2019, année zéro

Il est l’heure de clore une saisissante saison de chroniques. Chronique d’un bouleversement profond, public et intime. Depuis l’été dernier, ce fut un an de coups sourds et répétés. On se retourne, incrédules, sur une inconcevable succession de révélations, livres, procès, films et documentaires, conjugués cet hiver, qui en a laissé plus d’un hagard et rompu. Nous venions d’apprendre avec Guillaume Cuchet qu’en 1965, « notre monde a cessé d’être chrétien »*. 1965, 2019 : il ne sera pas nécessaire d’attendre la fin de l’année, un demi-siècle ou les travaux d’un historien pour dater de cette année un autre point de bascule.

Certains ont vu dans ces évènements les attaques du monde contre l’Eglise. De fait, aujourd’hui plus qu’hier, l’Eglise n’a plus les moyens d’en imposer. La voilà faible, fragile, à la merci. Mais alors ainsi soit-il, car elle ne tire pas sa force de la puissance. Et s’il convient de trouver une raison à cette année, il faudrait y voir plutôt la main d’un Dieu impatienté, qui nous saisit et nous secoue pour qu’enfin les écailles tombent de nos yeux scellés sur les péchés et sur les crimes.

Certainement, les mois passés ont changé l’Eglise. Pourtant, 2019 n’est pas une année de désespoir. Bien sûr, il n’aurait jamais fallu le calvaire des victimes. Mais aujourd’hui nous savons, et nous mettons des visages et des noms, des prénoms parfois, sur ces réalités occultées. Nous aurions aussi préféré que nous soit épargnée la tourmente de cette année. Pourtant, au bout du compte, nous ne pouvons pas regretter 2019. La souffrance est un passage. Elle nous traverse. Nous la traversons. Le Christ n’a pas dit son dernier mot.

2019 n’a pas été seulement une année de vérité, mais une année de croissance, de responsabilité et de maturité. Cette année, quand le désarroi l’emportait, sa Parole a pu être notre refuge immédiat – dans tous les sens du terme. Des fidèles choqués mais déterminés à ne pas laisser s’éteindre la flamme qui les anime et les fait vivre se sont organisés pour se parler, comprendre et chercher des moyens d’agir. L’Eglise y gagne des laïcs impliqués et non plus simplement délégataires. Au milieu de probables autres pénibles révélations, la fin de 2019 et les décennies qui viennent restent à écrire, de décisions d’organisation en inspirations prophétiques. 2019, on reboot.

Chronique du 30 juillet 2019 – le délai que j’ai pris à publier ici nous conduit de fait au bord d’une nouvelle saison. Prochaine chronique, sur le site de La Vie, le 21 août.
unsplash-logoDavid Dvořáček

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