Adresse à l’Association des Maires d’une drôle de France

francecatholiqueIl y aura toujours deux types de réponse aux événements que nous avons connus en janvier et la semaine dernière, et que nous connaîtrons encore. Ne m’en veuillez pas de ne ménager aucun suspense : entre les deux, je préfère la mienne à la réponse illusoire et idéologique qu’est l’autre. Elle ne nous surprend pas : il a déjà fallu lui répondre en février dernier.

Elle est illusoire parce qu’elle s’imagine pouvoir éradiquer le sentiment religieux du cœur de l’Homme. On peut l’estimer erroné, mais ceux qui pensent l’éradiquer poursuivent une chimère. Elle est idéologique, parce qu’elle postule la supériorité d’une option philosophique et/ou spirituelle sur une autre. On me répondra qu’il n’en est rien, qu’il est seulement question de garder les convictions religieuses dans la fameuse sphère privée. C’est évidemment au mieux une hypocrisie, au pire un mensonge délibéré : quand une option a le droit de s’exprimer publiquement tandis que l’autre devrait être tue, c’est bien que l’on accorde une supériorité à la première. Il n’est plus question ici d’une quelconque neutralité, mais bien d’un parti pris, qui nous éloigne radicalement de l’esprit allégué de la laïcité.

Votre association, des Maires de France a présenté ce 18 novembre un vade-mecum sur la laïcité désespérant d’aveuglement et d’idéologie.

Ainsi faites-vous preuve d’un manque historique de sens de l’à-propos en réclamant une loi, une seule, sur cet enjeu évident et la menace éminente auxquels le pays fait face : la présence de crèches dans les mairies. Tant pis si la loi de 1905 dit déjà tout sur ce sujet, l’existence de jurisprudences divergentes vous est insupportable.

Ainsi faites-vous montre d’une sidérante incapacité à comprendre la France, son identité et la nécessité de faire aimer et partager son héritage et sa culture. Votre vade-mecum exige ainsi qu' »équilibre et diversité » soient respectés dans une programmation culturelle qui – apprécions la formulation – « comporte des moments artistiques à connotation religieuse« . Non seulement vous voilà engagés dans la sujétion de l’art aux objectifs politiques, mais vous ne parlez même plus d’expression de convictions religieuses : vous entendez régir les connotations. Ainsi donc, à titre d’exemple, le vade-mecum requiert que celui qui propose « une messe de la passion de Bach » programme pareillement un concert de musique orientale. Sauf à considérer que le respect de l’équilibre passerait par la juste prise en compte de la contribution artistique européenne d’inspiration chrétienne à travers les siècles et donc une présence significativement supérieure, cela promet une recrudescence de concerts de musique orientale dans les villages français. Au demeurant, s’il s’agit vraiment d’assurer l’équilibre des « moments artistiques à connotation religieuse« , on ne peut que vous conseiller, petits génies de la laïcité, de vous rencarder sérieusement sur le statut de la musique et de la représentation figurée en islam.

A droit constant, il est certes difficile de reconnaître la place incomparable du christianisme en France, par rapport aux autres religions. On peut toutefois rappeler que la discrimination consiste tout autant à traiter différemment des situations identiques qu’à traiter identiquement des situations différentes. Traiter à l’identique l’expression artistique chrétienne et l’expression artistique musulmane en France est ainsi de la discrimination et, MM. Baroin et Laignel, vous conviendrez que ce serait bien peu républicain.

Il est inquiétant de voir comme l’Association des Maires de France sacrifie ainsi la réalité même de la culture française, de l’identité du pays, au petit bout de la lorgnette dont elle a choisi de s’affubler, car ce n’est pas en diluant l’âme de la France que l’on apportera une réponse convenable aux attentats. Il est également inquiétant de voir comme vous relancez un affrontement inutile dans une France qui réclame l’union à corps et à cris.

Ce vade-mecum est préoccupant par la suspicion généralisée dans laquelle il tient les religions (allant jusqu’à juger « inenvisageable » le bien pâle menu végétarien). Il répond à cette tentation obscure de créer un Homme nouveau propre à tous les idéologues. Mais nul n’empêchera jamais des Hommes, s’interrogeant sur le sens et l’intérêt de leur vie, sur l’existence éventuelle d’un après, de penser qu’il y a peut-être une présence divine. Il n’appartient pas, en tout état de cause, à la République de trancher cette interrogation, mais de le prendre en compte.

Ma lecture en cours de Jihadistes français, de David Thomson, renforce en moi le sentiment d’urgence. Je lis avec une vraie tristesse le parcours de ces jeunes français, parfois convertis, qui donnent une mauvaise réponse à un questionnement métaphysique qu’ils ont au moins, eux, le mérite de porter. Le foot, les Nike et l’iPhone ne comblent pas leurs aspirations. Mais l’on n’offre plus rien qui puisse les satisfaire. Le vivre-ensemble, la laïcité et les bien évanescentes « valeurs de la République » ne peuvent plus guère les combler, surtout quand la méritocratie si républicaine leur paraît bien fallacieuse. Certes, il faudrait espérer que la France soit en mesure d’offrir un projet laïc commun, un idéal républicain effectif et consistant, mais il reste profondément malvenu de viser ainsi toutes les spiritualités.

Il est également foncièrement erroné de traiter globalement « les religions », dans un amalgame officiel assumé, comme si leur propos était indifférent. Considère-t-on que gaullisme et poujadisme se valent bien, que socialisme et trotskisme s’équivalent, que toutes les opinions politiques se confondent en une même masse que serait #LaPolitique, comme l’on traite par ailleurs #LaReligion ?! Il est au moins une foi qui a apporté une contribution éminente à la France, une foi qui combat la violence, qui prône explicitement l’amour du prochain comme son plus grand commandement après l’amour de Dieu, et auquel tout le reste est soumis. Lorsque l’enjeu devient très directement la vie ou la mort, et même si cela suppose d’affronter la doxa officielle, il est parfaitement  inenvisageable de tenir celée cette foi chrétienne, qui a forgé l’âme de la France.

Concluant le discours devant le Parlement européen à Strasbourg qui le vit ovationné debout, le pape François a lancé :

« Un auteur anonyme du IIème siècle a écrit que « les chrétiens représentent dans le monde ce qu’est l’âme dans le corps ». Le rôle de l’âme est de soutenir le corps, d’en être la conscience et la mémoire historique. Et une histoire bimillénaire lie l’Europe et le christianisme. (…) Cette histoire, reste encore en grande partie, est encore à écrire. Elle est notre présent et aussi notre avenir. Elle est notre identité. »

Je ne la tairai pas.

*

 

koztjsQuant aux maires de France angoissés par votre document, il convient de les rassurer : ce vade-mecum n’est nullement contraignant. Il ne contient que des recommandations et, en bon Français, les recommandations, on s’assoit dessus.

Nota : l’illustration de ce billet, une Vierge à l’enfant devant la mairie, provient d’un très joli village de notre France


En savoir plus sur Koztoujours

Subscribe to get the latest posts sent to your email.

Billets à peu près similaires

46 commentaires

  • Je m’incline devant la plume qui a su si bien traduire ce que je n’ai pas réussi à rédiger dans un précédent commentaire
    « Sauf à considérer que le respect de l’équilibre passerait par la juste prise en compte de la contribution artistique européenne d’inspiration chrétienne à travers les siècles et donc une présence significativement supérieure »
    Je cherche encore le nom d’un compositeur de musique musulman aussi connu et joué que Bach…

  • Je me souviens d’une magnifique réponse d’Iyad El Baghdadi à un twittos qui lui sortait son prêt-à-penser laÏciste : « If you believe peace will only come when everyone agrees with your worldview then sorry, you’re the one believing in fairy tales »

    Ma traduction : « si tu penses que la paix n’arrivera que quand tout le monde pensera comme toi, désolé mais c’est toi qui crois aux contes de fées »

    Sinon, je suis effaré par le nombre de gens, notamment les plus jeunes, qui semblent convaincus que la laïcité c’est confiner la religion à la sphère privée. Un contre-sens aussi fréquent est inquiétant. J’en viens à craindre que ce soit carrément à l’école publique qu’on enseigne de telles conceptions intolérantes et contraires aux valeurs de la république. A mon avis il faudrait une enquête qui pourrait déboucher sur un scandale et des sanctions.

  • Pour abonder dans votre sens . Quel figure représente de façon exemplaire un chrétien ? Une personne qui pratique la charité : l’abbé Pierre, soeur Emmanuelle, le pape François. Ce sont des personnes qui s’efforcent de suivre le Christ, de l’imiter dans leurs actes envers les plus pauvres.
    Quelle figure représente de façon exemplaire un musulman ? Pour certains un mystique de type soufi. Pour d’autres un combattant, un guerrier qui a recourt à la violence quand la persuasion ne suffit pas à propager sa croyance : Mahomet.
    Actuellement les mystiques n’ont pas la vie facile.

  • @ exilé:
    Ce qu’on peut reprocher aux musulmans c’est de donner une place supérieure aux croyants musulmans sur les autres hommes pour lequel un statu inférieur est prévu.
    Il vaut mieux ne pas le imiter car on tomberait vite dans les clichés de type « mission civilisatrice de l’homme blanc » qui vaut mieux que les sauvages incultes.
    C’est comme pour la différence entre patriotisme qui est un sain attachement à son pays et nationalisme qui exclut.
    Il est bon d’être fier de Bach. Il est mauvais d’en devenir orgueilleux, soi-disant supérieur.

  • Pour moi les instigateurs d’un tel « vade mecum » (comment osent-ils employer un mot d’une langue honnie réservée aux calottins ? Saint Alain Juppé, viens à notre secours !) sont des idéologues obsédés par l’éradication de toute trace du christianisme en France. Toute occasion, surtout si elle prend comme prétexte l’islam, est bonne pour faire avancer leur agenda. Depuis 2012 le gouvernement fonce dans ce sens et à présent l’AMF version F. Baroin renchérit.

    Donc merci pour ce texte de résistance. Moi non plus, je ne me prosternerai pas devant le dieu Etat selon les dogmes de sa religion laïque – d’ailleurs assumée comme telle par beaucoup, de Peillon à Bartolone…

    Dans les débats houleux de 1905 c’est, de façon sage, la « ligne Briand » de séparation en vue de la liberté de chacun qui avait prévalu, contre une vision plus laïciste de Buisson. Aujourd’hui cette dernière revient à la charge.

    Pour moi la pierre angulaire c’est bien de voir que 1905 sépare les Eglises de l’Etat, pas de la société.
    Sauf que les nouveaux jacobins tendent à faire envahir un champ de plus en plus étendu par l’Etat, au point de confondre Etat et société – et donc de vouloir en sortir toute religion concurrente. (Sans en refaire le débat, vouloir « faire reconnaître » devant l’Etat une union homosexuelle comme on voudrait la proclamer devant son dieu au lieu de garder ses sentiments pour soi, c’était symptomatique ; et la loi santé en débat procède, parmi bien d’autres choses, du même mouvement d’étatisation galopante).

    Ce qui est plus gênant (surprenant ? Ou inquiétant ?) c’est de voir l’AMF, à laquelle je voyais par nature un tropisme plus girondin, travailler in fine dans le même sens…

  • Bonjour,
    Petite remarque: Les Passions de Bach sont des oratorios, pas des messes qu’il n’aurait pas composées car il était luthérien. Elles sont de toutes façons merveilleuses.
    Pour les messes: voyez Mozat, Fauré Haydn,… bref les catholiques.
    A ma connaissance, il n’existe pas de musique orientale qui sont à connotation religieuse musulmane sauf des récitation du Coran qui peuvent être très belles également mais je vois mal les maires de France faire donner des récitation coranique.
    Si le texte est tel vous le décrivez, c’est en effet lamentable.

  • Si je partage votre effarement devant la vision de la laïcité des maires de France, votre dernier paragraphe m’inquiète. Il affirme tout de même la supériorité du christianisme. Or dans une République laïque, toutes les religions se valent, oui. Oui on parle de La Politique comme on parle de la Religion. Aux élections, une voix trotskyste vaut une voix socialiste, une voix poujadiste vaut une voix gaulliste. C’est la démocratie.

    Reconnaître, assumer, enseigner, la contribution historique éminente du christianisme et plus particulièrement du catholicisme à la France n’implique pas leur donner une place particulière aujourd’hui. Le présent de la France est un présent pluri-confessionnel et largement agnostique, voire athée.

    Dans son discours de cet après-midi proposé à tous les imams de France, la Mosquée de Paris revendique son attachement à la République, sa conscience que l’Islam de France s’inscrit dans une société sécularisée, etc. Mais il demande aussi « Enfin, l’Etat doit considérer l’islam comme une religion française au même titre que les autres grandes religions « . Allez-vous leur répondre « désolé mais non, les autres étaient là avant »? Il redit, citations du Coran et de Mahomet à l’appui, l’impératif de paix, de non-violence, de concorde, qui fait à tout musulman. Il dénonce la violence des musulmans intégristes, en évitant le piège du « ils ne sont pas musulmans ». Doit-on faire comme si cela n’a aucune valeur?

    Oui il faut pouvoir entendre plus de musique musulmane en France, et particulièrement hors des « quartiers » à majorité musulmane. Oui il faut pouvoir entendre Bach dans les quartiers où les musulmans sont majoritaires, et même y parler du Christ, parce qu’il n’y a aucune raison de les priver de cela, et de supposer que leur capacité à se confronter à l’autre et leur liberté de conscience soit inférieure à la nôtre. Libre à eux, à nous, d’être intéressé ou indifférent, d’adhérer ou pas, de se convertir ou pas, d’enrichir nos fois respectives par la connaissance de celle des autres.
    Par ailleurs toute religion dévoyée peut justifier la violence, comme toute religion affirme la paix comme commandement essentiel pour le croyant.

    Alors non, désolée, si la foi catholique est la mienne, et que je ne veux pas la celer, si elle est essentielle à l’Histoire de la France et qu’il faut la transmettre, je refuse de la considérer aujourd’hui comme socialement supérieure, même en France.

  • Les attentats de vendredi dernier ont blessé tous les français, dans leur chair pour certains, dans leurs âmes pour tous. Les auteurs de ces actes odieux sont des gens qui veulent nous éradiquer physiquement de la planète.
    Dans une moindre mesure, je me sens également blessée mais cette fois par l’AMF, l’association de personnes qui sont censées me (nous) représenter : ils exigent de moi de taire ma foi, de la cacher, de l’enfouir au plus profond de ma vie privée. Pourquoi ? Qu’a-t-elle de si honteux qu’elle ne puisse pas être montrée ?
    Vivant dans le sud de la France, durant le mois de décembre, je fais comme beaucoup ici le tour des expositions de santons afin d’enrichir ma crèche. Jusqu’à présent, je n’y ai jamais vu de santon porteurs de kalachnikov…

    Peut-être ont-ils peur d’être taxés de favoritisme ou de choquer les musulmans si ils autorisent les crèches ou les processions. Quelle idée saugrenue…
    Ce sont ces mêmes personnes qui nous rappelle depuis une semaine : « Attention, ne faites pas d’amalgame entre les musulmans et les terroristes » (ce avec quoi je suis évidemment d’accord), j’aimerai leur dire qu’ici l’amalgame c’est eux qui le font ; le fait de témoigner et d’assumer notre foi catholique ne fera pas lever des troupes djihadistes chez les musulmans dits « modérés ». Sauf à croire qu’en effet les musulmans ne pourraient pas, par essence, vivre en bonne intelligence avec les autres religions. Totalement absurde.

    Quel est donc ce besoin de nos « élites » de nous rabaisser ? D’où leur vient cette culpabilité de leurs origines chrétiennes ? Si eux se sentent coupables, libre à eux, moi j’en suis fière.
    Je ne vois pas ce qu’une crèche, une procession, un calvaire, une statue de la Sainte Vierge, peut avoir d’offensant pour les autres religions.

    Au risque de répéter ce que beaucoup on déjà dit, la laïcité n’est pas la négation des religions mais le respect de chacune d’entre elles.
    Leur laïcisme forcené me rappelle les heures noires du communisme en URSS, où la religion était pourchassée, comme étant nuisible à l’état tout puissant.
    Espérons que nous n’en arriverons pas là.

    La réponse du Père Pierre-Hervé Grosjean que je viens de lire, et beaucoup mieux rédigée que la mienne : http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2015/11/19/31003-20151119ARTFIG00299-moins-de-christianisme-plus-de-laicisme-la-pire-reponse-aux-attentats.php

  • @ Xavier:
    Pas de sentiment de supériorité dans mon propos, je voulais dénoncer la vision « égalitariste » de l’AMF dans un commentaire sous un autre billet, et Koz a traduit bien justement ce que je voulais exprimer.

    J’adhère au discours de Benoit XVI aux Bernardins https://w2.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/speeches/2008/september/documents/hf_ben-xvi_spe_20080912_parigi-cultura.html

    Je crois que nous avons une mission civilisatrice, au sens chrétien.
    « Ce qui a fondé la culture de l’Europe, la recherche de Dieu et la disponibilité à L’écouter, demeure aujourd’hui encore le fondement de toute culture véritable. » (Benoit XVI cité plus haut)

    Ce qui requiert forcément de l’humilité, car nous ne sommes que des instruments. Ce qui requiert aussi de rendre grâce, pour tout ce que l’homme, dans n’importe quel endroit du monde crée de beau, de bon et de bien .

  • Excellente prose, coup de gueule partagé, (je passe sur le sentiment d’énervement que je ressent en lisant l’absurdité de ce vade mecum) j’ajouterais que, bizarrement, les élus laïcistes de gauche (Hidalgo, Bartolone) étaient bien présents dimanche soir à Notre Dame … je ne crois pas qu’ils aient également participé à un office musulman, juif ou protestant, preuve que lorsqu’on en revient à l’essentiel, la mort, la vie, c’est bien vers notre Mère l’Eglise que nos laïcistes se tournent sans s’en rendre compte, probablement.

  • J’aimerais qu’on m’explique cette obstination d’une partie qui défend la laïcité (sans apparemment bien en comprendre la définition originelle) en détruisant la religion.
    Quel tort le spirituel leur a donc fait pour qu’ils se montrent si hargneux envers tout ce qui leur semblent irrationnel? Il me semble peu en accord avec les grands principes républicains, et pourquoi pas même démocratiques, de niveler par le bas et contraindre ceux qui font preuve de motivations différentes de vivre à cacher leurs aspirations pourtant si humaines…
    Je voudrais entendre ce qu’ils ont à répondre à nos interrogations franches parce que leur propos paraît creux, au moins puisqu’il est construit par la négation.

    Au-delà d’une quelconque supériorité de religion, à laquelle même eux ne peuvent pas croire en l’état actuel des choses, il conviendrait simplement d’arrêter de nier en bloc la contribution de la chrétienté dans la construction de notre France. D’autres l’ont dit avant moi, mais il est assez pénible de constater la doxa selon laquelle notre histoire nationale commence à la Révolution… Je renvoie donc dos à dos girondins et jacobins, leur préférant des figures actuels de courants bien plus vieux que ladite révolution.
    Faisons entendre un message qui a du sens, qui propose un but commun et alors, peut-être, ces « bien-pensants » s’apercevront que l’Eglise n’est pas une force occulte qui veut la mort de l’Etat français, ni celle de sa société d’ailleurs.

  • Marqué au sceau de la bêtise (et à celui de la lâcheté), ce manifeste laïciste témoigne aussi d’une ignorance crasse. Il cite comme exemple « une messe de la Passion de Bach » (sic). Or, les « Passions » de Bach, compositeur protestant, n’ont rien à voir avec une « messe ». Bach a composé habituellement pour le culte luthérien. Sa « Messe en si mineur » (BWV 232) est une (magnifique) exception. Mais les auteurs de ce « vade-mecum » (ciel, du latin!) sont aussi mal à l’aise avec la culture qu’avec les religions…

  • lu et approuvé
    Je ne crois pas que J-S Bach ait écrit des « messes de la passion » comme l’affirme le vademecum, ila écrit des passions et une messe mais si je me trompe, une âme charitable pour me donner le BWV

  • @ culottée:
    culottée a écrit :

    Bonjour, Petite remarque: Les Passions de Bach sont des oratorios, pas des messes qu’il n’aurait pas composées car il était luthérien. Elles sont de toutes façons merveilleuses.

    Johann-Sebastian Bach a composé une messe complète (messe en si mineur, BWV 232) et des missae luthériennes en latin, réduites à un kyrie et à un gloria (il en reste quatre).
    https://de.wikipedia.org/wiki/Bach-Werke-Verzeichnis#Messen.2C_BWV_232.E2.80.93236
    Pour plus d’information, voir le liste de Gilles Cantagrel : http://www.fayard.fr/j-s-bach-passions-messes-et-motets-9782213663029.

    .

  • Vraiment merci pour ce billet… en fait, je l’attendais, depuis que j’avais lu ces « propositions » sur la Croix.fr, passablement énervée d’ailleurs par la « neutralité » de l’article.. J’ai notamment buté sur « Dans ce cadre, la participation à des cérémonies religieuses, en tant qu’élu, devra se faire dans le strict respect de la neutralité républicaine, c’est-à-dire sans manifestation de sa propre croyance ou non croyance » : en clair, un catholique pratiquant ne doit pas réciter le credo ni communier quand il assiste à une messe en tant qu’élu… ?

  • Je dois faire amende honorable. En réalité, ce « vade-mecum » est génial. Il demande à chaque élu de ne participer à des « cérémonies religieuses » que « sans manifestation de sa propre croyance ou non-croyance ». Un élu qui se trouve être catholique, ne fera aucun geste religieux lors d’une messe. Il passera alors pour un élu agnostique ou athée, donc pour quelqu’un qui ose manifester sa « non-croyance ». Geste religieux ou pas, l’élu de la République portera inévitablement atteinte à la neutralité prescrite par le texte.
    Mais rassurons-nous, les solutions sont implicites, tant ce « vade-mecum » est profond. Solution 1: tout élu connu comme adhérant à une religion refusera de faire le moindre geste religieux en public, et tout élu connu comme incroyant fera, lui, des gestes religieux. Solution 2: le même élu fera une fois sur deux des gestes religieux, exprimant ainsi alternativement la « croyance » et la « non-croyance ». Les cartes seront ainsi magnifiquement brouillées, et la laïcité sera infailliblement garantie. Oui, décidément, ce texte de l’AMF est génial.

  • Koz a écrit :

    (la réponse de l’AMF) est idéologique, parce qu’elle postule la supériorité d’une option philosophique et/ou spirituelle sur une autre.

    Je suis navré de ne pas très bien comprendre votre argument, ni ce que vous attendriez des maires. Il ne me semble pas que la prudente neutralité affichée par l’AMF soit l’affirmation d’une quelconque option philosophique ou spirituelle. Elle ne me paraît que l’attitude prudente de quiconque est confronté à des témoignages antagonistes sans disposer du moindre élément permettant de trancher entre eux.

    L’AMF ne prend pas une position de militantisme athée ou anti-clérical ; elle ne me semble affirmer la supériorité de rien, mais tout au contraire faire le simple constat qu’elle ne peut se ranger derrière aucun des partis en présence.

    J’ai sans doute mal compris le problème, mais je ne vois vraiment pas comment faire plus neutre. Auriez-vous une alternative à proposer ?

    quand une option a le droit de s’exprimer publiquement tandis que l’autre devrait être tue, c’est bien que l’on accorde une supériorité à la première. Il n’est plus question ici d’une quelconque neutralité, mais bien d’un parti pris, qui nous éloigne radicalement de l’esprit allégué de la laïcité.

    Je suis désolé à nouveau de ne pas comprendre quelle est l’option qui pour vous « a le droit de s’exprimer publiquement ». Simplifions à l’extrême : nous avons trois positions en présence que nous ne savons départager : l’affirmation de l’existence du Dieu chrétien, l’affirmation de l’existence d’Allah, et l’affirmation de l’inexistence d’aucun Dieu. Il me semble que l’AMF se tient exactement sur une prudente ligne médiane.

  • André Laignel est une figure de l’anticléricalisme canal historique (les moins de 50 ans auront peut-être besoin de googler le terme « amendements Laignel »). Je remarque aussi l’éminente présence du maire de Chalon-sur-Saône (celui qui s’est fait une petite célébrité sur le dos des enfants qui déjeunent dans les cantines de sa ville) au générique de ce document: ce n’est pas là le meilleur gage de neutralité.

    En dehors des remarques déjà faites, je remarque qu’il y a déjà anguille sous roche dès l’introduction: le guide tente de définir le mot « laïcité », mais il le fait de façon à la fois compliquée et floue, s’assurant de pouvoir le mettre à toutes les sauces:

    c’est aussi une approche philosophique du vivre ensemble, que
    l’on peut qualifier d’humaniste parce qu’elle ne se réfère à aucun
    dogme religieux, ni à aucune vérité « révélée »

    L’opposition à toute forme ou expression de la religion est ici explicite, faisant de la laïcité un instrument rien moins que neutre.

    Cela dit, j’avoue être bien moins inquiet de cette péripétie que des réformes à la va-vite d’un gouvernement qui veut absolument avoir l’air de faire quelque chose, même si cela ouvre la porte à des abus de tous ordre, dès aujourd’hui et encore plus dans l’avenir.

  • @ Lili : à mon sens, le débat est justement biaisé par la conception que certains se font de la laïcité, réponse à toutes les questions prétendument religieuses, et qui forcent à un traitement rigoureusement identique de chaque religion. Le fait est que la République ne saurait discriminer. Aussi, pour tenter de résoudre cette équation compliquée, il me paraît préférable de porter son attention sur les comportements, plutôt que sur l’aspect religieux. Qu’est-ce qui nous gêne finalement quand un homme refuse de serrer la main d’une femme ? Le fait qu’il croie en Dieu ou qu’il place la femme en état d’infériorité, qu’il discrimine ? Opposons-nous à cette discrimination mais n’incriminons pas « la religion ».

    Le christianisme a partie liée avec ce pays depuis des siècles, il l’a forgé, il n’enfreint pas ses principes. Les prières de rue ? Le Christ nous dit de ne pas nous placer au croisement des routes pour prier mais de nous retirer dans le secret de nos chambres ? L’égalité hommes-femmes ? Quel chrétien a un comportement qui s’y oppose ?

    Mais je refuse de continuer à me voir opposer des restrictions croissantes de ma liberté d’expression au nom des abus imputables à une religion qui est, de fait, importée.

    Lili a écrit :

    Or dans une République laïque, toutes les religions se valent, oui.

    Permettez-moi de continuer de penser que je vis davantage encore en France qu’en République laïque.

    @ Numéro N:
    la belle neutralité de celui qui considère que jouer « une messe de Bach » constitue l’affirmation de l’existence de Dieu (ce qui est certes un bel hommage à Bach) m’échappe assurément.

    Et il faut être un peu en panique pour imaginer que cela, ou disposer une crèche en mairie (ce qu’au passage je ne recherche aucunement, ne l’ayant jamais vu dans mon coin de France – à l’opposé de la Provence) soit une terrible affirmation de l’existence de Dieu.

    Ce vade-mecum cherche des problèmes là où il n’y en a pas, par dogmatisme. Qu’ils laissent les maires et les Français vivre en paix !

  • @ culottée:
    Oui, il était protestant, mais il a composé pourtant une messe (une seule, dans une oeuvre si abondante!): la messe en si. Pas ce qu’il a fait de mieux à mon avis, d’ailleurs !

    @ Lib:
    Oui, je crois bien que c’est aussi ce que croient nombre de mes collègues… et donc, ce qu’ils enseignent aux élèves. Si vous avez un moyen de lutter là-contre, j’en serai ravie ! en attendant, j’ai pris la laïcité en grippe : quand j’entends le mot « laïcité », je sors mon chapelet (arme de construction massive).

    @ Koz:
    ce qui prouve qu’en plus, ils sont ignares !!! !ils n’ont vraiment pas honte?

  • Louis XIV, avec les mots « un seul Roi, une seule loi, une seule foi » n’aura pas la même ouverture que son grand-père Henri IV. En révoquant l’Edit de Nantes en 1685, il supprime à la fois la liberté de culte pour les protestants mais aussi le protestantisme et son fonctionnement. Les conséquences sont nombreuses : beaucoup de Huguenots fuient la France vers les pays du « Refuge » où ils pourront vivre la foi interdite en France. Nous n’avons plus de roi, nous avons beaucoup de lois, à nous y perdre, et nous avons plusieurs foi (s?) sur notre territoire. Les choses se sont compliquées…

  • Béatrice a écrit :

    « Dans ce cadre, la participation à des cérémonies religieuses, en tant qu’élu, devra se faire dans le strict respect de la neutralité républicaine, c’est-à-dire sans manifestation de sa propre croyance ou non croyance » : en clair, un catholique pratiquant ne doit pas réciter le credo ni communier quand il assiste à une messe en tant qu’élu…

    Ce que devra faire un élu croyant pour ne pas manifester « sa propre croyance », passons, on voit à peu près… Mais ce que devra faire un élu non croyant pour ne pas manifester « sa propre non croyance », alors là c’est carrément opaque …

    J’aime la solution que propose Jean-Marie Salamito :
    Jean-Marie Salamito a écrit :

    Solution 1: tout élu connu comme adhérant à une religion refusera de faire le moindre geste religieux en public, et tout élu connu comme incroyant fera, lui, des gestes religieux. Solution 2: le même élu fera une fois sur deux des gestes religieux, exprimant ainsi alternativement la « croyance » et la « non-croyance ».

    Bref, cette phrase invite simplement au ridicule… Que nos élus jouent un personnage et portent un masque, et voilà que tout ira mieux n’est-ce pas !…

  • Koz a écrit :

    Les prières de rue ? Le Christ nous dit de ne pas nous placer au croisement des routes pour prier mais de nous retirer dans le secret de nos chambres ?

    Sur ce point, j’ai du mal Koz. Mettre en balance ce verset d’évangile avec les prières de rue des musulmans me laisse perplexe. C’est trop rapide et cela pourrait prêter à interprétation erronée concernant la pratique chrétienne. J’ai apprécié dans ma paroisse que le chemin de croix du vendredi saint sorte de l’église pour faire un petit circuit dans le village. J’aime la procession du 15 août jusqu’à la madone du coin. J’ai souvenir d’une grande intensité spirituelle lors de la marche pèlerine de nuit entre Notre Dame et Montmartre, et le fait d’être une grande foule hors les murs de l’église pesait dans mon cheminement personnel. Il ne ma jamais semblé que le verset d’évangile que vous évoquez vienne à l’encontre des manifestations religieuses et processions publiques. Cette phrase fait partie d’une série de recommandations très imagées qui visent à condamner une attitude de façade où le geste religieux sert seulement à se faire bien voir. Entre autres images, il y est question de se parfumer la tête quand on jeûne et de ne pas sonner de la trompette lorsqu’on fait l’aumône (Mt6). Pour dire qu’il ne s’agit pas de tout prendre à la lettre dans ce chapitre. Sans doute peut-on souligner que nos processions sont plus discrètes et moins fréquentes que les prières des musulmans dans les rues de Marseille. Admettons aussi que la tentation de se faire bien voir à la procession du 15 août peut encore exister (encore que personnellement j’ai plutôt peur que ça me fasse mal voir, mais bon). Mais je crois que la clé de compréhension est la modestie, que ce soit dans la façon de participer à une manifestation religieuse publique, ou dans la façon de l’organiser. Et je verrais bien la même clé pour juger de la prière de rue des musulmans. La modestie concerne la fréquence et la gêne occasionnée pour le voisinage : exiger de bloquer la circulation tous les vendredis aux mêmes endroits, c’est moins discret que trois ou quatre fois par an en des endroits différents. Je ne suis pas sûre que mon raisonnement soit suffisant, mais c’est déjà un peu de bon sens. A dire vrai je ne pense pas que votre phrase ait voulu condamner les quelques manifestations publiques chrétiennes qui existent encore par-ci par là, mais cela prêtait un peu à confusion… Si un théologien passe par là, je serai contente d’avoir son explication du verset cité.

  • Je ne suis pas théologien mais j’ai entendu une explication intéressante à la trompette qui sonne pour l’aumône. Celle-ci était faite au temple de Jérusalem, où les troncs pour le denier se terminaient en cor de bronze donc l’aumône faite faisait sonner ces cors. Ne pas faire sonner les cors reviendrait à ne pas faire étalage de ses dons.

    J’ai entendu ça à l’occasion d’une homélie à propos de la veuve qui donne de son nécessaire, quelques piécettes.

  • Le document de l’AMF exprime une philosophie laïciste qu’il présente comme étant la doctrine officielle de la République et la juste interprétation de notre droit. Or le laïcisme est une des croyances dont la laïcité garantit la libre expression au même titre que d’autres, rien de plus.Une République laïque ne peut sans se renier être juridiquement laïciste. Malheureusement , ce document va contribuer à amplifier une confusion déjà très présente dans l’esprit public et gêner l’effort de formation à la laïcité mené en ce moment par l’État sur des bases bien plus claires. Et l’AMF a une grande autorité auprès des maires, beaucoup vont prendre ce texte pour argent comptant…

  • Merci pour ce billet. On rappellera également que les français ont spontanément déposé des bougies et des fleurs sur le lieu des attaques, et qu’un mouvement invitant chacun à mettre une bougie à sa fenêtre, symbolisant le recueillement et l’espoir, est né le soir même des attaques. Personne n’a semblé relever qu’il s’agissait là de la reproduction de rites directement hérités du christianisme, et cela s’est pourtant déroulé à la vue de tous, dans l’espace public. Peut-être faudrait-il le rappeler à ceux qui pensent que, telle la tomate, la France peut pousser hors-sol. Sauf que la tomate hors-sol, ça n’a aucune saveur.

  • Cher Koz,

    te voici donc reparti sur tes histoires de crèches de Noël, de laïcité et d’identité chrétienne de la France. Again.

    Notre pays a un long passé chrétien, certes. Mais pas que, tu en conviendras : la religion d’Abraham est arrivée avant la parole de Jésus, il fut un temps, relativement long, où cette terre fut païenne et la christianisation prit son petit temps.

    Notre pays a un long passé catholique, mais pas que : les autres religions chrétiennes, hérétiques, protestantes, minoritaires etc sont présentes dans notre histoire quasiment sans discontinu depuis les environs de l’an 1000, date à laquelle on s’accorde à dire que la christianisation est bouclée. (Nous ne ferons pas l’erreur de confondre christianisation de la population et christianisation de ses institutions et du pouvoir, n’est ce pas …)

    Notre pays a aussi un long passé athée. Certes, le compte n’a pas franchi le millénaire contrairement à celui de la religion, mais tout de même, le lancement « officiel formel et je-men-réjouis » du mouvement des Lumières a 300 ans. La paille commence à être notable.

    Notre pays a surtout décidé que ses institutions publiques seraient indifférentes, neutres, vis à vis des religions et ce, depuis 110 ans. Tu me diras que 110 ans, c’est peu. Cela dit, si je te proposes d’aller toi, jusqu’à 110 ans, en bonne santé de surcroit, c’est une durée que tu ne dédaigneras pas sous prétexte que « c’est court ». Bref.

    Alors, Noël. Guirlandes dans les rues ou pas ? Crèche dans les magasins ou pas ? Sur la place publique, avec subvention municipale ou pas ? Crèche à l’Hotel de Ville ou pas ?

    Les catholiques diront oui oui oui. Les intégristes du laïcisme diront non non non. Retournons au texte, si tu veux bien : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000508749

    On constatera que la majorité de ses articles traitent du transfert de propriété qui a été fait à l’époque et qui, désormais fait, n’a plus vraiment raison d’être, sauf à un jour s’appliquer sur tout le territoire de la République. Ce qui n’est pas encore le cas.

    C’est en tout cas un texte bien plus vaste et passionnant que ses deux premiers articles qui sont communément cités. L’article 28, par exemple, est intéressant : « Il est interdit, à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions. »

    Je sais qu’on peut discourir jusqu’à plus soif de la religiosité d’une crèche, vivante ou pas, on aura tout de même nettement moins de mal, au vu de cet article, à statuer sur les guirlandes. Si on pouvait en finir avec ces comparaisons idiotes, ce serait déjà ça. Tout comme, au vu de cet article, on pourrait en finir avec les propos imbéciles sur les emblèmes religieux anciens apposés sur nos bâtiments publics, la loi faisant référence à « l’avenir ».

    En ce qui concerne les crèches, nous pourrions tout de même trouver un terrain d’entente. La mairie étant la maison de toutes et tous, nous pouvons peut être nous dire qu’une neutralité du lieu serait de bon aloi à propos des signes « ostentatoires » de religion. Après tout, c’est un mot que nous connaissons et que nous avons déjà accolé à d’autres signes religieux. En gros, fêter Noël mais sans en faire un signe de discorde – ce qui me semble, en définitive, plus dans l’esprit qu’une crèche brandie sous le nez des autres.

    Je vais en finir par un dernier point, très intéressant, les articles 26 & 35 de la fameuse loi :

    « Il est interdit de tenir des réunions politiques dans les locaux servant habituellement à l’exercice d’un culte. »

    « Si un discours prononcé ou un écrit affiché ou distribué publiquement dans les lieux où s’exerce le culte, contient une provocation directe à résister à l’exécution des lois ou aux actes légaux de l’autorité publique, ou s’il tend à soulever ou à armer une partie des citoyens contre les autres, le ministre du culte qui s’en sera rendu coupable sera puni d’un emprisonnement de trois mois à deux ans, sans préjudice des peines de la complicité, dans le cas où la provocation aurait été suivie d’une sédition, révolte ou guerre civile. »

    Ils me semblent bien plus importants à rappeler, aujourd’hui comme il y a 3 ans. Car, au delà des crèches dans les mairies, ce qui est anecdotique ou au pire, le signe d’un problème, nous sommes ici au coeur de la question. Si nous sommes toutes et tous en droit d’avoir – ou pas – une religion quelconque, les institutions de cette dernière ne doivent ni ne peuvent se mêler de politique. Pas de prêche politique dans les mosquées, pas de sermon politique en chaire.

    Tout l’esprit de la loi de 1905 est là.

    Je te souhaite un joyeux temps de l’Avent, Koz.

    M.

  • Sebastien a écrit :

    Peut-être faudrait-il le rappeler à ceux qui pensent que, telle la tomate, la France peut pousser hors-sol. Sauf que la tomate hors-sol, ça n’a aucune saveur.

    J’ai été marqué par une émission de Finkielkraut, dans laquelle Mona Ozouf soulignait à quel point il avait été très explicitement affirmé au début de la Révolution qu’il convenait de concevoir un homme neuf et que les siècles d’avant n’avaient plus rien à nous dire. La loi de 1905, telle qu’interprétée par les laïcards, voudrait nous priver, outre l’Histoire, de notre culture, à laquelle la foi chrétienne a particulièrement apporté. C’est donc bel et bien un pays hors sol qu’une certaine gauche, et au-delà, veulent créer. En fin de compte, ils facilitent l’intégration, mais uniquement dans le sens où il n’y a plus rien à intégrer, plus de substance, plus de contenu. Plus de saveur. C’est aussi ce que l’ami Manuel @ Manuel car, Manuel, oui, la durée est un facteur essentiel puisqu’elle permet une imprégnation dont tu ne sembles même pas conscient alors que le christianisme te compose, même toi. Mais la durée n’est pas tout. Il est risible d’invoquer les hérésies ou le paganisme, comme si la seule existence fondait une racine. Non, l’apport, c’est bien autre chose. Et le christianisme constitue ce pays bien plus que le druidisme, à supposer qu’il reste quoi que ce soit du druidisme dans ce pays. Quant aux Lumières, ton rappel historique serait plus intéressant s’il n’était erroné : la plupart des philosophes des Lumières ne sont aucunement athées, mais au minimum déistes. Je comprends que lorsque l’on est fils de la négation, on puisse s’y perdre un peu. Pour le reste, j’ai cru comprendre que tu voulais commenter le billet mais j’ai du mal à saisir à quoi tu réponds, longuement.

    By the way, oui, je continuerai d’évoquer la nature de mon pays, ses racines, ses qualités. Au moins aussi longtemps qu’il y aura des imbéciles pour lui nier une identité, pour essayer de le dissoudre dans une parfaite insignifiance, dans la consommation et le spectacle, et ouvrir ainsi la voie à ceux qui, structurés, viennent récupérer les esprits ainsi désemparés. Et tant pis si mes sujets viennent bousculer tes monomanies.

  • Manuel Atréide a écrit :

    Pas de prêche politique dans les mosquées, pas de sermon politique en chaire.

    Tout l’esprit de la loi de 1905 est là.

    Commenter la proposition de loi sur « le mariage pour tous », même sans la citer directement, est-ce un « sermon politique » ?

  • Manuel Atréide a écrit :

    « Il est interdit de tenir des réunions politiques dans les locaux servant habituellement à l’exercice d’un culte. »

    Manuel Atréide a écrit :

    Pas de prêche politique dans les mosquées, pas de sermon politique en chaire.

    Ces deux affirmations – le texte de la loi, et la lecture que vous en faites – ne sont absolument pas équivalentes. Il ne s’est jamais tenu, à ma connaissance, de réunion politique dans une église ni dans une mosquée, elles ne sont pas faites pour ça; il n’est donc pas difficile de respecter la loi. Par contre, le prêche peut parfaitement comporter autant de politique que le prêtre juge bon d’y mettre. C’est là sa liberté d’expression, et cela peut être son devoir de pasteur dans certains cas (il peut aussi se planter lamentablement, ça arrive). L’exemple vient de haut: je citerai Mit Brennender Sorge et Laudato Si, deux documents qui, pour répondre à des circonstances et des époques complètement différentes, n’en sont pas moins de nature profondément politique, au moins autant que religieuse.

    Cela dit, je tombe d’accord avec vous pour trouver la crèche hors de propos dans une mairie. C’est une entorse à l’esprit de la loi, bénigne quand il s’agit juste d’une gentille tradition locale, beaucoup moins quand c’est une expression identaire, et, pour le coup, politique, qui est à l’oeuvre.

    Je regrette, comme vous, que le débat en vienne à des symboles aussi mineurs dans leur nature que divisifs dans leur utilisation. Mais je ne suis pas d’accord, lorsque vous cherchez (vous n’êtes pas le premier, loin s’en faut) à détourner l’esprit de la laïcité afin de nier la légitimité d’un type d’expression qui ne vous convient pas.

  • @ Numéro N: Vous écrivez : « Il ne me semble pas que la prudente neutralité affichée par l’AMF soit l’affirmation d’une quelconque option philosophique ou spirituelle. […] L’AMF ne prend pas une position de militantisme athée ou anti-clérical; elle ne me semble affirmer la supériorité de rien. »

    Pourtant, à la page 6, le document de l’AMF affirme que la laïcité n’est pas seulement un mode d’organisation juridique et politique de la société mais que «c’est aussi une approche philosophique du vivre ensemble, que l’on peut qualifier d’humaniste parce qu’elle ne se réfère à aucun dogme religieux, ni à aucune vérité́ «révélée», et qu’elle n’est soumise à aucun appareil religieux».

    Il est donc clair que l’AMF affirme bel et bien une option philosophique / spirituelle -et, partant, sa supériorité sur les autres.

  • Manuel Atréide a écrit :

    contient une provocation directe à résister à l’exécution des lois ou aux actes légaux de l’autorité publique

    Je sais bien que dans certains milieux, on n’hésite pas à violer les lois qu’on n’aime pas, mais la plupart des gens font très bien la différence entre critiquer une loi et « résister à son exécution ». L’esprit de la loi de 1905 ce n’est pas « pas de sermon politique en chaire » mais « pas de pouvoir politique en chaire ». Radicalement différent.

    Sinon, il y a une différence fondamentale, rarement soulignée, entre la France de 1905 et la France de 2015 : elle tient à l’importance de la place de l’Etat. En 1905, les dépenses publiques représentaient 10% de la richesse nationale et l’emprise de l’Etat sur la société était extrêmement faible. Dire « l’Etat ne subventionne aucun culte » cela revenait à dire « faites votre truc entre vous, on ne vous aidera pas, on ne vous nuira pas ». Aujourd’hui, les dépenses publiques représentent 58% de la richesse nationale, et quiconque veut monter le moindre projet doit respecter 1000 pages de réglementation, obtenir 5 autorisations, payer 25 taxes et peut prétendre à 5 subventions. Dans un tel contexte, dire « l’Etat ne subventionne aucun culte » revient à discriminer activement toute activité religieuse par rapport à une activité laïque qui aura droit, elle, aux autorisations et subventions. Dit autrement et plus simplement, en 1905 la place du village appartenait au public et chacun y faisait ce qu’il voulait (même une crèche ou une activité religieuse) tant qu’il ne troublait pas l’ordre public; aujourd’hui la place du village appartient à l’Etat (la mairie) qui peut invoquer la loi de 1905 pour interdire les représentations religieuses et seulement elles.

    Si je m’écoutais, je dirais que ceci illustre une fois de plus comment la confusion entre l’Etat et la société conduit à soumettre à décision collective ce qui relève de la liberté individuelle et dresse donc les membres de la société les uns contre les autres dans une quête éperdue de privilèges légaux (oui aux subventions pour l’expo « l’influence de la pédophilie dans l’art religieux du moyen-âge » qui se tiendra dans la grande salle de la mairie; non aux subventions pour la crèche de Noël qui n’aura d’ailleurs pas le droit de se tenir sur le parking, même derrière les poubelles). Mais on pourrait, non sans raison cette fois-ci, me reprocher de pousser la discussion vers mes sujets de prédilection. Alors j’en resterai là.

  • A ce que je vois, 110 ans après la promulgation de la loi, le texte pose toujours problème.

    Désolé mais quand l’article 26 stipule qu’« Il est interdit de tenir des réunions politiques dans les locaux servant habituellement à l’exercice d’un culte » il n’y a aucun astérisque pour en exempter le pasteur, le rabbin, le curé ou l’imam. Le lieu de culte ne peut pas être prêté à un candidat ou une formation politique, mais l’affectataire du lieu ne peut pas non plus en organiser une lui même. Tel est le sens de mon propos : « Pas de prêche politique dans les mosquées, pas de sermon politique en chaire. »

    Après, à partir de quand peut-on considérer qu’une cérémonie religieuse prend un caractère politique ? Chacun a son opinion là dessus. Mais lorsqu’un imam dans son prêche commente la loi sur les signes religieux et en fait le coeur de son propos, on est sorti là du pur cadre religieux pour intervenir dans la vie de la cité. Quand un prêtre fait un sermon sur la réforme du mariage et que des paroissiens tractent à la sortie de la messe pour lmpt (quel drôle de nom), on est là encore en train d’intervenir dans la vie de la cité. Ce que la loi de 1905 ne permet pas.

    Elle a d’autant plus voulu la séparation du religieux de cette vie politique qu’elle est allée jusqu’à mettre en place une sacrée entorse (permettez moi le jeu de mot) aux droits du citoyen avec l’article 40 : « Pendant huit années à partir de la promulgation de la présente loi, les ministres du culte seront inéligibles au conseil municipal dans les communes où ils exerceront leur ministère ecclésiastique. »

    Cela n’a certes pas empêché la carrière du chanoine Kir, mais l’intention est limpide : on coupe les ponts.

    Tel est le pays dans lequel nous vivons. Il est laïc et non chrétien. 110 ans après, il serait temps de vous y faire, je crois, d’autant que cet état de fait ne vous enlève qu’une seule chose : l’exclusivité. Ce n’est pas une si mauvaise chose, je crois, vu que les chrétiens ne l’ont jamais eu dans les faits mais que cette exclusivité légale a occasionné des poursuites sur les autres cultes. Désormais, le régime est « liberté & responsabilité ».

    Nous aurions pu trouver pire.

  • Manuel Atréide a écrit :

    A ce que je vois, 110 ans après la promulgation de la loi, le texte pose toujours problème.

    Non. Le texte n’a pas posé problème pendant 110 ans et en pose maintenant.
    Il y avait des crèches dans les mairies en 1905, en 1915, en 1925, en 1935, en 1945, en 1955, en 1965, en 1975, en 1985, en 1995, en 2005. C’est en 2015 que ça pose problème. Pourquoi?

    Manuel Atréide a écrit :

    Tel est le sens de mon propos : « Pas de prêche politique dans les mosquées, pas de sermon politique en chaire. »

    Vous fournissez la réponse. C’est aujourd’hui seulement qu’on veut réinterpréter cette loi pour exclure la religion et les religieux du débat politique alors que l’esprit et la lettre de la loi de 1905 les excluaient seulement du pouvoir politique. On veut transformer une loi d’apaisement et de neutralité en loi d’exclusion et de pouvoir. Voila ce qui pose problème.

    Manuel Atréide a écrit :

    l’article 40 : « Pendant huit années à partir de la promulgation de la présente loi, les ministres du culte seront inéligibles au conseil municipal dans les communes où ils exerceront leur ministère ecclésiastique. »

    Encore une illustration de mon propos. L’article 40, qui sépare religion et pouvoir politique, n’a jamais posé de problème, ni hier, ni aujourd’hui.

  • Au moins Altréide a le mérite d’être clair et d’avancer sans masque : seuls les francs macs ont le droit d’intervenir dans la vie de la cité. Les autres sont priés de la boucler.

  • Manuel Atréide a écrit :

    Tel est le pays dans lequel nous vivons. Il est laïc et non chrétien.

    Non. Vous êtes dans le contresens le plus complet.

    La République – et non pas le pays – est laïque, c’est-à-dire neutre. Le pays, lui, est libre, et donc libre d’être divers, ce qui est le contraire de neutre. La laïcité consiste non pas à imposer une neutralité uniforme à tous, mais, au contraire, à assurer à tous la liberté de leurs diverses croyances.

    Citons:

    La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public.

    Le document de l’AMF, qui cherche à redéfinir la laïcité comme « une approche philosophique du vivre ensemble », autrement une quasi-religion promue comme « un puissant facteur d’émancipation de l’être humain », s’éloigne donc de l’esprit de la loi de 1905. De même que vous, et, malheureusement, qu’un grand nombre de nos compatriotes.

    Manuel Atréide a écrit :

    110 ans après, il serait temps de vous y faire, je crois, d’autant que cet état de fait ne vous enlève qu’une seule chose : l’exclusivité. Ce n’est pas une si mauvaise chose, je crois, vu que les chrétiens ne l’ont jamais eu dans les faits mais que cette exclusivité légale a occasionné des poursuites sur les autres cultes.

    Des poursuites à l’égard des autres cultes sur une base d’exclusivité chrétienne? Je vous prie de citer vos sources.

    On oublie trop souvent que la loi de 1905 est un texte de compromis. Elle a fait controverse dans les quelques années qui ont suivi, avant d’être admise comme un facteur d’unité nationale. Ce n’est qu’aujourd’hui qu’on essaie de la transformer en texte de combat. D’abord, contre les musulmans, bien entendu, mais, par extension, contre toutes les religions. J’y vois un dévoiement très dangereux, tout particulièrement alors que les attentats entretiennent la tentation toujours présente de restreindre les libertés au profit de la sécurité.

  • Je suis né un peu tard pour connaître Charles de Gaulle mais effectivement je le préfère à Altréide, merci Koz.
    Une considération me chagrine particulièrement: Altréide, vous parlez de propos politiques tenus dans les lieux de culte. Pour les mosquées je ne sais pas mais pour les églises, j’ai déjà entendu quelques sermons, quelque fois engagés c’est vrai. Cependant, permettez-moi de vous dire cela: sous prétexte de respect de lois, personne ne peut être empêché de se prononcer contre un texte visiblement en opposition avec ce que ces mêmes lois défendent, à savoir la dignité. Oh non, il va parler de la Manif pour Tous (oui la LMPT). Oui ou plutôt de ce qu’elle défend. L’engagement des chrétiens et de leurs ministres du culte a comme fondement leur foi, ce qui a du sens pour eux, qui vaut la peine qu’on y fasse attention. Sérieusement, comment éluder une question majeure qui s’oppose à tout ce que le christianisme défend de beau, de faible et d’essentiel? Si cela vous heurte trop, pensez que le prêtre affirme les bases de la foi lors de son sermon et le croyant sait ensuite très bien, en son âme et conscience, comment le comprendre dans le contexte « de la cité ». Je ne relèverai pas si vous affirmez que la foi n’a pas à être visible à l’extérieur: c’est sa définition au contraire.

    Il est quelque fois pesant de constater que seul un certain type de gens, ceux qui se fondent dans la masse, semblent dignes d’être entendus…

  • Matt a écrit :

    Il est donc clair que l’AMF affirme bel et bien une option philosophique / spirituelle -et, partant, sa supériorité sur les autres.

    Gwynfrid a écrit :

    Le document de l’AMF, qui cherche à redéfinir la laïcité comme « une approche philosophique du vivre ensemble », autrement une quasi-religion promue comme « un puissant facteur d’émancipation de l’être humain », s’éloigne donc de l’esprit de la loi de 1905.

    Certainement pas. La loi de 1905 se borne à constater la présence de croyances directement antagonistes, historiquement irréconciliables, et se fondant chacune sur des ressentis subjectifs.

    En matière politique, notre façon de résoudre les antagonismes et de désigner la voie à suivre, c’est le vote démocratique. En matière religieuse, on attend impatiemment que les croyants proposent une démarche permettant de trancher entre leurs différentes croyances.

    D’ici là, une prudente neutralité s’impose. C’est la laïcité, simple voix de la prudence et de la raison, et il n’y a nulle « quasi-religion » là-dedans.

  • dljsouris a écrit :

    Il est quelquefois pesant de constater que seul un certain type de gens, ceux qui se fondent dans la masse, semblent dignes d’être entendus…

    … Voire qu’une certaine « élite » (politique, syndicale, médiatique etc.) auto-proclamée semble, seule, être digne d’être entendue.

  • dans une République laïque, toutes les religions se valent.
    Il ne suffit pas d’écrire une chose pour qu’elle soit exacte, il faut développer l’argument pour en faire une démonstration.
    Que voulez-vous dire ainsi?

Les commentaires sont fermés