Al-Qaïda peut-elle atteindre « deux oiseaux avec la même pierre » ? Je l’ignore, autant que j’ignorais la version arabisante de « faire d’une pierre deux coups » que l’érudit auteur de l’édito du Monde (le massacre d’Alexandrie et le piège d’Al-Qaïda) nous révèle. Je pressens toutefois que, pour connaître ce proverbe arabe, son anonyme auteur a en revanche négligé ce qui, des voies ferroviaires, est passé dans la sagesse populaire : un train peut en cacher un autre.
Il a justement dénoncé un premier piège. Las ! Tout à cette dénonciation, il semble bien avoir ignoré le deuxième.
Car il a certainement raison : Al-Qaïda « parie sur l’émoi suscité en Occident par les attaques contre les chrétiens en Asie, en Afrique ou au Moyen-Orient pour aviver les flammes d’une guerre des civilisations où elle est à son aise, parce qu’elle permet d’éradiquer toute trace de cet universel qu’elle abhorre ». Comme nous nous en sommes déjà entretenus, les extrémistes musulmans trouvent chez nous leurs « frères ennemis » qui se réjouissent de ce choc des civilisations qu’ils prétendent dénoncer. Fabrice Hadjadj le dépeignait ainsi : « les grandes guerres et les grands désastres procèdent de factions qui se dressent l’une contre l’autre et qui néanmoins se tressent l’une avec l’autre (…) Nous observons ainsi des bêtises antagonistes qui rivalisent, renchérissent, montent aux extrêmes, comme dirait Clausewitz, enfin s’engrènent l’une dans l’autre ainsi que les rouages d’une concasseuse gigantesque et supérieurement intelligente : elle enrôle de pauvres types et les broie de telle sorte qu’accusant toujours une moitié de l’étau, cela relance la moitié de derrière, et c’est reparti pour un tour »[1]. C’est bien là le premier piège à éviter.
Mais l’éditorialiste a cette phrase stupéfiante et définitive :
« Que l’Occident s’indigne des attaques contre « ses » chrétiens après être resté indifférent aux Saint-Barthélemy irakiennes est bien la preuve de sa duplicité »
On veut croire que l’auteur décrit encore ici le raisonnement d’Al-Qaïda, mais les mots choisis n’y incitent pas. Car il poursuit immédiatement ainsi : « Que l’Europe et les Etats-Unis, en retour, s’installent dans cette défiance généralisée de l’islam et se raidissent contre leurs communautés musulmanes aux prises avec les mécanismes complexes d’intégration ne peut que servir le djihad global à l’oeuvre sur Internet » (Que vient donc faire là Internet ? Passons…) , ce qui laisse à tout le moins le trouble perdurer.
La duplicité de l’Occident serait donc acquise ? Il ne resterait qu’à la prouver ? Le Monde se fait l’étonnant relais d’Ahmed Al-Tayyeb, l’imam d’Al-Azhar. Celui-ci, successeur du Cheikh Tantaoui honni des intégristes, décédé au printemps, reprochait son « ingérence » au Vatican dans les termes suivants : « je demande pourquoi le pape n’a pas appelé à la protection des musulmans quand ils se faisaient tuer en Irak ».
Et l’auteur de conclure par cette formule : « la défense des chrétiens d’Orient impose de ne pas tomber dans les pièges d’Al-Qaida ». On aura compris que cela signifiait de ne pas tomber dans une dénonciation globale de l’islam. Pas d’agression, donc. Mais quid, pour la défense ? Quelle solution ?
L’édito chute sur cette phrase, dans le silence. Il chute, sur ce trait si français de repentance et de culpabilité : si des chrétiens sont massacrés dans les boucheries de Bagdad et d’Alexandrie, c’est un peu de notre faute. Et l’on devrait baisser d’un ton (quand on nous entend pourtant à peine aujourd’hui).
Je ne dis pas : indirectement, on trouvera toujours un facteur de responsabilité. Mais, allons : l’Occident s’indigne des attaques contre les chrétiens ? Eh bien, on ne peut dire que : enfin ! La situation des chrétiens d’Orient n’est pas nouvelle : c’est cette réaction qui l’est.
« L’Occident s’indigne des attaques contre « ses » chrétiens » ? Mais devrait-il rester silencieux alors que les régimes locaux n’ont pas attendu Al-Qaïda pour discriminer les chrétiens ? Devrait-il se taire quand personne, sur place, ne les défend ? Qui portera leur voix, alors ? Et, encore une fois, faut-il se défier de ce réflexe bien humain qui incite à défendre d’abord ceux qui vous sont proches ? Une fois encore : qui me fera croire qu’il défendra ceux qui lui sont lointains, s’il se tait quand on attaque ses proches ?
Enfin, faut-il rappeler à l’éditorialiste du Monde – de la même manière qu’on rappellera à l’imam d’Al-Azhar que Jean-Paul II s’est battu contre la guerre en Irak avec la dernière énergie – que la France, pour ne pas parler de l’Occident tout entier, n’est pas restée « indifférente aux Saint-Barthélémy irakiennes » ou, plus largement, musulmanes ? La base documentaire du Quai d’Orsay en témoigne : le 15 décembre dernier, Paris condamnait l’attentat dans la mosquée chiite de Chabahar, en Iran, l’attentat de Balad Rouz le 30 octobre 2010, elle condamnait le 24 septembre 2010 l’attentat de Bagdad ayant coûté la vie à quatre enfants[2], le double attentat de Kerbala du 27 juillet 2010, l’attentat suicide devant Al-Arabiya le 26 juillet 2010, un attentat à Bagdad le 7 juillet 2010, le 10 mai 2010, le 23 avril 2010, le 4 avril 2010, le 3 avril 2010, le 1er février 2010. Et ceci uniquement pour l’an dernier.
Non, donc, l’Occident en général et la France en particulier ne sont pas silencieux. Et si leurs communiqués paraissent vains, ils ne dépareillent pas avec les communiqués lénifiants concernant les chrétiens.
Si la situation recèle bien des pièges, c’en est un aussi que de laisser penser que « l’Occident » ignorerait les souffrances des musulmans. Et c’en serait évidemment un autre de se taire pour cette mauvaise raison.
- dans La foi des démons ou l’athéisme dépassé [↩]
- « nous condamnons cet acte abject avec la plus grande fermeté et nous présentons nos condoléances aux familles des victimes, aux autorités et au peuple irakiens » [↩]
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Ou alors, si cet éditorialiste trouve que les chrétiens ont tort de se plaindre quand on les tue, qu’il soit cohérent, et qu’il dénonce les lois sur l’homophobie, les musulmans qui se plaignent quand on caillasse les mosquées ou quand « on » les couvre de croix gammées, les politiques qui râlent quand ils se font cambrioler, ….ainsi que journaux qui soutiennent les journalistes qui se font enlever ici et là!
c’est vrai, ça pourquoi tant de tapage pour deux journalistes quand il y a tant de civils qui se font enlever, en Colombie, par exemple.
et puis dans la série l’occident n’élève la voix que pour SES chrétiens:
« Lapidation de Sakineh en voie d’annulation » :
http://www.mouvementdemocrate.fr/actualites/mehal-sakineh-030111.html
Les français, chrétiens ou non, feraient bien de
se préoccuper de la manière dont ils accuillent les maghrébins,
musulmans pour la plupart
http://verel.typepad.fr/verel/2010/11/origine-maghr%C3%A9bine-et-emploi.html#more
Mais l’attentat d’Alexandrie prouve une fois de plus que
le bouc émissaire est innocent, comme étaient innocents les moines
de Tibéhirine, à l’image de ce Christ venu montrer la réalité chère
à René Girard Si les martys fondamentalistes islamistes attisent la
guerre, les martyrs chrétiens ont finalement, contrairement à ce
qu’ont toujours cru les soi disants réalistes, nourri la foi en
étant des graines de regain religieux
Koz,
je te souhaite une
heureuse année 2011.
Je pense qu’il faut être
honnête: notre indignation envers les attentats dont sont victimes
les chrétiens d’orient est d’abord influencée par notre position
par rapport au christianisme en France: les chrétiens « militants »
seront beaucoup plus sensibles au sort de leur coreligionnaires, et
les français qui sont plutôt hostiles au christianisme ou au
catholicisme seront peut-être plus indifférents à ces souffrance
qu’à celle de la dernière minorité à la mode (Tibet…). Il est
intéressant de noter que ces histoires de minorités souffrantes
sont souvent plus compliquées qu’on ne le pense, le meilleur
exemple est peut-être le Tibet, qui n’était pas forcément un état
éclairé avant que la Chine ne l’occupe.
Pour le
reste, il y a de nombreuses condamnations diplomatiques qui sont
polies mais a peu près indifférentes de la part des grands états.
Je pense que les condamnations de la France vis à vis des massacres
en Irak rentrent peut-être dans cette catégorie, et certaines
condamnations par des dirigeants proche-orientaux des violences
contre les chrétiens sont sans doute du même tonneau. On peut aussi
mentionner le fait que les occidentaux ont laissé faire des
massacres de Chi’ites à la fin de la première guerre du golfe, et
aussi le fait que l’occident a un intérêt évident à soutenir la
femme iranienne condamnée à mort dans le contexte de son
affrontement avec le pouvoir irakien.
« On veut croire que l’auteur décrit encore ici le raisonnement d’Al-Qaïda, mais les mots choisis n’y incitent pas. »
On ne saurait mieux dire, hélas ! J’ai moi aussi cherché à tordre cette formulation pour tenter d’y trouver un raisonnement, même maladroit, mais non.
Cette conclusion est navrante. Finalement, de toute façon c’est compliqué, de toute façon c’est de notre faute, alors couvrons nous la tête de cendre et surtout fermons les yeux pour ne pas risquer d’être accusés de favoritisme. Et ce n’est pas le premier article du Monde qui est de cette facture…
Joyeux Acier a écrit : :
Oh, mais je suis honnête 😉
J’assume tout à fait ma proximité particulière, et je dirai même que l’honnêteté est de l’assumer pleinement.
Et je note aussi qu’un édito comme celui du Monde montre aussi une position particulière face aux chrétiens en France et, en particulier, face à l’Eglise. Je ne veux pas trop extrapoler sur un édito qui reste ambigu mais on sent quelque part que ça emmerde un certain nombre de personnes que les chrétiens puissent être du côté des victimes. Le paradigme, c’est que le blanc, catholique de surcroît, est du côté des oppresseurs, et qu’il doit s’excuser. La nécessité d’affiner le propos en agace quelques-uns.
En outre, ceux qui rejettent le fait que le christianisme soit constitutif de notre culture (même laïcisé) refusent également de ressentir une proximité particulière avec les chrétiens d’Orient.
Seulement, les chrétiens d’Orient ne sont pour rien dans nos querelles. Et le fait est qu’ils sont effectivement la cible de massacres, après avoir été « simplement » discriminés.
Joyeux Acier a écrit : :
C’est assez vrai. Quand on reprend les déclarations du Quai d’Orsay, c’est une longue liste de condamnations que l’on pourrait écrire soi-même : acte / lâche et odieux / abject / insupportable… Mais, entre nous, la réaction à l’attentat d’Alexandrie n’a pas été plus forte.
@Joyeux Acier : belles variations sur le « c’est compliqué donc on ne touche pas ». On ne voit pas bien en quoi l’état du régime tibétain antérieur justifierait l’oppression actuelle. C’est le genre d’argument qui aurait servi à justifier le maintien de toutes les colonisations.
Dans le cas de l’Irak, je ne suis pas dut tout convaincu par ce que vous dites, il me semble qu’il y a des trous de mémoire sélectifs. Clairement la coalition ne savait pas comment finir la guerre (on n’en était pas encore aux doctrines de W sur les pre-emptive strikes et la possibilité de supprimer les dirigeants qui ne nous conviennent pas). Il est connu que Bush père espérait que Saddam serait déboulonné par son propre peuple. Ensuite, constatant que ça n’avait pas eu lieu, les Etats-Unis ont mené de nombreuses interventions, y compris militaires, en faveur des Kurdes (zone d’exclusion, raids aériens etc.). Il serait bon de se le rappeler avant de crier au favoritisme pro-chrétien.
Quelques mots de Benoît XVI dimanche : « Nous comprenons que la paix ne s’obtient pas par les armes, ni par le pouvoir économique, politique, culturel et médiatique. La paix vient des consciences qui agissent en s’ouvrant à la vérité et à l’amour ».
« on sent quelque part que ça emmerde un certain nombre de personnes que les chrétiens puissent être du côté des victimes » : C’est manifestement ça mais à la rigueur on s’en moque ! Nous ne devons pas jouer la victimisation mais soutenir ceux qui souffre sans essayer dans tirer profit (ce serait peu glorieux…).
Oui, certainement, et ce n’est pas exactement ce que je voulais dire, même si la tentation peut exister.
Tout à fait satisfait que le Monde se fasse le relais d’Ahmed Al-Tayyeb, l’imam d’Al-Azhar reprochant son « ingérence » au Vatican dans les affaires des chrétiens persécutés. Cela confirme ton propos Koz de l’imbrication de l’intégrisme islamique et du relativisme occidental (libéral) pour disqualifier ce qu’il y a de sain et de juste dans le christianisme. L’expérience de satan la plus sûre est la sensation d’être pris entre les mâchoires d’un casse-noix (pas besoin de théorie du complot pour expliquer cela). Pour tous ces gens : intégristes et libéraux, il est préférable effectivement que les chrétiens se taisent, déguerdissent ou mieux disparaissent.
Cette complaince du Monde conforte aussi tout le mal que je pense de sa rubrique « religion ». J’y suis abonné de longue date mais pas du tout pour cette rubrique indigente et partisane.
Et pas grand chose à espérer de la part des nouveaux propriétaires du Monde…
En étant bien d’accord avec cet article, je pourrais proposer une grille de lecture additionnelle.
Nous n’avons pas à nous excuser en effet d’être catholique et nous n’avons pas à renier les beautés de notre religion, comme la reconnaissance de la beauté qui existe dans les autres grandes religions.
Si on parle d’égalité de droits et de dignité dans la constitution, que cette dignité ultime au moins soit respectée.
Or je crois que c’est inconcevable encore aujourd’hui pour beaucoup d’esprits laïques historiques, les catholiques sont représentés « comme des grands enfants qui obéissent à un type qui siège au Vatican. »
Donc pour ces laïques, bien qu’étant minoritaires, il n’a jamais été question d’accorder une dignité quelconque à leurs concitoyens car il ne peuvent en être l’objet vu « qu’ils ne se rendent pas compte de ce qu’ils sont. »
Même si la Constitution dit l’inverse, ils utilisent la Constitution (de portée universelle) pour assurer tout leur respect aux autres religions qui viennent d’en dehors de leurs frontières. D’ailleurs ils ne peuvent faire autrement, ils ne disposent pas ou plus de la puissance à poursuivre la logique de leur discours civilisationnel, c’est seulement une pilule moins amère à avaler ou l’éternelle fable du Renard et des raisins.
On en arrive donc au Monde, journal qui accueille de grandes intelligences en son sein, qui est d’un pays (ou d’un continent) qui ne dispose plus, au contraire des américains, de l’influence et de la puissance de se faire entendre à l’étranger, mais qui continue de frapper symboliquement ses autochtones en leur disant de ne surtout pas se mêler de la condition des « chrétiens » de l’étranger, car cela pourrait nuire à nos intérêts de trop montrer où iraient nos sympathies, des fois que… Bref, on ne sait plus trop et c’est tellement incompréhensible et contourné qu’on ne se demande même si parfois cela ne va pas à contresens dans l’obéissance au chantage d’Al Qaeda.
L’hypocrisie confine parfois au ridicule de position quand on a décidé, à tort, de mépriser définitivement un type de personne. ^^
Ce billet rejoint celui sur la double peine. Je pense que pour beaucoup de gens en occident, et particulièrement en Europe, et particulièrement en France, il ne faut pas défendre d’abord ceux qui nous sont proches. Au nom d’un universalisme mal compris on s’interdit toute préférence qui serait forcément discriminante, excluante, stigmatisante. Tout cela au profit d’une sorte de bienveillance abstraite envers l’ensemble de l’humanité qui cache (mal) une indifférence réelle envers chacun.
L’aspect religieux contribue à renforcer le trait, on refuse l’héritage chrétien donc on refuse de se sentir particulièrement proche d’un Chrétien d’Orient.
Au passage, on notera que cet édito n’est finalement qu’un exercice de style rhétorique de concurrence victimaire. Les passages sur la responsabilité des occidentaux dans la mascarade électorale égyptienne ou sur la prétendue duplicité de l’Occident n’ont pour but que de redéfinir les rôles qui avaient été chamboulés par ces attentats. Pour Le Monde, quoi qu’il arrive, la victime c’est l’Orient et le coupable c’est l’Occident.
Tout ceci permet au Monde de retrouver le confort de sa posture anti-raciste, donc raciste. L’éditorialiste ne peut s’empêcher d’exprimer à quel point il tient les musulmans en peu d’estime. La seule façon d’éviter le choc des civilisations est que les occidentaux renoncent à l’escalade. On n’enjoindra pas les musulmans à refuser de s’installer dans la « défiance généralisée » de l’Occident, ils doivent être trop cons. Au contraire, on encouragera leur ressentiment généralisé. La répartition des rôles est limpide : l’Occident est coupable et doit se montrer ouvert et tolérant, l’Orient est victime et on n’attend rien de lui.
Enfin, je ne résiste pas à la tentation de remarquer que les mécanismes pervers d’escalade du choc des civilisations que décrit fort bien Fabrice Hadjadj se retrouvent de façon rigoureusement identique dans la lutte des classes.
« elle enrôle de pauvres types et les broie de telle sorte qu’accusant toujours une moitié de l’étau, cela relance la moitié de derrière, et c’est reparti pour un tour » C’est tiré d’un bouquin sur les relations sociales en France?
@Lib
Otez moi d’un doute, comme dit l’autre : Le Monde est un journal écrit en français ou en arabe?
Ecrire pour les lecteurs français un pamphlet sur la culpabilité de l’Orient n’aurait que peu d’intérêt.
C’est fascinant de voir des gens tellement allergiques à la critique de l’occident/la nation/autre qu’ils finissent par caricaturer et rejeter en bloc toute critique quelle qu’elle soit.
Ca me rappelle une loi sur les bienfaits de la colonisation.
Vous voulez dire qu’il existe une frange extrémiste de patrons qui se vouent à l’oppression des masses laborieuses, en réponse aux actions terroristes des syndicats?
Ca m’étonne de vous.
Lib, je suis assez d’accord avec vous.
MAIS il faut faire extrêmement attention à ne pas tomber dans l’erreur inverse de celle que l’on combat légitimement.
C’est exactement le phénomène que décrit Hadjadj, et ce qu’a adroitement soulevé Gatien en réponse à votre commentaire.
Il faut reconnaître que ce que décrit Hadjadj s’applique aussi bien à moi qu’aux autres, et D’ABORD à moi. Reconnaître ce mécanisme d’engrenage est important, non pour le balancer à la gueule de l’autre, mais pour tout faire pour en sortir, moi le premier.
Bref, une vérité que je m’approprie, dont je me sers pour défendre ma cause, se retourne et de fait n’est plus vérité.
« Au nom d’un universalisme mal compris on s’interdit toute préférence qui serait forcément discriminante, excluante, stigmatisante. Tout cela au profit d’une sorte de bienveillance abstraite envers l’ensemble de l’humanité qui cache (mal) une indifférence réelle envers chacun. »
Je vous en prie, cessons d’opposer ces deux notions. Cette opposition est totalement stérile et est le moteur du mécanisme d’engrenage violent et victimaire décrit par Hadjadj.
Il n’y a pas à préférer l’un ou l’autre, le ‘prochain’ ou le ‘lointain’. La recherche du Bien Commun exclut de fait cette opposition.
Je ne peux faire le bien de mon prochain sur le dos de l’autre ; je n’ai pas à choisir l’un OU l’autre, mais je dois chercher l’un ET l’autre, l’un PAR l’autre, l’un AVEC l’autre.
Voilà pour le principe ; l’application concrète, après… c’est certes un peu plus compliqué.
Mais c’est la SEULE voie.
Il ne s’agit pas obligatoirement de faire le bien du prochain sur le dos de l’autre, d’autant que si l’on pensait faire le bien des chrétiens d’Orient sur le dos des musulmans d’Orient, on y parviendrait difficilement. Mais je suis plus que dubitatif sur la réaction qui consiste à dire : vous défendez d’abord ceux-là, parce qu’ils vous sont proches, alors que vous n’avez rien dit pour les autres. Je considère que c’est une position illusoire. Je suis bien évidemment moins concerné par ceux qui me sont lointains, voire inconnus. Par définition. Et si je veux bien imaginer que certains se mobilisent sincèrement pour des peuples éloignés, je crois surtout que ce reproche est un cache-sexe soit pour ne jamais rien faire ni rien dire, soit pour disqualifier une cause que l’on n’apprécie pas. Enfin, je trouve douteux de croire que l’on se mobilisera effectivement pour les peuples éloignés si l’on ne fait rien pour les plus proches.
Cette pensée clivante (fondamentalement individualiste) est éminemment moderne.
Moi OU les autres, ma famille OU les autres, ma Nation OU les autres, le prochain OU le lointain, l’homme OU la nature, etc etc.
Ces dualismes ont certes leur utilité formelle pour penser le monde, mais notre pensée occidentale a tellement privilégié ce mode de pensée qu’elle en a oublié son pendant, la pensée holiste, qui l’équilibre et est AUTANT nécessaire.
Confrontés aux cul-de-sac de cette forme de pensée, de nombreuses personnes tentent d’en sortir, mais en inversant ces dualismes (ce que Lib décrit) : préférer le lointain au prochain, préférer la culture de l’autre à la mienne, préférer la nature à l’homme, etc. C’est encore plus dangereux, je rejoins Lib là-dessus, car contre-nature.
Il faut, non pas inverser ces dualismes, non pas les rayer de notre pensée (notre culture occidentale depuis cinq siècles est structurellement fondée sur ce mode de pensée, et on lui doit l’essor de la science, de la pensée méthodique, etc), mais équilibrer cette façon de pensée par une pensée holiste, globale, qui était très présente en Occident jusqu’à la fin du Moyen-Age et qui est restée prédominante dans toutes les autres cultures.
Encore une fois, articuler au lieu d’opposer, privilégier le ET…ET plutôt que le OU… OU.
Pardon pour cette digression, mais elle rejoint parfaitement le mécanisme décrit par Hadjadj, cette opposition entre deux OU antagonistes qui jouent indéfiniment au pingpong jusqu’à finir par se balancer leurs raquettes à la gueule.
@ Koz, je suis tout à fait d’accord, et j’ai en partie répondu à votre objection dans mon commentaire juste au dessus.
La pensée nationaliste (« mon pays d’abord, quitte à faire du mal aux autres » voire « ils n’ont que ce qu’ils méritent ») comme la pensée universaliste éthérée voire anti-occident (« nous, blancs, sommes vraiment trop méchants ») procèdent de la MÊME structure mentale, de la même pensée dualiste.
Les gracieux échanges entre ces deux factions sont un exemple parfait de ce que décrit Hadjadj d’engrenage dans l’opposition stérile voire dangereuse.
Il faut « tout simplement » dépasser ce dualisme par le haut, et réfléchir au Bien Commun (de tous, par définition), ce que vous avez parfaitement dit par ailleurs d’autres manières :
Là : « …d’autant que si l’on pensait faire le bien des chrétiens d’Orient sur le dos des musulmans d’Orient, on y parviendrait difficilement. »
Et là : « Enfin, je trouve douteux de croire que l’on se mobilisera effectivement pour les peuples éloignés si l’on ne fait rien pour les plus proches. »
C’est le langage universel de l’Eglise, qui reconnaît l’importance de chaque ‘échelon’ (la personne, la famille, la nation, l’humanité, la création entière) en tant que réalité naturelle voulue par Dieu, dans une saine subsidiarité.
Koz a écrit :
Absolument d’accord. Malheureusement, je ne vois aucune possibilité, ici, d’échapper à tous les pièges à la fois. Le mieux que nous puissions faire est de choisir le moindre piège. Cet éditorial du Monde est ambigu et embarrassé: il montre où se trouvent les pièges mais sans vraiment proposer de porte de sortie, sauf, par défaut, l’inaction, qui n’est sûrement pas le moins dangereux des pièges.
Lib a écrit : :
Parallèle intéressant mais fallacieux. Je trouve normal de prendre parti pour des victimes qui vous sont particulièrement proches (ce qui ne doit pas empêcher de prendre aussi parti pour celles qui le sont moins, d’accord là-dessus avec PMalo)… Pour autant, faut-il en conclure qu’on peut orienter la justice pénale en fonction de la proximité qu’on pourrait ressentir ou non avec les criminels ?
Lib a écrit : :
Faut savoir résister à la tentation, des fois. Ici, le parallèle n’est pas seulement audacieux, il est absurde (@Gatien: +1).
PMalo, on est d’accord sur l’essentiel. Pour éviter l’engrenage, il faut bien entendu commencer par faire un effort sur soi-même. Mais il faut aussi et peut-être surtout tendre la main, encourager les modérés d’en face à faire de même, à prendre de l’assurance, à ne pas tolérer d’être représentés par des extrémistes. Un partenariat entre égaux ou équivallents ne peut pas prospérer à sens unique. De Gaulle – Adenauer ce n’était pas seulement les Allemands qui battaient leur coulpe ou seulement les Français qui renonçaient à la vengeance. C’était les deux, et plus encore, une volonté partagée de s’intéresser davantage à ce qui rapproche qu’à ce qui oppose.
C’est en cela que la réponse de Gatien est à coté de la plaque. Il ne parvient pas à s’extraire d’une logique de conflit dans laquelle je serais pour les employeurs et contre les salariés. Je répète pourtant depuis longtemps que je pense qu’employeurs et salariés ont infiniment plus d’intérêts communs que d’intérêts divergents. Ils n’ont aucune raison de se faire la guerre et toutes les raisons du monde de construire un partenariat respectueux comme en Allemagne ou dans les pays du nord.
PMalo a écrit : :
C’est sans doute là que nos opinions divergent. Je pense au contraire que la préférence pour le prochain est importante et même nécessaire pour deux raisons.
D’abord parce que je crois qu’on ne fait vraiment le bien qu’à petites touches, concrètement, humblement. Et que cela requiert la proximité. Sans doute des personnes exceptionnelle peuvent-elles faire le bien à grande échelle, mais tout le monde n’est pas Mandela et l’enfer est pavé de bonnes intentions et on ne sait jamais où vont retomber les grandes initiatives lyriques. Alors le plus sûr, c’est de faire son possible à son échelle.
Ensuite, parce que je ne pense pas qu’on crée un partenariat solide et durable en niant son propre intérêt. De Gaulle ne s’est pas rapproché d’Adenauer parce que c’était bon pour les Allemands mais parce que c’était bon pour les Français. Préférer son prochain, ça ne signifie pas faire son bien sur le dos d’un autre; ça signifie seulement faire son bien avant celui de l’autre.
Gatien a écrit : :
Il n’est pas non plus écrit en hébreux, en anglais ou en russe et comporte pourtant souvent des éditos enjoignant les dirigeants ou peuples israeliens, américains ou russe d’adopter tel ou tel comportement. Quand vous écrirez au courier des lecteurs du Monde pour leur expliquer qu’ils doivent arrêter ce genre de pratiques, vous serez gentils de nous mettre en copie, on n’a pas si souvent l’occasion de rigoler.
Gatien a écrit : :
C’est terrible. La logique de conflit binaire entre les gentils et les méchants, les coupables et les victimes est vraiment gravée en dur chez vous. Relisez le billet, il y est justement question de sortir de ces spirales.
Gatien a écrit : :
Non, vous n’avez pas compris le parallèle. Je veux dire, bien sûr, qu’il existe une frange extrémiste de patrons qui se vouent à l’extermination des pauvres dans des attentats à la bombe.
Gwynfrid a écrit : :
Merci d’avoir pris le temps de répondre à mon commentaire. J’espère qu’on aura encore plein d’occasions d’avoir des discussions aussi passionnantes en 2011.
Il me semble que l’universalité passe par l’individualité. Si l’on relit l’histoire biblique et l’histoire du salut, il y a élection d’un peuple, Israël, puis extension du salut aux nations, les autres peuples. L’histoire du commandement du Lévitique 19 « tu aimeras ton prochain comme toi-même » est très éloquente. En effet, si l’on lit le début du verset « Tu ne te vengeras point, et tu ne garderas point de rancune contre les enfants de ton peuple. », le prochain signifie avant tout le compatriote et le correligionnaire. D’où la question du scribe dans l’Evangile : « lui, voulant justifier sa question, dit : mais qui est mon prochain ? » C’est cette question qui nous vaut la réponse connue de la parabole du bon samaritain. Remarque, Jésus ne prend pas comme exemple le persécuteur et l’occupant romain, mais le cas d’un samaritain, peuple resté sur place pendant l’exil à Babylone et considéré par les juifs comme distinct et d’une certain manière idolâtre, mais non pas ennemi au sens militaire du mot. Jésus réalise donc une extension de ce commandement initial destiné aux fils du peuple, Israël, repris également dans le sermon sur la montagne qui commente de ne pas haïr l’ennemi. Le phénomène est bien celui d’une extension comprise dans une pédagogie de la Révélation, et l’on peut aussi l’appliquer aux individus qui sont à appele à aimer leur prochain « comme toi-même ». S’aimer soi-même, aimer son correligionaire, puis aimer son ennemi. Il ne s’agit nullement d’une opposition philosophique, mais d’une pédagogie de l’Amour. De même que le corps ne peut pas être dénigré dans une saine anthropologie chrétienne, mais qu’il doit être soumis aux motions de l’esprit pour être à sa juste place, de même, personne ne peut prétendre aimer le lointain s’il ne commence par s’aimer soi-même, puis son prochain. Cet ordre n’est pas une préférence d’ordre théorique, elle est la logique même de la pédagogie de l’Amour. En effet, l’Amour demande un effort, du plus facile au plus difficile. Il est aussi un chemin, qu’il soit individuel ou collectif.
@ Lib : « C’est sans doute là que nos opinions divergent. Je pense au contraire que la préférence pour le prochain est importante et même nécessaire pour deux raisons. »
Première raison : la proximité, le bien par petites touches concrètes et humbles, tout le monde n’est pas Mandela.
Je suis bien sûr d’accord ! Et cela n’est aucunement une objection à mon propos : j’avais dit plus haut « Voilà pour le principe ; l’application concrète, après… c’est certes un peu plus compliqué. »
C’est son attitude face à cette complexité qui fait la grandeur de l’Homme, qui doit donc agir en conscience et avec discernement ; si c’était simple, sans cette possibilité d’erreur, il n’y aurait aucune grandeur, aucune liberté, et on ne se prendrait pas la tête à réfléchir à tout cela ici-même. Mais reconnaître la complexité de la situation concrète contingente ne doit surtout pas nous faire lâcher sur les principes que tout le monde peut reconnaître comme vrais !
Il faut tenir par les deux bouts : les grands principes ‘abstraits’ et la plus petite réalité quotidienne et matérielle de proximité. Notre action quotidienne la plus basse doit être guidée par ces principes les plus hauts.
Remarquez par ailleurs que les Gandhi, Mandela, Mère Térésa, Thérèse de Lisieux, (choisissez qui vous voulez) n’ont jamais eu la prétention de changer le monde, mais la volonté de se changer eux-même, qui a transpiré dans TOUS leurs actes… et c’est le monde qui a fait appel à eux. La contagion, la capillarité du Bon, du Vrai, du Bien.
Deuxième raison : « je ne pense pas qu’on crée un partenariat solide et durable en niant son propre intérêt. »
« Préférer son prochain, ça ne signifie pas faire son bien sur le dos d’un autre; ça signifie seulement faire son bien avant celui de l’autre. »
Là, nous ne sommes effectivement pas d’accord.
Paf, vous retombez des deux pieds dans cette opposition stérile, celle de l’anthropologie libérale égoïste, individualiste et utilitariste (qui est en opposition avec l’anthropologie chrétienne). Je vous renvoie à mes commentaires précédents.
Qui vous parle de « nier son propre intérêt » ??? Mon propre intérêt est que l’autre soit heureux, et c’est ça qui me rend heureux. C’est donc dans mon propre intérêt de penser à l’autre, et d’arriver à un accord entre les deux parties qui satisfasse et grandisse tout le monde. Pourquoi voulez-vous que les intérêts soient nécessairement divergents ? Je ne dis pas que c’est facile à mettre concrètement en œuvre, mais ne pouvez-vous pas imaginer que le bien commun existe et que nous ayons à le chercher, tous, au-delà de nos « intérêts » égoïstes ?
C’est là toute la différence fondamentale entre l’anthropologie moderne (=libérale) qui cherche l’intérêt général par consensus et confrontation d’égoïsmes (c’est un relativisme !), et l’anthropologie réaliste chrétienne qui promeut le Bien commun par recherche commune d’un bien qui nous est antérieur et qui transcende totalement toutes nos petites personnes.
@ Nikkos : oui, 100% oui, mais le grand problème c’est qu’elle est parfois bien grande, la tentation de camoufler cette réelle opposition philosophique sous les beaux atours d’une pédagogie de l’Amour bien vite rangée au placard.
@ Nikkos
Dans la même veine : « Celui qui dit aimer Dieu, qu’il ne voit pas, et n’aime pas son frère, qu’il voit, est un menteur et un hypocrite. »
@ PMalo
Aristote, s’il entend bien le message évangélique, finira un jour par comprendre, a déjà eu quelques fois la chance de vivre le fait, que son bonheur passe par le bonheur de son prochain. Et comme dit Nikkos, cette expérience il la fait d’abord avec ses proches, sa femme, ses enfants, et un jour il réalise qu’il lui faut l’étendre. Jusqu’au bonheur de ses ennemis, c’est la radicalité du message évangélique, qui ne nie pas l’existence d’ennemis qui choisissent d’être nos ennemis, et dit de leur vouloir du bien…
On pourrait vouloir préciser ce qu’est ce bien qu’il faut souhaiter à ses ennemis, qui n’est certainement pas leur victoire. Mais il y a un problème plus difficile encore : si A me tape dessus, je peux choisir la non-violence jusqu’au bout, comme les moines de Thibérine. Si A tape B, je fais quoi ? Je lui parle du bien commun. Il continue à taper B. Quid alors ?
Bref le problème de la justice n’est pas le même que celui de la charité, même si celle-ci doit l’éclairer.
Flam a écrit : :
Bonsoir Flam,
je n’ai jamais dit qu’il ne fallait rien faire. Par contre, je pense qu’il faut prendre en compte différents points avant de décider d’agir.
Le premier point, c’est le tort réellement causé. Il y a une vraie hiérarchie entre un génocide total (le plus grave), des attaques ciblées contre les civils, comme des attentats (horribles mais qui ne causent pas tant de victimes que cela en nombre absolu), une oppression qui empêche aux gens d’une minorité d’avoir une vie quotidienne normale (l’appartheid par exemple), ou un régime qui réprime les volontés d’indépendance d’un peuple sans pour autant l’opprimer dans sa vie quotidienne.
Le second point, c’est la possibilité d’agir. Cela dépend de la puissance du bourreau et de ses alliés, de sa propre puissance, du fait qu’il s’agisse d’un état ou pas (il est plus difficile de combattre des acteurs non étatiques), de la distance (cela a l’air idiot, mais transporter des soldats à l’autre bout du monde coûte cher), du soutien que l’on aura sur place parmi les populations locales. Cela dépend aussi de ce que l’on peut envisager: par exemple, il est possible pour un gros pays occidental d’accueillir quelques dizaines de milliers de réfugiés sur son sol. Il est aussi plus facile d’agir si l’on peut géographiquement tailler un pays indépendant à la minorité brimée. Et il ne sert à rien de déclencher une guerre juste que l’on va perdre, cela ne servirait à rien.
Le troisième point, c’est le soutien que l’on peut avoir dans son opinion publique pour la cause que l’on souhaite défendre. C’est important puisque les guerres sont toujours plus longues, plus coûteuses et plus sanglantes que prévu.
En suivant ces préceptes, on voit tout de suite que l’on pouvait faire beaucoup plus de chose pour des bosniaques ou kosovars contre une Serbie sans alliés à nos portes (pendant la décennie où la Russie dormait) qu’on le peut pour, par exemple, le Darfour (plus loin, plus pauvre, pas de lien culturel entre nous et les habitants du Darfour).
Quand aux chrétiens d’orient, il y a une solution possible qui est l’exil en occident (d’ailleurs largement pratiquée déjà), mais si l’on veut faire autre chose, c’est assez compliqué: ils ne sont pas victimes d’un génocide systématique qui justifie une intervention militaire immédiate. Et l’on a finalement peu de leviers d’action, car les troubles sont le fait d’organisations non gouvernementales. Les gouvernements de ces pays ne sont probablement pas aussi actifs qu’ils le devraient, et parfois peut-être même complaisants avec les terroristes, mais cela reste difficile à prouver. On peut bien essayer de mettre la pression sur ces pays, ils ont un immense espace pour jouer un double jeu s’ils le souhaitent. Veut-on de plus se fâcher réellement avec des gouvernements qui pourraient être remplacés par des gouvernements encore pire, et qui sont aussi des partenaires commerciaux importants ? L’Egypte contrôle par exemple le Canal de Suez, et l’Arabie Saoudite le pétrole. Et même si l’on réussissait une intervention militaire ou diplomatique, il n’y aurait aucune garantie que le nouvel arrangement serait stable: dans 20 ans, la majorité musulmane pourrait de nouveau menacer la minorité chrétienne. Alors, même si les français sont, dans leur ensemble, solidaires des chrétiens d’orient (ce qui n’est à mon avis pas le cas), l’affaire semble mal partie.
Bref, je ne dis pas qu’il ne faut jamais rien faire, mais dans ce cas-là, je ne pense pas que nous puissions faire grand chose.
@Lib
Je ne me souviens pas d’articles du Monde s’adressant à Vladimir Poutine. Des articles critiques sur sa politique, oui. De la même façon, cet éditorial fait clairement d’Al Qaida le problème central, mais ne s’adresse pas à Ben Laden. Au contraire, il discute la position à adopter par nous; ce qui semble assez normal sur le principe.
Avec un peu d’optimisme, on peut faire l’hypothèse que, même s’il ne l’a pas écrit, l’auteur estime également souhaitable que les musulmans orientaux ne sombrent pas dans la « défiance généralisée ».
Secourir en premier celui qui court le plus grand danger au détriment d’un plus
prôche serait-il un acte estimable à vos yeux?
PMalo a écrit :
J’ai souvent naïvement tendance à penser que tout le monde est assez facilement d’accord avec ça.
@Koz
J’ai relu cet éditorial.
La seconde phrase également me parait refléter fidèlement le raisonnement Al-Qaida : exporter le conflit au coeur de l’occident en convaincant des musulmans qui y vivent de rejoindre sa secte. Ceux qui tombent dans le panneau ne sont pas forcément les mieux intégrés et les plus à l’aise dans leurs pompes, et des vecteurs privilégiés de propagande sont les médias internationaux et internet. Que l’occident dans son ensemble se déclare plus prôche de certains orientaux du fait de leur religion est du pain béni : non, décidément, l’occident ne mets pas à égalité toutes les religions. Si en plus les minorités musulmanes des EU et UE sont confrontées à un raidissement, c’est champagne.
Or, si vous cherchez un moment à montrer que l’occident mets bien à égalité toutes les religions, vous abandonnez finalement cette piste pour concéder que ce n’est pas le cas (même si selon vous la préférence chrétienne est nouvelle) et que c’est très bien ainsi :
Le réflêxe est bien humain. Si l’occident consacre à la défense des minorités chrétiennes plus d’énergie qu’à tout autre – même si c’est sans « ignorer » les souffrances des musulmans, c’est que l’occident se définit par rapport à une chrétienté transcontinentale. C’est ce que je comprends (vous parlez bien ici de l’Occident, pas des chrétiens occidentaux). C’est aussi ce que prétends la propagande d’Al-Qaida.
Même si c’était le cas, il me semblerait encore souhaitable que l' »Occident » mette autant d’énergie à soutenir les autres minorités ou peuples opprimés. Si l’énergie est en quantité limitée (mais a t’on seulement atteint la limite?), il conviendrait alors de la partager équitablement (idéaliste, et alors?). Sinon, la position de l’Occident, bien humaine ou pas, est imparfaite (voire pas très catholique).
Selon l’édito, Al Qaida compte bien tirer profit cette imperfection en tapant sur les chrétiens d’Orient pour sa démonstration. C’est plausible, et si c’est le cas cette stratégie ne me semble pas d’office vouée à l’échec. Si la démonstration fonctionne, il sera pertinent de la reproduire.
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Lib a écrit : :
Que veux-tu ? La validité de la démonstration par l’absurde de Gatien m’a sauté aux yeux, alors que celle de ton parallèle entre la lutte des classes et le terrorisme… ben, non. Peut-être mes yeux ne sont-ils pas en face des trous. Peut-être, aussi, ton parallèle était-il un brin excessif ? Quand au énième retour sur la lutte des classes… je ne suis pas le premier à trouver que cela commence à tourner au gimmick. Désolé j’ai exprimé cette réaction de manière trop abrupte.
Cet édito aurait été en effet bien meilleur sans son avant-dernier paragraphe, qui tombe un peu comme un cheveu dans la soupe, et est très mal écrit.
Sur le coup du « istaada ‘ousafirin bi hajar ouahad », attraper deux oiseaux avec une pierre (ça existe dans plein de langues, soit dit en passant, donc l’arabe l’a sans doute piqué à d’autres), je pense qu’il a parfaitement raison. En termes intérieurs, une attaque contre les coptes se rapproche des attaques passées contre les touristes, cela atteint le gouvernement de manière indirecte. Les coptes, minorité de moins en moins bien traitée, ne sont hélas qu’un instrument. Et attaquer des chrétiens permet d’ajouter un peu d’huile sur le feu à l’international.
L’opposition prochain/lointain qui se développe dans les commentaires me laisse un peu perplexe. Pas seulement parce que j’ai dans mes étagères un « kitab el mouqaddas » signé par Shenouda et que j’ai rencontré pas mal de coptes, et que cet attentat me touche particulièrement. Ils sont lointains mais pas tant que ça parce qu’ils sont chrétiens, donc on les soutient quand même ? Non, il ne faut pas se taire, qu’ils soient chrétiens, ou non, à 100 km ou à 10000. Et tu l’as très bien dit, Koz.
Il faut condamner cet attentat comme il faut condamner tous les autres que tu cites. On pourrait développer sur le « piège », mal exprimé dans l’édito, la stigmatisation de l’Islam en général et le choc des civilisations, ou sur les dangers de la stratégie de Moubarak (les islamistes seraient maintenant majoritaires en Egypte si de vraies élections avaient lieu), mais il se fait tard…
‘ousfourani et pas ‘ousafirin, pour le duel de moineau. Pan sur le bec. Ça m’apprendra à faire des commentaires trop tard et à vouloir ressortir mon arabe rouillé.
A un moment, on ne fera pas l’économie de savoir ce que veux vraiment Al Qaida. Parce que c’est bien joli, ces histoires d’une pierre deux coups, et c’est même sans doute vrai, mais ce serait tout de même surprenant qu’ils n’aientt pas un objectif primaire, le second front étant vu comme une gaterie que l’on ne se refuse pas, ou plus surement comme un moyen visant à progresser vers l’objectif principal.
Je reformule: les djihadistes visent ils prioritairement à monter une confrontation à l’échelle mondiale avec l’Occident, qu’ils finiraient par emporter ? Où sont ils plus interessés par des objectifs locaux : modeler un monde musulman conforme à leurs idées, entre autre en y luttant contre l’influence occidentale ?
Le deuxième objectif, local, m’a toujours paru plus logique. A la fois parce qu’il est beaucoup plus réalisable, et parce qu’il est conforme à l’observation: Al Qaida est après tout beaucoup plus active en terre d’Islam qu’en Occident, malgré quelques actions spectaculaires. Mais un biais bien humain nous fait systématiquement éxagérer le premier objectif: c’est nous, forcément nous, que l’on cherche à emmerder.
Cette obsession de ne pas tomber dans le piège est une manifestation de cette obsession occidentalo-centrée. On réfléchit à la réaction qu’Al Qaida est censée attendre de nous, là ou l’objectif d’Al Qaida est peut être tout simple: les infidèles en terre d’Islam ça commence à bien faire, alors ils s’en vont ou on les tue. Dans ce contexte, une chose est sûre: notre inaction ne les dérange pas le moins du monde.
Alors, il y a peut être un piège pour nous, mais au fond ce n’est pas que nous y tombions ou pas qui intéresse en premier lieu les jihadistes. Et nous, qu’est ce qui nous intéresse? Le sort des chrétiens d’Orient ou ces pièges tendus à notre égard, même s’ils semblent bien anecdotiques?
@ Vivien
La question est quand même : si et quand l’objectif « primaire » est atteint, vont-ils s’arrêter là ?
Je n’ai pas de lumières particulières, mais faut-il faire ce pari ?
En occident, on ne s’occupe que des chrétiens, c’est bien vrai ça.
Les grandes causes géopolitiques médiatiques des 20 dernières années, c’est la Somalie (92), la Bosnie (93-96), le Kosovo (99) [3 pays où on est intervenu alors qu’il n’y a là bas que des cailloux et des coups à prendre], l’Irak (2003-2009?) [enfin, qui peux prétendre qu’on a pas parlé des massacres en Irak ? et qui peux ignorer que 99,9% des morts ont pour cause première ou partielle les haines confessionnelles locales ?] et le Darfour. Que des chrétiens catholiques, hein.
A côté le sud-soudan a été ignoré pendant 20 ans. La disparition par la contrainte des minorités religieuses (d’abord juives, et maintenant chrétiennes) dans l’ensemble des pays musulmans n’a fait la une des médias qu’à de très rares occasions.
Bref, le débat part sur de telles bases pourries que ce n’est pas rattrapable. Et sur le premier « piège » d’Al Quaida, c’est déjà tiré par les cheveux. On parle de gens qui butent leurs voisins, il s’agit avant tout d’assurer une pureté religieuse dans ses pays, ramener ça à une opération de communication…
Je ne saurais trop vous recommander le dossier spécial de Sacristains Après Bagdad, et Alexandrie, pour lequel Natalia Trouiller a pu rassembler des témoignages exclusifs sur la situation en Egypte.
Que faut-il comprendre du massacre d’Alexandrie?
C’est la démonstration que Al-Qaïda est partout. Il a fallut très peu de temps pour qu’un groupe de ce réseau réussisse un attentat en Egypte après l’appel en novembre d’Al-Qaïda au meurtre des chrétiens d’Orient. Al-Qaïda confirme donc qu’il n’est pas seulement en guerre contre l’occident mais aussi contre le christianisme. C’est unilatéral, car le christianisme n’est pas en guerre contre Al-Qaïda. Les Etats qui sont éventuellement en guerre contre Al-Qaïda ne le font pas au nom du christianisme.
Al-Qaïda est de fait la branche terroriste officielle de l’Islam. Heureusement que le christianisme n’a pas d’équivalent d’Al-Qaïda. S’il y a un piège dans lequel il ne faut pas tomber, c’est bien celui-là. Une chose est sûre, il n’y aura pas de riposte avec la même méthode. Le match de ping-pong entre chrétiens et musulmans n’aura pas lieu, comme cela a été le cas entre sunnites et chiites.
Malheureusement, la seule possibilité qui existe est que les forces de l’ordre, la justice et les services du renseignement des pays concernés fassent leur travail. Une puissance étrangère comme la France ne peut rien faire de concret, à part faire des déclarations officielles de condamnation de ces actes. En coulisse, une puissance étrangère pourrait aider les pays en question avec des moyens financiers, techniques et de formation, pour lutter contre les massacres de chrétiens, mais est-ce vraiment justifié ? L’opinion publique et les éditoriaux comme celui du Monde ne le proposent pas. La seule solution, par défaut, est de regarder les chrétiens d’Orient se faire tuer et donner des visas à ceux qui veulent quitter leur pays avant.
J’ai pris conscience que je suis devenu aussi une cible potentielle d’Al-Qaïda. Il m’arrive rarement d’aller dans des pays dangereux pour des raisons professionnelles, mais j’ai des amis et collègues qui vont régulièrement dans des pays comme l’Iran ou le Yemen pour des boîtes françaises comme Total. Je connais des projets hydroélectriques en Afrique où sont impliquées des boîtes d’ingénierie françaises. La dernière fois que je suis allé en Algérie c’était dans le cadre d’un projet de GPL, tous les étrangers impliqués dans ce projet devaient être escortés par un véhicule de police lors de tout déplacement en dehors du complexe industriel. Cela fait longtemps qu’on ne voit plus d’ingénieurs américains dans les pays du Mahgreb. Les Anglais, les Français et les Italiens commencent eux aussi à être remplacés par des Chinois, des Indiens et autres nationalités. Il y a maintenant des boîtes basées à Singapour et au Nigéria qui interviennent dans ces projets. L’ironie du sort est que les pays comme les Etats Unis, la France, le Royaume Uni et l’Italie, qui luttent contre le terrorisme pour maintenir ces marchés ouverts, leurs entreprises n’en bénéficient pas plus que les Chinois ou les Indiens, qui eux ne s’engagent pas dans ce sens et de ce fait sont peut-être privilégiés.
Visiblement l’opinion publique française et Le Monde ne se sentent pas vraiment concernés par le terrorisme musulman. Cela reste totalement abstrait et donne plutôt dans le lyrisme et l’évocation de la laïcité et autres valeurs républicaines. N’auriez-vous pas remarqué que l’éditorialiste du Monde a presque attribué la responsabilité indirecte de l’attentat d’Alexandrie à Sarkosy ?
C’est vite dit. En dehors de Bush et sa croisade, il y a toutes sortes de milices chrétiennes fondamentalistes aux Etats-Unis.
Voir par exemple ces gamins assomés par un mix indigeste de nationalisme et de christianisme qui finissent par s’imaginer mourir en martyrs dans le combat contre les musulmans : http://www.turbo.fr/video-du-web/jesus-camp/iLyROoaft4vq.html
Et là il ne s’agit que de gamins…
Même si les dégats sont moindres à l’échelle globale, certaines de ces mouvances passent à l’acte (http://en.wikipedia.org/wiki/Bruce_Edwards_Ivins) et elles considèrent souvent Israël comme la tête de pont du combat contre l’islam.
Israël qui, au passage, passe pour un Etat terroriste allié de la droite chrétienne américaine aux yeux d’un certain nombre.
C’est probablement la meilleurs méthode. Les mesures concrètes de protection, la coopération policière, n’ont pas besoin d’être criées sur les toits, et ça coupe la chique à Al Qeida.
@Aristote
D’accord avec vous, les problèmes sont liés, mais au fond, ce n’est pas le problème.
Il s’agit içi que le problème des chrétiens d’Orient ne soit pas nié. En les ignorant purement et simplement, ou plus subtilement, à la manière du Monde, en les dépossédant de leur problème. A lire cet éditorial on a l’impression que le principal enjeu est le piège qui nous est tendu, réduisant les chrétiens au simple role d’appat dans une guerre globale qui les dépasseraient. Quelles souffrances subissont nous actuellement dans ce Grand Combat qui justifierait cette mise au second plan? Oui ou non, la souffrance des chrétiens d’Orient est elle un motif suffisant pour susciter notre intérêt, indépendamment de ces considérations géostratégiques dont nous sommes tous si friands, Le Monde en tête?
Oui ou non est-ce parcequ’ils sont chrétiens que notre intérêt doit être suscité? C’est bien là qu’est le supposé piège.
@ Gatien
Je comprends le piège, c’est à dire la volonté de pousser les chrétiens à entrer dans le cycle de violence.
Mais deux choses :
1) est-il impossible de s’intéresser au sort des chrétiens autrement qu’en entrant dans une escalade de violence ?
2) Le Monde est anti-chrétien et utilise le prétexte du « piège » pour dire le fond de sa pensée : qu’ils crèvent, on a rien à en foutre.
Enfin être comme chrétien sensible au sort des autres chrétiens ne dévalorise en rien les autres pas plus qu’un Français qui aime la France ne dévalorise les autres nations. Et je préfère un Allemand qui aime l’Allemagne à un Allemand qui la déteste.
Gatien a écrit : :
Bien sûr que non. L’autre piège, c’est de se noyer gaiement dans ce genre de diversion. C’est typique du questionnement psycho-philosophique absolument stérile (vous savez le truc pas catholique avec les mouches, bref…) qu’affectionne le microcosme pour se donner bonne conscience. Ils ne leur manquent que le courage pour exprimer le fond de leur pensée en qqs mots, qu’a très bien résumé Aristote.
@Aristote
1) Non. J’ai dit çi-dessus où allait ma préférence (des mesures concrêtes).
2) Rien que ça?…
@Courtlaïus
Vous dites « bien sûr que non », et je suis d’accord avec vous, mais Koz et certains commentateurs défendent un avis contraire, sauf erreur. Si on juge que ce questionnement est futile, il n’y a pas lieu de commenter à la suite de ce billet. A moins de considérer que taper sur Le Monde est une occupation moins futile…
Alexandrie, ç’a servi de colonne vertébrale au discours de ce matin.
Alors http://bit.ly/VoeuxPieux ou engagement concret ? A nous de l’aider à tenir en ce sens, peut-être.
Bonne année à toutes et tous, et Saint Noël à nos frères et sœurs orthodoxes !
M.
@ Gatien
Vous avez raison : taper sur Le Monde, c’est tirer sur une ambulance, cela manque d’élégance.
De toute manière, on sait bien que nos frères n’ont pas la bonne religion pour susciter l’indignation générale.
Mais ça reste fou de devoir d’attendre que ça pète dans la même semaine au Nigéria, en Egypte, aux Philippines et en Irak pour que Le Point daigne se fendre d’un numéro sur le sujet…
Quand au fait de ne pas s’indigner trop fort pour ne pas trop gêner la civilisation d’en face…
On a vraiment pas les même règles du jeu.
@ Verel:
Verel a écrit : :
@ Verel
Je pense qu’il a peu d’espaces dans le monde comme la France et l’Europe qui accueillent des millions d’étrangers en si peu de temps.
Au lieu de reprocher de ne pas en faire suffisamment, ne serait-il pas plus juste de penser à remercier la France?
Merci pour la liberté d’expression, pour le respect des femmes, pour la liberté religieuse. Y a t il dans le monde beaucoup de lieux où une religion puisse obtenir le statut de l’islam en France après 3 à 4 décennies de présence. Merci à la France pour cela. Merci de ne pas traiter les musulmans comme sont traités les chrétiens en Egypte, en Irak, au Pakistan, en Turquie, en Somalie, au Nigéria, au Soudan,…
Merci pour la solidarité: allocations familiales, chomage, maladie, vieillesse, RMI,…
Merci pour vos hôpitaux et vos écoles.
Merci de payer des impôts pour l’accueil des étrangers.
Merci pour votre police et votre système judiciaire qui essaient de faire respecter la paix dans notre pays.
Merci de donner à l’étranger tous les droits dès qu’il pose le pied en France. Merci de votre patience devant les voitures qui brûlent, les agressions dans le RER,…
Merci pour votre démocrarie. Merci pour le droits de l’Homme.
Hors sujet.
Mon oeil, passant paresseusement sur l’illustration de cette note, enregistre, en bas du panneau :
EMAIL LABORDE.
Presque inconsciemment je me dis : tiens, une adresse email, mais il y a quelque chose qui cloche, elle n’a pas la bonne forme.
Eh oui, le panneau est émaillé, et Laborde fait de la publicité pour son email !
elqana a écrit : :
D’accord avec vous, Elqana, notre pays – qui en a les moyens, c’est un pays riche – accueille un certain nombre d’étrangers.Merci pour cela à la France. Mais j’ose dire : »peut mieux faire ! »
Car il y a aussi la chasse au faciès, la ségrégation au travail, et tous ceux qui sont refoulés dans des conditions indignes. Alors indignons-nous! Nous valons mieux que ça !
Mais plus encore que les pouvoirs publics, comment nous citoyens français accueillons-nous l’étranger ?
Et au lieu de tout mélanger, les actions terroristes et les pays où elles ont lieu, pensons que nous n’aimerons pas, le jour où il y aura un attentat dans une église en France, être désignés comme un pays traitant mal les chrétiens…
@ Aristote, j’avais déjà remarqué cet email mais j’étais complètement perplexe car le panneau est antérieur aux autoroutes de l’information, merci 😉
@ Vic tord Hue, Go !:
Merci à elqana pour son message, j’espère qu’il est sincère.
On peut toujours mieux faire, Vic, mais la liste indiquée par elqana est réelle et mérite considération car la France n’est plus un pays riche, une grande partie de ces services offerts alourdit notre dette collective.
« Les gracieux échanges entre ces deux factions sont un exemple parfait de ce que décrit Hadjadj d’engrenage dans l’opposition stérile voire dangereuse. »
Je ne connais pas cet auteur, qui d’après ces quelques mots et un rapide coup d’oeil à sa page wikipedia m’a l’air bien intéressant. Il me semble qu’on est en plein dans la problématique du « tend la joue gauche »: cette injonction, qui vise à long terme, par sa répétition, à désarmer la violence de l’adversaire, se traduit souvent par un accroissement de violence unilatérale. Qu’était-ce que Munich si ce n’était une application malheureuse de ce principe? Nous vivons tiraillés entre l’injonction non-violente de « tendre la joue gauche », qui structure encore nos mentalités au-delà de l’apparente déchristianisation, et les craintes engendrées par le souvenir de Munich.
Par quel titre faut-il commencer la lecture de ce M. Hadjadj?
Logopathe
J’applaudis à deux mains ton billet Koz
@ Logopathe
Si on me frappe sur la joue droite, il me faut tendre la joue gauche.
Si on frappe le faible, le pauvre, à côté de moi, la question devient très différente. Il faut livrer sa vie, mais nous n’avons pas le droit de livrer celle d’autrui.
l’Évangile ne conduit pas à Münich. Ce n’est certainement pas lui qui a inspiré les acteurs de l’époque !!!
@ Aristote:
C’est un raccourci, certes; mais je le crois pertinent. La bonne compréhension du principe évangélique ne conduisait peut-être pas à Munich (encore que, je ne sais pas). Mais ce qui se passe à Munich, et en mai 40, c’est bien ça: un gouvernement français qui est passé de l’autre côté après la Première guerre mondiale, qui ne croit plus à la violence, qui s’est désarmé moralement, conformément à une morale de la non-violence qui vient bien de l’évangile; face à un gouvernement allemand tout entier acquis, au contraire, au culte de la force physique. Une grande partie des Français, intellectuels compris, était pacifiste en 39, parce qu’ils ne pouvaient même pas imaginer qu’après la boucherie de 14 on pouvait en redemander.
A Munich, l’Europe pacifiste a tendu la joue gauche à l’Europe belliciste. Elle a eu tord, politiquement et moralement. Elle a appliqué le principe à contre-temps. Mais c’est bien, d’une certaine manière, ce principe qui a été appliqué.
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