Ah, Bruno, si l’abbé s’était cantonné à sa sacristie…

Le renouveau, manifestement, c’est pas pour bientôt. Car s’il y a bien une tradition aussi erronée que constante dans le débat politique français, c’est celle de vouloir cantonner les prêtres et l’Église à la sacristie. Quand, il y a quarante-cinq ans, les évêques s’étaient élevés contre la course aux armements, l’amiral de Joybert, avait exhorté l’Eglise à remplir ses églises désertes plutôt que de se prononcer sur un sujet politique. En 2008, alors éditorialiste au Figaro, Yves de Kerdrel enjoignait aux évêques de se taire plutôt que s’opposer au travail dominical. En 2012, évidemment, d’aucuns considérèrent que l’Eglise n’avait rien à dire sur la famille. En 2011, Marine Le Pen le disait explicitement : « Les curés devraient rester dans leur sacristie, surtout quand on voit leurs résultats. » Là, c’est pas nouveau, mais c’est Bruno. Il réussit d’ailleurs la performance, dans un entretien qui a porté notamment sur le discrédit évident de la parole politique d’enjoindre le silence à d’autres. Pour reprendre les termes de Marine Le Pen, les politiques devraient faire preuve d’un peu d’humilité, « surtout quand on voit leurs résultats » !

Interrogé sur la laïcité, voici ce qu’explique Bruno Le Maire :

 « Quand on me dit qu’à Science Po, on fait un Hijab Day, je suis totalement opposé à cela. Mais de la même façon, quand dans les manifestations contre le Mariage pour Tous, je vois revenir un catholicisme politique et que l’on me dit que l’Église peut prendre des positions politiques, moi le catholique, dont toute la famille est catholique, je dis non. Je sais bien que cela crée de l’incompréhension, mais je tiens à cette ligne-là. Si cela aboutit à me faire traiter de laïcard, tant pis. J’ai dit à quel point la politique devait retrouver son souffle, sa capacité à dépasser ce que nous sommes comme individu pour rejoindre une ambition nationale. Mais dès que la religion tombe dans la politique, quelle que soit la religion, cela me pose une vraie difficulté. »

Passons sur la comparaison avec le Hijab Day, il y a déjà trop à dire. Passons aussi sur le procédé éculé consistant à mettre en avant ses convictions catholiques – à tout le moins son attachement identitaire – pour sommer l’Eglise de se taire. Nadine Morano ne manque jamais non plus une occasion de le faire, y compris pour expliquer que le pape ne comprend rien à la France, ce qui lui fait un deuxième point commun avec Bruno Le Maire, dont je lui laisse apprécier la valeur.

Arrêtons-nous un instant seulement sur une formulation : « quand dans les manifestations contre le Mariage Pour Tous (…) on me dit que l’Eglise peut prendre des positions politiques ». Des noms ! Qui a dit cela ? La seule initiative un peu coordonnée fut celle de Monseigneur Vingt-Trois, qui a appelé à prier pour que les enfants « cessent d’être les objets des désirs et des conflits des adultes pour bénéficier pleinement de l’amour d’un père et d’une mère ». Des évêques ont fait part, à titre individuel, de leur désaccord. Certains ont manifesté, à titre individuel. Mais un évêque n’a-t-il donc pas le droit de donner son opinion ? Les familles sont-elles un sujet qui serait interdit à l’Eglise, aux évêques ?

Car oui, de fait, c’est politique, au sens large du terme. L’Eglise ne peut pas s’occuper de la charité au quotidien et se désintéresser des décisions politiques structurelles qui l’impactent. Ca n’est pas politique au sens de ce que le personnel politique maltraite, caricature et racornit. Non, c’est politique comme l’exclusion l’est, comme la pauvreté l’est. C’est politique comme était politique la situation des Français à l’hiver 54. C’est politique comme est politique le sort des migrants qui crèvent sur les rives européennes, et que va rencontrer le pape, pendant que les politiques, eux, rentrent la tête dans les épaules les yeux frileusement rivés sur les sondages. C’est politique comme était politique le traitement des Roms contre lequel les évêques s’élevaient en 2010. C’est politique comme l’est le sort de notre Terre, que défend le pape dans Laudato Si. Tout cela est politique et il n’y a pas de tri à faire entre ces sujets, selon que la position de l’Eglise vous agrée ou non.  Alors, c’est toute la politique, ou rien. Mais l’option « rien » n’existe pas en démocratie. L’Eglise est au minimum un acteur social dont l’approche ne mérite pas moins de considération que celle dont bénéficie la multitude d’acteurs sociaux à la représentativité et à la réflexion pourtant douteuses qui ne manque pourtant pas de réclamer la parole. La réalité est que la laïcité est instrumentalisée par ceux qui y trouvent avec bonheur le moyen d’écarter un contradicteur gênant, sous couvert d’un grand principe.

Car il y a, au sein de l’Eglise, une intensité et une qualité de réflexion sociale comme il en existe peu ailleurs – et notamment pas au sein des partis politiques dont la production d’idées voisine le néant, en intensité comme en qualité. Celui que je suis, qui s’est d’abord exprimé sur des sujets strictement politiques avant de repousser mon horizon, peut témoigner de la qualité respective de la production écrite du personnel politique et des nombreux religieux dont je m’enfile les ouvrages.

C’est d’ailleurs un point que Bruno Le Maire pourrait creuser, lui qui, dans le même entretien, nous fait une opportune démonstration. Ainsi, à la question de savoir ce qu’il pense des propos du pape qui aurait dit que « la France en ferait trop sur la laïcité », voici qu’il répond ceci avec toujours la même humilité :

« Au préalable je dirais « Qui suis-je pour juger le pape »?. Je pense que cela traduit une incompréhension profonde de ce qu’est la nation française. La nation française et toute son histoire, est celle de la raison, des arguments, qui l’emportent sur les dogmes. Cela touche de façon très profonde de ce que nous sommes comme citoyens libres, de ce que nous sommes comme citoyens autonomes, responsables. Parce que nous raisonnons, parce que nous avançons des arguments, que nous sommes égaux. »

Passons sur la bonne blague du « qui suis-je pour juger ? », d’autant plus qu’il enchaîne sur rien moins que l’imputation d’une « incompréhension profonde de ce qu’est la nation française », ce qui ressemble à s’y méprendre à un jugement, pour le moins catégorique. Par bonheur, il est resté évasif et nous a épargné la tarte à la crème dont nous ont gratifiés Nadine Morano (encore elle) et Rachida Dati, sur « ce pape, qui est Argentin ». Bruno Le Maire a-t-il seulement pris connaissance des propos du pape ? Ceux qui commencent par : « un Etat doit être laïque. Les Etats confessionnels finissent mal. Cela va contre l’Histoire » ?[1] Je doute que cela soit le cas et donc, dans le même mouvement, je doute que cela le qualifie véritablement pour se prononcer sur la place de la raison et de l’argumentation, qui exigent à tout le moins l’une et l’autre de savoir sur quoi l’on prend position. Au demeurant, si Bruno Le Maire voulait bien se donner la peine, il pourrait constater que l’usage de la raison et des arguments n’est pas étranger au monde religieux, à sa vie quotidienne comme à sa production intellectuelle. La méconnaissance dont il fait état, au profit d’ailleurs de généralités discutables, pour imaginer exclure le monde religieux du monde de la raison, le cantonner à un statut subalterne et inférieur, y compris intellectuellement, est insultante.

Elle vient d’ailleurs invalider son propre propos. Car loin de faire preuve d’une « incompréhension profonde de ce qu’est la nation française », le pape a fait preuve d’une compréhension fine de ce pays et de l’état du débat en son sein, que vient involontairement étayer Bruno Le Maire, lorsqu’il a précisé ceci  :

La petite critique que j’adresserais à la France à cet égard est d’exagérer la laïcité. Cela provient d’une manière de considérer les religions comme une sous-culture et non comme une culture à part entière.

  1. in extenso, « Un État doit être laïque. Les États confessionnels finissent mal. Cela va contre l’Histoire. Je crois qu’une laïcité accompagnée d’une solide loi garantissant la liberté religieuse offre un cadre pour aller de l’avant. Nous sommes tous égaux, comme fils de Dieu ou avec notre dignité de personne. Mais chacun doit avoir la liberté d’extérioriser sa propre foi. Si une femme musulmane veut porter le voile, elle doit pouvoir le faire. De même, si un catholique veut porter une croix. On doit pouvoir professer sa foi non pas à côté mais au sein de la culture. La petite critique que j’adresserais à la France à cet égard est d’exagérer la laïcité. Cela provient d’une manière de considérer les religions comme une sous-culture et non comme une culture à part entière. Je crains que cette approche, qui se comprend par l’héritage des Lumières, ne demeure encore. La France devrait faire un pas en avant à ce sujet pour accepter que l’ouverture à la transcendance soit un droit pour tous. » []

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40 commentaires

  • Bruno Le Maire semble vouloir décidément tourner le dos à sa tribu. Il serait de gauche on parlerait de lui comme d’un social traître. Ce sentiment de trahison explique sans doute, sans les justifier, la violence des sifflets, vociférations et bannissements dont il fait l’objet de la part de militants ultras restés meurtris par le manque de reconnaissance dont ils furent l’objet en 2013. Votre billet en utilisant la raison, et un poil d’ironie, va plus loin, il ne creuse pas le fossé, comme les réactions violentes peuvent le faire, il le dévoile avec une terrible justesse. Force est de constater que l’abîme semble infranchissable, il va bien au-delà du positionnement tactique présumé de son abstention ou d’une fierté blessée par des sifflets. BLM s’est coulé tout entier dans le moule d’une pensée formatée par 40 ans de post-modernité : venant d’où il vient il a peut-être cru que c’était novateur, et n’a pas vu à quel point il n’était en réalité qu’un énième clone d’une pensée qui exclut, au lieu de débattre, et qui déconstruit au lieu de proposer. Quel gâchis ! On ne peut même pas se rassurer en se disant qu’il est mal conseillé (influencé ?) : sur des sujets pareils, avec la formation intellectuelle qui est la sienne, on peut exiger une réflexion personnelle qui ne cède pas à de telles facilités. Il tient peut-être pour négligeable le poids électoral des chrétiens en politique, il est douloureux de constater qu’il persévère dans ses efforts pour s’en faire des adversaires en cherchant sans doute l’approbation de maîtres à penser que plus personne n’écoute.

  • Bien sûr, complètement d’accord avec ce billet.

    La nation française et toute son histoire, est celle de la raison, des arguments, qui l’emportent sur les dogmes. Cela touche de façon très profonde de ce que nous sommes comme citoyens libres, de ce que nous sommes comme citoyens autonomes, responsables. Parce que nous raisonnons, parce que nous avançons des arguments, que nous sommes égaux.

    Le niveau de ce raisonnement est aussi affligeant que celui du français employé pour le défendre. L’argument est en réalité tout d’autorité – vous n’avez rien à dire, parce nous sommes libres et égaux. Me voilà tout ébloui devant tant de finesse.

  • J’ai tiqué en entendant les différentes réactions des politiques après l’entretien du Pape à la Croix.
    Il apparaît une chose claire : ils n’ont pas lu l’entretien.

    La question est maintenant de savoir comment ne l’ont-ils pas lu ?
    1- Pas lu du tout et se contente des titres de presse ?
    Alors c’est, a minima, une faute professionnelle de base ! Dans ce cas, à caser dans le groupe des incompétents.

    2- Lu et pas compris ?
    Idem que le point 1, groupe des incompétents.

    3- Lu et compris, mais profondément pas d’accord ?
    Ok, cela peut être argumenté. Je ne suis pas d’accord, mais c’est une position qui peut se tenir.
    Je ne vois pas comment l’on peut être catholique et tenir cette position.

    4- Lu, compris et d’accord. Mais, c’est un bien mauvais calcul politique que de le dire. En critiquant la laïcité française telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui, on offre un angle d’attaque trop facile aux adversaires et on n’a pas envie de faire l’effort de défendre ce point de vue.
    Alors, ceux-là sont à mettre dans le groupe des faibles. Lorsque l’on n’a pas le courage de défendre ses convictions, on ne doit pas être un élu de la République.

    Si nous tentons de ranger nos trois loustics dans les cases, il est probable que Nadine Morano rentre dans la première ou seconde catégorie. Rachida Dati, certainement dans la seconde. Par contre, BLM, je le soupçonne d’être dans la quatrième. Koz, peut être pourriez-vous l’inviter à venir nous expliquer sont point de vue en commentaire ?

    Reste un point. Le traitement journalistique de cette interview. Je parle ici de comment a été traitée la question par les différentes radios et les journaux. Il m’a semblé que le propos était significativement déformé. La citation donnée était de l’ordre de « La [petite] critique que j’adresserais à la France [à cet égard] est d’exagérer la laïcité. » en prenant soin d’ôter ce qui est entre crochet. Les intonations des questions de Léa Salamé sur Inter ou sur Europe 1 au Grand Rendez-vous montraient une bonne dose de non objectivité.
    Le rôle médiatique n’est pas à mettre de côté. Et, les politiques qui se contentent de considérer pour acquis un résumé éditorialisé d’une interview sont, à mon sens, à chasser de nos projets de vote. Une démocratie qui fonctionne correctement n’élit pas des personnes qui défendront les convictions les plus consensuelles, mais des personnes qui défendront leurs propres convictions.

    Merci Koz pour ce billet.

    Augustin

  • Bruno Le Maire souhaite aussi que les comptes bancaires des bénéficiaires du RSA puissent être contrôlés. C’est une proposition qui me met mal à l’aise.

  • Il est incompréhensible que des catholiques séparent leur opinion personnelle et leur opinion publique sous prétexte de laïcité. De la part d’un catholique, demander aux hommes d’Église de rester dans leur sacristie revient à leur demander de ne pas trop nous déranger dans nos mondanités. On voit que ce ceci a donné pendant des décennies.
    Autant on ne peut pas porter son catholicisme en étendard est contre productif si on ne travaille pas sa relation à Dieu, autant travailler sa relation à Dieu a forcement un impact sur sa vie publique. La relation à Dieu progresse en l’Église. Par ceci, notre appartenance à l’Église (clercs ou non) a un impact dans l’espace publique.

  • Merci pour le billet. Le positionnement de Bruno Le Maire est assez troublant. J’imagine qu’il y a une part de sincérité, qu’il se sent vraiment mal à l’aise vis-à-vis des mouvements traditionalistes, mais c’est fatigant de le voir bien faire exprès de marquer une opposition qui devient assez ridicule.

    J’avoue que je ne comprends pas la phrase « Celui que je suis, qui s’est d’abord exprimé sur des sujets strictement politiques avant de repousser mon horizon, peut témoigner de la qualité respective de la production écrite du personnel politique et des nombreux religieux dont je m’enfile les ouvrages. », vous parlez de vous à la première et troisième personne à la fois, ou je rate une référence ?

  • Bonjour Koz,

    Comme tu l’as bien introduit, cette critique sur l’Eglise qui n’a pas à se mêler de politique est récurrente. Mais en te lisant, je repense soudain à une grille de lecture de cette critique même plus large au regard de l’histoire. C’est le problème de la liberté religieuse face aux religions transnationnales ou étrangères, et de l’assimilation de ses croyants. Le christianisme a toujours posé ce problème aux grandes puissances, puisqu’ils relativisait de lui-même la souveraineté de l’état/empire sur les citoyens qui se réclament de la foi chrétienne.

    D’ailleurs, le problème est le même pour nos politiciens avec l’Islam, mais on voit bien que, chez une majorité, on tente encore avec l’Islam le coup de l’époque révolutionnaire avec les catholiques : de distinguer (et d’enjoindre les musulmans à se positionner) un « Islam de France » (équivalent gallican) d’un Islam qui ne le serait pas, par élimination (l’équivalent du catholique ultramontain). La France a vraisemblablement moins de problème sur ce point avec le judaïsme aujourd’hui – il faut souligner le « aujourd’hui » – d’abord par sentiment de culpabilité, il faut bien le reconnaître, mais aussi parce que, par certains aspects, les institutions juives de France réussissent à manifester cette fabuleuse synthèse, qu’est la logique de la diaspora, entre une solidarité exemplaire avec l’état français et une solidarité non moins exemplaire avec leur peuple/patrie d’origine (ou de destination) qui ne saurait être français. Et pourtant, ces institutions s’affrontent aussi à l’état français, comme récemment, après lui avoir bien remonté les bretelles au sujet de son vote à l’UNESCO (sur une affaire culturel ET de politique extérieur, rien de moins). Il y avait d’ailleurs, jusqu’aux grandes révoltes du premier siècle, le même compromis possible entre l’empire romain et le peuple juif, chez qui on « tolérait » la spécificité, étant entendu que toute façon, c’était clair (au moins) : cette religion était attachée à un peuple et à une terre, donc à une nation, en quelques sortes.

    Et puis il y a la question de la démographie et de l’expansion de telle ou telle religion qui n’est pas suffisamment mesurable, compréhensible, avec une grille de lecture politique, pas même culturelle, problème qu’un état rencontre moins avec le judaïsme qui ne manifeste pas particulièrement de prosélytisme et ne « menace » pas de transformer tous les citoyens d’un pays en adeptes de la même religion (ce qui s’apparente dans l’esprit d’un politique à un genre de coup d’état sur le long terme). Pour le christianisme, cette menace est représenté par sa représentativité dans ce qui reste des racines de la France (encore trop catholique au gout de certains), et pour les musulmans, elle est représenté par l’immigration (l’islam étant essentiellement perçue comme une religion de « l’extérieur »).

    Du coup, la souveraineté de l’état français étant gravement rabougrie, celui-ci se sent sans réel pouvoir autre que celui qu’il peut éventuellement s’inventer sur tel ou tel « dissident » intérieur ou sur telle ou telle menace extérieur, histoire de se la jouer souverain un peu quand même.

    Et il faut ajouter que la France ne se reconnait plus de religion, ce qui anthropologiquement revient à lui nier le caractère de nation et à gravement l’handicaper au plan culturel. Il en ressort inévitablement, et c’est un minimum, un problème avec la définition de la liberté religieuse à la française. Cela paraît paradoxal, mais la liberté religieuse ne se conçoit qu’au sein d’une religion, dans sa définition antique de culture nationale identifiée, assumée et revendiquée, fondant la notion de peuple. A partir de là, et de là seulement, on peut y aménager un espace de liberté, y compris pour les autres religions, et même sans nécessairement les assimiler.

    Bref, je crois que tant que la France sera une sous-nation et un sous-état, le christianisme, comme l’islam, y seront considérés comme des sous-cultures et leurs adeptes bien identifiés comme des sous-citoyens. Un peu comme des boucs émissaires, en somme, de ce handicap culturel et politique du pays.

    Bon voilà, t’as vu, ça faisait super longtemps que je ne t’avais pas laissé une tartine. Ça se voit que je suis presque en vacances, hein ! 🙂

  • Merci pour ce nouveau billet que je m’empresse de partager. Les réactions convenues de ces wannabe présidents sont usantes. Tout ça pour plaire à qui? Je reste perplexe devant une absence si totale de réflexion. La politique de Mme Michu, sans même y ajouter une gestion « en bonne mère de famille ».

    koz2017, plus que jamais (si c’est 2022, on essayera de tenir jusque là, tant bien que mal).

  • Ajoutons ceci à l’exposé de Koz :

    « Les pasteurs, en accueillant les apports des différentes sciences, ont le droit d’émettre des opinions sur tout ce qui concerne la vie des personnes, du moment que la tâche de l’évangélisation implique et exige une promotion intégrale de chaque être humain. » (Evangelii Gaudium, 182).

    « En conséquence, personne ne peut exiger de nous que nous reléguions la religion dans la secrète intimité des personnes, sans aucune influence sur la vie sociale et nationale, sans se préoccuper de la santé des institutions de la société civile, sans s’exprimer sur les événements qui intéressent les citoyens. Qui oserait enfermer dans un temple et faire taire le message de saint François d’Assise et de la bienheureuse Teresa de Calcutta ? Ils ne pourraient l’accepter. Une foi authentique – qui n’est jamais confortable et individualiste – implique toujours un profond désir de changer le monde, de transmettre des valeurs, de laisser quelque chose de meilleur après notre passage sur la terre. (…) Bien que « l’ordre juste de la société et de l’État soit un devoir essentiel du politique », l’Église « ne peut ni ne doit rester à l’écart dans la lutte pour la justice ».[150] Tous les chrétiens, et aussi les pasteurs, sont appelés à se préoccuper de la construction d’un monde meilleur. » (Ibid., 183)

  • « La nation française et toute son histoire, est celle de la raison, des arguments, qui l’emportent sur les dogmes. Cela touche de façon très profonde de ce que nous sommes comme citoyens libres (…) Parce que nous raisonnons, parce que nous avançons des arguments, que nous sommes égaux. » Bruno Le Maire

    « Je crois qu’une laïcité accompagnée d’une solide loi garantissant la liberté religieuse offre un cadre pour aller de l’avant. Nous sommes tous égaux, comme fils de Dieu ou avec notre dignité de personne. » Pape François

    On voit dans ces deux extraits la même attention à la liberté et l’égalité, mais aussi les différences…

    Pour Bruno Le Maire, la liberté ou l’égalité semblent être comme la conséquence de la faculté de raisonner, d’argumenter, de prendre position dans l’espace public.
    Mais il y a un implicite : prendre position ou argumenter d’une façon considérée comme légitime par ceux qui organisent cet espace public, y définissent les interlocuteurs et les positions légitimes ou illégitimes (politiquement corrects, etc.) Donc sont exclus de cette belle construction à la fois les « hommes sans qualité » (pas assez intellectuels pour construire une argumentation) et les interlocuteurs jugés illégitimes (dont hélas trop souvent les catholiques).

    A contrario, la liberté ou l’égalité selon le pape sont fondés sur la nature même de la personne humaine : tous ont droit à la même considération.

  • @ François D : je lui ai reconnu un certain courage et une certaine constance à l’époque, préférant un Le Maire qui dit dès le départ qu’il ne touchera pas à la loi Taubira à un Sarkozy qui prétend le contraire, sans convaincre, et qui lâche tout le monde ensuite. Seulement cela commence à bien faire de servir de repoussoir à un candidat qui veut camoufler son image de gentil garçon propre sur lui et catho et cela commence à lasser qu’il invoque, comme il vient de le faire sur Europe1, son refus de revenir sur le mariage pour tous comme une marque de courage. C’est aujourd’hui très convenu. Aucun candidat ne prétend revenir dessus.

    Gwynfrid a écrit :

    Le niveau de ce raisonnement est aussi affligeant que celui du français employé pour le défendre. L’argument est en réalité tout d’autorité – vous n’avez rien à dire, parce nous sommes libres et égaux. Me voilà tout ébloui devant tant de finesse.

    Le billet aurait pu être plus long tant, en effet, le raisonnement est fallacieux. Et ce raisonnement qui n’en est pas un se prévaut de la raison et des arguments ?!

    @ Augustin de Vanssay : je ne pense pas que Bruno Le Maire puisse être d’accord avec le pape mais juger opportun, dans une publication catholique, de prétendre le contraire. En revanche, je suis d’accord avec vous sur le fait que les propos du pape ont été, comme souvent, modifiés pour aller au plus pressé. De « une petite critique que j’adresserais etc », c’est devenu « le pape juge que la France exagère la laïcité ». Mais un politique comme Bruno Le Maire n’a pas d’excuse à se contenter du bruit médiatique, surtout lorsqu’il se rend dans la rédaction d’un journal catholique quelques jours seulement après l’interview. On bosse un minimum.

    Ceyratois a écrit :

    J’imagine qu’il y a une part de sincérité, qu’il se sent vraiment mal à l’aise vis-à-vis des mouvements traditionalistes, mais c’est fatigant de le voir bien faire exprès de marquer une opposition qui devient assez ridicule.

    Si tel est le cas, qu’il le précise. Ici, son propos est tout à fait général.

    @ Antoine Pasquier : nous sommes d’accord mais là, je dirais que c’est de l’ad intra. Je réponds sur le terrain laïc avec des arguments laïcs. Le pape aussi, d’ailleurs, mais citer le pape passe pour moins laïc 😉

    @ Aimé Blumetern : la différence que vous pointez serait assez lamentable. Les catholiques, ne se fondant pas sur la raison et l’argumentation d’après Bruno Le Maire, seraient-ils moins égaux que les autres ? C’est typiquement la « sous-culture » dont parle le pape.

  • Koz

    je ne pense pas que Bruno Le Maire puisse être d’accord avec le pape mais juger opportun, dans une publication catholique, de prétendre le contraire.

    Le fait que la publication soit catholique ou non ne va pas changer sa prise de position. Ou alors il est en dessous de tout !

    Mais un politique comme Bruno Le Maire n’a pas d’excuse à se contenter du bruit médiatique

    Je suis d’accord que c’est le plus probable, mais ça n’en est pas moins grave. C’est classique mais montre un cruel manque d’implication du personnel politique dans ses prises de positions publiques. Bref, le genre de truc qui fait déprimer…

  • On pourrait même remonter à plus loin. Les interventions pontificales en matière sociale, à compter de Léon XIII, n’ont pas fait très plaisir à certaines oreilles, catholiques ou politiques (voire les deux !). Et je ne parle pas de la condamnation de l’Action française. Il fallait le génie d’un Bernanos, d’un Mauriac, d’un Maritain, d’un Mounier, pour rappeler, y compris à ses propres coreligionnaires, combien la foi chrétienne est intrinsèquement porteuse d’une charge sociale, c’est-à-dire politique (ce qui concerne la polis, la vie en commun), qui peut (et souvent c’est le cas) aller jusqu’à dénoncer la situation « du monde ».

    Antoine Pasquier rappelle utilement que Vatican II a bien sûr repris tout ça comme étant une évidence : l’intervention politico-sociale (mais non politico-partisane) de l’Eglise appartient à son essence même.
    Il n’y à absolument aucune atteinte à la responsabilité propre des dirigeants politiques qu’en ils sont interpellés, y compris en partant du terrain de la foi, sur leurs politiques. D’une part l’Evangile le montre tellement qu’il serait ridicule de le rappeler. D’autre part, il ne faut pas oublier que le même Nouveau Testament tient que la loi naturelle est également révélée, et de foi. Voilà pourquoi, comme Pneumatis le rappelle tout aussi excellemment, il s’est toujours trouvé des chrétiens pour opposer à la souveraineté du Prince celle de Dieu. Et sans même remonter jusqu’aux Actes des Apôtres, on pourra citer le théologien allemand Erik Peterson qui, tant dans son essai sur Le monothéisme comme problème politique (tout un programme ce titre !) que dans son ouvrage sur Les anges, s’oppose tant à la théologie politique de Carl Schmitt, qui légitime la souveraineté totale du Chef (le décisionnisme) qu’à la notion d’Eglise d’Etat (du Reich, en l’espèce). Notamment en rappeler la conséquence de la Royauté eschatologique du Christ.

    Mais j’abonde surtout dans le sens d’Aimé Blumetern. Et j’irais encore plus loin que toi cher Koz.
    L’argumentation de BLM, puisqu’il entend être pris à ce niveau-là, repose sur les trois arguments suivants :
    – la raison s’oppose aux dogmes ;
    – cette raison-là est le (seul) fondement de la liberté et de l’égalité des citoyens
    – la politique est « capacité à dépasser ce que nous sommes comme individu pour rejoindre une ambition nationale », ce que ne serait pas la religion.

    Quand je vois ça, ce n’est pas de laïcard que j’ai envie de traiter BLM. C’est d’anticlérical. Parce qu’on a l’impression de lire tout bêtement du républicain fin IIIème de base. Et là, je m’interroge. Quel « catholique » BLM entend-il être ? Je sais bien que pour tout individualiste-libéral qui se respecte, les mots ne sont que cela, aucune définition n’est absolue et rien n’est vrai que subjectivement. Mais enfin, un pêcheur à la mouche n’est pas un pêcheur au filet et pour n’importe quelle personne qui cherche à utiliser sa raison même dans le sens que BLM lui donne, un catholique ne peut penser cela. Les dits républicains IIIè ne s’y trompaient pas, qui professant cela, en tiraient fort justement la conclusion qu’ils ne voulaient pas être catholiques ! BLM veut à tout prix montrer qu’il incarne la figure de la cohérence, y compris dans l’épreuve : il est pour la loi Taubira et l’assume. Faisons lui au moins ce crédit-là. Et bien qu’il aille au bout de sa logique…

    Mais bon, ceci est assez formel et pas très intéressant.
    Ce qui l’est plus, en revanche, c’est ce que ces mots nous apprennent de M. BLM himself.

    D’abord que c’est un inculte. Je veux dire aux yeux de la raison raisonnant. De la Science (avec un grand S). Faudra-t-il lui mettre sous les yeux un exemplaire ouvert de la Somme de Théologie de saint Thomas pour qu’il remarque que l’intégralité des centaines de page de l’ouvrage n’est formée que de questions et d’arguments sed et contra ? Que l’université est née de la civilisation chrétienne ? On n’en finit pas de le dire et c’est lassant. Mais c’est source d’étonnement aussi que de voir que cela n’imprime pas à ce point : même chez un catho de droite ! Tant pis donc pour l’histoire du christianisme et de la civilisation occidentale.

    Ensuite, que c’est un héritier des Lumières (il connaît bien son Kant). Ce qui ne me pose aucun problème a priori. Dire que la raison est le fondement de la liberté et de l’égalité, cela me va très bien. Saint Thomas le disait déjà, soi dit en passant. Ha et puis saint Augustin avant lui… Mais d’où vient la raison…? Et surtout, quelle conception de la responsabilité politique peut bien avoir quelqu’un qui dit : « nous sommes égaux parce que nous avançons des arguments » ? Même Kant n’a pas dit que tous les arguments se valaient ! Si cela suffit, alors ses arguments sont aussi égaux que les miens et tant pis pour la nation : on n’a plus que des individus tous égaux dans leur subjectivisme. Autant dire que le choix des arguments qui vont avoir un effet politique, i.e. qui vont être retenus dans un programme, est affaire de doigt mouillé plutôt que de raison…

    Enfin, et surtout, que peut bien sous-entendre « J’ai dit à quel point la politique devait retrouver son souffle, sa capacité à dépasser ce que nous sommes comme individu pour rejoindre une ambition nationale. Mais dès que la religion tombe dans la politique, quelle que soit la religion, cela me pose une vraie difficulté » ? Pourquoi juxtaposer ces deux affirmations, qui a priori n’ont rien à voir ? Sans trop tirer le sens, cela sonne quand même un peu comme « la religion, elle, contrairement à la politique, n’a aucune capacité à dépasser l’individu pour rejoindre une ambition nationale »…
    En premier lieu, ces termes sont évocateurs. Ils sont à la fois conformes à la doxa libérale individualiste dont je viens de parler. On ne parlera plus de bien commun mais d’ambition nationale. C’est-à-dire d’un truc entièrement construit, autoréférencé, un projet volontariste. Mais pourquoi adhérer à l’ambition de M. Le Maire ?
    En deuxième lieu, cela pointe bien sûr vers une contradiction. Si la raison nous fait tous égaux et libres et qu’on a la conception hyper individualiste de ces notions que BLM en a, comment la politique pourra-t-elle dépasser l’individu ?
    En troisième lieu, je tombe d’accord sur le fait que la religion – au moins les monothéismes issus de la révélation abrahamique, – est universaliste et ne finalise pas vers une communauté nationale. Mais lui reprocher l’impossibilité de dépasser l’individu…? C’est au contraire ce que les Lumières lui reprochaient en partie : de trop le dépasser !

    Il y a bien des sens où les mots utilisés par BLM sont forts justes. Mais malheureusement pas le sens obvie dans lequel il les emploie. Et certainement pas quand on se dit catholique.

    Ceci dit, pour finir sur une bonne blague :
    « quand dans les manifestations contre le Mariage pour Tous, je vois revenir un catholicisme politique  »
    ça alors ! Dans les années 60, on pouvait être catho et manifester en tant que tel au côté du PC. Qu’on reproche aux catho LMPT une « politisation à droite », je veux bien le comprendre. Mais un « retour au catholicisme politique »… Là on interdit tout simplement toute expression publique !
    Koz repose donc la question : c’est quoi un catholicisme qui « reste à regarder vers le ciel » (Ac 1, 11) ?

  • Cher Koz,

    ton propos, à commencer par le titre de ton article, me semble un peu caricatural et je trouve ça dommage. Il y a dans ce débat beaucoup de malentendus et quelques procès d’intention. Je ne peux évidemment pas lire dans les pensées de Bruno Lemaire (homme politique avec lequel, par ailleurs, je ne partage pas grand chose), et son propos est tellement peu développé qu’on aimerait creuser le sujet pour en savoir plus. Est-il laïciste ou ne l’est-il pas ? Je ne saurai pas répondre à cette question. Mais il me semble qu’une partie de ce qu’il a dit mérite d’être entendue.

    Comment ne pas être d’accord, en effet, sur le fait que l’Eglise ne peut pas et ne doit pas se transformer en force politique. Cela est arrivé dans l’histoire récente de notre pays. Au XIXe siècle, du côté des monarchistes, avec un refus obstiné de la République et de la démocratie, et en 1939-1945 avec Pétain, soutenu par la quasi totalité des évêques de France. Nous savons malheureusement où cela nous a conduit. Aujourd’hui, nous n’en sommes pas là, mais ne nous voilons pas la face : depuis la Manif pour tous (et je trouve très intéressant que Bruno Lemaire cite cet exemple), il y a au sein du catholicisme de nouvelles tentations (des tentatives mêmes) de reconstituer une sorte de lobby ou de « parti catholique », dont la raison d’être est d’entrer dans l’arène politique (politicienne) pour faire pression sur les élus et sur les institutions. Cette démarche est non seulement contraire à la laïcité, mais elle est contraire à l’esprit de l’Evangile. A ce que je sache, Jésus n’a jamais créé de parti politique et il a toujours pris ses distances avec les zélotes qui combattaient l’occupation romaine. « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ». Comme l’écrit Saint Paul, la force des chrétiens résident dans leur faiblesse et donc, par voie de conséquence, dans leur refus d’exercer un pouvoir sur les autres C’est la raison pour laquelle un homme (un saint ?) comme Jean Vanier ne cesse d’appeler l’Eglise a plus d’humilité : « Le pouvoir fait peur, dit-il, l’humilité attire ». En ce sens, la laïcité, en tant que séparation des pouvoirs spirituel et temporel, est une chance pour nous tous.

    Dans ton titre, tu cites l’abbé Pierre… Je ne vois pas le rapport avec le débat sur la laïcité. L’abbé Pierre a fait ce que nous devrions tous faire. Il a agi comme un citoyen (chrétien de surcroit) pour éveiller les consciences. Il a agi personnellement, avec ses premiers compagnons, sans convoquer le pape, les évêques et l’institution toute entière. S’il était encore parmi nous aujourd’hui, il ne viendrait à personne l’idée de lui interdire de s’exprimer. Il est très intéressant de constater d’ailleurs que ses héritiers sont réunis dans des associations non-confessionnelles. C’est aussi le cas du père Joseph Wresinski, avec ATD Quart Monde. Tout est affaire d’attitude : catholiques, prétendons-nous imposer un message, persuadés que nous détenons la vérité ultime et absolue sur les êtres et sur les choses (ce fut la tentation de la Manif pour tous) ? Où sommes-nous dans une démarche démocratique et républicaine qui consiste à ne jamais se taire, à dénoncer ce qui doit être dénoncé, à encourager ce qui peut être encouragé, mais sans jamais chercher à prendre le pouvoir ou même à imposer nos vues.

    En ce qui me concerne, cela fait plus de trente ans que je prends position, au nom de ma foi, dans de nombreux sujets sociaux et politiques. Je n’ai jamais renoncé à m’exprimer, comme chrétien, dans l’espace publique. Et je ne renoncerai jamais. A l’âge de 20 ans, opposé à l’usage des armes, j’ai fait le choix de l’objection de conscience et cela a contribué à me construire. A l’époque, les objecteurs de conscience étaient plus ou moins considérés comme des déviants : j’ai donc dû effectuer un service civil de deux ans, dans un foyer d’accueil pour des femmes battues et maltraitées. J’ai aussi participé pendant des années au groupe « Paroles », un groupe d’intellectuels catholiques (avec notamment Guy Aurenche, René Rémond, Paul Malartre, Monique Hebrard ou Elena Lasida) dont le but était de prendre position , comme laïcs catholiques, sur des sujets sociaux ou politiques dans les grands médias de la presse écrite. Aujourd’hui, j’essaie de combattre toutes les formes de discriminations envers les gens de la rue, les migrants, les Roms, les musulmans ou les homosexuels. Mon engagement se veut politique, sans être politicien. Autre précision importante : sur les réseaux sociaux, je ne ménage pas mon temps et mon énergie pour dénoncer le laïcisme militant de certains courants actuels qui, de mon point de vue, menace la cohésion nationale. Et heureusement, beaucoup d’autres chrétiens sont engagés dans ces domaines et dans bien d’autres encore. S’engager politiquement, intervenir dans le débat public, comme chrétien-citoyen, fait partie de notre responsabilité. C’est une attitude à la fois démocratique et évangélique.

    En revanche, convoquer l’institution ecclésiale et en appeler à toute la « communauté » (comme ce fut le cas lors de la Manif pour tous) pour faire pression sur un gouvernement et imposer sa loi (sa charia ?) relève pour moi d’une dérive et d’une confusion politico-religieuse que je juge dangereuse. Bruno Lemaire aussi, et il a raison. Qu’il soit juif, chrétien ou musulman, le communautarisme est toujours condamnable. Pendant cette période tendue, douloureuse devrais-je dire, beaucoup de catholiques (et j’en fais partie) ont été choqués par tous ces appels à manifester lancés en pleine messe (pendant l’homélie) ou lors des annonces avant la sortie. Quelle confusion ! La messe n’est pas un meeting. C’est parce que l’Eglise restera spirituelle et approfondira le message de l’Evangile, sans se fourvoyer dans l’action partisane ou dans la recherche du pouvoir, qu’elle pourra continuer à remplir sa mission : annoncer le Christ aux hommes et aux femmes d’aujourd’hui.

    • Bonjour Laurent
      La politique fait partie de la Charité. La Charité est ce qui concerne en tout premier lieu l’Eglise et son message évangélique.
      Bonne journée

  • La nullité des candidats à la primaire LR est presque fascinante. Tous (sauf un) ont le même « programme » qui consiste en deux points : 1) insulter et/ou trahir La Manif pour Tous ; 2) faire de la surenchère dans l’ultra-libéralisme. Le Maire (qui se prend pour JFK et n’est même pas Lecanuet) est leur modèle et tous le suivent.

    (La seule exception est Jean-Frédéric Poisson qui n’a aucune chance et aura ma voix)

  • Laurent GRZYBOWSKI a écrit :

    Comment ne pas être d’accord, en effet, sur le fait que l’Eglise ne peut pas et ne doit pas se transformer en force politique.
    Aujourd’hui, … il y a au sein du catholicisme de nouvelles tentations (des tentatives mêmes) de reconstituer une sorte de lobby ou de « parti catholique », dont la raison d’être est d’entrer dans l’arène politique (politicienne) pour faire pression sur les élus et sur les institutions. Cette démarche est non seulement contraire à la laïcité, mais elle est contraire à l’esprit de l’Evangile.

    Convoquer l’institution ecclésiale et en appeler à toute la « communauté » … relève pour moi d’une dérive et d’une confusion politico-religieuse que je juge dangereuse. Bruno Lemaire aussi, et il a raison. .

    Entièrement d’accord avec vous.
    La même position peut se tenir pour les autres religions et « communautés ».
    Quant à la capacité de la politique a proposer quelque chose qui dépasse l’individu, je partage l’aspiration de BLM. Cela ne veut pas dire que la religion n’ait pas cette capacité (BLM d’ailleurs ne le dit pas) mais d’une part la religion n’a pas vocation a créer une ambition nationale, et par ailleurs notre pays a besoin d’un souffle collectif qui ne soit pas religieux mais bien culturel et politique, et donc capable de donner une cohésion. La religion ne peut jouer ce rôle dans un pays pluriel sur le plan des convictions religieuses.

    Mr GRZYBOWSKI vous auriez pu citer aussi la période « gauchiste » de l’Eglise. Même si sur le fond je m’en sens plus proche, c’était également contraire à la laîcité, à l’esprit de l’Evangile.

    Par ailleurs, et secondairement, chaque fois que l’Eglise affiche un engagement de type partisan, elle le paye en termes de cohésion mais aussi de désertion par ceux qui ne veulent pas être membres d’une institution politisée (le plus souvent dans le sens qui ne leur convient pas….)

    Il n’en reste pas moins que les propos de BLM sont confus, montrent une non maitrise du sujet, et un anticléricalisme assez désolant, mais c’est une autre question.

  • Bien dit, la majorité des hommes politiques ne lisent pas les articles in extenso, mais lisent, le résumé que leur fournit un collaborateur. Malheureusement pour eux les propos du Pape François ne se résument pas tant ils sont profonds et plein de finesses et nuances.

    • Complètement d’accord. Ce que dit le Pape (et ces prédécesseurs avant lui), ne vise pas à être des propos de politiciens, mais cela touche la politique au sens noble de terme par la force des choses – et s’inclut dans une démarche évangélique et non pas politique.

      En d’autres termes, le Saint Père voit plus haut, plus loin et plus grand…

      Il me semble que c’est aussi pour cette même raison et cela est peut-être paradoxal, que l’Eglise doit impérativement être indépendante – non séparée – de la sphère politique et temporelle (et non pas la politique indépendante de l’Eglise et de son enseignement évangélique). Ce qui implique la nécessité, en revanche, de la séparation de l’Eglise et de l’Etat.

      C’est bien l’Eglise qui a été libérée, même si ce fut très douloureux, du joug temporel (et un peu « raz les pâquerettes ») de la politique, et non pas l’Etat (tout régime confondu) qui a été libéré de l’Eglise et de son message divin pour le Bien commun.

      Merci à Koz pour son article. Je n’avais pas pris le temps de le faire.

  • Laurent GRZYBOWSKI a écrit :

    En revanche, convoquer l’institution ecclésiale et en appeler à toute la « communauté » (comme ce fut le cas lors de la Manif pour tous) pour faire pression sur un gouvernement et imposer sa loi (sa charia ?) relève pour moi d’une dérive et d’une confusion politico-religieuse que je juge dangereuse.

    Que je sache, la Manif pour tous n’était pas organisée par la Conférence des Evêques de France, certains y étaient opposés. L’argumentation déployée, qu’on la trouve convaincante ou non, était d’ordre anthropologique et non religieuse, le mouvement était ouvert à toutes les convictions.

    Un chrétien est aussi un citoyen et il a le droit d’entrer dans le débat démocratique en utilisant les mêmes moyens légaux que les autres. Il casse d’ailleurs plutôt moins.

    Sinon, c’est la « sharia » des autres, et notamment celle des libertaires, qui nous sera imposée.

  • Laurent GRZYBOWSKI a écrit :

    Tout est affaire d’attitude : catholiques, prétendons-nous imposer un message, persuadés que nous détenons la vérité ultime et absolue sur les êtres et sur les choses (ce fut la tentation de la Manif pour tous) ?

    Votre commentaire, par ailleurs intéressant, échoue sur ce mot, « imposer ». Vous parlez de procès d’intention, mais vous en fournissez là un bel exemple. L’emploi de ce terme vise à disqualifier l’expression d’un désaccord sans prendre la peine d’argumenter. Bien que devenu un cliché, il ne correspond à aucune réalité: la dernière fois que l’Église de France s’est trouvée en position d’imposer quoi que ce soit au monde politique, c’était il y a au minimum 250 ans (et encore).

    Depuis que nous sommes en République, les catholiques sont juste l’une des multiples catégories de votants auxquels s’adressent les candidats à l’élection. Mais ils sont les seuls que l’on accuse de chercher à imposer leur point de vue lorsqu’ils ne font que participer au débat politique – y compris par le moyen de la manifestation, à l’instar de n’importe quel autre groupe de pensée.

  • Bonjour cher Koz,
    D’abord un grand merci de votre témoignage courageux et rigoureux.
    Je partage tout à fait votre point de vue concernant votre mise au point avec Bruno Le Maire. Tout d’abord, c’est tout à fait excessif, et donc inexact, de dire que la nation française et toute son histoire est celle de la raison. Il conviendrait plutôt de dire que c’est la seule philosophie du siècle des Lumières qui se fonde, d’ailleurs orgueilleusement, sur la suprématie de la raison. Que Bruno Le Maire s’en réclame, c’est son affaire, mais cantonner l’histoire de la littérature française à l’hégémonie de la raison est totalement inexact.
    Par ailleurs le contresens ou plutôt le rétrécissement de sens du mot politique est évident dans la bouche de B Le Maire. Dans la Manif pour tous, la réaction des catholiques religieux ou non, était avant tout une réaction de bon sens et non d’ordre politique. Il faudrait enfin restituer au mot « politique » son sens premier, vrai et noble : le bien commun, la maison commune, chère notamment au pape François. Cela donnerait de la hauteur de vue à nos politiciens ! C’était d’ailleurs la pensée profonde de grand humaniste chrétien qu’était, au XIXème siècle, Frédéric Ozanam, le fondateur de la Société de Saint-Vincent-de-Paul.

  • Cher @ Laurent il y a effectivement des choses à entendre dans les propos de Bruno Le Maire, à la condition toutefois d’être disposé à les solliciter beaucoup, ce qui s’impose d’ailleurs peut-être avant tout par leur manque de clarté. Tu écris : « Comment ne pas être d’accord, en effet, sur le fait que l’Eglise ne peut pas et ne doit pas se transformer en force politique ». Certes. D’ailleurs, je crois que tout le monde l’est, ici. Mais que je sache, le propos de Bruno Le Maire est très général. A-t-il visé une tentation ? A-t-il visé une partie de la Manif Pour Tous ? Non. Or prétendre que la Manif Pour Tous soit une volonté de restaurer une Eglise politique – « dans les manifestations contre le Mariage Pour Tous, je vois revenir un catholicisme politique » – est factuellement inexact., et ne veut même d’ailleurs pas dire grand-chose. Qu’est-ce qu’un « catholicisme politique » ? Mystère. De fait, quel que soit le soutien apporté par des évêques, la Manif Pour Tous a été un mouvement largement composé de catholiques, mais exclusivement organisé par des laïcs, qui n’ont pas eu besoin d’un blanc-seing du clergé pour s’organiser (je le sais, j’étais à Saint Sulpice). Je suis également surpris par l’invocation récurrente à l’initiative des cathos favorables à la loi Taubira d’appels à manifester durant les messes. Vous entretenez là une idée qui ne repose sur pas grand-chose d’autre que votre ressenti. Je serais curieux de connaître le nombre de paroisses dans lesquelles cela s’est produit. Je ne nie pas que cela ait existé (j’en connais une) mais ce ne fut le cas ni dans ma paroisse ni dans celles de la très grande majorité de ceux auxquels j’ai pu en parler. Prendre appui là-dessus me semble hasardeux.

    En l’occurrence, nous avions, donc, des catholiques, laïcs, qui agissaient sur le terrain politique, grandement inspirés par leurs convictions. Est-ce donc cela qui pose problème ? Qu’on me le dise, car cela va effectivement poser problème, à un autre égard. Tu me dis que l’abbé Pierre « a agi comme un citoyen pour éveiller les consciences, personnellement, sans convoquer le pape, les évêques et l’institution toute entière ». Il en est de même des manifestants. Certains ont pu souhaiter être rejoints par leurs pasteurs, certains ont pu ne pas le souhaiter spécialement mais ne pas être mécontents de l’être, mais ce fut un mouvement laïc. Est-ce très différent de ce que fait le pape quand il va à Lesbos ? Il alerte, comme ont souhaité le faire à leur manière, les manifestants, pour une cause que tu ne partages certes pas.

    Au demeurant, comme cela a déjà été rappelé, et comme j’ai souhaité le suggérer indirectement en choisissant une photo de lui jeune, il ne faudrait peut-être pas oublié qu’il a aussi été député – chose aujourd’hui inconcevable mais qui ne permet pas spécialement dans le ranger dans une vision d’une rigoureuse laïcité.

    Alors, on peut discuter des tentations des uns et des autres. Je suis bien placé pour les connaître et les prendre particulièrement au sérieux. Mais d’une part elles n’étaient pas le fait de la majorité des manifestants et d’autre part une tentation n’est pas une réalité. Lorsque Bruno Le Maire évoque les manifs, il se réfère à un événement qui a bel et bien eu lieu, sans détailler ni distinguer parmi ceux qui y ont pris part.

    Tu me dis : « Il est très intéressant de constater d’ailleurs que ses héritiers sont réunis dans des associations non-confessionnelles. ». Soit. En quoi est-ce intéressant ? En ce qu’elles ont perdu leurs références chrétiennes explicites ? Je ne parle pas de déployer une bannière mais de ne pas effacer l’inspiration chrétienne. Est-ce qu’il y a vraiment matière à s’en réjouir et à ne nourrir aucun questionnement sur la pertinence de l’approche ? On ne peut pas dénoncer les tentations que l’on veut voir dans LMPT et ne pas voir les dérives de sa propre approche, et spécialement le risque de la dilution.

    Quant à savoir ce que Bruno Le Maire pense de la laïcité, il est un peu rapide d’évacuer son propos en réponse au pape François, considérant qu’il « traduit une incompréhension profonde de ce qu’est la nation française ». J’ai voulu imaginer qu’il n’avait pas lu l’entretien. Je me suis entretenu hier soir avec l’un de ses conseillers, qui m’assure qu’il l’a fait. Bien. Donc, quand le pape dit ce qu’il a dit – et qui commence par « Un État doit être laïque. Les États confessionnels finissent mal. Cela va contre l’Histoire. Je crois qu’une laïcité accompagnée d’une solide loi garantissant la liberté religieuse offre un cadre pour aller de l’avant. » – c’est de l’ordre de l’incompréhension profonde ?! Je m’étonne que cela ne suscite aucune réaction de ta part, toi qui a plus que de bonnes raisons de connaître Coexister. Ainsi affirmer qu’une femme musulmane puisse porter le voile si elle le veut – comme c’est le cas à Coexister – c’est en profonde contradiction avec la nation française ?

    Permets-moi alors de considérer que mon interprétation de son intervention, considérant qu’elle veut restreindre la possibilité de prendre la parole politiquement comme chrétien, n’est pas exagérée.

    Par ailleurs, je regrette de lire sous ta plume cette allusion assez malvenue à la charia. Quand bien même on la prendrait sans l’imaginaire qui va avec, cela laisse penser qu’il s’agissait d’imposer une loi religieuse. C’est une opposition que je lis davantage chez les laïcistes. Ainsi, quand on s’appuie sur des considérations religieuses dans le débat public, nous sommes irrecevables. Et lorsque l’on prend soin de ne développer qu’une argumentation laïque, nous le sommes aussi, parce que dans ce cas notre interlocuteur se fait fort de débusquer nos arrière-pensées. Il ne reste donc qu’à nous taire, et à nous interdire de prendre part au débat public, puisque, explicites ou non, nos convictions religieuses nous rendre illégitimes à nous exprimer. C’est contraire à ce que tu écris par ailleurs, mais c’est bien ce à quoi ton imputation conduit.

  • Koz a écrit :

    s’agissait d’imposer une loi religieuse. C’est une opposition que je lis davantage chez les laïcistes. Ainsi, quand on s’appuie sur des considérations religieuses dans le débat public, nous sommes irrecevables.

    Par définition, la liberté d’expression signifie en bon français « je tolère que les autres disent la même chose que moi » ou « j’invoque Voltaire tout en faisant taire les autres ».
    Faudrait quand même pas abuser !

  • Comme d’habitude quand il s’agit de laïcité, je ne suis d’accord avec personne…

    La position de Bruno Le Maire me paraît totalement incohérente. En effet, la laïcité est la neutralité de l’Etat en matière religieuse. Ainsi, la position laïque s’interdit de traiter différemment deux citoyens en raison de leur appartenance ou non à une religion. Nier, comme le fait Le Maire, la légitimité de l’opinion d’un citoyen en raison de son appartenance à une religion est donc un acte profondément anti-laïc. Si on est laïc, la religion n’est tout simplement pas un critère (ni positif, ni négatif) politique.

    C’est paradoxalement en tant que chrétien et non en tant que laïc qu’il faut s’interdire de faire de la politique. Pour moi la politique, c’est la contrainte. C’est vouloir imposer sa volonté à nos concitoyens par le moyen de la loi. La démocratie introduit des procédures et un critère majoritaire qui restreignent l’exercice de la contrainte légale mais n’en changent pas la nature. Faire de la politique c’est agir pour que des lois soient votées et donc pour que nos concitoyens soient contraints d’y obéir.

    Or, tout dans le message et les actions du Christ tourne le dos à la contrainte. Jamais le Christ n’ordonne, toujours il convainc ou donne l’exemple. L’imaginer militer pour une loi est tellement incongru que c’en devient douloureux.

    J’ignorais totalement que l’abbé Pierre avait été député. Qu’il me soit permis de penser que son passage au palais Bourbon n’est pas l’épisode le plus signifiant dans son parcours. Je lis sa page wikipedia : « La rencontre avec George, désespéré qui a perdu toute raison de vivre, et à qui l’abbé Pierre demande « Viens m’aider à aider » marque cependant le véritable acte fondateur du Mouvement Emmaüs ». Je me dis qu’il a agi là comme eut agi le Christ.

    Mon sentiment est au fond que la politique est une diversion pour le chrétien ou pour l’honnête homme. Elle nous éloigne de l’attitude chrétienne : agir concrètement pour notre prochain; et nous entraîne dans l’abstrait et le conflit. C’est ce qui s’est passé avec la manif pour tous (je me suis laissé entraîner comme tout le monde). Savoir si elle a été inspirée ou conduite par des laïcs ou des religieux est très secondaire. La question importante selon moi est de savoir si elle nous a aidé à agir pour notre prochain; et ma réponse est non.

  • Lib a écrit :

    Mon sentiment est au fond que la politique est une diversion pour le chrétien ou pour l’honnête homme.

    De la politique, il y en aura toujours. On ne connaît aucune société humaine où aucun pouvoir ne s’exerce. Faut-il l’abandonner aux « autres » ? Je ne vois pas comment on peut souhaiter voir se réduire le poids de l’État tout en se refusant à tout engagement politique.

  • Lib a écrit :

    C’est paradoxalement en tant que chrétien et non en tant que laïc qu’il faut s’interdire de faire de la politique. Pour moi la politique, c’est la contrainte.

    Je suis d’accord avec toi sur un certain nombre de choses Lib, mais là…
    https://fr.zenit.org/articles/note-doctrinale-a-propos-de-questions-sur-l-engagement-et-le-comportement-des-catholiques-dans-la/

    (Edité pendant les cinq minutes de délai en constatant qu’Aristote avait réagi dans l’intervalle… Pour le coup ce n’est pas souvent mais quasi tout le temps -plus qu’avec notre hôte même – que je suis en ligne avec Aristote par ici…)

  • @ Aristote:
    @ humpty-dumpty:
    Je crois que c’est Jefferson qui disait : « An honest man can feel no pleasure in the exercise of power over his fellow citizen ».

    Je pense qu’il est devenu presque impossible de percer en politique sans passer du côté obscur. Mais il y a mille façon de faire de la politique sans « faire de la politique ». On peut convaincre, montrer l’exemple, inventer, entreprendre, aider sans jamais vouloir contraindre. Ce blog en est un excellent exemple. Et d’ailleurs, quand il a voulu « faire de la politique » avec LMPT, Koz n’est pas passé du côté obscur mais il a perdu à plate couture (et il a pris cher).

  • Bonjour. Si ces catholiques, qui font de la politique leur absolu, sont à ce point tentés de rejoindre et d’épouser l’esprit de ce monde, n’est-ce pas parce que les âmes n’ont pas assez faim et soif de Beauté, de Bonté, de Lumière, de Vérité ? Parce qu’elles ignorent « la joie de l’Évangile » ? Ne faut-il donc pas évangéliser les intelligences et les consciences assoupies ? Raviver la tension eschatologique ? Ne sommes-nous pas appelés, – devant la multitude qui erre dans un désert spirituel, dépendants de nourritures qui jamais ne rassasient mais les affligent -, à considérer notre tiédeur et notre peu d’espérance, afin de « crier vers Dieu jour et nuit » pour demander dans l’Esprit : Seigneur, avec nous et par nous « accomplis des signes et des prodiges par le nom de Jésus, ton Saint, ton Serviteur.» ?

  • @ Koz:
    Cher Koz,
    Merci pour ta réponse. Tout d’abord, oui, je te confirme que dans beaucoup d’églises de France et de Navarre (mon engagement liturgique fait que je suis dans une paroisse différente presque chaque week-end, partout en France), des prêtres se sont servis du sermon (où l’on commente normalement la Parole de Dieu) pour lancer des diatribes contre le mariage pour tous et appeler leurs ouailles à aller manifester. Oui, je te confirme que bien souvent, les annonces de fin de messe portaient sur la manière de se répartir dans les autocars comme s’il s’agissait d’organiser des JMJ ou un pèlerinage à Lourdes. J’ai vu également (à Lyon, à Lille, à Nantes, à Angers et dans bien d’autres lieux), beaucoup de jeunes entrer dans l’église avec un tee-shirt ou un drapeau « Manif pour tous » . Insupportable. La messe n’est pas un meeting. Oui, les catholiques qui ont participé à ces manifs ont fait preuve d’un communautarisme, inconscient peut-être, mais réel, persuadés de défendre LA vérité, la loi de Dieu. C’est la raison pour laquelle je parle volontairement de charia. Contrairement à ce que tu crois, la charia (qui diffère d’un pays à l’autre, d’un islam à l’autre) n’est pas forcément quelque chose d’horrible ou de répréhensible. C’est d’abord une loi religieuse dont les interprétations sont diverses. Quand le président turc veut interdire la contraception dans son pays, cela relève de la charia. A partir du moment où certains catholiques estiment que l’homosexualité est contre-nature, contraire à la loi de Dieu, cela relève aussi d’une forme de charia : une loi morale censée s’imposer à tous. Je connais beaucoup de catholiques pour qui la question du mariage homosexuel ne se pose même pas. Cette attitude, où la Raison n’a plus sa place, relève d’une forme de « charia ». Je persiste donc à utiliser ce terme.

    Ton insistance à comparer l’action de l’Abbé Pierre ou l’action du pape à la Manif pour tous m’étonne. L’Abbé Pierre est-il entré dans un rapport de force avec un gouvernement pour imposer sa loi ? A-t-il créé un groupe de pression pour chercher à imposer ses idées ? A-t-il mené une action partisane ? A-t-il jeté des anathèmes sur un parti ou sur un gouvernement ? Non, il a juste agi (comme nous devrions tous le faire, comme le fait l’association Coexister, que je connais bien comme tu dis), dans le but d’aider les plus pauvres, d’améliorer la société et d’éveiller les consciences. Idem pour le pape ! François a-t-il créé un parti immigrationniste ? Est-il entré dans un bras de fer avec le gouvernement italien avec les instances européennes ? Non, il a agi en cherchant, lui aussi, à éveiller les consciences. Tout le contraire de la Manif pour tous qui, elle, a plutôt contribuer à fermer les cœurs et les consciences de nos contemporains et à créer beaucoup d’incompréhension. Car il faut bien le dire : cette Manif a été un désastre. Elle a contribué à diviser les catholiques (pire que l’affaire Dreyfus) et à creuser un peu plus le fossé entre l’Eglise et la société française. Et puisqu’il s’agit d’agir et d’éveiller les consciences, peux-tu me dire quelles actions positives mènent les catholiques, les paroisses, pour mieux accueillir, mieux recevoir, mieux intégrer les personnes homosexuelles dans l’Eglise ? A part quelques initiatives marginales, nada, nada, nada ! Il y aurait pourtant là un merveilleux témoignage à donner. Et cela contribuerait à redonner une certaine crédibilité à l’Eglise. Tant que celle-ci ne prendra pas conscience de son homophobie (latente ou explicite), rien ne se passera.

    Dans ce contexte, je comprends mieux les propos de Bruno Lemaire. Si l’Eglise veut imposer sa loi (et ses peurs) au reste de la société, si elle veut défendre des principes idéologiques, elle sera toujours inaudible et alors, on lui demandera de se taire. Par contre, si l’Eglise veut se mettre au service de l’humanité blessée, si elle veut défendre les petits, les pauvres, les exclus, en acte et en vérité, comme elle le fait déjà en de nombreux lieux, alors elle trouvera une nouvelle crédibilité et personne ne lui demandera de se taire.

    Un dernier point. Tu me demandes ce qu’il y a de significatif dans le fait que la Fondation Abbé Pierre ou ATD Quart Monde ne soient pas des mouvements confessionnels. Et bien, cela veut dire que l’Abbé Pierre et le père Joseph ont su essaimer bien au-delà du cercle catholique. Cela veut dire qu’ils ne sont pas restés dans une logique communautaire. Cela veut dire qu’ils ont été de vrais évangélisateurs.. car contrairement à une idée reçue, très à la mode actuellement dans l’Eglise, l’évangélisation, ce n’est pas d’abord rallier les gens à son camp, à sa communauté, à son Eglise. Ce n’est pas ramener les gens à soi. Cette attitude relève du prosélytisme. L’évangélisation, c’est aller vers les autres sans chercher à les enrôler, c’est traverser les frontières, rejoindre les périphéries, élargir l’espace de sa tente, élargir nos cœurs et nos communautés aux dimensions du monde, auprès des baptisés comme des non baptisés, auprès des croyants comme des incroyants, auprès des hétéros et des homos, auprès des membres des autres religions. Car l’Eglise de Dieu, l’humanité rassemblée, réconciliée, dépasse infiniment l’Eglise romaine. Pour que notre Eglise réponde à sa vocation et devienne vraiment « catholique », c’est-à-dire « universelle », comme nous le professons chaque dimanche dans le Credo, elle doit accepter de « mourir » et de tomber en terre, comme le grain semé, comme le Christ en croix.. Ce que tu appelles dilution, moi j’appelle ça ensemencement. De grands mystiques et de grands saints ont aussi parlé d’enfouissement : « Si le grain tombe en terre meurt, il porte du fruit ».

    L’avenir de l’Eglise n’est pas d’être une puissance politique, une force sociale, un courant de pensée influent, une organisation de défense des bonnes mœurs ou de je ne sais quelle civilisation chrétienne. L’avenir de l’Eglise, c’est d’accepter de renoncer au pouvoir temporel (vive la laïcité !), de se fondre dans l’humanité, de vivre selon l’Esprit et de « s’enraciner dans le Christ », suivant la belle expression du pape Benoit XVI. Sa force est spirituelle, c’est la raison pour laquelle elle ne disparaîtra jamais.

  • @ Laurent GRZYBOWSKI:

    Autant je n’ai pas été convaincu par votre premier commentaire, autant je suis en grande partie d’accord avec le second. Et ce, même si la comparaison avec l’affaire Dreyfus est un brin excessive: nous n’étions pas là pour en témoigner… mais il me semble avoir lu qu’il y eut à ce moment de l’histoire des émeutes antisémites, avec des morts, un point que la Manif pour Tous a été loin d’atteindre. Mais c’est là une réserve de détail dans un ensemble qui par ailleurs touche juste.

    Vous tirez de la séquence MPNT une certaine indulgence à l’égard des propos de Bruno Le Maire. Du point de vue chrétien, on peut en effet considérer qu’il y a là une leçon à tirer pour les catholiques. Du point de vue politique, c’est différent. Ce qu’il dit dans cette entrevue est fallacieux, et révélateur d’une vision dévoyée sur la laïcité.

  • Laurent GRZYBOWSKI a écrit :

    A partir du moment où certains catholiques estiment que l’homosexualité est contre-nature, contraire à la loi de Dieu, cela relève aussi d’une forme de charia : une loi morale censée s’imposer à tous. Je connais beaucoup de catholiques pour qui la question du mariage homosexuel ne se pose même pas. Cette attitude, où la Raison n’a plus sa place, relève d’une forme de « charia ». Je persiste donc à utiliser ce terme.

    Non. Les musulmans veulent imposer la charia en tant que loi de Dieu. La MPT n’argumentait pas sur la base des écrits bibliques, mais de considérations anthropologiques, où la problématique de la filiation avait beaucoup plus de place que l’homosexualité en tant que telle. On peut trouver cette argumentation plus ou moins convaincante, mais elle se place sur un terrain qui est légitime dans le débat citoyen alors qu’une argumentation strictement confessionnelle ne le serait pas.

    Et quel que soit l’engagement personnel de tel ou tel prêtre ou tel ou tel évêque, le clergé et notamment les évêques étaient divisés sur le soutien à accorder à la MPT. Qu’on soit pour ou qu’on soit contre, il ne me paraît pas légitime d’en faire une manifestation politique de l’Église.

  • Laurent GRZYBOWSKI a écrit :

    car contrairement à une idée reçue, très à la mode actuellement dans l’Eglise, l’évangélisation, ce n’est pas d’abord rallier les gens à son camp, à sa communauté, à son Eglise. Ce n’est pas ramener les gens à soi. Cette attitude relève du prosélytisme. L’évangélisation, c’est aller vers les autres sans chercher à les enrôler, c’est traverser les frontières, rejoindre les périphéries, élargir l’espace de sa tente, élargir nos cœurs et nos communautés aux dimensions du monde, auprès des baptisés comme des non baptisés, auprès des croyants comme des incroyants, auprès des hétéros et des homos, auprès des membres des autres religions.

    Il m’arrive de me demander ce qui se serait passé si les Apôtres, les premiers chrétiens, l’Église des premiers siècles avaient refusé tout prosélytisme. L’hypothèse que le christianisme aurait tout simplement disparu est pour le moins plausible. Et là j’ai une pensée égoïste car il se trouve que né au XXème siècle, je suis heureux d’être chrétien.

    Le Christ a été enfoui, c’est vrai. Mais pendant les 3 années qui ont précédé cet enfouissement, il a quand même beaucoup parlé et manifestement il avait quelque chose à dire. La bonne nouvelle, c’est le Christ et je ne comprends pas qu’on ne souhaite pas partager cette bonne nouvelle.

    Pas n’importe comment, pas n’importe quand, pas n’importe où, et même peut-être pas à n’importe qui. Mais ne pas vivre avec le souci brûlant de partager ce bonheur ? En s’incarnant, le Christ a aussi accepté que son « message » se coule dans les formes de la communication humaine, il a donc assumé les risques associés à ces formes, y compris d’être déformé ou exprimé mal à propos. Refuser d’annoncer au nom de la recherche d’une sorte de pureté angélique, opposer l’Église de Dieu à l’Église de Rome, même si la distinction est légitime, me semble peu cohérent avec la logique de l’incarnation.

  • @ Laurent GRZYBOWSKI:

    Post séduisant, je partage avec vous les questions que je me pose suite à sa lecture 🙂

    « Allez, enseignez toutes les Nations ».

    Enseigner. Pas juste vivre chrétiennement, mais témoigner en expliquant au nom de qui on agit?

    Les bonnes oeuvres, rejoindre la périphérie. Quelle place pour la prière qui nourrit, les sacrements qui portent, bref, la grâce?

    Quant à « l’homophobie » que vous prêtez à l’Eglise, je suis interloquée. …,. Pour mieux comprendre ce malaise, je transpose, et cela donne
    Quelles actions positives mènent les catholiques, les paroisses, pour mieux accueillir, mieux recevoir, mieux intégrer les adultérins, les voleurs, les menteurs…bref, l’humanité blessée par le péché?
    J’en conclus qu’on peut avoir la « péchéphobie », mais ne pas étiqueter les gens selon leurs penchants, voire même leurs péchés.

    Ne donnez vous pas à l’Eglise, une étiquette issue d’un jugement sur les pêcheurs que nous sommes et qui la composent? L’Eglise est Sainte, mais pas nous….

  • @ Laurent GRZYBOWSKI : cher Laurent, je lis ton commentaire et me demande si tu me réponds et si tu réponds à une représentation que tu te fais de moi et de mes positions. Il y a une marge, importante, entre refuser les propos tenus par Bruno Le Maire et adhérer aux positions que tu fustiges, en bonne partie justement.

  • Je lis tardivement tous ces commentaires. Koz, je ne vous connaissais pas jusqu’à ce matin, où j’écoutais RCF. De clic en clic, pour retrouver votre livre, je tombe sur cette page et je suis un peu (même plus !) éberluée par les propos de Laurent Grzybowski que j’entends souvent le dimanche matin (émissions que j’enregistre car je vais encore à la messe le dimanche matin…quand nous en avons !). Je suis franchement navrée qu’il y ait encore ce genre de commentaires étriqués, classant les chrétiens qui ont participé à la manif pour tous dans les « homophobes », des prosélytes de l’homophobie (prêtres envoyant leurs ouailles à la manif, des jeunes brandissant des drapeaux marqués « manif pour tous » etc…). Sans doute, est-ce vrai à certains endroits, mais il se trouve que, dans mon diocèse, j’ai vécu exactement l’inverse. Je suis une vieille dame et je ne suis pas allée manifester mais j’ai vu beaucoup de jeunes ménages, de belles familles, très priantes y aller. Ils ont effectivement, TRÈS DISCRÈTEMENT, distribuer DEHORS, des tracts À LA SORTIE d’une messe pour l’explication du pourquoi de la manif et des détails pratiques pour s’y rendre. C’est tout juste s’ils ont osé revenir à la messe le dimanche d’après. J’en connais beaucoup et je peux vous assurer qu’ils défendaient la famille, des enfants accueillis par un père et une mère, une création voulue par Dieu (me semble-t-il ?) et en même temps, le respect de la vie depuis sa conception jusqu’à la mort, le respect de l’enfant handicapé qui bientôt ne verra plus du tout le jour…. vous savez tous la suite si nous ne nous réveillons pas. Et pendant cette « manif », sur place, aucun ne s’est trouvé dans des groupes ayant des propos homophobes (mais je ne nie pas qu’il y en ait eu). Et ces familles sont des gens engagés dans le social, ouverts aux « périphéries » dans leur métier ou leurs diverses activités. Mais en même temps, ils prient, ils participent aux eucharisties et aux adorations (qui ré-existent depuis peu chez nous !). Alors c’est sûr, ils sont encore plus « fichés » ! il est vrai que nos prêtres et tous les chrétiens « progressistes »(qui sont encore bien vivants) qui les ont suivis trouvaient plus normal d’être en tête des manifs en 1968 en brandissant un drapeau rouge. Quand arriverons-nous à relater des faits aussi importants que des manifestations touchant aux convictions profondes de l’homme croyant, en essayant de regarder toutes les facettes de ce qui s’est exprimé (et cela, que l’on soit pour ou contre), en faisant très attention de ne pas imposer de jugement péremptoire qui ferme la porte à toute discussion permettant d’ouvrir des chemins où l’Esprit-Saint pourrait se glisser.
    J’ai quand même été rassurée par les commentaires qui suivaient. Merci.
    et, Monsieur Koz, je vais acheter votre livre.
    Bel été à tous. Et que l’Esprit nous aide à annoncer le Christ de la meilleure façon qui soit pour chacun de nous.

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