Il faut s’en souvenir : c’est au sortir même de la crise financière de 2008 que, tandis que beaucoup appelaient à freiner la spéculation et l’« argent-roi », l’idée de rendre légaux les paris en ligne est brillamment soulevée par le premier gouvernement Fillon. Deux ans plus tard, se prétendant à tort forcé par l’Union Européenne et contraint par une supposée impossibilité de réguler Internet, le gouvernement décide de légaliser une pratique évidemment nocive pour ses citoyens. Les jeux sont faits. Dix ans plus tard, rien ne va plus. L’industrie du jeu étale ses pratiques dans nos rues et sur tous nos écrans avec un cynisme odieux sans que les protestations multiples ne la ramènent sur le chemin de la décence. Il est vrai que les 2,2 milliards d’euros de mises récoltées au premier semestre de cette année en France, avant même l’Euro de football, ont de quoi endormir toute ébauche de sursaut moral.
C’est aujourd’hui à l’Etat croupier de réparer les conséquences délétères de sa faute. Car désormais, les publicités des sites de paris visent délibérément les jeunes et, pire encore, par le vocabulaire employé et les personnes représentées, des jeunes de milieux populaires chez lesquels il instille une habitude toxique. Comble de l’indécence, on apprend que ces sites instaurent des limitations pour les joueurs qui gagnent et vont jusqu’à relancer personnellement leurs bons clients : ceux qui perdent le plus. Combien de jeunes s’engagent ainsi dans une vie de surendettement à peine la majorité acquise, à supposer qu’ils l’aient seulement attendue ?
L’Etat peut agir. Les pratiques dénoncées sont susceptibles de caractériser le délit de pratiques commerciales trompeuses, qu’il peut décider de poursuivre. Quant à la publicité, l’Etat peut prendre exemple sur les règlementations en vigueur pour le tabac, l’alcool ou le crédit à la consommation. A défaut de choisir l’interdiction totale, comme pour le tabac, il peut décider de réglementer les mentions et représentations, et par exemple interdire les références à la jeunesse, à la fête, au surcroît d’émotion apporté par les paris etc. A l’Etat, bien qu’actionnaire, de démontrer aux Français où vont ses priorités : à la valorisation de ses participations et aux rentrées fiscales ou à la protection de ses citoyens parmi les plus fragiles contre le fléau du surendettement.
Une chronique de début juillet…
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Tout à fait d’accord sur cette analyse.