« You’re my dream come true, my one and only you ». L’Amérique. Dix ans après la guerre, l’Europe n’a d’yeux que pour elle et quand Rock around the clock a fatigué les corps, les garçons emballent sur les Platters. 20 ans plus tard, Eddy Mitchell nous offre une Dernière Séance toute hollywoodienne tandis que Joe Dassin chante une Amérique qui l’attend depuis qu’il est né. Elle est sans fin, l’histoire du soft power américain mais celui-ci s’essouffle. Or, si l’on débat largement de la nécessité de retrouver une souveraineté stratégique, nous nous soucions peu de souveraineté culturelle. La question n’est pas récente, elle s’est souvent résumée à des moulinets dérisoires, mais elle se renouvelle : qui aujourd’hui veut ressembler à l’Amérique ? Elle est enviable économiquement, militairement peut-être, l’Amérique, mais c’est un pays miné par la division. Un pays que son désintérêt pour la vérité disqualifie comme « phare du monde libre ».
Et pourtant, l’Amérique projette son influence sur le débat national jusque chez ceux qui proclament leurs distances. La droite française la plus radicale ne cache pas son intérêt pour la méthode Trump, elle qui avait déjà accueilli Steve Bannon en 2018, certes avec quelques réserves. L’inflexion de la gauche vers une défense des minorités au détriment des classes populaires contrefait l’orientation du parti démocrate. Songeons aussi que nous avons, en somme, inscrit la liberté d’avorter au plus haut sommet de toutes nos normes parce que le Dakota, l’Idaho ou l’Indiana (Etats que d’aucuns ne sauraient situer) l’ont proscrite. Si l’on a craint la contagion, n’est-ce pas à cause de notre fascination ? Agissant chacun selon les catégories américaines, on ne fait que faciliter l’importation de ce que l’on redoute. Même virtuellement, nous empruntons le même chemin. L’élection du héros d’Elon Musk suscite une vague de départs de X aux Etats-Unis, les démocrates trouvant refuge sur l’autre réseau social, Bluesky ? Eh bien les Français font de même, dessinant un paysage dans lequel les « gauchistes » seraient indésirables sur X et les « droitards » proscrits de BlueSky. Trumpistes contre wokes, version hexagonale. Car, si X surexpose les positions chères à Elon Musk, souvent tragiquement sommaires et mensongères, certaines attitudes et outils sur BlueSky laissent entrevoir une censure décentralisée, à la libre disposition de chacun. Surexposition contre invisibilisation. Dire qu’il y a 20 ans, le web promettait le dialogue… Nous voilà sur la même voie que les USA, celle d’une opposition irréductible. Il faut s’attendre au même résultat. Au vu du désastre américain, la « Vieille Europe » n’a-t-elle pas mieux à proposer ? La France de Descartes et de Voltaire, l’Europe de Platon et d’Habermas, n’ont-elles pas un autre attachement à la vérité et la sagesse, à la discussion, à faire vivre ?
Photo de Aaron Burden sur Unsplash
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Il y a beaucoup de vrai dans cette chronique qui manque cependant de quelques nuances. Il aurait par exemple été utile de préciser qu’Elon Musk s’est affiché comme démocrate jusqu’aux élections de 2020 tandis que Trump, en bon new-yorkais, l’a été au moins jusqu’á la mandature Clinton, et aussi que la culture américaine reste largement influencée par l’europe, pour le bien comme pour le mal, que ce soit les talents de Mary Cassatt en peinture ou les dégâts causés par la “French theory”.
Pour… nuancer, à mon tour. Mary Cassatt est morte en 1926. On ne parle pas du même monde.
Merci pour vos commentaires, toujours clairvoyants, éclairés par la Lumière de l’Evangile (plus, je pense que les lumières…). Continuez à nous réveiller pour que nous soyons des hommes et des femmes debout, à l’abris des idéologies de la toute puissance et du mensonge.
Merci. Que j’aimerais que l’on vous entende plus et que l’on vous écoute vraiment. Car lorsque j’entends rapporter vos opinions, on les déforme tellement ! Comme je suis dans un monde plutôt « progressiste », certains de mes amis vous classent, bien sûr, dans les réac et ne retiennent que des bribes de textes ou de paroles (qu’on leur a rapporté !), et qui n’ont plus du tout le sens que vous leur donniez.
Bon courage.