que les initiateurs de ces attentats cherchent à faire. Ils ne partagent pas nos valeurs, il s’en servent… dès lors, il est important de le prendre en compte pour renforcer notre résilience.

    Être ému, ressentir du chagrin, oui. L’exposer, le surexposer, non.

  • « Assez pleuré » paraît peut-être un titre peu brutal, mais je pense que des larmes, nous n’avons pas fini d’en verser ! Alors économisons un peu notre potentiel lacrymal, parce qu’il ne faut pas se leurrer, dans quelques semaines, ça re-pètera quelque part en Europe. D’aucuns ont sans doute déjà quelques slogans supposés fédérateurs sous la main, ou encore imaginé des dessins mettant en scène les monuments/symboles des pays visés par l’EI, le tout maculé de sang/de larmes histoire d’être prêts le moment venu. (Bon, j’avoue, j’ai moi même partagé un dessin du journal de Spirou cette fois-ci…).
    Comme les autres quand ça se reproduira, je sauterai sur ma radio pour écouter en boucle l’édition spéciale de Bernard Poirette, je frémirai en me disant « Ouf, mon frère, mon mari, mes potes qui travaillent à Paris y ont échappé », et je retournerai préparer le dîner des enfants un grand sourire bien faux aux lèvres.

    La question que je me pose, comme beaucoup, c’est : que faisons-nous à présent ? Que faut-il faire pour que cela s’arrête ? Les politiques n’y apportent aucune réponse concrète. A part mettre des drapeaux en berne, respecter des minutes de silence et dire « C’est pas bien », ils se contentent de brasser de l’air, réunis autour d’une table avec Tropicana et banette de viennoiseries.

    Alors que dois-je faire, moi citoyenne, pour que les choses changent (parce que lui, président, on l’attend encore le changement!) ? Concrètement, trentenaire, épouse et mère de famille, catholique, je fais quoi ?
    Apparemment nous sommes en guerre. Mais ici, point d’anglais, d’allemands ou d’ostrogoths à bouter hors de France. Juste des gars nés ici, frustrés par leur existence au point de bousiller celle de leurs compatriotes. Des gars nés dans un pays en paix et qui cherchent la guerre.
    Et moi, quel rôle dois-je jouer ? Pas de maquis à prendre, pas de billets codés à dissimuler dans mon vélo pour les transmettre aux résistants locaux, pas de populations persécutées à planquer dans ma cave.

    Ces sentiments de fatalisme et d’impuissance qui m’animent me font enrager. Comme si, au XXIème siècle, dans ce monde aseptisé et ronronnant, je ne pouvais pas être maîtresse de mon destin et de celui de mon pays (un peu le même sentiment de frustration que le gars qui se dit que, merde, maintenant il ne peut plus changer lui même les ampoules de ses phares mais qu’il est obligé d’aller chez Renault pour faire démonter/remonter sa bagnole!).

    Je ne suis pas spécialement fan de de Gaulle, mais j’attends encore le type qui en aura suffisamment dans le pantalon pour appeler à la résistance, version 3.0.

  • A Numéro N :

    C’est pas faux ; ma famille proche de l’ordre de Malte pourrait également vous parler de la course chrétienne (quand on les voit aujourd’hui on ne les imagine pas en terreur de la Méditerranée !) qui pillait, rançonnait et enlevait. Mais baste.
    Oui, Dar al-Harb, droit de faire la guerre, c’est eux qui nous ont attaqué les premiers, leur Prophète c’est un dégueulasse, au moins Jésus il a de la tenue, pis sans Charles Martel on serait musulmans, salauds qui nous attaquent sans raison, concurrence des victimes, maîtresse maîtresse il a commencé avant moi, blabla.

    Mais le monde a changé depuis lors. Le fait est qu’aujourd’hui, depuis le XIXème siècle, c’est nous qui avons la puissance militaire, les mitrailleuses, les fusils Chassepots, les avions, les bombes atomiques, et donc c’est NOUS qui sommes responsables de ce que nous en faisons. Nous pouvons chicaner sur le XVIIIème siècle, où les torts étaient davantage partagés, mais le fait est que depuis le XIXème siècle (et c’est là que remonte ma mémoire personnelle et familiale, pas celle de l’enseignant de l’histoire que je suis) c’est l’Occident qui mène la danse…
    Ca ne veut pas dire que les gens en face sont blanc-bleu, on s’entend bien. Je ne dis pas que le régime syrien ou libyen ne nous a pas attaqué, sans même mentionner les types de l’EI.
    Nous n’avons pas prise sur l’offense qui nous a été faite, mais sans tendre l’autre joue nous pouvons réagir de manière à calmer le jeu plutôt que d’aggraver la situation.
    C’est sans doute une erreur, mais je préfère être maître de moi plutôt que victime.

  • Armand017 a écrit :

    Le fait est qu’aujourd’hui, depuis le XIXème siècle, c’est nous qui avons la puissance militaire […] et donc c’est NOUS qui sommes responsables de ce que nous en faisons.

    Certes. Mais mon point était que tant qu’il sera écrit dans le Coran qu’il faut tuer les infidèles (et merci aux contradicteurs de ne pas brandir le verset 5:32 sans l’avoir lu à la source, accompagné de son suivant le 5:33, ainsi que les 2:8-2:11 et quelques autres), tant que ce sera inscrit noir sur blanc dans le Coran donc (et je rappelle qu’il est la parole pure et inaltérée de Dieu lui-même) on sera toujours à la merci de gens qui le lisent mot à mot et qui y croient.

    D’où ma propension à mettre en avant les Lumières plutôt que les règles d’un Livre Sacré.

  • Bonjour,
    Il y a un temps pour pleurer, il a y un temps pour réagir, il y a un temps pour analyser, pour paraphraser l’Ecclésiaste (pas sur mais il me semble que c’est là dedans). Il semble que les médias et la société prolongent très fort le temps de pleurer car ils ont peur de l’analyse et n’ont pas d’idée de ce que devrait être la réaction. Je n’ai pas vraiement d’idée pour la réaction car mon analyse est que le coeur du problèmes est sans solution dans nos pays. Cela fait 30-40 ans que l’on constate la montée de la radicalisation dans islam. Des Philippines au Nigéria, des mouvements violents s’en réclame. La liste est longue. C’est un mouvement mondial qui révèle une énorme tension dans l’Islam. En fonction des endroits, d’autres facteurs se rajoutent notamment au Moyen Orient (où il y a une spécificité arabe). Nous pouvons avoir une réponse policière (indispensable), militaire (pas sur que cela serve à grand chose), une réponse civilisationnelle (sprirituelle, culturelle,…). Cette dernière exige, comme le dit Koz, que l’on renforce l’identité. Une identité n’implique pas que l’on soit hostile aux autres et malheureusement beaucoup de discours impliquent que les identitées sont exclusives, automatiquement. Le problème principale (de Bamako à Kuala Lumpur) est cette énorme tension, cette guerre « civile » dans l’islam sunite. Elle affecte tout le monde. Commaissant et cotoyant régulièrement beaucoup de personnes d’origine marocaine à Bruxelles, j’ai vu, depuis 10-15 ans, la peur monter parmi elles. Aucune d’entre elle ne m’a jamais dit « cela n’a rien à voir avec l’islam » Elles savent bien que cela a bien à voir avec l’islam. Nous sommes impuissants car les solutions de long terme dépendent de l’évolution de l’islam. Or comment faire avec une foi qui ne connait ni système d’autorité, ni même de système de collégialité. L’Islam est né dans une osmose entre le spirituel et le temporel. La sphère religieuse n’a pas d’autonomie et pas d’organisation qui pourrait faire émerger des solutions. Ils n’ont pas de pape ou cardinal à faire démissionner. C’est vrai chez nous (Belgique), c’est vrai presque partout ailleurs. Cela mène à l’anarchie où celui qui est le plus extrème ou violent l’emporte. Les outils pour arbitrer ces tensions n’existent pas. Et nous aurons encore beaucoup dans des guerres, de violences quotidiennes ou des attentats avec ou sans Daech, Al Quaïda, Boko Haram, Shebab,….. inventez le nom du prochain.

  • @ Koz:

    Sans doute me suis je mal exprimée : l’Europe, je la vois comme une réponse, à condition d’en avoir la volonté.

    Quant il s’agit de planifier l’espace maritime ou d’avoir des politiques de bon état écologique, ou de politique de la pêche, on sait légiférer, transcrire, contrôler à marche forcée.

    Mais là, pas grand chose, faute de vision claire sur la coopération, pas grand chose à part de bonnes intentions.

  • Excellent billet. Cette pornographie lacrymale est insupportable.

    Et contre-productive car en effet, le risque terroriste est infinitésimal. 4 millions de voyageurs dans le métro chaque jour à Paris. Si tu prends le métro tous les jours pendant 40 ans, même s’il y a un attentat qui tue 100 personnes tous les ans (on en est loin), tu n’as qu’une chance sur 1000 qu’il t’arrive malheur.

    Contre-productive également car ça pousse à des généralisations hâtives. Il faut lire l’interview de David Thomson fournie par Gwynfrid plus haut, très instructif. Regarder les chiffres encore. Les Français qui basculent dans le Jihad, c’est à peine quelques dizaines d’individus par million de citoyens musulmans. Infinitésimal.

    Koz a écrit :

    A titre d’exemple, la discrimination subie par les personnes d’origine maghrébine ou africaine (mais en l’occurrence, davantage maghrébine) est un ferment de terrorisme.

    Oui mais non. Assez pleuré mais assez culpabilisé aussi.

    Sans même aborder la question de savoir ce que signifie vraiment « être discriminé », il y a un problème avec cette phrase. Pourquoi particulièrement les maghrébins?

    Les femmes sont discriminées. Est-ce un ferment du terrorisme? Non. Les plus cinglées se foutent à poil pour hurler des propos incohérents dans les églises, mais elle ne font pas sauter des bombes.

    Les gays sont discriminés. Certains défilent dans les rues avec une plume dans le cul ou lobbyent pour faire passer des lois plus ou moins opportunes, mais aucun ne pousse le SM jusqu’à la ceinture d’explosifs.

    Les Roms sont discriminés. Dans les cas les plus graves, on les a vu bloquer une autoroute pour obtenir la libération d’un des leurs, mais ils ne tirent pas dans le tas.

    Les pauvres, les noirs, les chômeurs, les étudiants, les agriculteurs… dans notre victimocratie conquérante, tout le monde (sauf moi) est discriminé. Et personne ne fout des bombes, sauf les djihadistes. Peut-être serait-il temps d’arrêter d’invoquer les discriminations pour expliquer le terrorisme, non?

    Ca rejoint un point plus général. On a énormément de mal collectivement à considérer les musulmans comme des êtres humains normaux. C’était manifeste il y a quelques années au moment de cette obscure vidéo injurieuse qui a fait le buzz et a entraîné des manifestement violentes et meurtrières un peu partout dans le monde musulman (notamment Libye, Pakistan, Egypte, Soudan). Tout le monde a condamné l’abruti qui avait fait la vidéo, personne n’a condamné les assassins.

    Tout le monde se comporte comme si les musulmans étaient des sortes de bêtes sauvages incontrôlables susceptibles d’entrer en frénésie meurtrière à la moindre contrariété. Un genre de catastrophe naturelle, une loi physique fondamentale. On n’y peut rien. « Quand musulman pas content lui toujours faire ainsi ».

    Les musulmans sont des êtres humains dotés d’un esprit et d’une conscience comme chacun de nous. L’écrasante majorité des musulmans est pacifique, ne les insultons pas en les considérant comme des terroristes en puissance.

  • Pourquoi voir cela sous l’angle de la « culpabilisation » ? D’autant que je n’ai pas l’impression que tu culpabilises excessivement sur ce coup. Non seulement je pense que l’on peut voir cela sous l’angle de la responsabilisation, plutôt, mais je ne crois pas aux explications monistes. Je n’ai donc jamais écrit que le terrorisme s’expliquait par la discrimination subie. En revanche, c’est un facteur à prendre en compte. Certainement pas l’unique, mais refuser de voir ce que nous pouvons faire de notre côté ne me semble pas de nature à faire avancer les choses.

    Les femmes, les gays sont discriminés. Soit. D’une autre manière. Les hommes et les femmes sont sensiblement touchés de la même manière par le chômage (les hommes seraient même un peu plus touchés). Je n’ai pas de statistiques sur le chômage des gays, si tu en as, tu ne manqueras pas de t’y rapporter. Mais le taux de chômage dans les populations maghrébines et africaines est de près du double par rapport au reste de la population. Et si l’on raffine et que l’on s’intéresse aux jeunes, c’est encore davantage. On pourrait débattre de la responsabilité de cette situation, et choisir de nous exonérer de toute responsabilité, mais je ne suis pas persuadé que cela soit ni juste ni lucide.

    Quant aux pauvres et aux chômeurs, nous sommes encore sur un autre plan.

    Encore une fois, il ne s’agit pas de voir une explication unique, ni de penser qu’il y aurait une pente naturelle entre le chômage et le terrorisme, juste d’essayer de voir ce que chacun peut faire, sans préjuger des responsabilités ni souffrir les milles tourments de la culpabilisation.

  • Je rentre dans une librairie-papéterie au début de cette semaine pour faire deux photocopies. Au-dessus de la photocopieuse il y a une mappemonde. Parce que je reste rarement sans parler quand je rencontre quelqu’un je montre vaguement du doigt le Moyen-Orient sur la carte au jeune homme qui va me faire mes photocopies. Et je lui dis « C’est compliqué le Moyen-Orient. » Il arrête de s’occuper de mes photocopies et met son doigt sur plusieurs endroits de la carte. J’y vois rien sans mes lunettes. Et pendant 20 minutes il me parle des « arcs de crise » dans le monde et des accords Sykes-Picot. Il me fait un cours d’Histoire. Je reste muet et je l’écoute sans dire un mot. Il m’affirme que les nouvelles guerres sont toujours les conséquences des aspects désastreux des traités de paix des précédentes. Au-delà du fait religieux il m’explique les sunnites, les chites. Je l’écoute et je le laisse parler sans l’interrompre. Lorsqu’il m’a tout dit ce qu’il avait sur la patate il termine mes photocopies. Je vais payer à la caisse. La jeune caissière qui a tout écouté me dit; « il a fait fac d’histoire et il devait être prof mais il a arrêté ». Je n’ai pas demandé pourquoi. La prochaine fois peut-être. Dès que j’éteins la télé et que je sors dans la vraie vie c’est tout de suite l’aventure. 🙂

  • @ Samuel Duval:
    La réponse militaire revient à traiter le problème arabe à la place des Arabes.
    En d’autres termes, faire de l’ingérence et imposer une reconstruction du Moyen Orient conforme à la volonté des Occidentaux. Conforme à notre volonté donc, mais le réalisme oblige à admettre que ce sera surtout conforme à nos soi-disant intérêts.

    Si l’on admet que le terrorisme est, au moins en partie, l’expression d’une lutte pour la sauvegarde d’une civilisation (moyen-orientale à majorité musulmane, patriarcale, …) contre notre civilisation (« amorale, dégénérée,… »), je pense que l’option militaire serait jeter de l’huile sur le feu.

    Si option militaire il y a, elle doit être conduite exclusivement par les pays concernés. De notre côté, il y a donc urgence à mener les actions diplomatiques qui favoriseront l’émergence de cette coalition locale.
    En d’autres termes, c’est à l’Islam d’apporter les solutions à l’extrémisme islamique.

  • @ NP:
    Je crois malheureusement que les pays arabes sont incapables de proposer seuls une réponse militaire crédible, soit par manque de moyens, soit parce qu’il sont eux-mêmes aux prises avec des groupes terroristes (Irak, Syrie…), soit par manque de volonté (Arabie Saoudite, pays du Golfe).
    Nous (France, GB, US, Russie) sommes légitimes pour intervenir car nous avons été agressés par Daech. Effectivement, c’est conforme à nos intérêts d’empêcher nos citoyens de se faire assassiner par ces fous.Mais, je suis d’accord qu’il faudrait intégrer dans cette coalition tous les pays arabes qui le souhaitent même si c’est symbolique en moyens militaires.
    J’aimerais quand même que quelqu’un m’explique comment réagir efficacement contre Daech, c’est à dire faire cesser les attentats, sans intervention militaire sur le terrain. Je ne dis pas que c’est suffisant, mais j’affirme que c’est dramatiquement nécessaire!

  • @ Samuel Duval:

    Je rejoins tout à fait NP.

    On peut tout à fait soutenir militairement les acteurs locaux, par la formation et la fourniture d’armes, voire l’envoi de spécialistes.

  • Koz a écrit :

    Mais le taux de chômage dans les populations maghrébines et africaines est de près du double par rapport au reste de la population. Et si l’on raffine et que l’on s’intéresse aux jeunes, c’est encore davantage. On pourrait débattre de la responsabilité de cette situation, et choisir de nous exonérer de toute responsabilité, mais je ne suis pas persuadé que cela soit ni juste ni lucide.

    Je suis d’avis que les Européens sont responsables. Ils sont responsables d’avoir entretenu l’idée que tous les groupes humains sont identiques à tout point de vue. Or c’est faux, les divers groupes humains diffèrent, non seulement sur le plan de l’apparence (ce que personne ne nie), mais aussi sur les plans intellectuel, psychologique, comportemental, etc.

    C’est pour cette raison que partout où elles sont implantées (Amérique du Nord, Europe, Afrique du Sud, Afrique tout court, Amérique du Sud), les populations noires et les populations blanches ne réussissent pas de la même façon.

    Cette idée est intolérable pour la plupart des Occidentaux, mais il va falloir y venir peu à peu si nous ne voulons pas que nos enfants* vivent l’Enfer (on voit que l’on s’en rapproche à grand pas).

    Cette idée ne devrait pas nous faire peur en tant que catholique. D’un point de vue catholique, le village de case n’est pas inférieur à Manhattan. C’est d’un point de vue mondain, matérialiste qu’il y a une hiérarchie. A titre personnel je choisis le village de case, ou plutôt la chaumière, ce qui correspond plus à ma culture.

    Ce qui est intéressant c’est que vous-même et plus généralement tous les Européens convaincus que les Blancs sont (au moins en partie) responsables du sort et du bien-être (ou du mal-être) des Noirs et des musulmans, sans vous en rendre compte, vous validez l’idée d’une supériorité des Blancs sur les autres (comparable à celle de l’adulte sur l’enfant).

    Mon avis est le suivant : quoi que l’on fasse, quels que soient les moyens qu’on y mette, le temps qu’on y passe, les sacrifices que l’on consente, on ne fera pas disparaître la différence de performance entre les populations africaines, asiatiques, maghrébines et européennes, parce que ces populations sont différentes. Ça fait au moins trente ans qu’on poursuit ce but, sans succès. La situation va même en empirant, on le voit bien. En outre, nous n’avons plus les moyens financiers d’il y a trente ans, et les personnes d’origine africaine présentes en France sont bien plus nombreuses qu’à l’époque. Ce n’est qu’une question de temps avant qu’on abandonne nos illusions. Reste à savoir combien de morts elles feront avant de disparaître définitivement.

    Si vous avez le courage de vous intéresser au sujet, je peux vous proposer de lire le résumé que Lawrence Auster a fait de son évolution intellectuelle sur la question.
    Lawrence Auster était un Juif américain, converti au christianisme dans les années 80 et au catholicisme en 2013 sur son lit de mort. Vous verrez en le lisant qu’il était un homme très raisonnable et pondéré. Bien entendu, c’est en anglais : [Raté. NDLR]

    Je ne m’attends pas à ce que vous publiiez ça. Mais si avez lu jusqu’ici c’est l’essentiel.

    Bien à vous.

    *et pas que les nôtres, tous les enfants.

  • @ John Lemon:

    L’avantage de ce type de prise de position c’est qu’elle n’est pas scientifique… comme la prise de position inverse. On est complètement dans une approche idéologique.
    Le débat et la discussion sont donc inutiles.

    Mais, du point de vue de l’historien, la montée en puissance invraisemblable de l’Europe n’est pas consubstantielle de la nature européenne, elle est contingente. Sinon, elle aurait pu se faire bien plus tôt, dans le contexte de l’Empire romain par exemple.
    Par ailleurs, dans la mesure où des populations noires, asiatiques, juives, schtroumpfs s’intègrent et réussissent bien ailleurs, j’ai plutôt tendance à mettre l’accent sur la culture ambiante et/ou les conditions locales (maladies, présence de matières premières qui aggravent considérablement la situation, absence de tradition d’un Etat fort et accaparement par une clique familiale, etc.). Si les Maliens immigrés en France réussissent moins que d’autres migrants, n’est-ce pas parce qu’ils sont originaires d’un pays où le taux d’alphabétisation est très faible, la présence de l’Etat quasi-nulle, et que du coup l’intégration se fait ici particulièrement mal ?

  • John Lemon a écrit :

    Cette idée ne devrait pas nous faire peur en tant que catholique.

    Vous ne vous attendiez pas à ce que votre propos soit publié et, à vrai dire, moi non plus. Il y a manifestement un trou dans la raquette. Cela ne se reproduira pas. Ne comptez pas trop non plus me faire lire votre prose en modération pour mon édification personnelle : je refuse de perdre du temps à débattre sur de telles prémices.

    Votre propos est raciste, très ordinairement raciste. Vous auriez pu évoquer des cultures, des civilisations mais vous vous référez à la couleur de peau, sorte de malédiction qui poursuivrait les Noirs où qu’ils se trouvent, dans quelque culture qu’ils soient. Sous le couvert d’un propos argumenté, c’est d’une insondable bêtise, à laquelle Armand017 a commencé à répondre avec pertinence et plus de bonne volonté que je n’entends y mettre.

    Ce qui me choque davantage, c’est que vous ayez le front de prétendre concilier votre racisme patent et le catholicisme. Je ne sais quel objet intellectuel ou identitaire vous faites du catholicisme mais ce à quoi vous vous référez n’en est pas. Vous ne seriez pas le seul à mal comprendre le catholicisme tout en pensant être catholique, mais une incompréhension de cette envergure confine à la plus totale trahison. Ce qui m’intéresse et m’amuse, c’est que vous intervenez exactement au moment où je me penche sur la trahison identitaire du catholicisme.

    Nous sommes Samedi Saint. Je souhaite qu’un jour le Christ éclaire pleinement votre cœur et votre raison.

    A ceux que la publication de ce commentaire choquerait, mes excuses. Les prochains commentaires de cette personne ne seront pas publiés (et ceux des personnes qui partagent la même adresse IP seront relus avec attention).

    ==

    By the way, je serais d’avis que l’on ne perde pas totalement de vue l’objet initial de la discussion. L’évolution dont témoigne ce commentaire laisse présager de mauvais développements.

  • Lib a écrit :

    Sans même aborder la question de savoir ce que signifie vraiment « être discriminé », il y a un problème avec cette phrase.

    Tu as trouvé l’interview de David Thomson intéressant, je te suggère donc de relire certains passages. Notamment:

    Plus généralement, ce qui revient en permanence, c’est un sentiment de frustration très largement partagé qui touche tous les milieux pour des raisons différentes. Le djihadisme propose à des egos froissés d’accéder au statut valorisant de héros de l’islam sunnite. Il y a un volet individualiste dans ce projet. Chez certains, il vient du fait d’être issus d’une minorité, ce qui fait naître le sentiment de vivre en situation d’infériorité du fait de son origine.
    L’une des personnes dont je dresse le portrait dans mon livre menait une vie active et familiale en apparence très satisfaisante, mais il me disait: «Là, en tant que fils d’immigré, j’ai atteint le maximum de ce que je pouvais espérer.» Et il ajoutait que pour lui comme pour la plupart de ses frères d’armes, l’islam leur avait rendu la «dignité» après que la France les a «humiliés». De fait, parmi les convertis, on trouve aussi beaucoup de personnes issues des territoires d’outre-mer et de Français issus d’autres immigrations –subsaharienne, portugaise, mais aussi coréenne, vietnamienne…– pour lesquels la donnée identitaire doit être prise en compte.

    Alors, bien sûr, ce n’est pas le seul facteur. D’ailleurs, ce qui est particulièrement frappant dans cette analyse, c’est la grande diversité des profils djiihadistes, ce qui prouve bien qu’il n’y a pas une explication simple et unique. Mais c’est l’un des facteurs qui contribuent au problème.

    Dans le passage cité, on voit aussi que la discrimination, ou juste le sentiment de discrimination, ne s’applique pas uniquement à ceux que nous appellerions des « exclus », chômeurs, pauvres, etc., mais aussi à des gens de la classe moyenne, avec salaire et vie de famille. L’un des exemples révèle une ambition frustrée par les limitations auxquelles cette personne se heurte en tant que fils d’immigré.

    (Au passage, ce type de sentiment ne devrait pas te surprendre, toi qui reconnais volontiers, parmi les faiblesses de la société française, la séparation perverse qui existe entre insiders et outsiders.)

    L’interview décrit aussi d’autres facteurs de frustration, privés, sociaux, et spirituels, entre autres la perte de transcendance dans une société sécularisée et dé-idéologisée. Chacun, en fonction de ses biais personnels, pourra picorer les explications qui conviennent le mieux à sa propre vision du monde; mais ce serait, à mon sens, une erreur que d’éliminer a priori un facteur explicatif : un excès de simplification face à un phénomène complexe.

  • Ah merci ! Koz. Je culpabilisais un peu car les bisounourseries et autres attitudes « marshmallow » ont le don de me mettre hors de moi. Car moi je suis en colère. Cela ne m’empêche pas de « pleurer avec ceux qui pleurent », mais tout d’abord dans la prière, puis dans le soutien amical, car les pleurs et les larmes relèvent de l’intime. Enfin en essayant de faire le maximum, à mon tout petit niveau, pour peser sur des décisions politiques qu’il faudra bien avoir le courage de prendre.
    Je profite de ce post pour vous dire aussi un immense MERCI pour votre recension du livre « Veilleur, où en est la nuit ? ». Je l’ai acheté dès sa parution et depuis je l’ai lu et relu. Il est magnifique ! J’en ai fait ma lecture de la Semaine Sainte et je l’offre ou le conseille autour de moi. En effet, même si ce n’est pas au même niveau « ce sont des temps d’effroi, mon Dieu » comme le disait Etty, et ce livre permet de prendre à la fois des forces et de l’altitude.

    • Ça ne s’invente pas : les Bruxellois avaient prévu une « marche contre la peur » (ou comment mieux dire au monde et aux terroristes que, précisément, on a peur). Elle est annulée. La peur, peut-être ?

      Bref, doublement contre-productif.

  • @ Koz:
    Les autorités belges me semblent vraiment plus sensées que les nôtres. C’est la confirmation des propositions de démission de deux ministres. Les nôtres ne se remettent même pas en cause.

  • @ Lib

    « le risque terroriste est infinitésimal. 4 millions de voyageurs dans le métro chaque jour à Paris. Si tu prends le métro tous les jours pendant 40 ans, même s’il y a un attentat qui tue 100 personnes tous les ans (on en est loin), tu n’as qu’une chance sur 1000 qu’il t’arrive malheur. »

    Certes : sauf cas d’attentat contre une centrale nucléaire ou même simplement (si j’ose dire ! ) explosion d’une bombe radiologique (dite « bombe sale » : bombe conventionnelle diffusant des matières radioactives) en plein Paris.

  • @ Feld:
    Vous avez des exemples de cela jusqu’à aujourd’hui? Cela s’est-il produit?
    Si non, il est probable que c’est parce que c’est au delà des compétences et connaissances des petites frappes qui font des attentats.
    Mais c’est vrai, prions pour que ça dure.

  • A titre d’exemple, la discrimination subie par les personnes d’origine maghrébine ou africaine (mais en l’occurrence, davantage maghrébine) est un ferment de terrorisme.

    […] Mais c’est l’un des facteurs (la frustration) qui contribuent au problème.

    Certains Marocains du Maroc, Tunisiens de Tunisie, Jordaniens de Jordanie, Tchétchènes de Tchétchènie, Arabes de Saoudie et autres Pakistanais du pays qui fournissent la majorité des terroristes ne sont pas frustrés ni discriminés par nous ou Paul Emploi. C’est eux qui nous attaquent, par « frères » locaux interposés. Le « facteur » local contributif ne pèse pas, ni le souvenir de l’époque coloniale qu’ils ne peuvent pas connaitre. L’alibi de la discrimination ou de la frustration convient bien aux victimes comme aux agresseurs, et c’est pour cela qu’il est utilisé, permettant en plus de masquer la cause réelle; comme ça tout le monde est content.

  • @Armand017

    Pour moi, le fait que tels évènements ne se soient pas encore produits est de l’ordre du miracle, au sens fort du terme… Les conséquences en seraient incommensurables … et, le pire, c’est que ça ne semble pas hors de portée d’hommes motivés (s’agissant surtout de l’attentat contre une centrale) !

    Dans une de ses dernières vidéos, Aldo Stérone (que l’on ne présente plus…) nous dit que pour nous faire une idée de notre avenir, il suffit de reprendre la presse des années noires algériennes, et de simplement changer les noms de lieu et les dates :

    Au moment où j’ai visionné cette vidéo, j’ai trouvé ses propos un tantinet outranciers (« il y aura des villages égorgés… »). Mais finalement, que peut-on exclure, en ces temps délétères ?

    Le mitraillage d’un hypermarché de province un samedi aprèm’ . Pas besoin d’une logistique compliquée, un endroit peu ou pas surveillé, des centaines de victimes potentielles « sur un plateau » (avec la possibilité pour les terroristes de « discriminer » en fonction de l’origine ethnique des gens..ce que ne permettrait pas une attaque aux gaz dans le métro parisien…), des flics ou gendarmes de base qui mettraient…du temps à arriver sur place… cette éventualité me hante. Oui, elle me hante.

  • Comparer un État fort comme le nôtre avec l’Algérie des années 1990, où on a quand même vu un président fraîchement élu assassiné par… ? Et des élections annulées par la clique au pouvoir… Etc.
    Bref, quelques tueurs, Ok, mais des massacres de masse, alors qu’un téléphone suffit pour appeler à la rescousse…
    Permettez moi de n’y pas croire.

    Pareil pour les sites sensibles. Ces imbeciles ont fait finalement peu de dégâts au Stade de France, alors entrer dans une centrale nucléaire…

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  • Koz a écrit :

    . Je n’ai donc jamais écrit que le terrorisme s’expliquait par la discrimination subie. En revanche, c’est un facteur à prendre en compte. Certainement pas l’unique, mais refuser de voir ce que nous pouvons faire de notre côté ne me semble pas de nature à faire avancer les choses.

    Il n’y a pas besoin d’être responsable de quoi que ce soit pour faire quelque chose. En revanche, introduire la notion de responsabilité amène celle de culpabilité. C’est également à mon avis contre-productif puisque ça renforce le réflexe victimaire, dont tout le monde semble d’accord pour dire qu’il est un facteur de radicalisation.

    Accessoirement, l’existence d’une différence, même significative, entre les statistiques (de chômage ou autres) pour diverses catégories ne suffit pas à caractériser une « discrimination ». Ce n’est pas parce que tout le monde dit « différence = discrimination » que c’est vrai.

    Gwynfrid a écrit :

    Tu as trouvé l’interview de David Thomson intéressant, je te suggère donc de relire certains passages. Notamment:

    Tu cites un passage presque aussi long que ton commentaire, et l’auteur ne parle pas une seule fois de « discrimination ». Je crois bien que le mot n’apparaît pas une fois dans toute l’interview.

    Gwynfrid a écrit :

    Dans le passage cité, on voit aussi que la discrimination, ou juste le sentiment de discrimination, ne s’applique pas uniquement à ceux que nous appellerions des « exclus », chômeurs, pauvres, etc., mais aussi à des gens de la classe moyenne, avec salaire et vie de famille.

    Bingo. Et c’est précisément ce type de subtilité qu’écrase l’irruption du mot « discrimination » dans la discussion. C’est sans doute à dessein que Thomson s’en est bien gardé.

    Mon opinion (et je suis bien conscient qu’elle est très minoritaire et non prouvée) est que ce qui pousse à la radicalisation c’est beaucoup plus un sentiment, largement fantasmé, que la société les déteste ou les rejette.

    Psalmodier « discrimination » a pour effet (i) de renforcer ce sentiment (si le gouvernement, la presse, l’école, tout le monde dit qu’on est des victimes, ça doit être vrai), (ii) de produire des programmes de « contre-discrimination » totalement inefficaces (et injustes) et (iii) de générer en retour un vrai sentiment d’hostilité dans une partie de la population.

    Question. Quand on observe la proportion de sunnites dans les pays occidentaux qui rejoignent l’Etat Islamique, les pays où elle est la plus élevée sont ils ceux qui « discriminent » le plus ou ceux qui « victimisent » le plus?

    Après, je suis bien entendu d’accord avec toi pour penser que tout ce qui peut permettre de fluidifier, décalcifier la société française améliorera les choses (et pas seulement sur le dossier jihadisme). Je suis juste très dubitatif sur la capacité de toutes ces règles anti-discrimination à atteindre ce but (tu me connais, je suis plutôt convaincu qu’elles sont contre-productives).

    Feld a écrit :

    Certes : sauf cas d’attentat contre une centrale nucléaire

    Je pense qu’on surestime largement le risque que font courir les centrales nucléaires. Le risque du gars qui tire dans le tas chez Auchan ou dans le métro est déjà plus substantiel, mais il faut croire que les jihadistes n’ont pas tant de candidats au massacre-suicide que ça.

  • Lib a écrit :

    Bingo. Et c’est précisément ce type de subtilité qu’écrase l’irruption du mot « discrimination » dans la discussion. C’est sans doute à dessein que Thomson s’en est bien gardé.

    D’accord sur ces deux points. Le terme est un raccourci qui écrase la nuance. Mais… quel que soit le terme employé, le phénomène existe, et fait partie du problème. Thomson a raison d’éviter le mot, mais son analyse ne fait pas l’impasse sur la question.

    Lib a écrit :

    Mon opinion (et je suis bien conscient qu’elle est très minoritaire et non prouvée) est que ce qui pousse à la radicalisation c’est beaucoup plus un sentiment, largement fantasmé, que la société les déteste ou les rejette.

    Un parallèle me saute aux yeux: tu parles de ce sentiment exactement sur le même ton que la gauche des beaux quartiers parlait du « sentiment d’insécurité » il y a quelques années (cela fait un moment qu’elle n’ose plus utiliser ce type de langage, qui lui a coûté cher politiquement). À la limite, que ce sentiment corresponde ou non à une réalité n’a pas tellement d’importance: les effets sont les mêmes (voir D.Thomson et le passage que j’ai cité plus haut).

    Lib a écrit :

    Psalmodier « discrimination » a pour effet (i) de renforcer ce sentiment (si le gouvernement, la presse, l’école, tout le monde dit qu’on est des victimes, ça doit être vrai), (ii) de produire des programmes de « contre-discrimination » totalement inefficaces (et injustes) et (iii) de générer en retour un vrai sentiment d’hostilité dans une partie de la population.

    De même que parler d’insécurité renforce le sentiment d’insécurité et fait monter la peur, conduit à voter des lois sécuritaires inefficaces, injustes et liberticides, et génère la montée du FN…

    La méthode Coué n’a pas marché sur le sentiment d’insécurité, elle ne marchera pas sur le sentiment de discrimination.

    Quant à la comparaison entre pays… je ne sais pas. Le sentiment de discrimination est répandu, mais la réalité de la discrimination est difficile à mesurer. Ce que je sais, c’est que les pays où la discrimination est mal vue en principe, et où la diversité est mise en avant comme un atout, ont moins de problèmes avec les musulmans. Mais ce ne peut être là l’explication unique de la différence: j’ai dit plus haut que la discrimination était seulement un facteur parmi d’autres du problème, donc, je ne dirai pas qu’une société est mieux protégée uniquement parce que la discrimination y est mieux combattue. C’est juste un élément, qu’il ne faut pas nier, mais pas surestimer non plus.

  • jfsadys/colibri a écrit :

    @ Lili:
    Vous m’avez mal lu mais c’est de ma faute. J’aurais dû mieux m’expliquer. Bien entendu que l’Histoire la musique le chant le dessin la gym c’est important. C’est justement ce que je voulais rappeler par mon commentaire. Je tiendrai compte de votre remarque la prochaine fois que je m’exprimerai sur ce blog.

    Je viens de relire et de comprendre le sens que vous donniez à votre phrase, dont la formulation prêtait à confusion, si je peux me permettre (mais vous l’avez remarqué). Autant pour moi.

  • Gwynfrid a écrit :

    Un parallèle me saute aux yeux: tu parles de ce sentiment exactement sur le même ton que la gauche des beaux quartiers parlait du « sentiment d’insécurité » il y a quelques années

    Oui on peut être tenté de faire ce parallèle, mais c’est une erreur. Car la sécurité et la non-discrimination ne sont absolument pas comparables.

    D’abord d’un point de vue philosophique. La sécurité est une fonction régalienne de l’Etat, probablement sa raison d’être. C’est le socle de la vie en société, explicitement mentionné dans les textes fondateurs de l’état de droit.

    La non-discrimination est une création sociale récente. Une déformation du concept d’égalité devant la loi pour englober les citoyens dans l’obligation. Ce n’est plus seulement l’Etat qui doit traiter les citoyens équitablement mais chaque membre de la société est tenu à la même exigence. C’est complètement irréalisable, liberticide et largement totalitaire.

    Personne n’a le droit d’être bien traité par ses concitoyens, seulement celui de ne pas être maltraité.

    Ensuite d’un point de vue pratique. A te lire, le sentiment d’insécurité mène au vote FN; le sentiment de discrimination mène au terrorisme.

    Bref, Thomson décrit des personnalités très égotiques qui cherchent dans la radicalité un sentiment de supériorité et trouvent des excuses faciles (discrimination) pour justifier que leur grandeur ne se soit pas traduite dans leur position sociale.

    Et bien sûr, cette injustice première à leur égard justifie agressivité, revanche, violence.

    Aucune discrimination positive ne fera jamais disparaître le sentiment de discrimination de ceux qui le choisissent. Au contraire, ça ne fait qu’institutionnaliser (et donc crédibiliser) le fait que la population en question est victime et légitime donc la violence en retour.

  • Lib a écrit :

    Car la sécurité et la non-discrimination ne sont absolument pas comparables.

    Certes, mais ça n’a aucune importance. Dans cette analogie, c’est le sentiment, et la réaction de déni qu’on lui oppose, qui déterminent le résultat – à savoir, le renforcement du sentiment en question. Prétendre que l’insécurité n’existe pas, que la discrimination n’existe pas, ne fait que confirmer l’opinion des mécontents: la société les ignore et refuse de voir leurs problèmes. En soi, cela ne suffit pas à expliquer le vote FN ou le terrorisme. Mais c’est un facteur.

    Cela dit, en focalisant le débat sur ce seul point, nous sommes déjà dans l’erreur. Ce n’est qu’une partie du problème, et sans doute pas la plus importante.

    Lib a écrit :

    Bref, Thomson décrit des personnalités très égotiques qui cherchent dans la radicalité un sentiment de supériorité et trouvent des excuses faciles (discrimination) pour justifier que leur grandeur ne se soit pas traduite dans leur position sociale.

    Je n’ai pas lu de description de personnalités spécialement égotiques sous la plume de David Thomson. On voit des frustrations d’ego, certes, mais rien de plus que ce qu’une personne ordinaire pourrait ressentir. En fait, la diversité des profils dont il parle donne l’impression que ce sont là, somme toute, des gens assez ordinaires au départ. Thomson décrit des gens qui se posent des questions spirituelles et reviennent à la religion; qui sont désoeuvrés et s’ennuient; qui ne sont pas intégrés dans une communauté; qui ont des problèmes personnels ou familiaux; qui se laissent séduire par le complotisme découvert sur Internet; qui ont un ressenti de discrimination, chose assez banale quand on fait partie d’une minorité; et qui rêvent d’être des héros, ce qui n’est pas un fantasme très original. C’est là tout un faisceau de facteurs qui. pris individuellement, ne semblent pas suffire à différencier ces gens de la grande masse des musulmans paisibles.

  • Gwynfrid a écrit :

    Dans cette analogie, c’est le sentiment, et la réaction de déni qu’on lui oppose, qui déterminent le résultat – à savoir, le renforcement du sentiment en question.

    C’est assez déroutant cette façon de raisonner. A te lire, peu importe le réel ou la vérité, seule compte la perception. Si je suis ton raisonnement, dès lors qu’une perception existe, il ne faut pas la contredire sous peine de la renforcer?

    Ne veux-tu pas envisager que ce qui est dommageable pour la société, ce qui désespère les gens, c’est nier ce qui existe et affirmer ce qui est faux?

  • Lib a écrit :

    C’est assez déroutant cette façon de raisonner. A te lire, peu importe le réel ou la vérité, seule compte la perception. Si je suis ton raisonnement, dès lors qu’une perception existe, il ne faut pas la contredire sous peine de la renforcer?

    En politique, seule compte la perception. C’est dur à avaler, mais c’est ainsi. Et le problème jihadiste est aussi un problème politique (entre autres, bien sûr… ce n’est qu’une partie de la question; de même, comme je n’ai cessé de le répéter plus haut, le sentiment de discrimination n’est qu’une partie, et pas la plus importante, des motivations qui conduisent des jeunes à la dérive terroriste).

    Lib a écrit :

    Ne veux-tu pas envisager que ce qui est dommageable pour la société, ce qui désespère les gens, c’est nier ce qui existe et affirmer ce qui est faux?

    Si tu sous-entends par là que la discrimination n’existe pas, en général, alors tu es en train de faire exactement ce que que tu décris ici.

    Et, oui, bien sûr que c’est dommageable. Mais pour réfuter les affirmations fausses, il est préférable de comprendre les perceptions sous-jacentes. Sinon, tu n’iras pas loin. D’autre part, il faut accepter que certaines perceptions sont très difficiles à combattre. On a prouvé que les convictions complotistes peuvent être renforcées, au lieu d’être affaiblies, par l’exposition à une réfutation factuelle. Or, justement, le jihadisme s’appuie fortement sur des théories complotistes, comme le fait remarquer D.Thomson.

  • @Gwynfrid,

    Interview intéressante de l’avocat belge d’Abdeslam dans Libé. Avec une citation qui illustre notre discussion : « La seule explication que je vois, c’est la propagande sur Internet qui donne l’impression que les musulmans sont victimes d’injustices. »

  • @ Lib:
    J’ai beaucoup de respect pour un avocat qui accepte la tâche ingrate et indispensable de défendre cet homme. Mais, à la lecture de son interview, on ne peut pas dire que Me Mary a fait une analyse poussée de la mentalité de son client. Ce n’est d’ailleurs pas son boulot. Je ne crois donc pas qu’on puisse faire des conclusions de portée générale à partir des jugements à l’emporte-pièce qu’il exprime ici. J’observe simplement que rien ne contredit l’analyse de D.Thomson.

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